Page 29 - LE CHRISTIANISME CELTIQUE
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nom des druides n’a rien à voir avec celui du chêne, même
si cet arbre a une signification symbolique très marquée
dans la tradition celtique — comme dans bien d’autres,
d’ailleurs… Le mot druide provient en effet de deux termes
celtiques d’origine indo-européenne, dru, préfixe superlatif,
et ides, apparenté au grec idein et au latin videre, signi-
fiant «voir». Les druides sont donc les «très voyants», ce qui
met en relief, à n’en pas douter, leur caractère de média-
teurs entre les dieux et les hommes: ils sont ceux qui, en
reprenant la phrase d’Alfred de Vigny, dans Chatterton, à
propos des poètes, lisent «dans les astres la route que nous
montre le doigt du Seigneur». Les druides sont comme le
poète si cher à Hugo, ils voient ce que les autres sont in-
capables de voir, ou ce qu’ils ne voient pas encore. Dans
ces conditions, il n’est pas étonnant de constater que la ri-
chesse de la poésie celtique est liée intimement à la fonc-
tion sacerdotale des poètes. Poésie et religion sont deux
aspects complémentaires d’une même réalité. Et cette ré-
alité consiste à transcender l’humain afin que plus aucune
contradiction ne vienne troubler la «profonde et mystérieu-
se unité» entre le monde divin et le monde humain.
Précisément, c’est sur cette notion d’Autre Monde que le
druidisme paraît le plus intéressant et aussi le plus
convaincant. Car si nous ne possédons aucun texte théo-
rique, aucun exposé doctrinal authentique concernant la
religion druidique, le légendaire celtique, qui en est
l’interprétation symbolique et imagée, est particulièrement
abondant en descriptions de l’Autre Monde. A la différence
de ce qui se passe chez les Méditerranéens, cet Autre
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