Page 204 - Aberrations trinitaires du dieu à trois faces
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Il est souvent mentionné: «Celui qui traduit littéralement est
un faussaire; celui qui ajoute quelque chose est un
blasphémateur», dit de façon redoutable le Talmud. La
difficulté est en effet redoutable, car «Traduire», c’est à la fois
perdre et créer, mourir et renaître, sauver l’essentiel au
cours d’un naufrage pour pouvoir prendre pied sur une terre
vierge. C’est bien là que résident l’aventure et le risque
encourus par toute traduction: dans une suite de décisions
sans appel qui constituent sa force et sa faiblesse. Il nous
faut réfléchir ici à une des questions décisives qui se posent
au traducteur ou face à toute entreprise de traduction: celle
des «lieux et enjeux de la traduction.» En effet, il n’est
aucune traduction standard, car tout traducteur est unique,
et ce qui nous importe de remarquer est qu’il appartient
presque toujours à une communauté chrétienne quelconque.
Pour le dire d’un mot, traduire est toujours un parti pris,
car c’est toujours choisir l’approximation à la fois la plus
belle et la plus audacieuse pour faire droit au texte que l’on
traduit selon les principes universels reconnus dans
l'orthodoxie, et jamais en dehors de ce contexte. Ainsi toute

traduction orthodoxe porte la trace des préjugés de son

traducteur et reflète son arrière plan historique, social,
et religieux, même lorsqu'il s'agit de traducteurs non-

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