Page 240 - Les jours de Noé et du Déluge
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La tradition du déluge est si ancienne, si universelle, elle a été
consacrée par des autorités si respectables, qu’il paraît difficile de
n’y voir qu’une invention de la crédulité naïve des premiers âges.
Sans doute des circonstances fabuleuses entourent la plupart des
récits où elle est consignée, mais sous cette enveloppe mythique il
est impossible qu’il ne se cache pas un fait réel et positif, qui a
laissé sa trace dans le souvenir des hommes et s’y est gravé en
caractères ineffaçables. Non-seulement la Genèse, les mythologies
de l’Inde, de la Chaldée, de la Perse, de la Grèce, les annales de la
Chine, les poèmes de l’Edda, les traditions des populations
d’origine celtique, font mention d’un déluge, mais on a rencontré
chez la plupart des tribus du Nouveau-Monde et chez presque
tous les insulaires de la Polynésie le souvenir d’un cataclysme qui
aurait anéanti le genre humain, à l’exception d’un petit nombre
d’individus. On a voulu, il est vrai, expliquer par autant
d’inondations partielles, par des débordements de fleuves et de
lacs, des ras de marée de dates diverses, ces antiques traditions.
La multiplicité de ces récits, et surtout la ressemblance qu’offrent
entre eux les mythes qui s’y rattachent, prouvent cependant qu’il
s’agit ici d’une seule et même catastrophe. Le caractère local qu’a
revêtu chaque légende ne saurait être opposé à l’unité du déluge,
puisque toute tradition mythique, une fois importée dans un pays
auquel elle était étrangère, y prend nécessairement ce caractère.
C’est ce qu’a mis hors de doute l’étude comparée des religions
anciennes. Chaque peuple rapporte à sa patrie des faits dont il
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