Page 153 - LE MANUEL DE LA BIBLE
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bien peu probable qu'un homme eût pu les imaginer et les proclamer. Quand
notre Seigneur vint au monde, les Romains étaient fiers de leur gloire militaire,
les Grecs de leur sagesse supérieure. Parmi les Juifs régnait un esprit
pharisaïque, et toute la nation était divisée en sectes et partis qui n'étaient
d'accord que pour haïr tous les païens en général, et les Romains leurs
oppresseurs en particulier. Un enthousiaste serait certainement devenu le
partisan d'une de ces vues exclusives; un imposteur aurait flatté toutes ces
sectes en condamnant les fautes et les erreurs des autres, ou la nation en
condamnant la domination étrangère. Jésus-Christ arrive au contraire, docteur
indépendant, repoussant toutes les erreurs, condamnant toutes les sectes, et
sans même rien faire pour se concilier la faveur des masses. Ses préceptes
ordonnent de rendre le bien pour le mal, d'aimer ses ennemis, d'être humble et
plein de support, de considérer tous les peuples, races, tribus et nations,
comme étant sur le même niveau devant Dieu. Évidemment, ils n'étaient
acceptables pour personne; néanmoins il les répète et les reproduit avec la plus
grande force et la plus vive insistance.
On peut objecter, il est vrai, que les hommes sont toujours disposés à
recommander un degré de moralité supérieur à celui qu'ils pratiquent eux-
mêmes et qu'ils espèrent obtenir des autres, et que les anciens philosophes ont
écrit des traités remplis d'une morale beaucoup plus pure que celle qui avait
cours parmi leurs compatriotes. Cette observation serait spécieuse si les
pêcheurs de Galilée avaient étudié la philosophie; mais c'étaient des hommes
ignorants, et leurs préceptes sont supérieurs non-seulement à la morale telle
qu'elle était mise en pratique, mais encore à la morale telle qu'elle pouvait être
conçue et rêvée par l'esprit humain. L'Evangile n'est pas seulement meilleur
que la conduite des hommes; il est en opposition complète avec elle. La
patience dans l'épreuve, le pardon des injures, l'exercice d'un esprit soumis,
non-seulement n'étaient pas mis en pratique, mais ils n'étaient pas même
admirés; l'Evangile, en nous les prescrivant comme des devoirs, les rattache à
un héroïsme spirituel dont le monde n'a pas la moindre idée; car la grandeur
morale a toujours été considérée dans ce monde comme inconciliable avec les

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