Page 117 - La Guerre Sainte par John Bunyan
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et de les jeter en prison, en chargeant les habitants eux-mêmes de
les garder. Cet ordre, aussitôt exécuté, ne fit qu'aviver la douleur et
la terreur des habitants. Ceci semblait confirmer les craintes qu'ils
avaient éprouvées de voir la Cité de l'Âme complètement détruite. À
quel genre de mort seraient-ils condamnés ? Combien de temps au-
raient-ils à souffrir ? Ces pensées les préoccupaient, et ils redou-
taient par-dessus tout d'être envoyés dans cet abîme qui effrayait
l'Usurpateur Diabolus, car ils savaient bien qu'ils avaient mérité un
châtiment. D'ailleurs, il était dur aussi d'avoir à supporter la dis-
grâce dans laquelle ils se sentaient maintenus, et il aurait été dur
d'avoir à mourir sous l'épée d'un prince aussi excellent qu'Emma-
nuel. L'emprisonnement des seigneurs Intelligence, Conscience et
Volonté jetait aussi la Cité de l'Anne dans le désarroi. C'étaient eux
qui avaient toujours gouverné la ville: les exécuter ce serait la dé-
capiter. Longtemps, les citoyens repassèrent ces pensées en leur
coeur. Chaque jour, leur incertitude et le silence du Prince sem-
blaient plus difficiles à supporter; enfin, aidés des prisonniers, ils
décidèrent d'envoyer une pétition à Emmanuel et choisirent pour
porter celle-ci un monsieur « VOUDRAIT VIVRE ». La dite pétition
contenait des louanges pour le Prince victorieux, puis la Cité de
l'Âme s'humiliait et demandait son pardon en faisant appel à la
grandeur de la Miséricorde royale. « Que nous vivions devant ta
face, ajoutaient-ils, et nous serons tes serviteurs... Âmen. »
Le Prince prit la pétition des mains du messager, il la lut, puis ren-
voya son porteur sans mot dire.
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