Page 304 - LE MANUEL DE LA BIBLE
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l'interprétation est fausse. Il faut également, si l'ensemble s'explique d'une
manière satisfaisante, repousser toute interprétation de détail qui ne concourt
pas à donner à l'ensemble plus de force et d'harmonie. On a poussé fort loin
cette recherche des détails, au point qu'on est arrivé à des abus regrettables.
Dans la parabole de l'enfant prodigue, on peut trouver d'abondantes et
sérieuses leçons: - l'éloignement de l'enfant en dehors du cercle des affections
domestiques, - sa résolution de chercher le bonheur là où Dieu n'est pas, - le
changement effrayant qui a lieu dans sa position et la conscience qu'il a de ce
changement, - les tentatives qu'il fait pour rétablir sa fortune brisée, - son
désappointement et ses besoins, - l'idée du retour à la maison paternelle, -
l'amour et le bon accueil de son père, - le festin de réjouissance qui célèbre son
arrivée, - le mécontentement jaloux de son frère aîné, - les paroles sévères et
tendres du père à celui-ci, - tout contribue à faire ressortir cette vérité de
l'Evangile, que les plus misérables pécheurs sont bienvenus de Dieu quand ils
retournent à lui; tous ces détails sont importants. Nier cette interprétation,
serait ôter à la parabole toute sa force.
Mais si l'on veut aller plus loin, si l'on veut expliquer que le pécheur est appelé
le plus jeune fils, parce que le pécheur est plus jeune, plus inexpérimenté que
le juste, ou parce que l'état de péché précède toujours l'état de grâce; - que
l'habitant du pays, auquel il s'adresse, représente les prédicateurs de la loi -
que les pourceaux sont les gens remplis de propre justice; - que les carouges
des pourceaux sont les oeuvres de la loi; - que le veau gras représente Jésus-
Christ; - que l'anneau, c'est l'amour éternel de Dieu, le sceau de l'Esprit; - que
les souliers sont la préparation de l'Evangile de paix, les doctrines et les
préceptes de l'Ecriture; - que la musique dont furent blessées les oreilles du
frère aîné, c'est la prédication de l'Evangile, etc., - quand on entre dans tous
ces détails, on finit par perdre de vue l'objet capital de la parabole, on oublie
les grandes leçons qu'elle renferme, pour d'autres que les disciples n'y auraient
pas trouvées. Si l'on veut changer en vérités scripturaires les détails les plus
minces, les nuances les plus délicates, le grand dessein de l'ensemble est
obscurci, et l'on prend l'habitude, non plus de retirer d'un passage les vérités

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