62
Rappelons que tolérance et intolérance ne
s'opposent pas dans le simple monde de la
logique et selon le principe du tiers exclu qui y
prévaut. Bien au contraire, leur lutte n'est
concevable que dans un univers conçu comme
un jeu de forces concurrentielles: il faut ici
utiliser la notion de «grandeur négative»
généralisée par Kant en 1763 et poser que
tolérance et intolérance forment un couple
antagoniste, de la même manière que nombre
positif et nombre négatif. La tolérance ne
possède aucune excellence en soi et ne constitue
pas d'impératif catégorique, puisque, bien qu'elle
fasse montre d'excellence dans un grand nombre
de cas, son champ d'exercice se trouve pourtant
restreint: on ne saurait faire l'économie de son
objet. Aussi bien les raisons majeures qui
expliquent notre difficulté d'approche tiennent-
elles d'abord à des faits. D'une part, on a beau
reculer les limites de l'intolérance, l'existence de
l'intolérable demeure comme telle impossible à
supprimer: on ne saurait déclarer avant toute
expérience qu'il faut l'endurer; d'autre part,