Page 61 - LE POISON SUBTIL DE LA TOLERANCE

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une grâce; aujourd'hui ils la réclament comme un
droit»
. Voilà qui suppose une véritable mutation
dans la conception juridique: loin de constituer
le simple sujet du droit, l'individu apparaît
comme détenteur d'un droit naturel, antérieur à
la fondation de la société et indépendant de
toute religion révélée. Obéir au dictamen de sa
conscience devient pour lui un droit
imprescriptible. Le manichéisme est alors facile:
ou bien on ne voit dans la lutte pour la liberté de
religion qu'une entreprise pour saper les
fondements de la société et de la monarchie
absolue, ou bien on érige la liberté de religion et
de pensée en droits naturels et sacrés,
fondements des seules sociétés dignes de ce
nom. D'un côté, la barbarie d'un pouvoir crispé
sur lui-même et contraint de sévir, engendre le
dégoût de l'homme éclairé; de l'autre, au
contraire, la «rationalité» de la tolérance force
l'adhésion. C'est ce qu'on appelle «être pris entre
l'arbre et l'écorce». Telle est la faiblesse du genre
humain, et telle est sa perversité.