Page 803 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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Cet art, presque aussi ancien que le monde, et qui doit survivre au monde, cet art magique dont la
puissance se fait sentir pour le mal comme pour le bien, qui élève les âmes vers l'Éternel, et qui souvent
divinise la matière et favorise tant de désordres, qui souffle la guerre, qui inspire la volupté, qui, tour à
tour, calme les douleurs ou arrache des larmes aux cœurs joyeux, puissant dans le Ranz des vaches,
puissant dans la Marseillaise, puissant dans les Te Deum, bienfaisant et malfaisant, religieux ou impie, cet
art, connu des anciens Hébreux, et maintenant encore cultivé avec tant de succès par leurs descendants,
depuis Asapb jusqu'à Mendelsohn, a été connu dès avant les jours du déluge, et peut-être que le premier
homme a entendu déjà les chants meurtriers des enfants de Caïn. C'est à cette famille, en effet, que
l'Écriture sainte attribue l'invention des instruments de musique; Jubal, dont le nom rappelle la joie et les
jubilations, fut le premier qui découvrit ou qui inventa les sons éclatants des instruments de cuivre,
Genèse 4:21. En rapportant cette triste origine, l'Écriture ne paraît pas vouloir jeter de la défaveur sur l'art
lui-même, non plus que sur les bergers en général, sur les nomades comme tels ou sur les ouvriers en fer
ou en airain, dont les premiers furent aussi Caïnites; elle ne paraît pas blâmer ces découvertes en elles-
mêmes, et cependant la mention qu'elle en fait n'est pas absolument indifférente non plus. L'homme était
destiné primitivement à l'agriculture; c'était le genre de vie le plus facile, le plus agréable, le plus en
rapport avec son organisation, celui aussi qui exigeait le moins de soucis, qui était le moins de nature à
détourner sa pensée des choses de Dieu; mais la famille de Gain s'étant détachée de celui qui a la vie
éternelle, et ne vivant plus que pour ce monde, elle a pu diriger toutes les pensées vers les beaux-arts et
vers les arts utiles à l'homme; elle a été mise en mesure de bien mériter de la race humaine, d'autant plus
que sa direction était devenue toute humaine; terrestre, et vivant pour la terre, la famille de Caïn a dû
chercher à orner le séjour qu'elle habitait, et moins elle faisait de progrès dans la connaissance des
mystères divins, plus elle devait en faire dans la connaissance des arts et des sciences de la terre. Lémec,
père de Jubal, chantait sans doute ses crimes, Genèse 4:23, et l'on regrette que les plus anciens souvenirs
du chant et de la musique se rattachent à des meurtres et à une famille proscrite de Dieu.
Il est assez probable, que le monde ayant fait invasion dans l'Église, et la famille de Caïn dans celle de
Seth, les arts passèrent d'une famille dans l'autre, et que c'est ainsi qu'ils survécurent au déluge, à la race
détruite de Caïn. La Bible ne dit pas que la musique ait été une seconde fois inventée, et l'on peut croire
que Noé et ses fils, avertis du sort réservé à la terre, profitèrent du terme de 120 ans qui leur était donné,
pour recueillir tout ce qui pouvait être conservé d'utile et d'agréable de l'ancien monde. Quoi qu'il en soit,
nous voyons la musique généralement en usage aux jours de Laban, Genèse 31:27; nous la retrouvons aux
jours de Moïse après l'esclavage d'Égypte, Exode 15:1-22; Nombres 10:2. David organise de nombreux
chœurs de chantres et de musiciens pour le service du temple, et les choisit parmi les Lévites dont les
occupations ont diminué depuis l'érection du tabernacle, 1 Chroniques 25:1; cf. 2 Chroniques 29:25; 30:21;
35:15;
— Voir: Chantres.
— Il paraît que les rois avaient aussi leur musique particulière, comme on peut le conclure de 1
Chroniques 25:2; 2 Samuel 19:35; Ecclésiaste 2:8. Chez les Hébreux, la musique était souvent
accompagnée de danses.
Quant à sa nature il est difficile d'en rien dire, car elle est perdue, et les conjectures nombreuses que l'on a
faites prouvent mieux que tout le reste, qu'on ne doit pas songer à la retrouver. Il est probable cependant
qu'elle était simple et sérieuse, peut-être même sans connaissance de l'harmonie, qui est un
perfectionnement, ou selon quelques-uns, une détérioration du goût naturel, une corruption, dans tous
les cas la civilisation transportée dans la musique, par conséquent l'art dans le sens ordinaire de ce mot.
Ils chantaient, à ce qu'on pense, unisono, chacun suivant la force et la portée de sa voix, et l'on sait que J.-
J. Rousseau regardait ce chant comme le plus pur et le plus beau, tandis que la musique composée n'était,
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