connaissances qu'il avait acquises; Moïse y apparaît comme un homme versé dans toutes les spécialités.
Entouré de pompes et d'espérances, avec la perspective peut-être de monter sur le trône des Pharaons, il
préféra le ciel à la terre, et l'opprobre de Christ à la gloire de ce monde: il quitta la cour et voulut devenir
semblable à ses frères qui gémissaient sous l'ignominie et l'oppression; il voulut les secourir, tua un
Égyptien, essaya d'intervenir comme médiateur entre deux Hébreux, et comprit par la réponse qu'il reçut
de l'un d'eux, que l'heure de la délivrance n'était pas encore arrivée. Menacé de mort, il s'enfuit en
Madian, et, allié d'un prince berger, il acheva de mûrir pendant quarante années de solitude, en gardant
les troupeaux de son beau-père, les projets qu'il avait formés en faveur de son peuple; l'indépendance de
sa nation pouvait être différée, mais elle ne pouvait être perdue pour toujours; on peut croire aussi que
vieillissant et s'affaiblissant, il en vint à ne plus former que de simples vœux, renonçant pour lui-même à
l'honneur qu'il avait rêvé plus jeune, d'affranchir son peuple de tant de misères. Une vision miraculeuse,
accompagnée de grands prodiges et de paroles sublimes, vient dans sa quatre-vingtième année l'arracher
aux travaux paisibles dont il avait pris l'habitude, et faire d'un conducteur de brebis un conducteur
d'hommes vivants. Faible, craintif, irrésolu, se défiant de lui-même, et s'exprimant avec peine, Moïse avait
besoin de miracles pour se décider, et il les obtint: la puissance de Dieu se manifesta dans son infirmité, et
le futur législateur, accompagné de son frère le futur pontife d'Israël, part et vient sans mystère déclarer
au monarque polythéiste les desseins du seul vrai Dieu. Celui qui est. Les efforts réunis des deux frères,
leurs menaces, leur parole accomplie, dix plaies qui frappent successivement l'Égypte en épargnant les
Hébreux, ouvrent à ceux-ci le chemin de la liberté, Exode 6-14. Moïse conduit au désert ce peuple
d'esclaves, leur fait passer de pied sec la mer Rouge, leur donne la loi en Sinaï, les organise en nation,
règle leur culte et leurs institutions religieuses et politiques, ne les entretient que de miracles, ne voit chez
eux que murmures et incrédulité, révoltes et idolâtrie, Exode 11-40; Nombres 10-13. Désespérant enfin
d'un peuple auquel il a tout donné, excepté le cœur et l'amour des grandes choses, il sème et perd au
désert ces hommes qui préfèrent des oignons à la liberté, laisse éteindre cette lâche génération d'esclaves,
forme aux combats et à la prière des hommes nouveaux et libres, leur promet à eux seuls et à leurs efforts
la possession de la terre sainte, abîme les peuplades cananéennes situées en dehors des limites de la
Palestine, et donne leur territoire à quelques tribus plus impatientes; puis, à l'âge de cent vingt ans, il
dépose son autorité entre les mains du fidèle Josué, et meurt ou s'endort sur la montagne du haut de
laquelle sa vue encore bonne a pu contempler la terre après laquelle il avait longtemps soupiré, dont un
mouvement d'incrédulité l'a banni lui-même, et où il n'est entré enfin que deux mille ans plus tard,
lorsque Jésus le reçoit sur le mont Tabor, Matthieu 17:3.
La vie de Moïse embrasse les quatre derniers livres du Pentateuque, et c'est lui-même qui l'a écrite. Elle
est trop connue pour qu'il soit nécessaire de la raconter ici en détail, et se rattache d'ailleurs à une
quantité de noms et de faits qui tous ont leurs articles spéciaux,
— Voir: Aaron, Balaam, Manne, Coré, Loi. Mer Rouge, etc., etc.
Nous nous bornerons donc à éclaircir les points obscurs de son histoire qui ne touchent qu'à lui seul, sans
entrer dans l'examen de questions qui sont résolues ailleurs.
1.
On ne peut ni prouver ni commenter les miracles, et l'histoire de Moïse en est pleine: la foi seule
les admet, l'incrédulité les rejette ou cherche à les expliquer d'une manière naturelle. Quoiqu'il faille en
général se méfier des explications, il faut cependant éviter aussi de tomber dans l'excès contraire, qui
cherche à multiplier inutilement une intervention du Très-Haut dans les événements de la nature, lorsque
rien dans l'Écriture ne justifie l'idée d'un miracle proprement dit. C'est ainsi qu'on a voulu voir un miracle
dans la délivrance du jeune Moïse sauvé des eaux par une princesse d'Égypte; à ce compte-là, toutes les
préservations providentielles seraient des miracles, et si l'on veut en effet donner ce nom à toutes les
dispensations divines, à la bonne heure; mais on doit se rappeler des faits tout semblables dans les
histoires de Sémiramis, de Cyrus, de Romulus, et d'autres personnages historiques arrachés à la mort
contre toute probabilité humaine, mais par des moyens et des secours tout humains: c'étaient des cas, si
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