Page 703 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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Après cette question préalable, et dont la solution n'est pas sans importance, on doit se demander si, en
admettant même l'existence de la licorne, c'est bien de cet animal qu'ont voulu parler les auteurs sacrés
sous le nom de reém. Pour cela, voyons les caractères qu'ils lui donnent, et examinons brièvement chacun
des passages où il en est parlé:
1.
Nombres 23:22; et 24:8, il n'est question que des forces du reém;
2.
Deutéronome 33:17, les forces de Joseph sont comme les cornes d'un reém, ou plutôt comme des
cornes de reém, sans que rien soit préjugé sur le nombre qu'en porte chaque individu (de même Psaumes
22:21); le reém est mis en parallélisme avec le taureau, probablement sous le rapport de la force et de la
puissance; cf. aussi Psaumes 29:6.;
3.
Job 39:12-13, le reém ne se laisse pas attacher à la charrue comme fait l'âne et le bœuf, il rompt ses
liens; on ne peut ni l'apprivoiser, ni le dompter;
4.
Psaumes 22:21, le reém est dangereux, sa corne ou ses cornes lui servent d'armes;
5.
Psaumes 29:6, le petit du reém est nommé à côté du veau, comme animal aux ébats joyeux et
légers;
6.
Psaumes 92:10, la corne du reém est élevée, ce qui implique tout ensemble une certaine longueur,
sa position à peu près perpendiculaire sur la tête, sa direction vers le ciel, et sa force; le singulier ne
prouve rien, pas plus que lorsque nous disons: «la corne du taureau est plus courte que celle du bœuf;»
7.
Ésaïe 34:7 (grande hécatombe offerte en l'honneur du Seigneur), les reéms descendront avec les
béliers (verset 6), et les veaux avec les taureaux, c'est-à-dire les forts et les sauvages avec les faibles et les
inoffensifs; le caractère du reém est ici d'une manière générale la force, peut-être la férocité.
— Il résulte de ces sept ou huit passages que le reém est sauvage, cornu, vif, indépendant et dangereux;
cela peut s'appliquer à la licorne si elle existe (ainsi font Meyer, Schmidt, et presque Rosenmuller), mais
cela peut aussi se rapporter à beaucoup d'autres animaux; c'est ainsi, que suivant les traces d'Aquila et de
Saadias, Michaélis, Bruce et Harris pensent qu'il s'agit du rhinocéros; Schultens, Bridel, Gesenius, De
Wette, Hitzig, du buffle; Bochart, Rosenmuller (?), Winer, de l'oryx des anciens, opinion peut-être
appuyée par la tradition juive, et qui se justifierait aussi par le nom de réim que les arabes donnent
encore, d'après Niebuhr, à cette espèce de gazelle. L'oryx, appelé par Linnée antilope leucoryx, ou gazelle
blanche, est représenté par Oppien comme sauvage et indomptable, par Pline comme n'ayant souvent
qu'une corne, par Hérodote comme atteignant à peu près la taille du bœuf; il habite particulièrement
l'intérieur de l'Afrique, mais il se trouvait aussi anciennement en Égypte où les auteurs sacrés auront pu
en avoir connaissance. S'il faut se décider, nous nous rangerons volontiers à cette opinion tout en
reconnaissant qu'elle n'est pas sûre, et en avouant que plusieurs considérations recommanderaient aussi
l'opinion de Harris, car d'après Good, le rhinocéros porte encore en Arabie le nom de reém, et il serait
étonnant qu'un animal aussi remarquable et aussi connu de l'Égypte et des côtes de la mer Rouge n'eût
été mentionné en aucune manière dans l'Ancien Testament. Quant au buffle, la raison principale qui
soutient cette traduction, c'est que le reém paraît être plusieurs fois mis en comparaison du bœuf et du
taureau, Deutéronome 33:17; Psaumes 29:6; en suivant le même principe on pourrait aussi chercher cet
animal dans la famille du lion, Psaumes 22:21, ou dans celle du bélier, Ésaïe 34:7-8, et l'on mettrait le
léviathan avec les oiseaux comme un gros parmi les petits, Job 40:24.
Chacun décidera dans cette question suivant que l'un ou l'autre argument lui paraîtra le plus fort; disons
seulement que l'objection tirée de ce que les poètes hébreux ne pouvaient avoir connaissance de
l'existence de la licorne, si elle existait, parce qu'elle ne vivait certainement pas en Palestine, ressemble à
l'assertion d'Eichhorn, qu'Ésaïe ne pouvait connaître l'Égypte puisqu'il n'y avait pas encore d'itinéraires à
cette époque.
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LIERRE,
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