laquelle il le consultait d'une manière indirecte et délicate, ne se contraignit point dans l'expression de ses
désirs; il imagina pompe sur pompe; cheval royal, vêtements royaux, couronne du roi, rien ne pouvait
être trop beau, et le plus grand des seigneurs de la cour devait accompagner dans les rues de la ville la
marche triomphale de ce sujet bienheureux. «Eh bien! lui dit le roi, hâte-toi, et fais ainsi à Mardochée, le
Juif.» Quelle que fût la fortune et la grandeur d'Haman, il n'était qu'un esclave auprès du roi et ne put
qu'obéir: il dut lui-même honorer celui dont il venait quelques minutes auparavant demander la mort, il
dut crier devant lui dans les rues: «C'est ainsi qu'on doit faire à l'homme que le roi prend plaisir
d'honorer.» Une nuit d'insomnie avait tout fait; le roi avait pris connaissance d'une conjuration qui avait
été découverte sous son règne par Mardochée, et, s'étonnant que Mardochée n'eût pas reçu de
récompense pour un si grand service, il avait résolu de réparer cette ancienne faute, et de la réparer d'une
manière éclatante. Après sa fatale promenade, Haman rentra chez lui tout affligé, et ayant la tête
couverte; il se hâta de donner à sa femme et à ses amis la clef de cette énigme inconcevable, et de leur
expliquer comment, allant demander la mort de Mardochée, il avait dû servir lui-même à son élévation:
alors ces sages comprirent que ce ne serait pas un fait isolé, et que l'ancien favori tomberait devant le
nouveau, Haman devant le Juif. En même temps les officiers du roi vinrent chercher Haman pour le
conduire au festin de la reine: on peut se représenter qu'il y triompha moins que la veille. Sur la fin du
repas, Ester ayant été invitée par le roi à lui demander tout ce qu'elle voudrait, jusqu'à la moitié de son
royaume, demanda la vie pour elle et pour son peuple, découvrit qu'elle était Juive elle-même, et par là
enveloppée dans le décret de proscription, représenta au roi combien cette mesure était contraire à ses
intérêts, et lui fit voir que les dix mille talents offerts par l'oppresseur ne compenseraient pas le dommage
que le roi en recevrait. Il paraît que le roi n'avait plus présente à l'esprit la permission qu'il avait accordée
à son favori, soit qu'il l'eût donnée dans un moment de distraction, soit qu'au milieu de tous ses autres
intérêts la chose lui parût peu importante, puisqu'il ne s'agissait que de quelques esclaves étrangers et
rebelles. Ester dut nommer le coupable, et Haman voyant bien à l'expression du roi qu'il était perdu,
profita d'une absence de celui-ci pour se jeter aux pieds de la reine et lui demander la vie. Mais le roi qui
rentrait, ayant vu ce mouvement, l'interpréta mal comme on fait toujours dans la colère, et n'en fut que
plus irrité, la sentence fut prononcée, et, sur l'observation qu'un gibet dressé par Haman pour Mardochée
s'élevait près de là, le favori disgracié y fut conduit et pendu.
Il n'y a rien dans cette prompte chute, et dans ce passage subit des plus hautes distinctions au supplice le
plus infâme, qui puisse étonner quand on connaît la justice expéditive et sommaire de l'Asie. Rien ne peut
étonner non plus dans la permission donnée par le roi à un de ses serviteurs d'exterminer une partie des
hommes qui habitent son territoire, hommes qui n'ont point d'histoire pour lui, et qu'il ne connaît que par
les renseignements incomplets et tronqués que lui donne un homme puissant, qui veut s'en défaire, parce
qu'un d'entre eux l'offusque. Ce que les voyageurs modernes nous disent de l'Asie, depuis
Constantinople ou Alexandrie jusqu'à Pékin, n'est que trop d'accord avec cette brutalité de l'autocrate et
bouillant Xercès; ces monarques n'ordonnent que par caprice, et peuvent envoyer à la mort des
populations entières, aussi bien que leurs femmes ou leurs favoris; il suffit que celui qui veut obtenir le
décret sache bien choisir son moment. Dans la lutte entre Ester et Haman, la victoire ne fut à la reine que
parce que le roi se trouvait bien disposé, Est, 4:11; 5:2, et Dieu travailla avec la pieuse Juive parce que
celle-ci, de son côté, exposait sa vie pour sauver son peuple.
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HAMASA.
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1.
1 Chroniques 2:17; 2 Samuel 17:25, fils de Jéther ou Jithra, et d'Abigal, fut nommé par Absalon
chef d'armée, en remplacement de Joab son cousin qui préféra le service du roi. Hamasa survécut à la
bataille dans laquelle Absalon fut vaincu et tué; et David, soit par politique et pour se l'attacher, soit par
répugnance pour Joab le meurtrier de son fils, le maintint à la tête des troupes, 2 Samuel 19:13. Joab irrité
et jaloux, voyant d'ailleurs le peu de zèle que Hamasa témoignait pour le service du roi contre les
rebelles, 20:5-7, et impatient de se venger, surprit son rival près de Gabaon, et le frappa en feignant de
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