Page 1171 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

Version HTML de base

VISION D'ÉZÉCHIEL.
Avant de passer à la description du temple de Zorobabel, c'est ici le lieu de dire quelques mots de la
vision renfermée dans les neuf derniers chapitres d'Ézéchiel, et spécialement des chapitres 40:1-43:12. Le
prophète, qui, malgré les malheurs de sa patrie, attend la restauration d'Israël, et qui termine son livre par
ce long cri d'espérance, de joie et de triomphe, voit en vision le saint lieu rétabli, le sacerdoce réintégré
dans ses fonctions, le culte renouvelé, Jérusalem restaurée, une source de bénédictions nouvelles
descendre sur un peuple longtemps coupable, mais puni et pardonné, et l'Église sortie de ces ruines, se
partager de nouveau Canaan pour y servir à toujours l'Éternel. Si l'on oublie le sens de cette vision, l'on
tombe aussitôt dans le non sens; Villalpande, en voyant dans ce temple symbolique une réminiscence du
temple de Salomon (ce qui est cependant contredit par la différence des détails), Grotius, en y voyant une
réminiscence du temple tel qu'il était lorsqu'il fut détruit par Nébucadnetsar, méconnaissent le caractère
spirituel de la prophétie. Dœderlein, au contraire, en ne voyant que le côté idéal de cette vision, en n'y
voyant qu'une description poétique, une œuvre de fantaisie, un élan d'imagination, ou bien encore une
œuvre d'art, un plan médité à loisir, méconnaît la mission religieuse du prophète et de la prophétie en
général, mission positive, pratique, féconde, messianique. Herder, Eichhorn et d'autres n'ont ni mieux
compris, ni mieux réussi en cherchant à réunir ces deux points de vue différents, et en disant qu'Ézéchiel
voulait laisser à la génération nouvelle le modèle d'un temple à reconstruire lorsqu'ils seraient rentrés
dans leur patrie, et qu'il a fait ce plan moitié de souvenir, moitié d'imagination. Les commentateurs juifs
se rapprochent de l'idée messianique, mais ils la présentent, comme toujours, sous un point de vue
charnel; Ézéchiel a vu le temple tel qu'il existera matériellement lors de la venue du Messie. Ewald, qui
partage en quelque sorte cette manière de voir, ajoute que si le prophète décrit si minutieusement
certaines parties du temple et de l'autel, maintenant détruits et perdus, c'est pour que du moins le
souvenir en reste, et qu'on puisse les reproduire et les reconstruire lorsqu'Israël sera délivré et rétabli. La
conscience chrétienne a si formellement protesté contre cette interprétation judaïque, que par réaction
sans doute, et par un excès de spiritualisme, on en est venu à appliquer généralement et exclusivement
toute cette vision à l'Église du Nouveau Testament. Quelques théologiens ont essayé de tempérer cette
vue exagérée, en admettant qu'Ézéchiel a bien voulu faire la description d'un temple matériel que les Juifs
devraient bâtir un jour, mais que ce temple serait l'image et la représentation de, l'Église. Il y a dans
toutes ces interprétations quelque chose de trop arbitraire ou de trop dogmatique. La vision d'Ézéchiel ne
peut être prise ni comme une description matérielle, ni comme un travail d'imagination, ni comme un
composé de l'une et de l'autre, ni comme un simple type; elle est un symbole. Il importe en effet, de
remarquer:
a.
que le temple de Zorobabel n'a pas été construit d'après les données d'Ézéchiel, quoique les
contemporains du prophète fussent encore vivants; preuve qu'on n'estimait pas qu'il eût voulu imposer
de la part de Dieu la forme du nouveau temple,
b.
Plusieurs détails de la description étaient d'une exécution matériellement impossible, n'ayant
qu'une valeur symbolique; ainsi, l'étendue de l'enclos autour du temple, 500 cannes de côté (1800 mètres),
42:16; sq.; la gloire de Dieu qui se manifeste, 43:2; les eaux qui sortent de dessous le seuil de la maison,
qui augmentent en volume jusqu'à devenir un torrent que le prophète traverse à la nage, quoiqu'elles
n'aient point d'affluent, qui finissent par se jeter dans la mer d'Orient, la mer Morte, et qui en assainissent
les eaux, 47:2; sq.; le nouveau partage du pays entre les douze tribus, partage qui n'a jamais eu lieu, 47:13,
etc.
c.
Ézéchiel, le lévite, avec son caractère sacerdotal et mosaïque, si attaché à la loi de l'Éternel,
d'ordinaire si attaché à la lettre du Pentateuque, l'abandonne ici à plusieurs reprises, n'en conservant que
l'esprit, et semble entrer dans une voie nouvelle de développement, comme s'il pressentait celui qui n'est
pas venu abolir la loi, mais l'accomplir; comme s'il pressentait l'ère nouvelle de la loi parfaite, Moïse
remplacé par Jésus, la synagogue par l'Église,
d.
La prophétie est présentée sous la forme d'une vision, et c'est le propre d'une vision de présenter
des idées abstraites sous des formes concrètes, matérielles, physiques; le prophète se voit lui-même
1169