Page 1072 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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1.
C'était, vers le temps de Jésus, le tribunal suprême des Juifs, celui qui jugeait en dernier ressort. Il
siégeait à Jérusalem, et se composait de soixante et onze membres, sacrificateurs ou anciens, pharisiens,
sadducéens, scribes, qui se réunissaient sur la convocation et sous la direction d'un président, lequel
pouvait être, et était ordinairement, le souverain sacrificateur. Un vice-président et deux ou trois
secrétaires complétaient le bureau du tribunal, Matthieu 26:57; Marc 15:1; Luc 22:4; Actes 5:21,27,34; 23:6.
À la droite du président (hannasi, le prince), siégeait le vice-président; à sa gauche, selon quelques
auteurs, siégeait un membre du conseil qui portait le nom de sage par excellence, et Vitringa pense que
c'est à cette fonction que notre Seigneur fait allusion lors qu'il appelle Nicodème un maître en Israël,
magister; mais rien ne confirme ou ne justifie cette tradition. On peut en dire autant des soixante-dix
langues que chaque membre du sanhédrin était, dit-on, obligé de comprendre (Gem. Sanhedr); cette vaste
science se réduisait évidemment à des proportions plus humaines, et doit s'entendre soit, en général, de
connaissances solides et étendues, soit surtout de l'intelligence du texte sacré (Hartmann). Dans des cas
pressants, le conseil s'assemblait dans la maison de son président, Matthieu 26:3; mais, hors de là, il se
réunissait journellement dans une salle des sessions, située aux alentours du temple, du côté du midi.
Plus tard, dans les quarante années qui précédèrent la chute de Jérusalem, il se réunit à Hanoth, dans
certaines demeures (tabernæ) situées, selon les rabbins, sur la montagne du temple en descendant; de là,
il descendit plus bas encore dans la ville de Jérusalem, et, s'éloignant toujours plus du temple, il se fixa à
Jérico, puis à Usa, puis ailleurs, et enfin à Tibériade, où il demeura jusqu'à son entière extinction.
Ce tribunal décidait seul des questions de droit qui pouvaient s'élever entre tribus; les rois, les grands-
prêtres, les faux prophètes, les cas de guerre volontaire et de blasphème, appartenaient également à la
connaissance de ce tribunal, et de lui seul. Les accusés et les témoins étaient entendus, et, suivant les cas,
le sanhédrin prononçait, soit l'une des quatre peines capitales, le feu, la corde, la décapitation et la
lapidation, ou la peine du fouet, Matthieu 26:60; Actes 4:7; 5:40; 6:13. Jésus comparut devant ce tribunal
comme faux prophète et faux Messie; Pierre, comme thaumaturge, s'attribuant des forces divines; Jean,
comme faux prophète et séducteur du peuple; Étienne, comme blasphémateur; Paul, comme enseignant
de fausses doctrines, Jean 11:47; Actes 4:8, etc. Le droit d'arrestation était naturellement dans les
attributions de ce conseil, et l'on voit, par Actes 9:2, qu'il s'étendait au-delà des limites de la Palestine.
Relativement à l'exercice de la justice criminelle, on a trouvé dans Jean 18:31, le texte de nombreuses
difficultés; malgré la précision des termes, portant que les Juifs (le sanhédrin) n'avaient pas le droit
d'appliquer la peine de mort, plusieurs interprètes ont contesté ce fait, et n'y ont voulu voir qu'un
échappatoire des Juifs pour se soustraire à la responsabilité du crime qu'ils voulaient pouvoir rejeter sur
Pilate. Le passage Matthieu 10:17, ne prouve rien dans cette question, ni pour, ni contre, et, quanta la
condamnation d'Étienne, elle porte les caractères d'une vengeance populaire plutôt que ceux d'un
jugement régulier. La tradition rabbinique est unanime à dire que, quarante ans avant la destruction de
Jérusalem, le sanhédrin avait été dépouillé par les procurateurs du droit de vie et de mort, et Flavius
Josèphe (Antiquités Judaïques 20, 9, 1) raconte que lors de l'exécution de Jacques le Juste, quelques-uns
des meilleurs membres de ce corps accusèrent le souverain pontife Anne auprès du procurateur Albinus,
comme ayant outrepassé ses pouvoirs et sa compétence, en prononçant la peine de mort. Ajoutons que si
les paroles, Jean 18:31, n'ont pas le sens qu'on leur donne ordinairement, elles n'en ont aucun; que si elles
expriment une idée fausse, on ne comprend pas que ceux qui les ont prononcées aient osé le faire, et enfin
que le silence de Pilate, en présence de cette réponse des Juifs, serait inexplicable si les Juifs avaient
avancé un fait faux, lorsqu'il avait lui-même le plus grand intérêt à se débarrasser d'une affaire qui
engageait sa responsabilité sans lui rapporter ni profit ni honneur. Il faut donc admettre que, du temps de
notre Seigneur, le sanhédrin était dépouillé du droit de prononcer une condamnation à mort, quoique les
causes qui pouvaient la provoquer fussent encore de son ressort, et qu'il fût chargé de l'instruction du
procès pour les délits ou les crimes ecclésiastiques qui devaient être jugés d'après les principes de la loi
mosaïque. Au reste, le grand sanhédrin n'était pas seulement une cour de justice, mais encore le pouvoir
suprême en matière de législation et d'administration ecclésiastique; il fixait le commencement des
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