— Les pleins pouvoirs temporaires des juges étaient une espèce de royauté temporaire; en offrant à
Gédéon l'hérédité de cette charge dans sa famille (Juges 8:22), les Israélites montraient déjà cet impérieux
besoin de ressembler aux autres nations, dans leur constitution civile, comme dans leurs mœurs et dans
leur religion; Gédéon, en refusant la royauté, paraît la regarder comme antinationale, et contraire à
l'esprit de la loi mosaïque. Le jour vint néanmoins où le vœu populaire ne permit plus à Samuel de
reculer. On voulut avoir un roi «comme les autres peuples», paroles qui renferment en elles-mêmes leur
condamnation. Dieu accéda à ce vœu dans sa colère, jusqu'à ce que, dans sa fureur, il brisa de nouveau
cette unité factice. Saül fut sacré par Samuel, le premier des rois par le dernier des grands hommes de la
république d'Israël. Le droit du royaume, 1 Samuel 10:25, n'est pas mentionné dans le Deutéronome; on
peut supposer qu'il n'était que le développement des droits du peuple et des droits du roi, énumérés
Deutéronome 17, et 1 Samuel 8. Le roi, malgré son titre, n'avait rien d'absolu; régnant sous une
constitution théocratique, il ne devait être que le premier représentant de l'Éternel, du roi céleste, lié par
sa loi souveraine, et chargé de la faire observer; il conservait le caractère de roi théocratique, et, dans
certains cas, l'Urim et le Thummim, un prophète, ou un autre intermédiaire choisi de Dieu, décidaient des
choses que le roi devait considérer et exécuter comme la volonté suprême du Roi des rois, 1 Samuel 28:6;
30:7; 2 Samuel 2:1; 1 Rois 22:7, etc. Dieu continuait donc de se manifester et d'agir directement. En réalité,
cependant, cette intervention immédiate finit par n'être plus que nominale; les rois d'Israël s'arrogèrent
l'omnipotence; ils prirent sur eux de déclarer la guerre ou de faire la paix, 1 Samuel 11:5; ils jugèrent en
dernière instance, et s'attribuèrent le droit de grâce, 2 Samuel 14; 15:2; 1 Rois 3:16. Ils se considérèrent
comme les protecteurs et les chefs suprêmes du culte, 1 Rois 8; 2 Rois 12:4; 18:4; 23:1, et conduisirent, en
général, eux-mêmes leurs troupes à la bataille, 1 Samuel 8:20. Un contrepoids au despotisme se trouvait,
soit dans les capitulations que les rois devaient souscrire avant leur élection, soit dans la constitution des
tribus, dont les chefs réunis formaient une sorte de représentation nationale, 1 Samuel 10:25; 2 Samuel 5:3;
1 Rois 12:4; 2 Rois 11:17; 1 Chroniques 4:42; cf. 13:2; 29:1; quelquefois aussi le peuple intervenait
directement contre certains actes, et se faisait écouter, 1 Samuel 14:45. Enfin, les prophètes que Samuel
avait établis comme les conservateurs vigilants du régime théocratique, et dont il avait fait un ordre que
Dieu renouvelait toutes les fois que cela devenait nécessaire, les prophètes s'opposaient aux
envahissements de l'arbitraire et du despotisme, les uns en profitant de leur position à la cour comme
conseillers intimes, Nathan, Ésaïe, les autres en se procurant des audiences spéciales, 1 Rois 20:22,38; 2
Rois 1:15; d'autres fois enfin, en flétrissant publiquement des mesures illégales, et en s'opposant à leur
exécution. Mais ces moyens de détail, ces garanties de circonstance, n'empêchèrent pas toujours les
empiétements et les excès du despotisme; on vit des règnes entiers se soustraire à l'influence théocratique.
La légitimité de la famille de Saül commença avec lui et finit avant lui. Avant la mort de Saül, David
commençait déjà une nouvelle légitimité qui ne devait cesser qu'avec le royaume. Le fils aine paraît
presque toujours avoir succédé de droit à son père, 2 Chroniques 21:3, et avoir pris les rênes de l'État
même avant l'âge de majorité, 2 Rois 11:21. On ne voit nulle part exprimée l'idée d'une régence à l'égard
d'un roi mineur, à moins qu'on ne veuille donner ce nom aux soins paternels dont Joas, le roi de sept ans,
fut entouré pendant la vie de celui qui l'avait soustrait aux fureurs d'Hatalie. Parfois cependant, en dépit
du droit d'aînesse, le roi choisissait librement parmi plusieurs fils celui qui devait régner après lui, 1 Rois
1:17,20; 2 Chroniques 11:22. Plus tard, à l'époque de la décadence, la volonté du peuple, ou l'influence
étrangère des puissances voisines, contribuèrent à faire des rois en modifiant la ligne de succession sans
toutefois sortir de la descendance directe, 2 Rois 21:24; 23:30,34; 24:17. Dans le royaume d'Israël, le
premier roi, Jéroboam, fut choisi et annoncé par un prophète, 1 Rois 11:31; mais le trône devait être
héréditaire dans sa famille et passer soit au fils, s'il en avait, soit au frère du monarque, 2 Rois 3:1; mais
les continuels changements de dynastie laissent à peine apercevoir la succession naturelle, et le choix du
peuple intervint de bonne heure dans les élections, 1 Rois 16:21. Dans l'antiquité, l'on regardait à la taille
et à la beauté du roi qu'on choisissait, 1 Samuel 10:23; Ézéchiel 28:12; cf. Psaumes 45:2. Iliad. 3, 106. Il
fallait en outre, chez les Hébreux, que le roi appartint à la nation, Deutéronome 17:15. Ceux qui ouvraient
une nouvelle dynastie cherchaient souvent à la consolider par l'entière destruction de la famille déchue, 1
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