celui de sauver les Israélites dans un danger particulier; l'institution de la pâque en a eu un second plus
général, dérivé du premier, celui de leur rappeler l'ensemble de leur délivrance. Dans le premier cas,
c'était le moyen de salut; dans le second, ce n'était plus qu'un mémorial, et un mémorial typique. La
première pâque n'a pas été ce qu'ont été celles qui l'ont suivie: elle n'a duré qu'un soir, et si, dans les jours
suivants, jours de fuite, les Israélites ont encore continué de manger des pains sans levain, c'a été l'effet de
leurs circonstances plutôt que d'un ordre divin; mais. Moïse a fait de cette circonstance une ordonnance
pour les âges futurs, afin de leur rappeler vivement, par une semaine d'une nourriture grossière et fade,
les tribulations de leurs pères.
— Ce n'est pas ici le lieu de reproduire, encore moins de réfuter, ces opinions égarées qui ont voulu faire
de la fête de pâque une fête de nouvelle année, parce qu'elle se célébrait vers le milieu du premier mois,
ou une fête de la moisson, ou encore une fête du printemps, une fête équinoxiale (Volney, et toute cette
école). Si l'on voulait abandonner le récit biblique, on comprendrait, en tout cas, mieux avec Ewald, une
fête des moissons, qu'une fête astronomique chez le peuple agriculteur des Hébreux.
La signification des mots «entre les deux vêpres» a été depuis fort longtemps contestée. Les Caraïtes et les
Samaritains l'entendent de l'espace de temps compris entre le coucher du soleil et la nuit close; c'est le
dernier crépuscule du jour, le commencement de la nuit. Aben Esra l'entend également ainsi. Les
pharisiens et les rabbanites le comprennent, au con traire, du temps qui s'écoule entre le moment où le
soleil s'incline sur l'horizon, et celui où il se couche; ce seraient alors les dernières heures du jour, depuis
deux ou trois heures environ. La première opinion est rendue plus vraisemblable par Deutéronome 16:6,
et par l'analogie de Exode 29:39; cependant, la dernière avait prévalu dans le service du temple, et l'heure
de la mort de Christ, trois heures de l'après-midi, n'a pas été sans influence sur les théologiens chrétiens
pour leur faire admettre aussi le calcul des pharisiens.
L'extrême fréquentation de cette fête, et le grand nombre de victimes que l'on y sacrifiait (il y eut, d'après
Flavius Josèphe, 256,600 bêtes immolées en une seule fois), faisaient que chacun, pourvu qu'il fût pur,
était autorisé à sacrifier l'animal qu'il présentait; cela résulte d'ailleurs de 2 Chroniques 30:17. Les prêtres
et les lévites, quoique nombreux, n'auraient pas suffi à ce travail, et leur ministère aurait plutôt fait
oublier, qu'il n'aurait rappelé le repas de: famille primitif. On voit cependant qu'ils ne restaient pas sans
occupation, et qu'une assez grande partie de l'ouvrage était fait par eux, soit que le nombre de ceux qui
avaient contracté des souillures, volontaires ou involontaires, fut considérable, soit aussi à cause de
l'habitude qu'ils en avaient, soit par d'autres raisons. Le lieu des sacrifices était dans les parvis du temple;
le sang de l'agneau était reçu par un prêtre qui en faisait aspersion sur l'autel: les parties grasses du corps
étaient consumées; le reste de l'animal paraissait ainsi sur la table, sans qu'aucun de ses os eût été brisé,
Exode 12:46; cf. Jean 19:36, et le 16 du mois de nisan, tout ce qui n'avait pas été mangé était brûlé. On ne
peut donc être surpris qu'avec de semblables dispositions, la fête de pâque soit appelée un sacrifice,
Exode 12:27; 34:25, etc.
Tous ceux qui étaient circoncis, fussent-ils même d'origine étrangère, étaient admis au repas solennel
pourvu qu'ils fussent purs, Exode 12:44,48. Chaque père de famille devait célébrer la pâque avec les siens;
lorsqu'ils n'étaient pas assez nombreux pour manger à eux seuls l'agneau tout entier, ils pouvaient se
réunir à d'autres familles; selon une tradition, le nombre des convives ne pouvait pas être inférieur à dix.
Les femmes y prenaient part également, mais, d'après la Gemara, elles n'y étaient pas obligées comme les
hommes. Les Caraïtes n'y laissent participer que les adultes hommes, à l'exclusion des enfants et des
femmes. Les Israélites qui ne résidaient pas à Jérusalem, avaient le droit d'y demander gratuitement une
chambre préparée pour y faire la pâque (cf. Matthieu 26:18); ils abandonnaient au propriétaire en échange
de son hospitalité, la peau de l'agneau et les vases de terre dont ils s'étaient servis. Mais le nombre des
visiteurs, pendant la fête, était trop considérable pour que tous pussent trouver des chambres dans la
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