reins du patriarche; Melchisédec est sans père, sans mère, sans commencement de jours et sans fin de vie,
etc. Les contemporains de Melchisédec n'ont évidemment pas pu voir en lui un type du Sauveur; pour
eux il avait père et mère, pour eux il est né et il est mort: pour eux aussi Abraham ne pouvait supposer
Lévi; mais l'étrange et pieuse sacrificature du roi de Salem avait quelque chose d'assez frappant, elle était
assez hors ligne pour que le souvenir s'en fût conservé parmi les descendants d'Abraham, et pour que
David, voulant caractériser une sacrificature nouvelle, d'un ordre nouveau, non lévitique, lui donnât le
nom du premier prince et pontife de Salem, Psaumes 110.
c.
Quant aux instruments, ustensiles, vases, couleurs, etc., nulle part l'Ancien Testament ne fait la
plus petite allusion à une signification, même symbolique, de ces objets; bien moins encore les présente-t-
elle comme des types ou institutions; et c'est à peine si, sur quelques points, le Nouveau Testament laisse
apercevoir quelques rapports éloignés entre quelques objets du culte mosaïque, et quelques faits du
christianisme.
d.
La comparaison rend aussi bien compte que le type de la pensée du Sauveur et des apôtres, dans
tous les passages indiqués. Nous ne voudrions pas froisser le sentiment chrétien par tout ce qui précède;
nous ne voudrions pas surtout paraître innover, car nous n'avons aucune vocation pour cela; mais il nous
a paru que, par plusieurs points, l'esprit humain avait cherché à se mettre à la place de l'esprit de Dieu
parmi les pères du dernier réveil religieux aussi bien que parmi les Pères de l'Église; que le figurisme a
quelque chose de faux, qui devient quelquefois bizarre et même ridicule, et qu'il a donné lieu à bien des
accusations contre le christianisme; bien des gens, en effet, ne jugeant que sur les apparences, ont été
jusqu'à dire que le christianisme n'avait d'autre fondement qu'une explication allégorique et mystique des
prophéties; les incrédules du siècle dernier sont partis de cette doctrine pour soutenir que les miracles de
Jésus-Christ n'étaient pas réels, mais de simples emblèmes des effets spirituels que l'Évangile produit
dans les âmes; Strauss lui-même, le célèbre Strauss, n'est parvenu à d'étranges conséquences que par la
rigoureuse application du système des types, système qui aboutit bien vite aux mythes, et qui peut
sublimer tout ce qui est forme, éthériser tout ce qui est matière, vaporiser, en quelque sorte, toute une
existence, et ne laisser après lui que de l'air. Napoléon a été annoncé longtemps à l'avance par le soleil,
qui en est, dans l'histoire, le type le plus exact et le plus circonstancié.
Rappelons encore que les théologiens réformés, Calvin, Leclerc, etc., ont attaqué avec vigueur cette
manière d'interpréter l'Écriture, et qu'ils ont posé cette maxime: Ultra scripturam sapere non licet: «Ne
pensez pas, dit Calvin, dans son Commentaire sur 1 Corinthiens 9:9, où il s'agit de l'allégorie du bœuf qui
foule le grain, ne pensez pas que saint Paul dise que ce passage du Deutéronome soit un précepte
allégorique, quemadmodumnonnullivertiginosi spiritus occasionem hinc arripiunt omnia ad allegorias
transferendi; ces esprits voient des allégories partout; pour eux, des chiens sont des hommes; ils changent
les arbres en anges, et ils pervertissent toute l'Écriture avec leurs jeux.» Ailleurs ses expressions sont plus
fortes encore: ad 1 Corinthiens 10:11. «Putare, dit-il, quicquid Deus promisit vel prœstitit Israelitis,
tantum prœfigurasse quod reverà post adventum Christi impleri debebat, pestilentissimum est delirium.»
— Et Saurin: «Ceux qui ont fait attention à l'origine des hérésies dans la théologie et la morale,
reconnaîtront sans peine que ce même esprit, qui a porté à établir la religion sur de faux arguments,
fournit des armes pour la combattre, et que l'erreur reprend insensiblement sur la vérité par cette façon
de raisonner, plus que la vérité n'avait pris sur l'erreur.»
Mais si l'on doit rejeter, comme n'étant pas d'institution divine, la plupart des rapprochements auxquels
on a donné le nom de types dans le sens qu'on attache d'ordinaire à ce mot, on n'en a pas moins le droit
de faire, pour son usage personnel, des rapprochements et des comparaisons qui, souvent, peuvent être
utiles à la foi et développer la piété, pourvu que là encore on évite l'exagération. Il est évident que
l'Ancien Testament, qui était une économie charnelle, renferme bien des choses, des faits, des récits, des
exemples, qui étaient de nature à élever l'esprit des Juifs vers un ordre d'idées plus spirituel. À cet égard,
nous accepterions volontiers une théorie qui, en classifiant les types d'après leur degré, ferait ressortir ce
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