Les registres généalogiques avaient pour les tribus juives une plus haute importance que pour tous les
autres peuples de l'Orient; ce n'était pas seulement un souvenir historique, une filiation qu'ils étaient
destinés à maintenir, c'était l'intégrité des territoires, à cause du droit d'héritage qui, chez eux, se
rattachait essentiellement à la propriété foncière. Les terres restaient, ou devaient rester, dans les familles;
celui qui prouvait sa filiation était par cela même propriétaire. En vertu de la constitution du pays, les
tribus furent également intéressées à tenir en ordre des registres qui leur assuraient des hommes et des
terres, et à ne se laisser entamer d'aucun côté. Il y eut donc des généalogies de familles et des généalogies
de tribus faites ensuite de dénombrements authentiques. Aux unes et aux autres on ajoutait quelquefois,
comme commentaire historique, le récit de certains faits remarquables, cf. Genèse 4:17,20; 1 Chroniques
2:3,7; 4:9-10,14,38, et peu à peu, ces additions devenant plus considérables ou plus détaillées, changèrent
les registres en de véritables chroniques. L'auteur de 1 Chroniques, suivant l'usage de son temps, fait
précéder son histoire proprement dite d'un coup d'oeil généalogique ou d'un extrait du registre des
familles (1-8,). Dans le Pentateuque, les généalogies forment les jalons de l'histoire, et comme des espèces
de sommaires, Genèse 4:17; 5:3; 9:18, etc. Exode 6:14; Nombres 3:17, et outre tous ces tableaux de détail
relatifs à la famille juive et aux branches collatérales descendues d'Abraham, l'auteur sacré présente en
raccourci le registre généalogique de tous les peuples issus de Noé et répandus autour de lui dans le
monde. Pour les Juifs, en tant que nation, les tableaux les plus importants étaient naturellement ceux qui
concernaient les sacrificateurs et la famille royale; les premiers même furent rapportés de l'exil, Esdras
2:62; Néhémie 7:64, soigneusement conservés et continués, car les Lévites qui désiraient devenir prêtres,
devaient avant tout, prouver leur filiation, Esdras 2:61; Néhémie 7:64. Quant aux listes royales, nous en
trouvons deux fragments, Ruth 4:17; Matthieu 1, Luc 3, qui ont pour but d'établir la généalogie de Jésus,
comme issu de la famille de David.
L'exil de Babylone a dû jeter bien de la perturbation dans l'état civil des Hébreux, et comme on l'a dit, il
n'y eut que les familles vraiment attachées à la foi de leurs pères, qui se donnèrent de la peine pour
maintenir intacts et complets leurs arbres généalogiques, la pureté de leur race et de leur tribu.
On n'insérait en général, sur ces registres, que les noms des descendants mâles, de ceux qui perpétuaient
le nom et le souvenir de la famille (mâle et souvenir s'expriment en hébreu par le même mot, zacar); il n'y
avait, à cette règle, d'exception que pour les héritières, quand il n'y avait pas d'héritiers, ou pour les
femmes qu'un fait spécial signalait à l'attention de la postérité, Matthieu 1:3. Les premières tables n'étant
point écrites, mais confiées à la mémoire des fils et transmises de bouche en bouche, il put arriver dans
plusieurs familles, que plusieurs chaînons intermédiaires furent oubliés, et que lors de la première
confection de listes écrites, on dut se contenter des ancêtres dont le noms vivaient encore, en unissant par
les rapports de père et de fils des hommes séparés par une ou deux générations; d'autres fois, comme
chez les Arabes, on condamna expressément à l'oubli des noms mal famés, et ils furent rayés des
registres; d'autres fois encore, dans l'intérêt d'une mémorisation facile, ou pour procurer une régularité
factice, on omit quelques noms moins célèbres, comme Matthieu 1, où la généalogie de Jésus est réduite
en trois périodes de quatorze membres chacune. D'autres noms ont été omis sans qu'on en sache le motif;
par exemple, Zorobabel, fils de Salathiel, d'après Aggée 1:1; Esdras 5:2, n'était que son petit-fils, d'après la
liste plus détaillée de 1 Chroniques 3:17,19; cf. aussi 1 Chroniques 7:14; avec Nombres 26:29-30, etc. Enfin,
certaines familles remontant par deux branches à une source primitive, pouvaient, suivant les cas, se
rattacher à l'une ou à l'autre de ces branches, ou confirmer péremptoirement par cette double généalogie
une filiation importante ou contestée. Plusieurs de ces explications jetteront du jour sur les deux listes de
Matthieu 1, et Luc 3, sans que nous puissions entrer dans des détails qui sont du ressort d'un
commentaire;
— Voir: aussi les différents articles.
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