ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE FLAVIUS JOSEPHE

 

AVANT-PROPOS - LIVRE I - LIVRE II - LIVRE III - LIVRE IV - LIVRE V - LIVRE VI - LIVRE VIII - LIVRE XI -

LIVRE XII - LIVRE XIII - LIVRE XIV - LIVRE XV

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

Flavius Josèphe

ANTIQUITES JUDAÏQUES

 

 

LIVRE VII

 

I

1. — David apprend la mort de Saül et fait exécuter le meurtrier. — 2. David est élu roi par la tribu de Juda. — 3. Abner élit Isboseth ; guerre entre les deux ainiées ; combat singulier ; défaite d’Abner ; il tue Asaël ; continuation de la guerre civile. — 4. Les fils de David, Abner et ses troupes passent et David. — 5. Joab, jaloux d’Abner, le tue dans un guet-apens. — 6. Indignation de David ; hommages funèbres qu’il rend à Abner.

 

1[1]. Il advint que ce combat eut lieu le jour même où David, vainqueur des Amalécites, était retourné à Sékéla[2]. Il y avait deux jours que David se trouvait dans cette ville quand survient, au troisième, échappé au combat contre les Philistins, l’homme qui avait tué Saül ; il avait les vêtements eu lambeaux et la tête couverte de cendre. Après s’être prosterné devant David, comme celui-ci s’informait d’où il venait dans cet état, il répondit : « Du combat livré par les Israélites. » Il en raconta l’issue malheureuse, comment des dizaines de milliers : l’Hébreux avaient péri, comment leur roi Saül lui-même était tombé avec ses enfants. S’il était ainsi renseigné, c’est, disait-il, qu’il avait assisté eu personne d la déroute des Hébreux et s’était trouvé aux côtés du roi fugitif ; il avouait avoir lui-même tué Saül, sur tes instances de celui-ci, au moment où il allait être pris par les ennemis, car Saül s’était jeté d’abord sur son glaive[3], mais l’excès de ses blessures lui avait enlevé la force de s’achever. Pour preuve de son dire, l’homme montrait les bracelets d’or et la couronne du roi, dont il avait dépouillé le cadavre de Saül pour les apporter à David. Celui-ci, ne pouvant plus douter, à la vue de ces témoignages manifestes de la mort de Saül, déchire ses vêtements et passe toute la journée à gémir et à se lamenter avec ses compagnons. Son chagrin s’avivait encore à la pensée du fils de Saül, de Jonathan, son plus fidèle ami de naguère et à qui il était redevable de la vie. Et telle fut la grandeur d’âme et la générosité de David à l’égard de Saül que non seulement sa mort l’affecta péniblement, bien qu’il eût maintes fois risqué de périr sous ses embûches, mais encore qu’il alla jusqu’à châtier son meurtrier. Il déclara, en effet, à cet homme qu’il s’était accusé lui-même d’avoir tué le roi, et quand il sut qu’il était issu d’un père de race Amalécite, il le fit envoyer au supplice. Puis il écrivit des lamentations et des éloges funèbres sur Saül et Jonathan qui se lisent encore aujourd’hui[4].

 

2[5]. Après avoir rendu cet hommage ait roi. David, son deuil fini, demande à Dieu par l’entremise du prophète quelle ville de la tribu dite de Juda il lui assignait comme résidence. Dieu lui ayant répondu qu’il lui donnait Hébron. David quitta Sékéla pour se rendre dans cette ville, emmenant ses deus femmes et les hommes d’armes qui l’accompagnaient. Toute la population de ladite tribu accourt à sa rencontre et le proclame roi. Puis, informé que les habitants de Jabès en Galaditide avaient donne la sépulture à Saül et à ses fils, David leur envoya des messagers pour les féliciter et approuver leur démarche, promit de les récompenser de leur piété envers les morts et en même temps leur annonça que la tribu de Juda l’avait choisi pour roi.

 

3[6]. Cependant le général en chef de Saül, Abner(Abennèros), fils de Ner (Néros), homme entreprenant et de noble caractère, à la nouvelle que le roi avait succombé ainsi que Jonathan et ses deux autres fils, se rend en hâte dans le camp[7], se saisit du fils survivant, nommé Isboseth (Iébosthos)[8], passe avec lui de l’autre côté du Jourdain et le proclame roi de toute la nation à l’exception de la tribu de Juda. Il lui fit une résidence royale de la ville qui s’appelle Manalis dans la langue du pays, c’est-à-dire en grec Parembolai, « les Retranchements[9]. » Abner partit de là avec un corps d’élite dans l’intention de livrer bataille à ceux de la tribu de Juda, car il leur en voulait fort d’avoir choisi David pour roi. David envoya contre lui Joab(os), fils de Souri et de Sarouva, sœur de David[10], qui était son général en chef, accompagné de ses frères Abisaï et Asaèl(os) et de tous les hommes d’armes de David. Ayant rejoint Abner auprès d’une fontaine sur le territoire de la ville de Gabaon, Joab range son armée en bataille. Abner lui manifeste le désir de savoir lequel d’entre eux possédait les plus vaillants soldats: ils conviennent que, de part et d’autre, douze hommes choisis en viendront aux mains. Les champions désignés par chacun des deux généraux s’avancent entre les deux armées et, après s’être lancé leurs javelots, tirent leurs épées et s’engagent corps à corps : se tenant les uns les autres par la tête, ils se transpercent mutuellement les côtes et les flancs avec leurs épées, jusqu’à ce que tous succombent comme sur un mot d’ordre. Ceux-ci morts, le reste des deux armées en vint aux prises à son tour, et dans le combat acharné qui s’ensuivit, ceux d’Abner eurent le dessous. Joab ne laissa pas de les poursuivre dans leur déroute ; lui-même se lança derrière eux, recommandant à ses soldats de les serrer de près et de ne pas interrompre le carnage. Ses frères ne combattirent pas avec moins d’ardeur ; entre tous se distingua le plus jeune, Asaël, si réputé pour son agilité qu’il ne l’emportait pas seulement sur les hommes, nais que, dit-on, il dépassa à la course un cheval qui luttait avec lui[11]. Il s’était attaché à la piste d’Abner et le poursuivait de tout son élan, en droite ligne, sans dévier ni d’un côté, ni de l’autre. Abner, se retournant parfois, tentait de l’amadouer pour briser sou élan ; d’abord il l’invitait à cesser sa poursuite pour aller plutôt dépouiller de son armure[12] un de ses soldats tombés ; puis, n’ayant pas réussi à l’en persuader, il lui conseillait de s’arrêter et d’en rester là, car, s’il était obligé de le tuer, lui, Abner, n’oserait plus se présenter devant son frère. Comme Asaël restait sourd à ces exhortations et s’obstinait dans sa chasse, Abner, tout en fuyant, lui porta en arrière un coup bien dirigé de sa lance et l’étendit raide mort. Ceux qui couraient avec lui après Abner, arrivés à l’endroit où Asaël gisait étendu, tirent cercle autour du cadavre et cessèrent de poursuivre les ennemis. Cependant Joab, ainsi que son frère Abisaï, ne s’arrêtèrent pas devant le corps : plus acharnés encore contre Abner par le chagrin de cette perte, ils le poursuivirent avec une vitesse et une ardeur incroyables jusqu’en tin lieu qu’on appelle Ammata[13], qu’ils atteignirent au montent où le soleil se couchait. Là se trouve, sur le territoire de la tribu de Benjamin, une colline élevée : Joab y monte et découvre les ennemis et parmi eux Abner[14]. Celui-ci élève alors la voix et s’écrie qu’il ne faut pas ainsi exciter des compatriotes à s’entre-déchirer sans merci. Asaël, frère de Joab, s’est mis, dit-il, dans son tort : malgré les exhortations d’Abner à cesser sa poursuite, il ne s’est pas laissé fléchir, et voilà pourquoi il a été frappa à mort. Joab se rend à ce sentiment et, prenant ces paroles pour une excuse, fait sonner le ralliement et ordonne de cesser la poursuite. Lui-même campe le soir en cet endroit ; quant à Abner, avant cheminé toute la nuit et repassé le Jourdain, il arrive aux Retranchements auprès du fils de Saül, Isboseth. Le lendemain, Joab fit le compte des morts et leur donna à tous la sépulture. Il était tombé du côté d’Abner environ trois cent soixante guerriers, du côté de David dix-neuf, plus Asaël. Joab et Abisaï emportèrent le corps de ce dernier à Bethléem et ils ensevelirent dans le tombeau de ses pères : puis ils se rendirent chez David à Hébron. De ce moment-là[15] commença parmi les Hébreux une guerre intestine qui dura longtemps, mais les partisans de David devenaient toujours plus forts et prenaient l’avantage dans les combats, tandis que le fils de Saül et ses sujets allaient s’affaiblissant de jour en jour.

 

4[16]. Dans le même temps il naquit à David six fils d’autant de femmes différentes : l’aîné, qui avait pour mère Achina[17], reçut le nom d’Amnôn : le second, né d’Abigaïa, celui de Daniel(os)[18]. Le troisième, né de Machamé, fille de Tholomaï(os) roi de Géser, s’appela Absalon Abésalômos[19]. Le quatrième, fils d’une femme appelée Aggithé, il le nomma Adonias. Le cinquième fut Saphatias, fils d’Abitaalé, et le sixième Gethraamès, fils d’Aigla[20]. Cependant, la guerre civile ayant relaté, les partisans de chacun des deux rois en venaient souvent aux mains et se livraient bataille ; Abner, général en chef du fils de Saül, étant avisé et fort aimé du peuple, sut maintenir tous ses gens attachés à Isboseth, et ils lui demeurèrent assez longtemps fidèles. Mais plus tard, Abner se vit accusé d’avoir eu commerce avec la concubine de Saül, nommée Raispha, fille de Sibath(os)[21], et subit à cette occasion les reproches d’Isboseth. Profondément blessé et outré de ne pas trouver chez le prince la reconnaissance qu’il méritait pour tout le dévouement dont il l’avait entouré. Abner le menaça de transmettre la royauté à David et de faire voir à tous que ce n’était pas l’énergie et l’intelligence d’Isboseth qui l’avaient fait régner au-delà du Jourdain, mais les talents et la fidélité de son général. En effet, il adresse un message à David à Hébron[22], pour l’inviter à lui promettre par serment de l’avoir pour compagnon et ami dès qu’Abner aurait déterminé le peuple à se détourner du fils de Saül et à désigner David comme roi du pays tout entier. David, tout heureux de ces offres, n’hésita pas à conclure l’accord demandé : comme premier gage de leurs conventions il invite Abner à lui rendre sa femme Michal, dont il avait conquis la main au prix de si grands dangers, contre six cents[23] têtes de Philistins apportées à son père. Abner lui envoie, en effet, Michal, après l’avoir enlevée à Pheltias, qui vivait alors avec elle, et cela du consentement même d’Isboseth, à qui David avait écrit pour faire valoir ses droits à reprendre cette femme. Puis, ayant convoqué les anciens du peuple, les commandants de corps et les chiliarques, Abner leur tient ce langage : « Naguère, lorsqu’ils étaient prêts à s’écarter d’Isboseth pour se joindre à David, il les avait détournés de ce dessein : mais maintenant il leur permettait d’aller où ils voudraient. Car il avait appris que Dieu, par la voix du prophète Samuel, avait élu David pour roi de toits les Hébreux et prédit que c’était à lui qu’était réservée la gloire de châtier les Philistins et de les assujettir par ses victoires. » À ces paroles, les anciens et les chefs, voyant Abner dans les sentiments qu’ils avaient eux-mêmes éprouvés naguère, se déclarèrent pour David. Une fois sûr de ceux-ci, Abner convoqua la tribu de Benjamin, qui fournissait tous les gardes du corps d’Isboseth[24], et leur tint le même langage ; lorsqu’il vit que, loin de résister, ils se rangeaient à ses vues. Il prit avec lui une vingtaine de ses compagnons et se rendit chez David pour recevoir en personne ses serments, — car on est plus sûr de ce qu’on fait soi-même due de ce qu’on, laisse faire à autrui — et pour l’informer, en outre, du langage qu’il avait tenu aux chefs et à toute la nation.

 

5[25]. David l’accueillit avec affabilité et le traita avec magnificence et somptuosité à sa table pendant plusieurs jours de suite. Abner lui demanda de le laisser partir pour lui amener le peuple, afin que les Hébreux lui remissent le pouvoir en sa présence et devant ses yeux. David avait à peine congédié Abner, qu’arriva à Hébron Joab, son général en chef. Il apprit qu’Abner avait été chez le roi et qu’il venait de partir après avoir conclu un accord et un traité avec lui au sujet du pouvoir suprême : il craignit qu’Abner ne parvint aux honneurs et au premier rang grâce au concours qu’il prêterait à David pour conquérir le trône, grâce aussi à son entente des affaires et à son habileté à saisir les occasions, tandis que lui-même se verrait abaissé et privé de son commandement[26]. Là-dessus il s’engage dans une voie perfide et scélérate. D’abord, il essaie de calomnier Abner auprès du roi, engageant celui-ci à se méfier et à ne pas faire attention à ses propositions : toutes ses démarches, prétendait-il, ne tendaient qu’à affermir l’autorité du fils de Saül : il n’était venu à David que pour le tromper et le jouer, et il était reparti avec l’espoir d’arriver à ses fins et avec son plan bien échafaudé. Comme il ne réussissait pas à convaincre David ni à soulever sa colère, il essaie d’un moyen plus audacieux et décide de faire périr Abner. Il envoie des hommes à sa poursuite, avec ordre, quand ils l’auront rejoint, de le rappeler au nom de David, comme si le roi avait à lui dire, au sujet de leurs affaires, certaines choses qu’il ne s’était pas rappelées en sa présence. Quand Abner entendit ce discours des envoyés, qui l’avaient rejoint en un lieu appelé Bésira[27], à vingt stades d’Hébron[28], ne soupçonnant rien du sort qui l’attendait, il revint sur ses pas. Joab s’avance à sa rencontre devant la porte, le reçoit avec le masque de la plus grande bienveillance et de l’amitié, — car ceux qui entreprennent une action scélérate savent se donner l’air de parfaits hommes de bien pour écarter le soupçon, — le sépare de ses compagnons, comme pour lui parler en secret, et l’entraîne dans un endroit du portail bien retiré ; là, se trouvant seul avec son frère Abisaï, il tire son épée et frappe Abner sous les côtes. Ainsi périt Abner, victime du guet-apens que lui tendit Joab, soi-disant pour venger son frère Asaël, qui, en poursuivant Abner, avait été tué par lui dans la bataille d’Hébron[29], mais en réalité parce qu’il tremblait que son commandement et la confiance du roi ne lui fussent enlevés et qu’Abner n’obtint de David le premier rang. On peut juger par cet exemple à quel degré d’audace en arrivent les hommes par amour des richesses et du pouvoir et pour ne les céder à personne. Pour élever leur fortune, leur passion leur fait commettre tous les crimes : craignent-ils de la perdre, ils font bien pis encore pour s’en assurer la conservation, estimant moins dur de ne pas parvenir à une si faute puissance que de la perdre, une fois accoutumés aux avantages qu’elle procure. Et comme c’est là à leurs yeux le pire malheur, voilà pourquoi tous ceux qui ont à redouter une disgrâce ne reculent pas devant les machinations et les tentatives les plus criminelles. Mais en voilà assez de ces brèves réflexions.

 

6[30]. David, instruit du meurtre d’Abner, s’affligea dans son âme et, prenant tout le monde à témoin, la main droite étendue vers Dieu, protesta qu’il n’était pas complice de cet assassinat, qu’il n’avait ni ordonné ni souhaité la mort d’Abner : en même temps il prononça de terribles imprécations contre le meurtrier, souhaitant que ce sang retombât sur toute sa maison et ses complices. Il avait à cœur, en effet, de ne point paraître avoir violé le pacte et les serments qui le liaient à Abner. Cependant il enjoignit à tout le peuple de pleurer la victime et de prendre le deuil, de rendre les honneurs coutumiers à sa dépouille, en déchirant leurs vêtements et en revêtant des cilices. C’est dans cette tenue qu’ils marchaient devant le lit funéraire. Lui-même suivait avec les anciens et les principaux officiers, se frappant la poitrine, témoignant par ses larmes l’amitié qu’il avait eue pour le vivant et la douleur que lui causait sa mort, et attestant ainsi qu’il n’était pour rien dans cet attentat. Après avoir enseveli Abner magnifiquement à Hébron et composé son éloge funèbre. David vint lui-même prendre place sur sa tombe et donna le signal des lamentations, auxquelles les autres assistants firent écho. Tel fut le trouble où le jeta la mort d’Abner que, malgré les instances de ses compagnons, il ne voulut prendre aucune nourriture et jura de ne goûter à rien jusqu’au coucher du soleil. Cette attitude lai conquit les bonnes grâces du peuple : ceux, en effet, qui chérissaient Abner louèrent fort la façon dont David avait honoré le défunt et gardé la foi jurée, en lui décernant tous les hommages qu’on rend à un parent et à un ami, loin de lui faire comme à un ennemi l’injure d’une sépulture misérable et négligée ; le reste des Israélites se félicitaient d’avoir affaire à un prince d’un caractère doux et honnête, chacun comptant trouver chez lui la même sollicitude qu’on lui avait vu accorder à la dépouille d’Abner. Par-dessus tout David était jaloux de son bon renom et prenait en conséquence toutes les précautions pour que nul ne pût le suspecter d’être l’auteur du meurtre d Abner ; à cet effet il déclara au peuple qu’il était sensiblement affligé de la mort d’un homme si vaillant, mort très funeste aux intérêts des Hébreux, qu’elle privait d’un chef capable de les préserver et de les sauvegarder par ses excellents conseils et par son bras vigoureux dans les combats. « Mais Dieu, dit-il, qui gouverne toutes choses, ne laissera pas sa mort impunie. Vous savez que je ne puis rien faire contre Joab et Abisaï, les fils de Sarouïa, qui sont plus puissants que moi. Mais la Divinité leur infligera le juste châtiment de leur crime. » Telle fut la fin d’Abner.

 

II

1. Assassinat d’Isboseth ; indignation de David ; il châtie les meurtriers. — 2. Toutes les tribus reconnaissent David pour roi.

 

1[31]. En apprenant la fin d’Abner. Isboseth, fils de Saül, ne fut pas médiocrement frappé. Privé d’un homme de son sang et qui lui avait assuré le trône, il s’abandonna à une vive émotion et conçut de cette mort un profond chagrin. Lui-même ne survécut pas longtemps à son général : il périt victime d’un complot tramé par les fils de Yéremmôn[32] dont l’un s’appelait Banaotha et l’autre Thannos[33]. Ceux-ci, de race benjamite et du premier rang, s’étaient dit que, s’ils tuaient Isboseth, ils recevraient de grands présents de David et que leur acte leur vaudrait de sa part un commandement nu quelque autre marque de confiance. Ils vont donc surprendre Isboseth couché seul, comme il prenait bon repos de midi. Il n’y avait point de garde auprès de lui : la portière[34] elle-même, au lieu de veiller, s’était laissé gagner par le sommeil, vaincue par la fatigue de son labeur et par la chaleur du jour : ils pénètrent ainsi dans la chambre où le fils de Saül se trouvait endormi et le tuent. Puis, lui avant tranché la tête, ils elle-minent toute la nuit et tout le jour, pressés de fuir loin de leur victime pour se rendre chez celui qui accueillera leurs services et leur procurera toute sécurité. Ils arrivent ainsi à Hébron, montrent la tette d’Isboseth à David et se présentent à lui comme des amis, qui l’ont débarrassé de son rival et du compétiteur de son trône. Mais lui, loin d’applaudir leur acte comme ils l’espéraient, s’écria: « Scélérats que vous êtes et qu’un prompt châtiment attend, ne saviez-vous pas comment j’ai traité le meurtrier de Saül qui m’avait apporté sa couronne d’or, bien qu’il eût tué ce roi sur sa propre prière afin qu’il ne tombât point vivant aux mains de ses ennemis ? Avez-vous cru que j’avais changé de naturel et que je n’étais plus le même, que je sourirais à des malfaiteurs et appellerais « service » votre régicide, vous qui avez assassiné dans son lit un homme de bien, qui n’a jamais fait de mal à personne et qui vous comblait de bontés et d’honneurs ? C’est pourquoi vous subirez un châtiment qui sera à la fois une expiation envers votre victime et une réparation envers moi, pour avoir cru, en la tuant, que sa mort me serait agréable : car vous ne pouviez pas outrager ma gloire plus vivement que par une pareille supposition. » Avant ainsi parlé, il leur infligea tous les supplices et les fit mourir[35] : puis il ensevelit la tête d’Isboseth en grand honneur dans le tombeau d’Abner.

 

2[36]. Après ce dénouement, les premiers du peuple des Hébreux vinrent tous auprès de David, à Hébron, chiliarques et chefs, et se donnèrent à lui, en rappelant la bienveillance qu’ils lui avaient témoignée du vivant même de Saül et les honneurs qu’ils n’avaient cessé de lui rendre du temps où David était chiliarque : ils représentaient que Dieu, par la voix du prophète Samuel, l’avait choisi pour régner ainsi que ses fils et lui avait accordé de sauver le pays des Hébreux eu abattant les Philistins. David les loue de leur empresse-ment, les invite à y persévérer, ajoutant qu’ils n’auront pas à s’en repentir, puis, après des festins et des marques d’amitié, il les charge de lui amener le peuple entier[37]. Il arriva, de la tribu de Juda, environ sis mille huit cents guerriers armés du bouclier long et de la hallebarde ; c’étaient ceux qui étaient restés fidèles au fils de Saül, car le reste de la tribu de Juda avait choisi David pour roi. La tribu de Siméon fournit sept mille cent guerriers, celle de Lévi quatre mille sept cents[38], sous le commandement de Jodam(os)[39]. Avec eux se trouvait le grand-prêtre Sadoc ainsi que vingt-deux chefs, ses parents. La tribu de Benjamin fournit quatre mille guerriers[40], le reste de cette tribu se réservait, attendant encore quelque membre de la famille de Saül qui pût régner. De la tribu d’Ephraïm vinrent vingt mille huit cents des plus puissants et des plus robustes, de la demi-tribu de Manassé huit mille[41] de même valeur, de la tribu d’Isachar deux cents devins et vingt mille guerriers[42], de la tribu de Zabulon cinquante mille guerriers d’élite : cette tribu fut la seule qui vint se joindre tout entière à David. Tous ceux-là avaient le même armement que ceux de la tribu de (Juda)[43]. La tribu de Nephtali donna un millier d’hommes délita et de chefs, ayant pour armes le bouclier long et le javelot ; ils étaient suivis de leur tribu, dont la multitude était innombrable[44]. La tribu de Dan fournit une élite de vingt-sept mille six cents hommes[45], la tribu d’Aser, quarante mille. les deux tribus situées de l’autre côté du Jourdain[46] et le reste de celle de Manassé, cent vingt mille hommes armés de boucliers longs, de javelots, de casques et de glaives : d’ailleurs, les autres tribus aussi faisaient usage titi glaive. Tout ce peuple vint en foule à Hébron, auprès de David, avec de grandes pro-visions de pain, de vin, et toutes sortes de vivres et acclama tout d’une voix la royauté de David. Après trois jours passés par le peuple en réjouissances et en festins à Hébron, David partit de là avec tout le monde et s’en vint à Jérusalem.

 

III

1. Siège de Jérusalem. — 2. Prise de Jérusalem ; alliance avec Hiram ; origine du nom de Jérusalem. — 3. Famille de David.

 

1[47]. Les Jébuséens, qui habitaient la ville et qui étaient de race chananéenne, lui fermèrent les portes et furent monter les aveugles, les boiteux et tous les estropiés sur les remparts, pour railler le roi[48], disant que les infirmes suffiraient à l’empêcher d’y pénétrer, — tant ils avaient d’orgueilleuse confiance dans la solidité de leurs remparts. — David, irrité, commence d’assiéger Jérusalem. Il v déploie tous ses efforts et toute son ardeur, comptant que cette ville emportée d’assaut ferait éclater sa puissance et frapperait de terreur tous ceux qui seyaient tentés de suivre les dispositions des Jébuséens à son égard. Bientôt il s’empara de vive force de la ville basse ; mais la citadelle[49] tenait encore. Le roi s’avise alors de stimuler l’ardeur de ses soldats par l’appât d’honneurs et de récompenses ; il promet de donner le commandement général de ses troupes à celui qui réussirait à franchir les ravins qui la bordaient, monterait jusqu’à la citadelle et s’en rendrait maître[50]. Tous se disputent la gloire d’y monter et ne reculent devant aucun effort pour un pareil honneur. Ce fut Joab, fils de Sarouïa, qui devança tous les autres et, parvenu sur la crête, cria vers le roi en lui réclamant le commandement promis.

 

2[51]. Quand il eut délogé les Jébuséens de la citadelle, il rebâtit lui-même Jérusalem, l’appela ville de David et s’y établit pour toute la durée de sou règne. Le temps qu’il avait gouverné la seule tribu de Juda à Hébron avait été de sept ans et six mois[52]. Après avoir fait de Jérusalem sa capitale, il jouit d’une fortune toujours de plus en plus brillante, par la grâce de Dieu qui veillait à ses progrès et à son accroissement. Même Hiram(os), le roi des Tyriens, fui envoya une ambassade pour conclure avec lui un pacte d’amitié et d’alliance. Il lui envoya aussi en présent des bois de cèdre ainsi que des artisans, charpentiers et maçons, pour lui édifier un palais à Jérusalem. David occupa aussi la cille haute et la relia à la citadelle de manière à n’en faire qu’un corps : il l’entoura d’une enceinte et préposa Joab à la surveillance des murailles[53]. Le premier donc havid, après avoir chassé les Jébtisreus de Jérusalem, appela la ville de son propre nom ; car sous Abram, notre ancêtre, elle s’appelait Solyma. Dans la suite, certains disent qu’Homère, lui aussi, la nomma Solyma[54] : il appela, en effet, le sanctuaire du mot hébreu Solyma, qui veut dire sécurité[55]. Le temps qui s’écoula depuis l’expédition du général Josué contre les Chananéens et la guerre où il les vainquit et partagea leur pays aux Hébreux, sans que les Israélites aient jamais pu déloger les Chananéens de Jérusalem, jusqu’à ce que David les en chassait par un siège, fut en tout de cinq cent quinze ans[56].

 

3[57]. Ici je ferai mention d’Oronna[58], un homme riche d’entre les Jébuséens, qui fut épargné dans le siège de Jérusalem par David[59] à cause de sa bienveillance envers les Hébreux, et aussi de certain service qu’il s’était empressé de rendre au roi lui-même et que j’aurai à tout à l’heure une meilleure occasion de signaler. David épousa encore d’autres femmes, outre celles qu’il avait déjà, et prit des concubines. Il engendra onze[60] fils, qu’il appela Amnous, Emnous, Eban, Nathan, Salomon, Yébar, Eliès, Phalna. Ennaphès, Yénaé, Eliphalé[61], ainsi qu’une fille appelée Thamar(a). Neuf de ces fils étaient nés de femmes de bonne naissance, et les deux derniers de concubines ; Thamara avait la même mère qu’Absalon.

 

IV

1. Victoire de David sur les Philistins. — 2. Il fait revenir l’arche ; mort d’Ouza, séjour de l’arche chez Obed-Edoun ; entrée solennelle de l’arche à Jérusalem. — 3. Michal blâme David. — 4. David veut construire un Temple ; le prophète Nathan lui annonce que la tâche en est réservée à Salomon.

 

1[62]. Quand les Philistins surent que David avait été établi roi par les Hébreux, ils marchèrent contre lui vers Jérusalem ; ils occupèrent la vallée dite des Titans[63], lieu peu éloigné de la ville, et y établirent leur camp. Le roi des Juifs, qui ne se permettait de rien entreprendre sans le secours de la prophétie, sans recevoir l’ordre de Dieu et sans le prendre pour garant de l’avenir, ordonna au grand-prêtre[64] de lui indiquer à l’avance la volonté de Dieu et quelle serait l’issue du combat. Le grand-prêtre lui prédit victoire et succès ; alors il fait sortir ses troupes contre les Philistins. La mêlée engagée, il tomba lui-même à l’improviste sur le derrière des ennemis, tailla les uns en pièces et mit les autres en fuite[65]. Qu’on n’aille pas s’imaginer que les Philistins n’avaient amené qu’une petite armée contre les Hébreux ; à voir leur défaite si prompte, à constater qu’ils n’accomplirent aucun acte de vaillance, aucun exploit mémorable, qu’on n’aille pas conclure à leur nonchalance et à leur lâcheté. Qu’on sache au contraire que toute la Syrie et la Phénicie et encore beaucoup d’autres peuplades guerrières firent campagne avec eux et prirent part à cette guerre[66] : c’est même la seule raison qui leur avait permis, après tant de défaites et tant de milliers d’hommes anéantis, de marcher encore une fois contre les Hébreux avec des forces supérieures. Bien plus, quoique battus dans les rencontres que je viens de dire, ils marchèrent encore une fois contre David avec une armée trois fois plus forte et revinrent camper dans le nième endroit. De nouveau[67] le roi des Israélites interroge Dieu sur l’issue de la bataille ; le grand-prêtre l’avertit de garder son armée réunie dans la forêt dite Séjour des Pleurs[68], non loin du camp des ennemis, de ne pas bouger et de ne pas commencer le combat avant de voir la forêt s’agiter sans aucun souffle de vent. Quand la forêt s’agita en effet et qu’arriva le moment prédit par Dieu[69], sans tarder, David alla au-devant d’une victoire qu’il n’avait plus qu’à cueillir. En effet, les bataillons des ennemis ne purent tenir contre lui ; sitôt le premier choc, David les mit en fuite et les poursuivit en les taillant en pièces. Il les relança jusqu’à la ville de Gazara[70], qui est à la limite de leur pays, puis revint piller leur camp, où il trouva beaucoup de richesses, et détruisit aussi leurs dieux[71].

 

2[72]. Après l’issue heureuse de ce nouveau combat, David décida, en avant délibéré avec les anciens, les chefs de l’armée et les chiliarques, de mander auprès de lui de toutes les parties du territoire tous les Israélites dans la fleur de l’âge[73], puis d’envoyer les prêtres et les Lévites à Kariathiarima, pour en ramener l’arche de Dieu à Jérusalem. Une fois installée là, on célébrerait le culte autour d’elle par des sacrifices et tous les autres hommages qui plaisent à la divinité. Si, en effet, on en avait usé ainsi dés le règne de 5aiti, il ne leur serait arrivé aucun malheur[74]. Tout le peuple s’étant donc réuni ainsi qu’on l’avait décidé, le roi se rend près de l’arche : les prêtres l’ayant transportée de la maison d’Aaminadab et déposée sur un chariot neuf, permirent à ses frères et à ses fils[75] de la traîner en se joignant aux bœufs. Le roi marchait devant, suivi de tout le peuple, récitant des hymnes à Dieu, chantant tous les airs du pays aux sons variés des lyres, des danses[76] et des harpes, ainsi que des trompettes et des cymbales ; ils escortèrent ainsi l’arche à Jérusalem. Ils arrivèrent en un certain endroit appelé l’aire de Chidon[77] ; là périt Ozas, victime du courroux de Dieu. En effet, les bœufs avant fait pencher le char, il porta la main sur l’arche pour la retenir, et Dieu le frappa parce qu’il avait touché l’arche sans être prêtre[78]. Le roi et le peuple furent très attristés par la mort d’Ozas ; l’endroit où il succomba s’appelle encore aujourd’hui « Brèche d’Ozas[79] ». David prit peur, songeant qu’il risquait de s’attirer le même sort qu’Ozas en recevant l’arche chez lui dans la ville, puisque cet homme, rien que pour avoir étendu la main vers elle, avait péri en cette sorte. Il ne la fait donc pas entrer chez lui dans la ville, mais la détourne dans le champ d’un homme juste, nommé Obédam(os), de race lévitique[80], et dépose l’arche chez celui-ci. Elle y resta trois mois entiers pendant lesquels elle fit prospérer la maison d’Obédam et le combla de toute sorte de biens. Quand le roi apprit tout ce bonheur arrivé à Obédam, comment, de pauvre et d’humble qu’il était auparavant, il était tout d’un coup devenu fortuné et provoquait l’envie de tous ceux qui voyaient sa maison et s’en informaient, il s’assura qu’il ne lui arriverait aucun mal et fit amener l’arche dans sa demeure. Les prêtres la transportèrent, précédés de sept chœurs équipés par le roi, qui lui-mime jouait de la cithare et frappait le sol de ses pieds, si bien que sa femme Michal, fille du premier roi, Saül, l’ayant vu dans cette attitude, se moqua de lui. On introduit l’arche, on la dépose sous la tente[81] que David avait dressée pour elle ; puis il offrit des sacrifices somptueux, immola des victimes de paix et donna à manger à tout le peuple, distribuant aux femmes, aux hommes et aux enfants miches de pain, brioches, beignets au miel[82] et tranches de viande. Après ce repas offert au peuple, il le congédie et rentre lui-même dans sa demeure.

 

3[83]. Michal, sa femme, fille de Saül, s’étant présentée devant lui, rit toutes sortes de vœux pour son bonheur et pria Dieu de lui accorder tout ce qu’il peut procurer quand il est propice, mais elle le blâma d’avoir commis, lui, un si grand roi, l’inconvenance de danser et de se découvrir en dansant, en présence d’esclaves et de servantes. Mais David répondit qu’il ne rougissait pas d’avoir agi ainsi pour l’amour de Dieu, qui l’avait préféré au père de Michal et à tous les autres, et qu’il jouerait et danserait souvent ainsi, sans se préoccuper le moins du monde de l’opinion des servantes et de Michal[84] elle-même. Cette Michal n’avait pas eu d’enfant de son union avec David, mais remariée plus tard à l’homme à qui son père Saül l’avait donnée, — au temps dont nous parlons David la lui avait enlevée — elle en eut cinq enfants[85] comme nous le dirons en son lieu[86].

 

4[87]. Le roi, voyant ses affaires s’améliorer de jour en jour grâce à la volonté de Dieu, s’avisa qu’il faisait mal de demeurer dans de hauts palais de cèdre, aménagés de façon magnifique, tandis qu’il laissait l’arche abritée sous une tente. Il résolut donc de bâtir un temple à Dieu, comme Moïse l’avait prédit. Il s’entretint de ce dessein avec le prophète Nathan, et comme celui-ci l’encourageait dans son projet, disant que Dieu l’assistait en toute chose, il ne montra que plus d’ardeur pour cette entreprise. Mais Dieu apparut cette nuit-là à Nathan et lui commanda de dire à David que, tout en louant son projet et son vœu, puisque nul auparavant n’avait eu encore l’idée de lui bâtir un temple, tandis que David avait conçu ce dessein, néanmoins il ne permettait pas à un homme qui avait soutenu tant de guerres et s’était souillé du sang de tant d’ennemis de lui ériger un temple[88]. Cependant, après sa mort, qui ne viendrait qu’au terme d’une longue vie, le temple serait construit par son fils, son successeur au trône, dont le nom serait Salomon ; il promettait d’assister celui-ci avec toute la sollicitude d’un père pour son fils ; il conserverait et transmettrait la royauté aux enfants de ses enfants, mais il le puni-rait lui-même, s’il venait à pécher, par la maladie et la stérilité du sol. David, instruit de ces choses par le prophète et heureux de savoir de science certaine que le pouvoir passerait à ses descendants et que sa maison serait illustre et célèbre, s’approcha de l’arche, et prosterné sur sa face, se mit à adorer et à remercier Dieu pour tous les bienfaits qu’il lui avait déjà prodigués, eu l’élevant de la condition humble d’un berger à un tel degré de puissance et de gloire, et pour ceux qu’il avait promis à ses descendants et pour le soin qu’il avait pris des Hébreux et de leur liberté. Après avoir dit ces paroles et chanté des cantiques à Dieu, il se retira.

 

V

1. Victoires de David. — 2. Défaite d’Adad ; témoignage de Nicolas de Damas. — 3. Conquête de la Syrie et des villes appartenant à Adrazaros. — 4. Le roi d’Amath fait alliance avec David ; victoire d’Abisaï sur les Iduméens ; officiers de David. — 5. David recueille Méphiboset, fils de Jonathan.

 

1[89]. À quelque temps de là, David décida qu’il fallait attaquer les Philistins, sans laisser s’introduire la mollesse et l’oisiveté dans l’État, afin, comme la divinité le lui avait prédit, de laisser ses ennemis abattus et une royauté paisible à ses descendants. Il convoqua donc à nouveau l’armée, lui commanda de se tenir prête et équipée pour la guerre, et, quand tout lui parut a point, il partit avec elle de Jérusalem et se dirigea vers les Philistins. Il les vainquit en bataille rangée, leur enleva une grande partie de leur territoire et la réunit à celui des Hébreux ; puis il porta la guerre chez les Moabites, cette fois encore victorieux, il extermina les deux tiers de leur armée et fit le reste prisonnier[90]. Après leur avoir imposé un tribut annuel, il marcha contre Adrazaros, fils d’Araos[91], roi de la Sophène[92]. Le combat s’engagea près du fleuve Euphrate. David lui tua environ vingt mille fantassins et sept mille cavaliers[93]. Il lui prit aussi mille chars, dont il détruisit la plupart, et commanda qu’on lui en gardât cent seulement.

 

2[94]. Le roi de Damas et des Syriens, Adad(os)[95], informé que David faisait la guerre à Adrazar, dont il était l’ami, vint à son secours avec des forces puissantes, mais il dut se retirer contrairement à son attente après un engagement livré prés du fleuve Euphrate, car il fut défait dans le combat et perdit une grande partie de ses soldats : les Hébreux lui tuèrent environ vingt mille hommes[96] ; tout le reste prit la fuite. Il est fait aussi mention de ce roi chez Nicolas, qui s’exprime en ces ternies au IVe livre de ses Histoires[97] : « Longtemps après ces événements, un indigène, du nom d’Adad, devenu très puissant, régna sur Damas et sur toute la Syrie, sauf la Phénicie. Avant fait la guerre contre David, roi de la Judée, il se mesura avec lui dans plusieurs combats, dont le dernier sur les bords de l’Euphrate, où il fut vaincu, et il apparut comme le plus excellent des rois pour la force et le courage. » Outre ces détails, il raconte encore, au sujet des descendants d’Adad, comment, après la mort de ce roi, ils se transmirent l’un à l’autre leur trône et leur nom : « celui-ci mort, dit-il, ses descendants régnèrent pendant dix générations, chacun recevant de son père le nom avec les pouvoir, comme les Ptolémées en Egypte. Le troisième, qui fut le plus puissant de tous, voulant venger la défaite de son grand-père, marcha contre les Juifs et ravagea la région appelée aujourd’hui Samaritide. » Il ne s’est pas écarté de la vérité : c’est, en effet, cet Adad qui fit une expédition contre Samarie sous Achab, roi des Israélites, dont nous parlerons plus tard en son lieu[98].

 

3[99]. David dirigea ensuite une expédition sur Damas et tout le reste de la Syrie et se la soumit tout entière ; il établit des garnisons dans le pays et imposa tribut aux habitants. À son retour il consacra à Dieu, dans Jérusalem, les carquois d’or et les armures que portaient les gardes du corps d’Adad. Plus tard, le roi des Égyptiens Sousacos[100], ayant attaqué son petit-fils Roboam, s’empara de ces dépouilles et de beaucoup d’autres richesses de Jérusalem. Mais nous relaterons ces faits quand le moment en sera venu. Le roi des Hébreux, avec l’appui de Dieu, qui assurait le succès de ses entre-prises, marcha contre les plus belles villes d’Adrazar, Battéa et Machôn[101], s’en empara de vive force et les mit au pillage. On y trouva une grande quantité d’or et d’argent et du cuivre[102] qu’on disait plus précieux que l’or : c’est de ce cuivre que Salomon fabriqua le grand vase appelé filer et ces fameux bassins si magnifiques, lorsqu’il éleva le Temple à Dieu[103].

 

4[104]. Lorsque le roi d’Amathé apprit la mésaventure d’Adrazar et l’anéantissement des forces de celui-ci, il prit peur pour lui-même et songeant à s’attacher David par un pacte d’amitié et de fidélité avant qu’il ne vint à l’attaquer, il lui envoya son fils Adoram(os)[105], chargé de le remercier d’avoir combattu Adrazar, son ennemi, et de conclure avec lui un traité d’alliance et d’amitié. Il lui envoya aussi des présents, des vases d’un travail ancien, en or, en argent et en cuivre. David consentit à faire alliance avec Thaïnos[106], — tel était le nom du roi d’Amathé —, et accepta ses présents, puis il congédia son fils avec les honneurs qui convenaient à l’un et à l’autre. Quant aux trésors envoyés par ce roi et lotit le reste de l’or et de l’argent que David avait enlevé au£ villes et aux peuples subjugués, il les emporta et les consacra a Dieu. D’ailleurs, ce ne fut pas seulement quand il combattait et commandait en personne que Dieu lui pro-cura victoire et succès : David ayant envoyé contre l’Idumée une armée commandée par Abesséos[107], frère du général en chef Joab, Dieu, par la main de ce lieutenant, lui donna la victoire sur les Iduméens, dont Abesséos tua dix-huit mille dans la bataille. Le roi répartit des garnisons à travers toute l’Idumée et en tira des tributs établis aussi bien sur le sol que sur chaque tête d’habitant. Il était naturellement juste et rendait des décisions conformes à la vérité. Il avait Joab pour chef suprême de l’armée ; pour garde des registres Josaphat(os), fils d’Achil(os)[108] ; il désigna comme grand-prêtre avec Abiathar Sadoc(os) de la maison de Phinéès, dont il était l’ami particulier, et il établit Sisan[109] comme secrétaire. Enfin, il confia à Banéas, fils de Joad(os)[110], le commandement des gardes du corps[111]. Les plus âgés de ses fils étaient attachés à sa personne et à sa garde[112].

 

5[113]. Cependant il n’oublia pas ses engagements et ses serments envers Jonathan, fils de Saül, ni l’amitié et le dévouement que ce dernier lui avait témoignés. Car, à toutes ses autres vertus, il joignait celle de garder toujours la mémoire très fidèle de ceux qui lui avaient fait du bien. Aussi prescrivit-il de rechercher s’il survivait quelqu’un de la famille de Jonathan, à qui il pût rendre les bienfaits dont il lui était redevable. On lui amena un homme[114] affranchi par Saül, capable de le renseigner, et il lui demanda s’il pouvait lui désigner quelque survivant de la parenté de Jonathan apte à recevoir la récompense des bienfaits qu’il devait à celui-ci. Cet homme lui dit qu’il restait de Jonathan un fils nommé Memphibosth(os)[115], qui était boiteux ; car sa nourrice, à la nouvelle que le père de l’enfant et son grand-père avaient péri dans la bataille, l’avait emporté en s’enfuyant et l’avait laissé tomber de ses épaules : dans sa chute l’enfant s’était estropié. David s’informa où il se trouvait et citez qui il était élevé, puis envoya un messager auprès de Machir(os) dans la ville de Labatha[116], — c’était lui qui avait recueilli le fils de Jonathan. — et se fit amener l’enfant. Memphibosth(os), arrivé auprès du roi, tomba sur sa face et se prosterna. David l’exhorta à se rassurer et à compter sur un traitement favorable. Il lui donna la fortune paternelle et tous les biens qu’avait acquis son grand-père Saül, et l’invita à partager ses repas et à être son commensal, sans manquer un jour de prendre place à sa table. L’enfant se jette à genoux pour le remercier de ses paroles et de ses libéralités : alors le roi appela Siba, lui dit qu’il avait fait don à l’enfant de la fortune de son pire et de tous les biens de Saül et lui commanda de faire valoir les terres en question, de prendre soin de tout et d’apporter le revenu à Jérusalem; il devait, est outre, amener l’enfant chaque jour à sa table. Quant à Siba lui-même, à ses fils, — au nombre de quinze — et à ses serviteurs, au nombre de vingt, il les donne au jeune Memphibosth(os). Après avoir entendu ces ordres, Siba s’inclina, promit de s’y conformer et se retira. Le fils de Jonathan habita désormais à Jérusalem, admis à la table du roi et recevant de lui tous les soins d’un père. Il eut lui-même un enfant, qu’il appela Micha.

 

VI

1. Ambassade de David à Annon, roi des Ammanites ; insulte faite aux envoyés de David ; guerre avec les Ammanites. — 2. Victoire de Joab et d’Abesséos. — 3. Reprise des hostilités ; victoire de David : siège de Rabatha.

 

1[117]. C’est ainsi que les survivants de la famille de Saül et de Jonathan furent honorés par David. Sur ces entrefaites, le roi des Ammanites, Naas(ès), vint à mourir. C’était un ami de David : la royauté étant échue à son fils Annon[118], David envoya à ce prince un message de condoléance, l’exhortant à supporter avec résignation son deuil et à compter sur la persistance de l’amitié qui l’avait uni à son père. Les principaux Ammanites reçurent ce message de mauvaise grâce, tout à l’encontre du procédé de David. ils excitèrent leur roi contre lui, prétendant que David avait envoyé des gens pour espionner le pays et reconnaître leurs forces, sous prétexte de compliments. Ils l’adjuraient de prendre garde et de ne pas prêter l’oreille aux paroles de David, de peur d’être dupe et de se voir entraîné dans une catastrophe irrémédiable. Annon, roi des Ammanites, ajoutant plus de créance aux paroles de ses grands qu’elles n’en méritaient en réalité, insulta gravement les envoyés de David il leur fit tondre un côté de la barbe et couper la moitié de leurs vêtements et les congédia dans cet équipage, sans autre réponse que cet acte outrageant. A ce spectacle, le roi des Israélites s’indigna et déclara qu’il ne laisserait pas impunie cette offense et cette injure, mais qu’il ferait la guerre aux Ammanites et exigerait de leur roi réparation de l’attentat commis contre les messagers[119]. Les parents du roi et ses capitaines, comprenant qu’ils ont violé les traités et auront à en rendre raison, se préparent à la guerre. Ils envoient mille talents à Syros, roi des Mésopotamiens[120], l’invitant à faire cause commune avec eux moyennant ce subside ; de même pour Souba. Ces deux rois disposaient de vingt mille fantassins. Ils engagèrent aussi à leur solde le roi de la contrée appelée Micha[121] et un quatrième, nommé Istob(os), qui avaient ensemble douze mille hommes d’armes.

 

2[122]. Ni cette coalition ni la puissance des Ammanites n’étonnèrent David : plein de confiance en Dieu et dans la justice de la guerre motivée par une pareille injure, il envoya contre eus son général en chef, Joab, a qui il avait confié la fleur de son armée. Joab établit son camp en face de Rabatha[123]. capitale des Ammanites. Les ennemis opérèrent une sortie, non pas en une seule masse, mais en deux corps séparés : les auxiliaires prirent leur champ de bataille clans la plaine, l’armée des Ammanites se posta devant les portes, face aux Hébreux. A cette vite. Joab combine une manœuvre contraire. Il choisit les plus vaillants, qu’il oppose à Syros et aux rois qui l’accompagnaient, et confie te reste des troupes à soit frère Abesséos, pour contenir les Ammanites, il lui recommande, s’il voyait les Syriens le presser trop vivement et prendre le dessus, d’amener sou corps de troupes à la rescousse ; lui-même en fera autant, s’il voit son frère accablé par les Ammanites. Ayant donc encouragé son frère à combattre bravement, avec toute l’ardeur convenable à des hommes qui redoutent la honte, il le lance contre les Ammanites, lui-même en vient aux mains avec les Syriens. Après une résistance brève, mais énergique, de leur part. Joab en tailla en pièces un grand nombre, il contraignit tous les autres à prendre la fuite. A ce spectacle, les Ammanites, redoutant Abesséos et son armée, n’attendirent pas le choc, mais, suivant l’exemple de leurs alliés, se réfugièrent dans la ville. Ainsi victorieux des ennemis, Joab s’en retourna couvert de gloire à Jérusalem auprès du roi.

 

3[124]. Cette défaite ne suffit pas à persuader aux Ammanites de se tenir en repos, ni l’épreuve de la supériorité de leurs adversaires à les calmer[125]. Ils envoient vers Chalamas[126], roi des Syriens au delà de l’Euphrate, pour acheter son alliance ; ce roi avait un général en chef nommé Sabécos[127]. quatre vingt mille fantassins et dix mille cavaliers[128]. Quand le roi des Hébreux apprit que les Ammanites avaient ameuté derechef contre lui de si grandes forces, il ne voulut plus confier à ses généraux le soin de les combattre : mais lui-même en personne avec toutes ses troupes traverse le fleuve Jourdain, les atteint et les défait en bataille rangée. Il leur fait périr environ quarante mille fantassins et sept mille cavaliers[129] ; le général de Chalamas, Sabec, mourut de ses blessures. Les Mésopotamiens, après cette issue de la rencontre, se rendirent à David et lui envoyèrent des présents. Comme l’hiver approchait, il s’en retourna à Jérusalem, mais, dès le commencement du printemps[130], il envoya son général en chef, Joab, faire la guerre aux Ammanites. Joab les envahit, ravagea tout leur territoire, et les enferma dans leur capitale Rabatha, dont il entreprit le siège.

 

VII

1. David séduit Béersabé, femme d’Urie ; complot contre Urie ; siège de Rabatha ; mort d’Urie. — 2. David en est informé, ses instructions à Joab , il épouse Béersabé. — 3. Apologie et remontrances de Nathan ; repentir de David. — 4. Mort de son fils, attitude de David ; naissance de Salomon. — 5. David s’empare de Rabatha et des autres villes des Ammanites.

 

1[131]. Vers ce temps, David commit nue grave défaillance, malgré son caractère juste, sa piété et son ferme attachement aux lois de ses pères. Un soir, du toit de la demeure royale, où il avait coutume de se promener en cette saison, il jeta les yeux autour de lui et aperçut une femme qui se baignait à l’eau froide dans une maison voisine. Elle était d’une beauté admirable et l’emportait sur toutes les femmes : son nom était Béersabé[132]. Séduit par ses charmes, incapable de surmonter sa passion, il la fait venir et la possède. La femme devient enceinte ; elle en informe le roi et le conjure d’aviser au moyen de cacher sa faute, car son adultère entraînera pour elle la peine de mort selon les lois des ancêtres[133] ; alors David fait revenir du siège de Rabatha, l’écuyer de Joab, mari de cette femme, nommé Ourias. Sitôt arrivé, il l’interroge sur l’état de l’armée et la marche du siège. Ourias répond que tout allait fort bien, sur quoi David fait chercher quelques plats du repas, les lui donne pour son souper, puis l’invite à s’en aller citez sa femme et reposer avec elle[134]. Cependant Ourias n’en fit rien, et resta couché prés du roi avec les autres écuyers. David le sut et lui demanda pourquoi il n’allait pas chez lui, ni auprès de sa femme, après une si longue séparation, ainsi qu’ont coutume de le faire tous les maris, lorsqu’ils reviennent de voyage ; Ourias répond que lorsque ses compagnons d’armes et le général lui-même couchaient à terre dans le campement,en territoire ennemi, il ne convenait pas que lui-même allât se reposer et se réjouir avec sa femme. Après qu’il eut ainsi parlé, David lui prescrivit de demeurer encore au palais tout le jour ; il le renverrait le lendemain vers le général en chef. Le roi l’invite à souper et le fait boire jusqu’à l’ébriété, en lui portant exprès de nombreuses rasades ; il n’en persévéra pas moins à rester couché devant la porte du roi, sans montrer aucune envie d’approcher sa femme. Alors, tries dépité, le roi écrivit à Joab de châtier Ourias, qu’il lui dénonçait comme un criminel. Et il lui indiquait la façon de se défaire de lui sans qu’on pût soupçonner d’où l’ordre en était venu. Il fallait envoyer Ourias au poste le plus menacé parles ennemis, et l’exposer au plus grand danger en l’y laissant seul: tous ses compagnons auraient à l’abandonner dès le commencement du combat. Cette lettre écrite et signée de sou propre sceau, David la donna à Ourias, pour l’apporter à Joab. Celui-ci n’eut pas plus tôt reçu la lettre et connu la volonté du roi, qu’il choisit l’endroit où il savait que les ennemis s’étaient le plus acharnés contre lui-même et y poste Ourias avec quelques-uns des plus braves de l’armée : il promet de se porter à sou secours avec toutes ses forces, s’ils parviennent à faire quelque brèche dans la muraille et à pénétrer dans la ville. « Un si vaillant soldat, si estimé du roi et de tous ceux de sa tribu pour son courage, ne pouvait que se réjouir d’affronter une si rude tâche, bien loin de s’en indigner. » En effet, Ourias s’empresse d’accepter cette mission, et Joab avertit en secret ses compagnons d’armes de le laisser seul, lorsqu’ils verraient les ennemis charger. Quand donc les Hébreux assaillirent la ville, les Ammanites, dans la crainte que leurs ennemis ne se hâtassent de faire l’escalade à l’endroit même où était posté Ourias, placèrent en avant les plus vaillants d’entre eux et, ayant ouvert brusquement la porte, ils sortirent et chargèrent leurs adversaires impétueusement, en courant de toutes leurs forces. A cette vue, tous les compagnons d’Ourias tirent volte face, comme Joab le leur avait prescrit. Seul Ourias, rougissant de s’enfuir et de déserter son poste de combat, attendit les ennemis et, soutenant le choc, en tua un bon nombre, enfin, environné de toutes parts, il périt percé de coups. Quelques-uns de ses compagnons tombèrent avec lui[135].

 

2[136]. Là-dessus, Joab dépêcha des messagers au roi, en les chargeant de dire qu’il avait fait effort pour s’emparer de la ville par un coup de plain, trais qu’ayant assailli les remparts et perdu beaucoup de monde, il avait été contraint de se retirer : ils devaient ajouter, s’ils voyaient le roi courroucé de ces nouvelles, qu’Ourias avait péri dans le combat. Quand les envoyés lui tinrent ce langage, le roi le prit fort mal et déclara qu’on avait eu tort de tenter l’assaut des remparts mieux eût valu essayer de prendre la ville au moyen de mines et de machines: n’avait-on pas l’exemple d’Abimélech[137], fils de Gédéon[138], qui, lorsqu’il voulut s’emparer de vive force de la tour de Thèbes, tomba frappé d’une pierre par une vieille femme, et, malgré toute sa bravoure, échoua devant les difficultés de l’entreprise et mourut d’une mort ignominieuse ? Un tel souvenir aurait du tes dissuader d’attaquer les mitrailles ennemies. Rien de plus utile, en effet, que de garder la mémoire de tous les procédés de guerre, heureux ou non, qui ont été employés dans des périls analogues, afin d’imiter les uns et de s’abstenir des autres. Quand l’envoyé voit le roi ainsi irrité, il lui annonce encore la mort d’Ourias ; alors sa colère s’apaise, et il mande à Joab qu’il n’y a là qu’un accident humain, qu’il en va ainsi à la guerre, qu’il est bien naturel de voir l’emporter tantôt l’un des adversaires, tantôt l’autre : « A l’avenir cependant il faudra conduire prudemment le siège afin de n’y plus subir d’échec, investir la ville de terrasses et de machines et, quand on en sera maître. la détruire de fond en comble et faire périr tous ses habitants. » Le messager, porteur de ces instructions du roi, retourna auprès de Joab. Quant à la femme d’Ourias, Béersabé, informée de la mort de son mari, elle le pleura plusieurs jours. Mais, dès qu’elle eut quitté le deuil et fini de pleurer Ourias, David la prit pour femme et il lui en naquit un enfant mâle.

 

3[139]. Dieu ne vit pas ce mariage d’un œil favorable. Courroucé contre David, il apparut en songe au prophète Nathan et lui dénonça la conduite du roi. Nathan, en homme courtois et avisé, considérant que les rois, quand ils sont en proie à la colère, s’y abandonnent sans nul souci de la justice. résolut de garder d’abord le silence sur les menaces divines[140], mais vint tenir au roi un autre sage discours, alléguant une prétendue affaire sur quoi il le priait de lui dire clairement son sentiment. « Deux hommes, dit-il, habitaient la même ville ; l’un était riche et possédait de nombreux troupeaux de bêtes de somme, de moutons et de bœufs; le pauvre n’avait qu’une seule brebis. Il la nourrissait avec ses enfants, partageant sa subsistance avec elle et lui témoignant la même tendresse qu’un père à sa propre tille. Or, un hôte de ce riche l’étant venu voir, celui-ci ne voulut sacrifier aucune tête de ses propres troupeaux, pour en faire un festin à son ami, mais il envoya dérober la brebis du pauvre, l’accommoda et en régala son hôte. » Ce récit chagrina fort le roi ; il déclara devant Nathan que l’homme qui avait osé agir ainsi était un méchant et méritait de payer quatre fois[141] la brebis et en outre d’être puni de mort. Alors Nathan lui dit : « C’est toi-même qui mérites ce châtiment, et tu as prononcé ton propre arrêt pour le grand et terrible forfait que tu as commis. » Puis, il lui révéla, sans autres ambages, combien Dieu était irrité contre lui : Dieu l’avait fait roide toute la puissance des Hébreux, maître de tant de grandes nations d’alentour ; il l’avait, auparavant, préservé des embûches de Saül ; il lui avait donné des femmes épousées eu justes et légitimes noces, et voilà cependant que David l’avait méprisé et outragé en prenant la femme d’un autre et en livrant son mari aux ennemis pour le faire périr. C’est pourquoi Dieu lui fera expier ce forfait : ses femmes seront violentées par un de ses fils[142], qui complotera contre lui-même ; pour une faute commise en cachette, il subira un châtiment public. « De plus, ajoutait-il, la mort frappera bientôt le fils que tu as eu de cette femme. » Le roi fut bouleversé et profondément ému de ces paroles, il avoua en pleurant et en gémissant l’impiété commise. C’était de l’aveu de tous un homme pieux, et sa vie avait été sans péché avant l’affaire de la femme d’Ourias ; Dieu eut pitié de lui, et, en lui accordant son pardon, promit de lui conserver la vie et le trône : devant son repentir du passé. il consentait à ne pas lui tenir rigueur[143]. Et Nathan, ayant fait ces prophéties au roi. rentra chez lui.

 

4[144]. Cependant le fils que David avait eu de la femme d’Ourias fut frappé par la divinité d’une grave maladie : le roi, fort affecté, ne prit aucune nourriture durant sept jours, malgré les instances de ses serviteurs. Vêtu de noir, affaissé sur un cilice, il restait étendu à terre, suppliant Dieu pour le salut de l’enfant, dont il chérissait tant la mère. Mais l’enfant étant mort le septième jour, les serviteurs n’osaient l’annoncer au roi, car ils se disaient qu’à cette nouvelle il ne repousserait que davantage toute nourriture et tout autre soin, dans le deuil où le plongerait la mort d’un enfant, dont la maladie seule l’avait si fort accablé de chagrin. Cependant le roi, voyant ses serviteurs bouleversés et dans l’attitude que prennent habituellement ceux qui ont quelque chose à cacher, comprend que son fils n’est plus ; il mande un de ses serviteurs et en apprend la vérité : alors il se lève, se baigne, s’habille de blanc[145], et pénètre dans la tente de Dieu. Puis, il commande qu’on lui serve un repas. Cette attitude imprévue provoque une vive surprise chez ses proches et ses serviteurs ; ils s’étonnent de le voir faire, maintenant que l’enfant est mort, tout ce qu’il s’était interdit durant sa maladie. Et après lui avoir demandé au préalable la permission de le questionner, ils le prièrent de leur expliquer sa conduite. David, les traitant d’ignorants, leur répond que, tant que vivait son fils, dans l’espoir de pouvoir le sauver il avait fait tout ce qu’il fallait pour se rendre Dieu propice ; mais ce fils mort, plus n’était besoin d’un chagrin stérile. À ces paroles ils louèrent la sagesse et la raison du roi. Puis David, s’étant approché de sa femme Beersabé, la rendit mère, et il donna à l’enfant mâle qui naquit le nom de Salomon[146]. selon l’ordre du prophète Nathan.

 

5[147]. Cependant Joab faisait beaucoup de mal aux Ammanites par l’investissement de la ville, en leur coupant leurs aqueducs et tous leurs approvisionnements, de sorte qu’ils mouraient de faim et de soif ; ils puisaient de l’eau à un maigre puits, et même la rationnaient, de peur qu’elle ne vint à leur manquer complètement, s’ils en usaient trop largement[148]. Joab écrit au roi l’état du siège et l’invite à venir prendre la ville, afin qu’il recueille l’honneur du triomphe. Le roi, avant reçu la lettre de Joab, le loue de ses bonnes intentions et de sa fidélité et emmène les troupes qui formaient sa garde personnelle pour le sac de Rabatha. La ville fut prise d’assaut et livrée aux soldats pour la piller. David lui-même s’adjugea la couronne du roi des Ammanites ; elle était en or, du poids d’un talent et s’ornait au milieu d’une sardoine[149], pierre d’un grand prix. Désormais David en ceignit toujours sa tête. Il trouva encore une foule d’autres dépouilles magnifiques et précieuses dans la ville : quant aux hommes, il les fit périr dans les tortures[150]. Il traita de même les autres villes des Ammanites, après s’en être emparé de vive force.

 

VIII

1. Amnon violente sa sœur Thamar. — 2. Absalon la venge en faisant assassiner Amnon. — 3. Douleur de David. fuite d’Absalon. — 4. Joab envoie une femme à David pour obtenir le rappel d’Absalon. — 5. Après deux ans d’isolement, Absalon rentre en grâce.

 

1[151]. Après le retour du roi à Jérusalem, une catastrophe s’abat sur sa maison, dont voici la cause. Il avait une tille encore vierge, d’une beauté si remarquable qu’elle surpassait les femmes les mieux faites. Elle s’appelait Thamar(a) et avait la même mère qu’Absalon (Abésalômos). L’aimé des fils de David, Amnon, épris d’elle, et ne pouvant satisfaire sa passion parce que Thamar était vierge et bien gardée, en conçut une grande langueur. La douleur lui rongeait le corps ; il maigrissait, son teint s’altérait. Ses souffrances frappent un de ses parents et amis, Jonathan[152] (Jonathès), homme ingénieux, et d’un esprit pénétrant. Comme il remarquait chaque matin qu’Amnon n’était pas dans son état ordinaire, il l’aborde et lui en demande la raison : « J’imagine, dit-il, que c’est un désir d’amour qui cause ton mal. » Amnon lui avoue alors la passion qu’il ressent pour sa sœur consanguine ; alors son ami lui suggère un stratagème pour parvenir à l’objet de ses vœux. Il lui conseille de feindre une maladie et, quand son père viendra le voir, il le priera de lui envoyer sa sœur lui donner des soins : cela fait, il irait mieux et ne tarderait pas à être délivré de sa souffrance. Amnon alla donc s’étendre sur son lit et contrefit le malade, selon les conseils de Jonathan : quand son père vint s’informer de son état, il le pria de lui envoyer sa sœur, ce que David commanda aussitôt. Quand elle fut arrivée, Amnon la pria de lui faire des gâteaux[153]. qu’elle devait préparer elle-même et qu’il mangerait plus volontiers de ses mains. La jeune fille pétrit la farine, sous les yeux de son frère, prépare et fait cuire les gâteaux et les lui offre. Amnon ne voulut pas d’abord y goûter, mais il ordonna à ses serviteurs d’éloigner tous ceux qui se trouvaient devant sa chambre, entendant se reposer à l’abri de tout bruit et de tout trouble. Les ordres exécutés, il fit prier sa sœur de lui apporter son repas au fond de son appartement. La jeune fille obéit ; alors il se saisit d’elle et cherche à la persuader de souffrir ses embrassements. Mais elle s’écria et lui dit : « Ne me violente pas ainsi, ne commets pas cette impiété, mon frère ; ce serait mépriser les lois et te couvrir d’une lourde infamie ; renonce à une passion odieuse et impure, où notre maison ne gagnera qu’opprobre et mauvais renom. » Enfin elle lui conseille de s’ouvrir de son dessein à son père, qui pourra l’autoriser. Elle parlait ainsi afin d’échapper pour le moment à la fougue de son appétit. Mais Amnon, loin de l’écouter, tout brillant de désir et harcelé par les aiguillons de sa passion, fait violence à sa sœur. Cependant, le désir assouvi[154] fait aussitôt place à la haine : Amnon insulte Thamar et lui ordonne de se lever et de partir. Elle s’écrie que l’outrage est plus grave encore si, après l’avoir violentée, au lieu de lui permettre de demeurer là jusqu’à la nuit, il l’oblige à partir sur-le-champ, en plein jour, en pleine lumière, devant les témoins de sa honte ; alors il donne ordre à son esclave de la jeter dehors. Thamar, désespérée de cet affront et de la violence subie, déchire son manteau. — les jeunes filles de l’ancien temps portaient des manteaux à manches[155], descendant jusqu’aux chevilles, pour voiler toute leur tunique, — répand de la cendre sur sa tête, et s’en va à travers la ville en poussant des sanglots et en déplorant sa honte. Son frère Absalon, qui se trouva sur son chemin, lui demanda quel malheur elle avait éprouvé pour s’affliger ainsi. Quand elle lui eut raconté l’attentat, il lui conseilla de se calmer, de ne point prendre la chose trop à cœur et de ne pas se croire déshonorée pour avoir été violentée par son frère. Elle se laisse persuader, cesse de crier et de publier sa honte et reste chez son frère Absalon où elle demeure longtemps sans se marier.

 

2[156]. Quand il sut ce qui s’était passé, son père David en fut très affligé, mais comme il aimait tendrement Amnon, parce que c’était son fils aîné, il se tit effort pour ne pas lui causer de peine. Cependant Absalon, qui détestait profondément et sourdement son frère, attendait le moment propice pour tirer vengeance du crime. Déjà la deuxième année s’était écoulée depuis le malheur arrivé à sa sœur, quand, devant s’en aller pour la tonte de ses moutons à Belséphon[157], — ville de la tribu d’Éphraïm[158], — il invite son père avec ses frères à un festin chez lui. Son père avant décliné l’invitation, pour ne pas lui être à charge, Absalon insista pour qu’il lui envoyât au moins ses frères. David y consent : alors Absalon ordonne à ses gens, au moment où ils verront Amnon en proie au vin et au sommeil, de l’égorger sur un signe qu’il leur donnera : ils n’auront rien à craindre de personne.

 

3[159]. Dès que les serviteurs eurent exécuté son ordre, la terreur et le trouble envahirent ses frères, et, tremblant pour leur vie, ils sautèrent sur leurs chevaux[160] et s’enfuirent vers leur père. Un fuyard qui les avait précédés annonça à David qu’ils avaient tous été assassinés par Absalon. David, apprenant la mort simultanée de tant d’enfants et sous les coups d’un fière, — la qualité de l’assassin ajoutait encore à l’amertume de son chagrin, — est saisi d’une telle émotion qu’il ne demande pas la raison de cette boucherie, qu’il ne veut même pas en apprendre davantage, comme il eût été pourtant naturel a l’annonce d’un tel malheur, incroyable à force d’énormité. Il déchire ses vêtements, se précipite à terre et reste étendu, pleurant tous ses fils, et ceux dont on lui annonce la mort et leur meurtrier. Cependant Jonathan (Jonathès), fils de son frère Samas, l’exhorte à modérer un peu son chagrin, à ne pas croire à la mort de tous ses autres fils, car aucun motif n’autorisait cette rumeur, mais à s’enquérir du sujet de celle d’Amnon. Si Absalon a osé le tuer, c’est, en toute vraisemblance, à cause de l’attentat commis par lui sur Thamar. A ce moment un bruit de chevaux et le tumulte d’une arrivée les fit se retourner : c’étaient les fils du roi qui s’étaient sauvés du festin. Le père va embrasser ses fils, qu’il voit en larmes, désolé lui-même. bien qu’il retrouve contre son espérance ceux dont on venait de lui apprendre la mort. C’étaient chez tous des sanglots et des gémissements, ceux-ci pleurant leur frère mort, le roi son fils immolé. Quand à Absalon, il s’enfuit à Gethsoura[161] auprès de son aïeul maternel[162], qui régnait sur ce territoire, et demeura chez lui trois ans entiers.

 

4[163]. Il arriva alors que David décida d’envoyer un message à son fils Absalon et de le mander en sa présence, non pour le châtier car sa colère s’était apaisée avec le temps — mais pour l’avoir auprès de lui ; le général en chef Joab l’avait fort encouragé à cette décision. A cet effet, il avait suborné une vieille femme[164], qui se présenta à David en vêtements de deuil, racontant que ses deux fils s’étaient disputés aux champs et en étaient venus à se battre, sans que personne survînt pour les séparer. l’un d’eux était mort sous les coups de l’autre. Comme ses proches s’étaient jetés sur le meurtrier et cherchaient à le faire périr, elle suppliait le roi de lui accorder la grâce de son fils et de ne pas la frustrer des dernières espérances qui lui restaient d’être soignée dans sa vieillesse: ce bienfait, il pouvait le lui assurer en arrêtant le bras de ceux qui voulaient tuer son fils ; rien ne les ferait renoncer à leur dessein que la crainte qu’il leur inspirerait. Le roi ayant exaucé cette femme, elle reprit : « Je rends grâce, dit-elle, à ta bonté, à la compassion que tu as montrée pour ma vieillesse et pour la privation où j’allais être de tous mes enfants ; mais si tu veux que je sois sûre de ce que m’a promis ton humanité, commence par te réconcilier avec ton propre fils et cesse de lui témoigner ta colère. Comment, eu effet, pourrais-je croire que tu m’accordes de bon cœur la grâce de mon fils, si tu persistes encore aujourd’hui à traiter pour des raisons semblables le tien en ennemi ? Il serait parfaitement déraisonnable, lorsqu’un de tés fils est mort malgré toi, d’en sacrifier un autre de ton plein gré[165]. » Le roi devine que ce discours est une ruse imaginée par Joab dans son zèle. Il interroge la vieille femme, qui lui avoue que telle est la vérité ; alors il mande Joab, lui déclare qu’il a bien atteint son but et lui commande d’amener Absalon ; il ajoute ne plus lui en vouloir et que sa colère est tombée. Joab se prosterne devant le roi et accueille ses paroles avec joie ; aussitôt il court vers Gethsour et en ramène Absalon à Jérusalem.

 

5[166]. Le roi envoya au-devant de son fils quand il apprit son arrivée, et lui fit dire de rentrer dans son propre logis : car il n’était pas encore en humeur de le voir dés son retour. Absalon, devant cet ordre de son père, se déroba à ses regards et vécut réduit aux soins de ses propres gens. Sa beauté ne souffrit cependant ni de son chagrin[167], ni de la privation des honneurs dus à un fils de roi : il l’emportait toujours sur tous par sa prestance et sa haute stature et avait meilleure mine que ceux qui vivaient dans la plus grande abondance. Sa chevelure était si épaisse qu’on pouvait à peine la tailler en huit jours[168] ; elle pesait deux cents sicles, qui font cinq mines[169]. Il demeura à Jérusalem deux ans, et devint père de trois enfants mâles et d’une fille d’une beauté remarquable, que Roboam, fils de Salomon, prit plus tard pour femme[170]. Elle eut elle-même un enfant nommé Abias. Alors Absalon manda Joab pour le prier d’apaiser tout à fait son père et de lui demander la permission d’aller le voir et s’entretenir avec lui[171]. Comme Joab ne se pressait pas de faire cette démarche, le prince envoya quelques-uns de ses gens mettre le feu à un champ[172] contigu à son habitation. Joab, à cette nouvelle, vint se plaindre auprès d’Absalon et lui demander la raison de sa conduite : « C’est un stratagème, répond-il, que j’ai imaginé pour t’amener chez moi, toi qui as négligé les instructions que je t’avais données pour me réconcilier avec mon père. Maintenant que te voilà, je te conjure d’aller calmer l’auteur de mes jours, car j’estime mon retour plus pénible que mon exil, tant que mon père demeure en colère contre moi. » Joab touché, et prenant pitié de son existence contrainte, intercède alors auprès du roi, et ses discours le disposent si bien envers son fils que David mande celui-ci sur-le-champ auprès de lui. Absalon s’étant jeté à terre, en implorant le pardon de ses fautes, David le relève et lui promet d’oublier le passé.

 

IX

1. Absalon flatte le peuple. — 2. Achitophel se met de son côté ; David quitte Jérusalem ; il y envoie Houschaï. — 3. David donne à Siba les biens de Méphiboseth. — 4. Séméi injurie David. — 5. Soumission apparente de Houschaï ; conseils d’Achitophel. — 6. Absalon préfère l’avis de Houschaï à celui d’Achitophel. — 7. David en est averti par les fils des grands-prêtres. — 8. Achitophel se tue ; accueil fait à David aux Camps.

 

1[173]. Absalon, après avoir ainsi obtenu satisfaction de la part vie son père et roi, acquit en fort peu de temps quantité de chevaux et de chars, et il avait autour de lui cinquante satellites. Chaque jour, de grand matin, il se rendait au palais royal et s’entretenait aimable-ment avec les plaideurs qui avaient perdu leur procès ; il insinuait que, s’ils avaient injustement succombé, c’était peut-être faute de bons conseillers auprès de son père ; il affirmait que, s’il en avait le pouvoir, il leur rendrait, lui, complète et bonne justice, et se conciliait ainsi la bienveillance de tous. Lorsque, par ces flatteries au peuple, il crut s’être assuré suffisamment la faveur des foules, et que quatre ans[174] se furent écoulés depuis sa réconciliation avec son père, il vint chez David et lui demanda la permission d’aller à Hébron offrir un sacrifice à Dieu, comme il en avait fait le vœu dorant son exil. David avant acquiescé à sa requête, il part, et une grande multitude s’assemble autour de lui, car il avait convoqué quantité de gens.

 

2[175]. Avec eux arriva aussi Achitophel(os) le Gelmonéen[176], conseiller de David, ainsi que deux cents hommes de Jérusalem même, qui ne soupçonnaient rien de l’entreprise, mais croyaient simplement venir assister à un sacrifice. Et voici qu’Absalon, avant machiné son stratagème, se fait proclamer roi par tout le monde assemblé. Quand David apprit l’événement et la conduite imprévue de son fils, il fut à la fois effrayé et surpris de tant d’impiété et d’audace : ainsi Absalon non seulement avait oublié le pardon accordé à ses fautes, mais s’engageait dans une entreprise plus grave encore et plus scélérate, d’abord en aspirant à une royauté que Dieu ne lui destinait pas, ensuite en dépouillant son père. Il résolut alors de s’enfuir au delà du Jourdain. Après avoir convoqué les plus dévoués de ses amis, il s’entretint avec eux de la démence de son cils et, s’en remet-tant pour toutes choses à la justice de Dieu, il laisse le palais à la garde de dix concubines et quitta Jérusalem, avec toute une foule qui s’empressa de l’accompagner et les six cents hommes d’armes qui s’étaient déjà joints à sa première fuite, du vivant de Saül. Quant à Abiathar et Sador, les grands-prêtres, qui voulaient partir avec lui, et tous les Lévites, il les persuada de demeurer avec l’arche, car Dieu les sauverait, même sans qu’on emportât celle-ci ; mais il leur recommanda de l’informer en secret de tout ce qui se passerait. Il avait d’ailleurs des serviteurs de toute confiance dans la personne d’Achimas, fils de Sadoc, et de Jonathès, fils d’Abiathar[177]. Éthi le Gitthéen[178] partit aussi avec lui, contre le gré de David, qui voulait le persuader de rester, ce qui accrut la bienveillance que David lui témoignait. Comme il gravissait le Mont des Oliviers[179], pieds nus, et que tous ceux qui étaient avec lui pleuraient, on lui annonce qu’Achitophel lui-même est avec Absalon et embrasse son parti. Cette nouvelle augmenta encore son chagrin et il implora Dieu, lui demandant de détacher d’Achitophel la confiance d’Absalon. Car il craignait que celui-ci ne le persuadât d’obéir à ses conseils perfides, et il le savait homme capable, très habile à discerner le parti le plus avantageux. Parvenu au sommet de la montagne, il considérait la ville et priait Dieu en versant d’abondantes larmes, comme s’il avait déjà perdu sa couronne. Il rencontra alors un homme, d’une amitié sûre, nommé Chousi[180]. Le voyant les vêtements déchirés, la tête couverte de cendre et se lamentant au sujet de cette révolution, David le consola, l’exhorta à calmer son chagrin et enfin le conjura de s’en aller auprès d’Absalon et de feindre d’être de son parti, afin de pénétrer les secrets de sa pensée et de combattre les conseils d’Achitophel : il lui serait ainsi plus utile qu’en demeurant avec lui. Chousi, obéissant à David, le quitta et se rendit à Jérusalem, où arrivait peu de temps après Absalon lui-même.

 

3[181]. David avait fait un peu de chemin lorsque vint à sa rencontre Sibas, l’esclave de Memphibosthos, l’homme qu’il avait envoyé prendre soin des biens donnés par lui au fils de Jonathan, fils de Saül. Sibas avait avec lui un attelage d’ânes chargés de vivres, dont il pria le roi de prendre tout ce dont lui et ses compagnons avaient besoin. Comme David demandait où il avait laissé Memphibosthos, il répondit : « à Jérusalem », où il s’attendait que le peuple, à la faveur des troubles présents et en mémoire des bienfaits dont l’avait comblé Saül, le proclamât roi. Outré de cette trahison, David gratifia Sibas de tous les biens qu’il avait donnés à Memphibosthos, estimant qu’il y avait bien plus de droit que son maître. Sibas en fut rempli de joie.

 

4[182]. David était parvenu en un endroit appelé Baourin[183], quand s’avance à sa rencontre un parent de Saül, nommé Séméi, fils de Géras, qui se mit à lui lancer des pierres et des imprécations. Ses amis ayant entouré le roi pour le protéger, Séméi ne fit que continuer de plus belle à l’insulter, l’appelant meurtrier et artisan de mille maux. Il l’invitait à quitter le pays comme un impur et un maudit, et il rendait grâce à Dieu d’avoir arraché son trône à David et de lui avoir infligé par son propre fils la punition des crimes qu’il avait commis envers son maître. Tous étaient exaspérés de colère contre lui, et surtout Abisaï, qui voulait tuer Séméi, mais David contint l’élan de sa colère : « N’ajoutons pas, dit-il, aux malheurs présents une source de calamités nouvelles. Je n’ai ni honte, ni souci de ce chien encagé qui se jette sur moi ; je cède à Dieu qui envoie cet homme exhaler son délire contre nous. Il n’y a rien d’étonnant à ce que je sois ainsi traité par cet homme, puisqu’il me faut subir même l’iniquité d’un fils. Mais Dieu nous prendra peut-être en pitié et nous accordera le triomphe sur nos ennemis. » Il continua donc son chemin, sans se préoccuper de Séméi qui courait sur l’autre côté[184] de la montagne en criant force malédictions. Quand il fut arrivé au Jourdain, il y donna du repos à ses hommes harassés de fatigue.

 

5[185]. Lorsque Absalon et Achitophel, son conseiller, furent arrivés à Jérusalem avec tout le peuple, l’ami de David[186] se présenta devant eux, se prosterna devant Absalon et lui souhaita de régner pour toujours. Cependant Absalon lui demande pourquoi lui, un des principaux amis de son père, connu pour sa fidélité à toute épreuve, n’était pas resté avec David, mais l’avait abandonné pour passer à son propre service. L’autre répondit avec habileté et prudence : « Il faut bien se conformer à la volonté de Dieu et du peuple entier; or, comme ceux-ci sont venus à toi, seigneur, il est juste que je les suive à mon tour : car c’est bien de Dieu que tu tiens la royauté. Je te témoignerai la même fidélité et le même zèle, si tu te confies à mon amitié, que tu sais que j’ai témoignés à ton père. Pourquoi s’irriter de la situation présente ? La royauté n’a pas passé dans une autre maison, elle est restée dans la même, puisque du père elle est échue au fils. » Ces paroles convainquirent Absalon qui, de fait, l’avait suspecté.

 

Il appelle ensuite Achitophel et le consuite sur la conduite à tenir. Celui-ci lui conseille d’user des concubines de son père : « Par là, en effet, disait-il, le peuple saura avec certitude que votre querelle est irréconciliable et il t’accompagnera avec beaucoup d’empressement à la guerre contre ton père : jusqu’ici il a eu peur d’afficher une haine déclarée, craignant de vous voir vous accorder ensemble. » Docile à ce conseil, Absalon ordonne à ses serviteurs de lui dresser une tente sur le toit du palais royal, sous les yeux du peuple, puis il y pénètre et s’unit avec les concubines de sort père. Ces choses se passèrent conformément à la prophétie que Nathan avait faite à David quand il lui révélait le futur attentat de son fils[187].

 

6[188]. Absalon, ayant obéi ainsi aux suggestions d’Achitophel, sollicita une seconde fois ses conseils touchant la lutte coutre son père. Achitophel lui demanda dix mille[189] hommes d’élite, promettant de tuer son père et de ramener saufs ses compagnons, et lui affirma que, David disparu, son trône serait désormais assuré. Quoique charmé de cet avis, Absalon fait venir Chousi, le grand ami de David, — c’est ainsi qu’il l’appelait. — et lui ayant communiqué l’avis d’Achitophel, lui demanda ce qu’il en pensait. Celui-ci, comprenant que si les conseils d’Achitophel se réalisaient, David risquait d’être pris et tué, hasarda un avis contraire : « Tu n’ignores pas, ô roi, la vaillance de ton père et de ses compagnons, car il a conduit beaucoup de guerres et en est sorti toujours victorieux de ses ennemis. Maintenant, il est vraisemblable qu’il est retranché dans son camp ; car c’est un très habile tacticien, sachant prévoir les ruses des ennemis qui le guettent ; mais vers le soir, quittant les siens, ou bien il ira se cacher dans quelque vallon encaissé, ou il se postera en embuscade derrière un rocher. Et quand les nôtres en seront venus aux mains, ses soldats à lui reculeront d’abord un peu, puis[190], enhardis par l’idée que le roi est près d’eux, ils reviendront à la charge ; et au milieu du combat, ton père, apparaissant tout à coup, exaltera l’ardeur des siens et frappera les tiens de terreur. Soumets donc aussi mon conseil à la réflexion, et quand tu l’auras reconnu bon, écarte l’avis d’Achitophel. Ce conseil. le voici : Expédie des messagers dans tout le territoire des Hébreux, et convoque ceux-ci à l’expédition dirigée contre ton père. Puis, te mettant à la tête des troupes, conduis-les toi-même à la guerre et ne confie cette tâche à nul autre. Tu peux espérer, en effet, le vaincre facilement si tu le surprends en pleine campagne avec peu de soldats, avant toi-même de nombreux milliers d’hommes brillant de manifester leur zèle et leur dévouement pour toi. Que si ton père s’enferme et affronte un siège, nous nous emparerons de la ville à l’aide de machines et de mines souterraines[191]. » Ce langage rencontra plus de faveur que celui d’Achitophel : à l’avis de ce dernier Absalon préféra celui de Chousi. Dieu lui-même y avait incliné son esprit.

 

7[192]. Aussitôt Chousi va trouver les grands-prêtres Sadoc et Abiathar et leur expose l’avis d’Achitophel et le sien, et comment ses conseils à lui ont prévalu ; il leur prescrivit d’envoyer un message à David pour le mettre entièrement au courant de ces décisions et l’inviter en outre à se hâter de franchir le Jourdain, de crainte que son fils, se ravisant, ne s’élançât à sa poursuite et ne le surprit avant qu’il fût parvenu en lieu sûr. Or, les grands-prêtres tenaient à dessein leurs fils cachés en dehors de la ville, pour qu’ils pussent rapporter à David ce qui se passait. Ils envoyèrent donc une servante de con-fiance pour leur apporter les décisions d’Absalon, et leur mandèrent d’aller sur l’heure en informer David. Ceux-ci, sans ajournement ni retard, munis des instructions de leurs pères, se montrent mandataires pieux et fidèles et, estimant que plus ils feraient vite, mieux ils rempliraient leur mission, se mirent aussitôt en route pour aller trouver David. Ils étaient à peine à deux stades[193] de la ville, lorsque quelques cavaliers[194] les aperçoivent et les dénoncent à Absalon. Celui-ci aussitôt envoie des hommes pour se saisir d’eux. Mais les fils des grands-patres, s’étant méfiés, s’écartent de leur chemin, et gagnent sur-le-champ un village nommé Bachourès[195], non loin de Jérusalem ; là ils demandent à une femme de les cacher et de leur donner un abri sûr. Celle-ci fait descendre les jeunes gens dans un puits sur lequel elle posa des couvertures de laine[196]. Lorsque les gardes lancés à leur poursuite arrivèrent et s’informèrent si elle les avait vus, elle ne le nia point, mais ajouta qu’ils avaient bu chez elle, puis étaient repartis : si on leur donnait activement la chasse, on les rattraperait. Les gardes, après les avoir poursuivis longtemps sans résultat, revinrent sur leurs pas. Cependant, la femme, dès qu’elle les eut vus partir et que les jeunes gens ne risquaient plus de se faire prendre, les fit remonter du puits et les exhorta à poursuivre le chemin commencé. Et, après un voyage où ils redoublèrent de zèle et de promptitude, ils arrivèrent auprès de David et lui rapportèrent exacte-ment tout ce qui avait été décidé par Absalon. Alors David ordonna à tous ses compagnons de franchir le Jourdain, malgré la nuit venue, et sans tarder davantage.

 

8[197]. Cependant Achitophel, voyant que son avis n’avait pas prévalu, monta sur une bête de somme, courut à Gelmon, sa ville natale, et, avant convoqué tous les siens, leur raconta[198] ce qu’il avait conseillé à Absalon, et comment, n’avant pu se faire écouter, il ne doutait pas de la perte prochaine de celui-ci : David aurait le dessus et remonterait sur le trône. Mieux valait, disait-il, quitter la vie librement et fièrement que d’attendre le châtiment que lui réservait David, si entièrement trahi par lui en faveur d’Absalon. Avant ainsi parlé et s’étant retiré dans le fond de sa maison, il se pendit. Le corps d’Achitophel, qui s’était fait ainsi son propre justicier, fut décroché et enseveli par ses parents. Cependant David, avant franchi le Jourdain, ainsi que nous l’avons dit plus haut, arrive aux Retranchements (Parembolai)[199], ville magnifique et très bien fortifiée. Il y est accueilli de grand cœur par tous les principaux du pays, à la fois par pitié pour sa détresse présente et par déférence pour sa prospérité passée. Ces hommes étaient Berzélaios le Galadite, Siphar, prince de l’Ammanitide[200], et Machir(os), le premier du pays de Galaditide[201]. Ils procurèrent à David et aux siens des vivres en grande abondance : lits dressés, pain, vin, en outre quantité de viande et tout ce qu’il fallait pour restaurer et nourrir des gens épuisés de fatigue.

 

X

1. Préparatifs de guerre d’Absalon et de David ; recommandation de ce dernier. — 2. Victoire de l’armée de David ; Joab tue Absalon. — 3. Colonne d’Absalon : sa descendance. — 4. Achimas et Houschaï vont apporter les nouvelles à David. — 5. Achimas annonce la victoire à David ; Houschaï l’informe de la mort d’Absalon ; douleur de David ; Joab lui conseille de la cacher.

 

1[202]. Pendant qu’ils séjournaient en ce lieu, Absalon, ayant réuni une grande armée d’Hébreux, la conduisit contre son père ; il franchit le fleuve Jourdain et s’arrêta non loin des Retranchements dans le pays des Galadites, après avoir établi Amessas capitaine de toutes ses troupes, à la place de Joab, son parent[203]. Amessas avait, en effet, pour père Iétharsos[204] et pour mère, Abigéa[205] : celle-ci et Sarouia, mère de Joab, étaient sœurs de David. Or, quand David eut dénombré ses troupes, et en eut trouvé environ quatre mille[206], il résolut de ne pas attendre qu’Absalon vint le joindre. Ayant mis à la tête de ses hommes des chiliarques et des centurions et divisé l’armée en trois corps, il confia l’un à son général Joab, l’autre à Abisaï, frère de Joab, et la troisième à Ethéos[207], son familier et son ami, originaire de la ville des Gittiens. Il voulait partir en campagne avec eux, mais ses amis ne le lui permirent pas et le retinrent par de très sages raisons en effet, disaient-ils, s’ils étaient vaincus avec lui, ils perdraient tout espoir ; si, au contraire, défaits avec une partie de leurs troupes, ils se réfugiaient auprès de lui avec le reste, il pourrait réparer leurs forces. De plus, son absence ferait croire aux ennemis qu’il avait encore une autre armée en réserve autour de lui. Obéissant à ce conseil, il résolut de demeurer de sa personne aux Retranchements et d’envoyer au combat ses amis et ses généraux : il les exhorte à montrer ardeur, fidélité et gratitude pour les bons procédés qu’ils avaient reçus de lui. Il suppliait que, si l’on s’emparait de son fils Absalon, on l’épargnât, menaçant d’attenter lui-même à ses jours, si son fils venait à succomber. Et David demande à Dieu la victoire pour ses amis et les expédie en avant.

 

2[208]. Joab déploya ses troupes face aux ennemis dans une vaste plaine ceinte d’un bois à l’arrière[209] ; Absalon fait aussi sortir son armée. Le combat engagé, de part et d’autre on fit des prodiges de vigueur et d’audace ; les uns, voulant rendre son trône à David, s’exposaient aux dangers de toute leur ardeur ; les autres, pour empêcher qu’il ne fut arraché à Absalon, et que le fils ne reçût de son père le châtiment de sa témérité, étaient prêts à tout tenter on à tout souffrir. D’autre part, ceux-ci, supérieurs en nombre, s’indignaient à la pensée de la honte immense qu’il y aurait à être vaincus par la petite armée de Joab et de ses collègues, et les soldats de David mettaient leur amour-propre à triompher de tant de milliers de combattants ; ainsi la meulée devint acharnée, mais la victoire resta aux gens de David, qui l’emportaient en vigueur et en expérience militaire[210]. Comme les ennemis s’enfuyaient à travers bois et ravins, ils les poursuivirent, en firent quelques-uns prisonniers, en tuèrent un grand nombre, de sorte qu’il succomba plus de fuyards que de combattants : il en tomba, en effet, environ vingt mille ce jour-là. Les soldats de David se portèrent de tout côté vers Absalon, reconnaissable à sa beauté et à sa grande taille. Comme il craignait d’être pris, il enfourcha sa mule royale pour s’échapper. Emporté dans sa fuite rapide, soulevé par les sauts de sa bête et le vent, sa chevelure s’enchevêtra dans un arbre rugueux qui déployait de longues branches ; il resta ainsi suspendu d’extraordinaire façon. Et, tandis que la bête, entraînée par son élan, continuait sa course comme si elle portait encore son maître sur son dos, lui, retenu en l’air par les branches, fut pris par les ennemis. Un soldat de David vit le fait et avertit Joab ; celui-ci promit de lui donner cinquante sicles[211] s’il tuait Absalon d’un coup de javeline : « Quand même, dit-il, tu m’en offrirais mille, je ne saurais agir ainsi à l’égard du fils de mon maître, surtout après que nous l’avons tous entendu nous supplier d’épargner le jeune homme. » Cependant Joab l’obligea de lui indiquer où il avait vu Absalon suspendu, et il alla le percer d’une flèche au cœur[212]. Alors les écuyers qui portaient les armes de Joab, s’étant rangés autour de l’arbre, tirèrent à eux le cadavre[213] et le jetèrent dans une fosse profonde et béante qu’ils remplirent de pierres de manière à lui faire prendre l’aspect et la grandeur d’un sépulcre. Puis Joab, ayant fait sonner la retraite, empêche ses soldats de poursuivre davantage les troupes ennemies, par égard pour des hommes de leur race.

 

3[214]. Absalon avait érigé dans la Vallée royale une stèle de marbre, à deux stades de distance[215] de Jérusalem, colonne qu’il avait appelée « la Main d’Absalon », disant que, si même ses enfants venaient à mourir[216], son nom resterait sur cette stèle. Il avait trois fils et une fille nommée Thamara, comme nous l’avons dit précédemment[217]. De l’union de celle-ci avec Roboam, petit-fils de David, naquit un fils à qui devait échoir la royauté, Abias. Mais nous en parlerons plus tard, en temps et lieu.

 

Après la mort d’Absalon, le peuple se dispersa et rentra dans ses foyers.

 

4[218]. Achimas, le fils du grand-prêtre Sadoc. aborda Joab, et lui demanda la permission d’aller annoncer la victoire à David et de le féliciter d’avoir obtenu le secours et la sollicitude de Dieu. Mais Joab le pria de demeurer ; il ne convenait pas, disait-il, qu’après avoir été toujours un messager de bonnes nouvelles, il s’en allât maintenant annoncer au roi la mort de son fils. Ayant donc appelé Chousi[219], c’est à lui qu’il confia la tâche d’annoncer au roi ce qu’il avait vu de ses yeux. Cependant, comme Achimas insistait derechef pour être chargé de porter la nouvelle, promettant de limiter son message à l’annonce de la victoire et de taire la mort d’Absalon, Joab lui permit de se rendre auprès de David. Il prend alors le chemin le plus court, qu’il était seul à connaître, et devance Chousi. David était assis entre les deux portes de la ville, attendant que quelqu’un vint du combat lui en annoncer l’issue, quand un des guetteurs vit accourir Achimas, sans pouvoir discerner ses traits, et dit au roi qu’il voyait un homme se hâter vers lui. David s’écrie que c’est un messager de bonheur. Un instant après, la sentinelle lui signala un autre coureur qui suivait le premier. « C’est encore un (bon) messager[220], » dit le roi. Cependant la sentinelle, distinguant enfin Achimas qui s’était rapproché, annonça au roi le fils du grand-prêtre 5adoc. David, tout joyeux, s’écria que c’était là un messager d’heureux événements et qu’il lui apportait sans doute du combat quelque nouvelle conforme à ses vœux.

 

5[221]. Au moment où le roi parlait ainsi, Achimas apparaît, et se prosterne devant lui. Le roi lui demande des nouvelles de la bataille ; il lui annonce victoire et succès. Alors le roi lui demande ce qu’est devenu son fils ; le messager répond qu’il s’est empressé d’accourir vers David, dès que la déroute des ennemis s’est prononcée, qu’il a entendu une grande clameur des gens à la poursuite d’Absalon, mais qu’il n’a rien pu apprendre davantage, parce que, sur l’ordre de Joab, il s’était dépêché d’aller lui rendre compte de la victoire. A ce moment Chousi survient à son tour, salue le roi et lui confirme la victoire. David l’interroge au sujet de son fils. Et lui : « Puissent tous tes ennemis, dit-il, subir le même sort qu’Absalon ! » à ces paroles, la joie de la victoire, si grande qu’elle fut, ne subsista ni dans l’âme du roi, ni dans celle de ses soldats. David, ayant gravi l’endroit le plus élevé de la ville[222], se mit à pleurer son fils, se frappant la poitrine, s’arrachant les cheveux, se maltraitant de toutes les façons : « Mon enfant, s’écriait-il, plût au ciel que la mort m’eût atteint et que j’eusse péri avec toi[223] ! » Naturellement tendre pour les siens, c’était ce fils là qu’il chérissait le plus. L’armée et Joab, avant appris que le roi se lamentait ainsi sur son fils, se firent scrupule de pénétrer dans la ville avec l’appareil de vainqueurs : ils v entrèrent tous tête basse et en larmes ainsi qu’après une défaite. Comme le roi avait la tête voilée et gémissait sur son fils, Joab entre chez lui et cherche à le consoler : « Ô maître, dit-il, ne vois-tu pas que tu te déconsidères toi-même en agissant de la sorte ? Tu sembles haïr ceux qui t’aiment, qui ont affronté le danger pour toi, tu sembles te haïr toi-même et ta famille, chérir, d’autre part, tes pires ennemis et regretter la disparition de ceux qu’a frappés un juste trépas. Car si Absalon avait triomphé et affermi son trône, il n’aurait pas laissé le moindre vestige d’aucun d’entre nous : tous, à commencer par toi et tes enfants, nous eussions péri misérablement, et nos ennemis, loin de nous pleurer, se seraient réjouis et auraient châtié ceux qui se fussent avisés de plaindre nos malheurs. Et toi, ne rougis-tu pas d’en user ainsi à l’égard d’un homme d’autant plus digne de ta haine que c’est envers un père qu’il a montré tant d’impiété ? Chasse donc ce chagrin injuste, avance-toi. fais-toi voir à tes soldats et félicite-les de la bravoure qu’ils ont montrée dans les combats : pour moi, si tu persistes dans ton attitude actuelle, je persuaderai aujourd’hui même le peuple de se détacher de toi et de donner le trône à un autre[224], et alors je te causerai un deuil plus amer et cette fois bien fondé. » Par ces paroles Joab détourna le roi de son chagrin et le ramena au juste sentiment de ses devoirs. David change de vêtements, revêt un appareil digne d’affronter la vue du peuple et vient s’asseoir devant les portes ; toute la multitude l’apprend, accourt vers lui et lui rend hommage.

 

XI

1. Soumission des tribus à David. — 2. La tribu de Juda vient à lui la première ; David fait grâce à Séméi. — 3. Méphiboseth s’excuse auprès de David et se plaint de Siba ; David leur pardonne à tous deux. — 4. Barzilaï refuse de venir vivre à la cour. — 5. Les autres tribus reprochent à Juda d’être allée la première saluer le roi. — 6. Révolte de Siba ; David charge Joab de la réprimer. — 7. Joab tue son rival Amasa ; il assiège la ville où Siba s’est réfugié. — 8. Une femme parlemente avec Joab et lui livre la tête de Siba ; officiers nommés par David.

 

1[225]. Cependant les Hébreux du parti d’Absalon qui s’étaient échappés de la bataille, une fois revenus chacun chez soi, envoient dans toutes les villes pour rappeler les bienfaits reçus de David, la liberté et le salut qu’il leur avait procurés au prix de tant de grandes guerres. Ils se plaignaient qu’on eut chassé David du trône pour p installer un autre et maintenant, une fois mort le chef qu’ils avaient choisi, qu’on n’allât pas supplier David de mettre fin à sa colère, de leur rendre sa bienveillance et de reprendre la direction des affaires ainsi qu’auparavant en acceptant de nouveau la royauté. Tout cela était rapporté continuellement à David. Celui-ci néanmoins ne laisse pas d’écrire aux grands-prêtres Sadoc et Abiathar, leur mandant de représenter aux chefs de la tribu de Juda combien il serait honteux pour eux que les autres tribus les devançassent en choisissant de nouveau David pour roi, « alors, disait-il, que vous lui êtes apparentés et issus du même sang que lui. » Il leur prescrivit d’en dire autant au général Amessas : fils de sa sœur. comment ne se faisait-il pas un devoir de persuader le peuple de rendre la royauté à David ? Il pouvait attendre de son roi non seulement le pardon, qui lui était déjà accordé, mais le commandement en chef de tout le peuple, que lui avait précédemment conféré Absalon. Les grands-prêtres allèrent, d’une part, s’entretenir avec les chefs de la tribu et, de l’autre, persuadèrent Amessas, après lui avoir fait la commission du roi, de réfléchir à son sujet. Amessas, alors, décide la tribu d’envoyer sur-le-champ des députés à David pour l’inviter à rentrer en possession de sa royauté. Et tous les Israélites firent de même, à l’instigation d’Amessas.

 

2[226]. Quand les envoyés se furent présentés à David, il se rendit à Jérusalem. Avant tous les autres, la tribu de Juda vint à la rencontre du roi sur le fleuve du Jourdain ainsi que Séméi, fils de Ghéra, avec mille hommes qu’il amenait de la tribu de Benjamin, et Sibas, affranchi de Saül et ses fils, au nombre de quinze, avec vingt serviteurs. Ceux-ci, avec la tribu de Juda, jetèrent un pont sur le fleuve, afin que le roi pût le franchir plus aisément avec les siens. Lorsque David arriva sur les bords du Jourdain, la tribu de Juda l’acclama ; quand il monta sur le pont, Séméi se jeta à terre devant lui, lui embrassa les pieds et le pria de pardonner ses torts envers lui et de ne pas le traiter avec rigueur : « Ne croyez pas que votre premier soin, une fois revenu au pouvoir, doive être de me châtier, mais considérez plutôt que dans le repentir de mes fautes, je me suis hâté d’accourir en premier vers vous. » Tandis qu’il suppliait et implorait ainsi, Abisaï, frère de Joab, s’écria : « C’est pour cela que tu échapperais à la mort, toi qui as insulté un roi placé par Dieu sur le trône ! » Mais David s’étant tourné vers lui : « Ne finirez-vous pas, dit-il, enfants de Sarouïa ? Prenez garde de susciter encore de nouvelles agitations et séditions après tant d’autres. Sachez que je considère ce jour comme le premier de mon règne. C’est pourquoi je jure de faire remise du châtiment à tous ceux qui ont failli envers moi et de ne sévir contre aucun des coupables. Et toi, dit-il, Séméi, rassure-toi, et ne crois pas ta vie en danger. » Celui-ci se prosterna aux pieds du roi et marcha devant lui.

 

3[227]. On vit aussi venir à sa rencontre le petit-fils de Saül, Memphibosthos, vêtu d’habits sordides, les cheveux épais et en désordre : c’est qu’après la fuite de David il ne se les était pas coupés, de chagrin, et n’avait pas nettoyé ses vêtements, regardant comme un malheur personnel ce changement de règne. En outre, il avait été injustement accusé auprès de David par son intendant Sibas. Quand il eut salué le roi en se prosternant devant lui, David commença à lui demander pourquoi il n’était pas parti avec lui et ne l’avait point accompagné dans sa fuite. Memphibosthos en rejeta la faute sur Sibas. Celui-ci, en effet, avait reçu l’ordre de tout préparer pour le départ, mais il ne s’en était pas occupé et ne s’était pas plus soucié de lui que d’un esclave. « Pourtant, dit-il, si j’avais eu les pieds valides, je n’eusse pas été séparé de toi ; je m’en serais servi pour fuir. Mais il ne s’est pas contenté de contrarier ainsi mon dévoue-ment envers toi, seigneur, il a ajouté à cela des calomnies et de misérables mensonges. Cependant je sais bien que rien de tout cela ne trouve accès dans ton esprit, qui est équitable, veut le triomphe de la vérité et chérit la divinité. Après avoir été, en effet, exposé aux pires dangers par mon grand-père et quand toute notre famille méritait de périr pour te venger, tu t’es montré modéré et bon en oubliant tout ce passé à l’heure même où ta rancune pouvait se permettre la vengeance. Tu m’as traité en ami, tu m’as admis tous les jours à ta table ; bref, j’ai été traité comme le plus honoré de tes parents. » Après ces paroles, David résolut de ne point châtier Memphibosthos, mais de ne pas rechercher non plus Sibas, pour l’avoir calomnié. Il conta à Memphibosthos que, pour le punir de n’être pas venu le rejoindre avec Sibas, il avait donné tous ses biens à ce dernier ; maintenant il lui faisait grâce et ordonnait de lui restituer la moitié de ses biens. Mais Memphibosthos s’écria : « Que Sibas garde le tout ; pour moi, il me suffit que tu aies recouvré la royauté ! »

 

4[228]. Berzéléos le Galadite, grand et bel homme, qui avait comblé David de présents pendant son séjour aux Retranchements et l’avait escorté jusqu’au Jourdain, fut invité par lui à l’accompagner à Jérusalem : David promettait d’entourer sa vieillesse de tous les honneurs, de prendre soin de lui et de veiller sur lui comme sur un père. Mais Berzéléos, par amour de son foyer, refusa d’aller vivre avec le roi, déclarant qu’il avait atteint ce degré de vieillesse où l’on ne jouit plus des plaisirs. — il avait quatre-vingts ans, — mais où l’on songe à la mort et à la sépulture ; puis il lui demanda pour toute grâce de le congédier. En effet, l’âge lui avait enlevé le goût de la nourriture et de la boisson ; de plus, ses oreilles étaient fermées aux sons des flûtes et au chant des autres instruments[229] destinés à charmer ceux qui vivent ensemble à la cour des rois. Vaincu par ces vives instances : « Eh bien, dit le roi, je te congédie, toi, mais laisse-moi ton fils Achiman(os)[230] : je veux le combler de largesses. » Berzéléos lui laissa donc son fils, salua le roi et, après lui avoir souhaité la réussite de tous ses projets[231], s’en retourna chez lui. David arrive à Galgala, avant déjà autour de lui la moitié du peuple et toute la tribu de Juda.

 

5[232]. A Galgala se rendent auprès de lui les notables de la région[233] accompagnés d’une grande multitude : ils font grief à la tribu de Juda d’être venue à David en secret, alors qu’on aurait dû se porter tous ensemble d’un commun accord à sa rencontre. Mais les chefs de la tribu de Juda les prièrent de ne pas leur en vouloir d’avoir été ainsi devancés : c’est en qualité de parents de David, obligés par là même à plus de sollicitude et d’affection, qu’ils avaient pris les devants ; mais ils n’avaient point, en récompense de leur empressement, reçu de présents qui pussent indisposer les retardataires. Ainsi parlèrent les chefs de la tribu de Juda. Cependant les premiers des autres tribus, loin de se calmer : « En vérité, dirent-ils, chers frères, nous nous étonnons que vous vous disiez seuls parents du roi : celui qui a reçu de Dieu la plénitude du pouvoir doit être considéré comme notre parent à tous. Et c’est pourquoi l’ensemble du peuple a onze parts[234] (du roi) et vous une seule ; en outre nous sommes les plus anciens ; vous n’avez donc pas bien agi en venant secrètement et à la dérobée auprès du roi. »

 

6[235]. Tandis que les chefs discutaient ainsi les uns avec les autres, un homme méchant, amateur de discorde, nommé Sabéos, fils de Bochorias[236], de la tribu de Benjamin, se dressa devant le. peuple et cria très haut : « Nul de nous n’a de part avec David, ni de lot du fils de Jessée. » Après ces paroles, il sonne du cor et proclame la guerre contre le roi. Alors tous le suivirent, abandonnant David. Seule lui resta fidèle la tribu de Juda, et elle l’installa dans le palais royal à Jérusalem. Quant aux concubines, dont son fils Absalon avait abusé, il les transféra dans une autre maison et recommanda à ses serviteurs de leur procurer tout le nécessaire, mais n’eut plus commerce avec elles. Cependant il désigne Amessas comme général et lui attribue la charge occupée par Joab[237]. Puis il lui donne ordre de réunir tout ce qu’il pourrait de guerriers de la tribu de Juda et de le rejoindre dans trois jours : il lui confierait alors toutes ses forces et l’enverrait combattre le fils de Bochorias. Amessas partit, mais ne mit aucune hâte à rassembler l’armée. Comme il ne revenait pas, au troisième jour le roi dit à Joab[238] qu’il n’était pas expédient de laisser du répit à Sabéos : on pouvait craindre qu’avec le temps de se préparer il ne vint à causer plus de maux et d’affaires que n’en avait suscité Absalon. « En conséquence, dit-il, ne temporisons plus : prends tout ce qu’il y a de troupes sous la main, ainsi que les six cents ; de concert avec ton frère Abesséos, relance l’ennemi et n’importe où tu le surprendras, essaye de livrer bataille. Fais diligence pour le prévenir, de peur qu’il ne s’empare de quelques places fortes et ne nous ménage ainsi bien des combats et des sueurs. »

 

7[239]. Joab résolut d’agir sans retard. Il prit avec lui son frère et les six cents, et prescrivit à tout ce qui restait de troupes à Jérusalem de le suivre ; puis il courut contre Sabéos. En arrivant à Gabaon, bourgade située à quarante stades de Jérusalem, il rencontra Amessas qui s’avançait à la tête de forces considérables. Joab, ceint de son épée et revêtu de sa cuirasse, se porta au-devant de lui. Comme Amessas approchait pour le saluer, Joab fait comme par mégarde tomber son épée hors du fourreau. Il se baisse pour la ramasser et de l’autre main, comme pour l’embrasser, saisit par la barbe Amessas, qui s’était rapproché de lui ; puis, sans que l’autre pût se garer, il le frappe au ventre et l’étend raide mort : attentat impie et de tout point détestable sur un jeune homme de mérite, son parent, qui ne lui avait fait aucun tort, mais qu’il jalousait parce que le roi lui avait conféré le commandement et l’égalité dans les honneurs. C’était déjà pour la même raison qu’il avait assassiné Abner. Encore ce premier attentat pouvait invoquer une excuse spécieuse : le désir de venger son frère Asaël ; rien de semblable ne pouvait couvrir le meurtre d’Amessas. S’étant ainsi défait de son collègue, Joab poursuivit Sabéos, après avoir laissé un gardien près du cadavre avec ordre de crier aux soldats : « Amessas est mort justement et son châtiment est mérité ; si vous êtes du parti du roi, suivez son général Joab et Abesséos son frère. » Le corps gisant sur le chemin, tout le monde accourt le voir et, selon l’habitude de la foule, tous se tiennent debout autour, manifestant leur étonnement et leur pitié[240]. Puis l’homme l’enlève de là et le porte en un lieu fort écarté de la route où il dépose le corps et le recouvre d’un manteau. Cela fait, le peuple tout entier suivit Joab. Cependant, tandis qu’il poursuit Sabéos à travers tout le pays d’Israël, quelqu’un lui indique que le rebelle se trouve dans une ville forte appelée Abelmachéa[241]. Il s’y rend donc, dispose ses troupes autour de la ville et l’entoure d’une circonvallation ; puis, il commanda à ses soldats de saper les murailles et de les jeter bas. Car les habitants de la ville ayant refusé de le recevoir, il s’était fort irrité contre eux.

 

8[242]. Une femme de la ville, pleine de sens et d’esprit, voyant sa patrie au seuil de la ruine, monte sur le rempart et fait appeler Joab par les hommes d’armes. Celui-ci s’étant approché, elle commença par lui dire que Dieu avait désigné les rois et les capitaines pour détruire les ennemis des Hébreux et procurer à ceux-ci la paix et la délivrance[243]. « Et toi, dit-elle, tu prends à tâche d’anéantir et de saccager une ville maîtresse des Israélites, qui n’a commis aucun crime. » Joab proteste et prie Dieu de lui demeurer propice ; il assure qu’il n’a envie de faire périr personne du peuple, bien loin de vouloir anéantir une. si grande ville ; pourvu qu’on lui remette pour être châtié l’homme qui s’est révolté contre le roi, Sabéos fils de Bochorias, il lèvera le siège et ramènera l’armée. Quand la femme eut entendu les paroles de Joab, elle le pria de patienter un peu, le temps de lui jeter la tête de son ennemi, puis elle descend auprès de ses concitoyens : « Voulez-vous, dit-elle, malheureux que vous êtes, périr misérablement avec vos enfants et vos femmes, à cause d’un scélérat que personne ne connaît et l’avoir pour roi à la place de ce David qui vous a fait tant de bien ? Pensez-vous qu’une seule ville puisse résister à une armée si considérables[244] ? » Elle les persuade ainsi de trancher la tête à Sabéos et de la lancer dans le camp de Joab. Aussitôt fait, le général du roi fit sonner la retraite et leva le siège. Rentré à Jérusalem, il est désigné à nouveau comme général de toute l’armée. Le roi place Banéas à la tête des gardes du corps et des six cents, il préposa Adoram(os) aux impôts, Sabathès et Achilaos[245] aux registres, et nomma Sousas[246] scribe, et Sadoc et Abiathar prêtres[247].

 

XII

1. David livre sept fils de la famille de Saül aux Gabaonites ; danger couru par David. — 2. Exploits de guerriers Hébreux contre des Philistins. — 3. Hymnes et instruments de musique de David. — 4. Hauts faits de cinq guerriers Israélites.

 

1[248]. Après ces événements, comme le pays était en proie à la famine, David supplia Dieu d’avoir pitié du peuple et de lui révéler la raison et le remède de ce fléau. Les prophètes[249] lui déclarèrent que Dieu voulait venger les Gabaonites que Saül avait commis l’iniquité de faire périr après les avoir trompés, violant ainsi les serments prêtés autrefois par le général Josué et les Anciens[250]. Si toutefois le roi accordait aux Gabaonites la réparation qu’il leur plairait pour les victimes, Dieu promettait de se réconcilier avec son peuple et de le délivrer de ses maux. Ainsi instruit par les prophètes de la volonté divine, David fait venir les Gabaonites et leur demande quelle satisfaction ils désirent. Ceux-ci avant réclamé qu’on leur livrât pour les châtier sept fils de la famille de Saül, le roi les fit rechercher et les leur remit, mais épargna toutefois Memphibosthos, fils de Jonathan. Les Gabaonites, s’étant saisis de ces hommes, les châtièrent à leur guise. Et sur-le-champ Dieu commença à faire tomber la pluie et à rappeler la terre à la production des fruits, la libérant de la sécheresse antérieure. Et de nouveau la contrée des Hébreux fut dans l’abondance[251].

 

Peu de temps après[252], le roi fit campagne contre les Philistins. Il leur livra bataille et, les ayant mis en fuite, se trouva seul pendant qu’il les poursuivait. Harassé, il fut aperçu par un des ennemis, nommé Acmôn(os), fils d’Araphos. Cet homme était un descendant des géants ; il portait une lance dont la poignée, dit-on, pesait trois cent sicles, une cuirasse à mailles[253] et une épée. Se retournant contre David il se jeta sur lui, espérant mettre à mort le roi des ennemis, tant celui-ci était abattu de fatigue. Mais Abesséos, frère de Joab, apparut subitement, protégea en le couvrant de son bouclier le roi qui gisait à terre et tua son adversaire. Le peuple fut pénible-ment ému du danger qu’avait couru David, et les chefs lui firent jurer de ne plus affronter le combat avec eux, de peur de s’exposer par sa bravoure et son ardeur è quelque malheur, privant ainsi le peuple des bienfaits qu’il leur avait déjà procurés et de ceux dont ils profite-raient encore s’il vivait longtemps.

 

2[254]. Les Philistins s’étant rassemblés dans la ville de Gazara[255], le roi, qui en fut informé, envoya une armée contre eux. Alors se distingua et acquit un grand renom Sobacchès le Cheltéen[256], un des plus valeureux guerriers de David : il tua, en effet, beaucoup[257] de ceux qui se vantaient d’être les descendants des géants[258] et se gonflaient de leur valeur, et ce fut lui qui procura la victoire aux Hébreux. Même après cette défaite, les Philistins recommencèrent la guerre ; David leur opposa une armée où se distingua Néphan(os)[259], un de ses parents. Il se mesura dans un combat singulier avec le plus brave de tous les Philistins[260], le tua et mit en fuite tous les autres; beaucoup périrent dans la bataille. A peu de temps de là, ils vinrent camper près de la ville de Gitta, non loin des frontières du pays des Hébreux. Il y avait parmi eux un homme de six coudées de haut[261], et qui avait à chaque pied et à chaque main un doigt de plus que l’ordinaire. Or, un homme de l’armée envoyée contre eux par David, Jonathès, fils de Sama[262], l’affronta en combat singulier, mit à mort le colosse, et, ayant déterminé ainsi la victoire complète, en rapporta le prix de la bravoure : ce Philistin également se vantait d’être un rejeton des Géants. Après ce combat, ils n’osèrent plus faire la guerre aux Israélites.

 

3[263]. Affranchi des guerres et des périls et jouissant désormais d’une paix profonde, David composa des cantiques à Dieu et des hymnes en mètres variés, les uns en trimètres, les autres en pentamètres[264]. Et avant fait fabriquer des instruments, il apprit aux Lévites à s’en servir pour célébrer Dieu au jour dit du sabbat ainsi qu’aux autres fêtes. Voici l’aspect de ces instruments. La kinyra, tendue à dix cordes, se frappe à l’aide d’un plectre ; la nabla[265], qui a douze sons, se pince avec les doigts. Il y avait aussi des cymbales larges et grandes, en airain. Qu’il nous suffise d’avoir donné ces indications, afin qu’on n’ignore pas complètement quels étaient ces instruments.

 

4[266]. Tous ceux dont le roi s’entourait étaient des vaillants ; mais les plus remarquables d’entre eux, ceux qui avaient accompli les plus brillants exploits étaient au nombre de trente-huit[267]. Je ne rappellerai que les hauts faits de cinq d’entre eux : ils suffiront à faire deviner les exploits des autres. : ces hommes étaient capables, en effet, de subjuguer des pays entiers et de triompher de grandes nations. Le premier était Iessamos, fils d’Achéméos[268], qui, à plusieurs reprises[269], se jeta dans les rangs des ennemis et ne cessa de lutter avant d’avoir abattu neuf cents[270] d’entre eux. Après lui, venait Éléazar, fils de Dodéias[271], qui fut avec le roi à Arasamon[272]. Celui-ci. un jour que les Israélites, consternés devant la multitude des Philistins, prenaient la fuite, resta seul à son poste et, tombant sur les ennemis, en fit un si grand carnage, que le sang fit se coller son épée à sa main droite. Les Israélites, voyant les Philistins mis en déroute par lui, descendirent des montagnes, les poursuivirent et remportèrent une victoire étonnante et mémorable, Éléazar continuant à massacrer les fuyards, pendant que la foule le suivait et dépouillait les morts. Le troisième, c’était le fils d’Ilos, nommé Késabéos[273]. Lui aussi s’illustra dans les luttes avec les Philistins, un jour qu’ils étaient rangés en bataille en un lieu appelé Siagon (Mâchoire)[274]. Voyant les Hébreux terrifiés de nouveau par leur force et pliant devant eux, il résista à lui seul comme une armée, abattit les uns et poursuivit les autres, qui n’ayant pu soutenir son énergie et son impétuosité avaient pris la fuite. Tels sont les exploits guerriers où ces trois héros illustrèrent leurs bras. Ce n’est pas tout. À l’époque où, le roi se trouvant à Jérusalem[275], l’armée des Philistins vint porter la guerre chez lui, David monta à la citadelle, comme nous l’avons déjà dit, pour consulter Dieu au sujet de la guerre. Le camp des ennemis se trouvait dans la vallée qui s’étend jusqu’à la ville de Bethléem, à vingt stades de Jérusalem. David dit alors à ses compagnons : « Nous avons de belle eau dans ma ville natale » ; et prônant surtout celle de la citerne située près de la porte, il ajoutait que si quelqu’un lui en apportait à boire, il y trouverait plus de plaisir qu’à un trésor. Ce qu’entendant les trois braves sortirent aussitôt en courant, s’élancèrent à travers le camp des ennemis, parvinrent à Bethléem et, ayant puisé de l’eau, s’en revinrent par le camp auprès du roi, si hardiment que les Philistins, stupéfaits de leur audace et de leur force d’âme, se tinrent cois [et ne tentèrent rien contre ces hommes, méprisant leur petit nombre][276]. Quant à cette eau qu’on lui avait apportée, le roi s’abstint d’y toucher et déclara que, puisqu’elle était le prix du danger et du sang de ses hommes, il ne convenait point qu’il la bût ; il en fit une libation à Dieu et lui rendit grâce pour le salut de ses braves. Après eux, il faut nommer le frère de Joab, Abesséos, qui, en un seul jour, mit à mort six cents ennemis[277]. Le cinquième était Banéas, de famille sacerdotale. Défié par des frères illustres[278] du pays de Moab, il triompha d’eux par sa valeur. Une autre fois, comme un homme de race égyptienne, de stature gigantesque, l’avait provoqué, il attaqua sans armes son ennemi, qui était armé, en le frappant de son propre javelot : il lui enleva, en effet, sa lance, le dépouilla, vivant encore et se débattant, et l’acheva de ses propres armes. Voici encore un trait qui surpasse ou égale la bravoure des exploits précédemment rapportés : comme Dieu faisait tomber de la neige, un lion glissa et tomba dans une citerne ; l’orifice était étroit et la neige l’obstruait encore. Le fauve allait disparaître, et ne voyant pas de moyen de s’échapper, il rugissait. Banéas, qui cheminait justement par là, entendit l’animal et accourut à ses cris. Il descendit par l’ouverture et frappant le lion, en train de se débattre. avec un bâton qu’il avait dans les mains, il le tua du coup. Tous les autres guerriers de David accomplirent des exploits semblables.

 

XIII

1. David, malgré l’avis de Joab, procède au dénombrement du peuple. — 2. Le prophète Gad fait choisir à David entre trois châtiments ; David choisit la peste. — 3. Ravages du fléau ; supplications de David. — 4. Fin de l’épidémie ; David achète l’aire d’Aravna ; il projette d’y construire un Temple.

 

1[279]. Le roi David, voulant savoir combien de myriades il y avait dans le peuple, oublieux des prescriptions de Moïse. qui avait ordonné, chaque fois qu’on dénombrerait le peuple, d’avoir à payer à Dieu un demi-sicle par tête, chargea son général Joab d’aller procéder à un dénombrement complet de la population. Joab opina qu’une telle mesure n’était pas nécessaire, mais le roi ne voulut rien entendre et lui enjoignit d’y procéder sans autre délai. Joab prit avec lui les chefs de tribus et les scribes, parcourut le pays d’Israël, et, après avoir fait ce recensement, revint auprès du roi à Jérusalem au bout de neuf mois et vingt jours. Il lui apportait le chiffre de la population, hormis la tribu de Benjamin, qu’il n’eut pas le temps de recenser[280], non plus que celle des Lévites : le roi, en effet, s’était déjà repenti de la faute qu’il avait commise envers Dieu. Le nombre des Israélites autres (que Juda) s’élevait à neuf cent mille hommes aptes à porter les armes et à combattre ; la tribu de Juda, à elle seule, en comptait quatre cent mille[281].

 

2[282]. Les prophètes ayant appris à David que Dieu était courroucé contre lui, il se mit à l’implorer et le conjura de se montrer clément et de lui pardonner sa faute. Alors Dieu lui envoya le prophète Gad qui lui offrit le choix entre trois fléaux : ou qu’une famine sévit dans le pays pendant sept ans[283], ou qu’après une guerre de trois mois il fût vaincu par ses ennemis, ou qu’une maladie pestilentielle infestât les Hébreux durant trois jours. David, ainsi contraint à ce pénible choix entre de si grands malheurs, s’affligeait et demeurait tout interdit. Mais le prophète lui déclara qu’il fallait en venir là de toute nécessité et l’invita à se décider promptement afin qu’il pût annoncer son choix à Dieu. Alors le roi réfléchit que s’il demandait la famine, il paraîtrait avoir sacrifié ses sujets à sa propre conservation, car il n’en souffrirait pas, ayant beaucoup de blé en réserve, mais le fléau serait désastreux pour les autres ; que s’il choisissait les trois mois de revers, on croirait qu’il avait opté pour la guerre parce qu’il était entouré des plus braves et protégé par ses gardes, de sorte qu’il n’avait rien à redouter. Il opta donc pour une calamité commune aux gouvernants et aux gouvernés, où la crainte fût la même pour tous, proclamant qu’il valait mieux tomber entre les mains de Dieu qu’entre celles des ennemis[284].

 

3[285]. Ayant entendu ces paroles, le prophète les rapporta à Dieu. Et Dieu envoya la peste et la mort aux Hébreux. Ils ne succombaient pas tous de la même façon, et il n’était pas facile de reconnaître la maladie. Le fléau, quoique unique, se déguisait en mille formes et trouvait mille occasions pour s’abattre sur eux à l’improviste. Chacun périssait par un accident différent, et le mal survenant sournoisement amenait une mort cruelle : les uns rendaient l’âme subitement au milieu de violentes souffrances et de douleurs aiguës, quelques-uns s’épuisaient lentement et ne laissaient rien même pour leurs funérailles, ayant tout dépensé pendant leur maladie. D’autres, suffoqués soudain par un nuage qui envahissait leur yeux, expiraient dans un gémissement ; certains tombaient morts au moment d’enterrer quelqu’un des leurs, sans pouvoir achever la sépulture[286]. La peste ayant commencé son œuvre de destruction depuis l’aube, il périt jusqu’à l’heure du dîner[287] soixante-dix mille âmes. L’ange étendit son bras même sur Jérusalem, où il déchaîna également le fléau. Le roi, revêtu d’un cilice, était couché à terre et suppliait Dieu, lui demandant de s’apaiser enfin et de se contenter de tant de victimes. Comme il levait les yeux au ciel, il aperçut l’ange le traverser en se dirigeant sur Jérusalem, le glaive tiré, et il dit à Dieu que lui seul, le berger, méritait d’être châtié[288], mais que le troupeau innocent devait être sauvé ; il le suppliait donc de détourner sa colère contre lui-même et toute sa famille et d’épargner le peuple.

 

4[289]. Dieu exauça sa prière et fit cesser la peste ; pais, lui ayant envoyé le prophète Gad, il lui ordonna de monter aussitôt à la grange du Jébuséen 0ronnas[290], d’y élever un autel et d’y offrir un sacrifice à Dieu. David entendit et ne perdit pas un instant pour se rendre à l’endroit marqué. Oronnas était en train de battre son blé, quand il vit s’avancer le roi et tous ses enfants ; il accourut au-devant de lui et se prosterna. Quoique de race Jébuséenne, c’était un des meilleurs amis de David, et c’est pourquoi le roi l’avait épargné quand il détruisit la ville, ainsi que nous l’avons rapporté un peu plus haut. Comme Oronnas s’informait pourquoi le maître venait chez son serviteur, David lui dit que c’était pour lui acheter son aire afin d’y construire un autel à Dieu et d’y faire un sacrifice. Le Jébuséen déclara qu’il lui faisait présent et de l’aire et de la charrue et des bœufs pour un holocauste, et qu’il priait Dieu d’agréer le sacrifice. Le roi lui répondit qu’il lui savait gré de sa franchise et de sa générosité et qu’il acceptait son offre ; mais il désirait lui payer le prix de tout cela, car il n’était pas permis d’offrir un sacrifice qui ne coûtât rien. Oronnas s’en étant remis à son estimation, David lui acheta l’aire pour cinquante sicles[291]. Puis, ayant bâti l’autel, il accomplit les rites, fit l’holocauste et offrit des sacrifices de paix. Il apaise ainsi la divinité et elle lui redevient propice. Or, c’était précisément en cet endroit-là qu’Abram avait conduit son fils Isaac pour l’immoler et que, au moment où l’enfant allait Vitre égorgé, un bélier était apparu soudain près de l’autel, bélier qu’Abram sacrifia à !a place de son fils, comme nous l’avons dit antérieurement. Le roi David, voyant que Dieu avait exaucé sa prière et accueilli favorablement son sacrifice, décida d’appeler tout cet endroit l’autel du peuple entier et d’y construire un temple à Dieu. Cette parole devait s’accomplir dans l’avenir : Dieu, en effet, lui ayant dépêché le prophète, lui dit qu’un temple serait bâti là par son fils, par celui qui devait hériter après lui de la royauté.

 

XIV

1. David prépare les matériaux du temple. — 2. Discours de David à Salomon et aux premiers du peuple. — 3. David et Abisag. — 4. Adonias se fait nommer roi ; Bersabé, sur le conseil de Nathan, va trouver David. — 5. Intervention de Nathan ; David fait proclamer Salomon. — 6. Fuite d’Adonias ; Salomon lui fait grâce. — 7. Organisation des prêtres et des Lévites. — 8. Organisation de l’armée. — 9. Discours de David au peuple. — 10. Exhortations et promesses de David ; empressement des prêtres et des Lévites. — 11. Actions de grâces de David et du peuple ; sacrifices et fêtes ; installation de Salomon.

 

1[292]. Après cette prophétie, le roi ordonna de recenser les résidents étrangers et l’on en trouva environ cent quatre-vingt mille[293]. Il en désigna quatre-vingt mille pour être employés à tailler les pierres et le reste pour les transporter ; trois mille cinq cents[294] furent préposés à la surveillance des travailleurs. Il fit aussi préparer, en vue des travaux, une grande quantité de fer et de cuivre, et beaucoup de bois de cèdre de dimensions énormes envoyé par les Tyriens et les Sidoniens ; c’est à eux, en effet, qu’il avait commandé la fourniture des bois. Et il dit à ses amis que s’il faisait ces préparatifs dès maintenant, c’était afin de laisser tout prêts au fils qui devait lui succéder les matériaux pie la construction du Temple et de lui éviter le souci de se les procurer à un âge où il n’en aurait pas l’expérience ; en revanche, ayant les matériaux sous la main, il pourrait exécuter l’œuvre.

 

2[295]. Puis il mande son fils Salomon et lui ordonne d’élever un temple à Dieu dès qu’il aura hérité de la royauté ; il aurait souhaité, dit-il, le faire lui-même, mais Dieu l’en avait empêché parce qu’il était souillé de sang et de guerres ; cependant Dieu lui avait prédit que le temple serait édifié par Salomon, un fils de grand sens et qui en porterait le nom[296], et dont il promettait d’avoir souci 1ui-méme comme un père ; il promettait également de combler sous son règne le pays des Hébreux de toutes sortes de bienfaits et surtout du plus grand de tous : la paix, l’absence des guerres étrangères et de discordes civiles. « Ainsi, puisque, même avant ta naissance, tu as été désigné par le Seigneur pour le trône, tâche en toute occasion de te rendre digne de sa sollicitude, en te montrant pieux, juste et courageux ; observe les commandements et les lois qu’il nous a donnés par la voix de Moïse, et ne permets pas aux autres de les transgresser. Quant au temple qu’il a prescrit qu’on lui bâtit sous ton règne, mets tout ton effort à en faire hommage à Dieu, sans t’effrayer de la grandeur de l’œuvre, sans te laisser intimider par ses difficultés ; car je ferai en sorte que tout soit préparé pour toi avant ma mort. Sache donc que j’ai déjà réuni dix mille talents d’or, et cent mille talents d’argent[297] ; j’ai rassemblé une quantité de fer et de cuivre, un matériel énorme de bois et de pierres. Tu as, en outre, de nombreuses myriades de tailleurs de pierres et de charpentiers : et s’il te manque encore quelque chose, tu y pourvoiras toi-même. Quand cette œuvre sera accomplie, tu seras cher à Dieu et tu l’auras pour protecteur. » Il exhorta aussi les premiers du peuple à donner leur concours à son fils pour cette construction, et, désormais à l’abri de tout fléau à employer leurs loisirs à honorer Dieu. Ils récolteraient pour prix. de leurs peines la pair et une heureuse administration, par quoi Dieu récompense les hommes pieux et justes. Une fois le temple construit, il prescrivait à son fils d’y déposer l’arche et les vases sacrés, « lesquels, dit-il, auraient dû depuis longtemps posséder un temple, si nos pères n’avaient point désobéi aux ordres de Dieu, qui leur avait prescrit de lui édifier un temple après qu’ils auraient occupé le pays[298] ». Ainsi parla David aux chefs du peuple et à son fils.

 

3[299]. David était déjà vieux, et son corps refroidi par l’âge était devenu si frileux que, même en amoncelant les couvertures, il ne par-venait pas à se réchauffer. Les médecins se réunirent et furent d’avis qu’on choisit dans toute la contrée une belle jeune fille pour dormir avec le roi, qui seule pourrait le réchauffer et le protéger contre le froid. On trouva donc dans une ville[300] une femme plus belle que toutes les autres, nommée Abisac(é) qui réchauffa le roi rien qu’en restant couchée auprès de lui ; car en raison de son grand âge, sa faiblesse lui interdisait le plaisir et le commerce conjugal. Nous reparlerons un pets plus loin de cette vierge.

 

4[301]. Le quatrième fils de David, un grand et beau jeune homme qu’il avait eu de sa femme Aegithé, et qui portait le nom d’Adonias, nourrissait les mêmes pensées qu’Absalon ; il aspirait lui aussi à régner et disait à ses amis qu’il lui fallait prendre le pouvoir. Il équipa quantité de chars, de chevaux, et cinquante hommes pour courir par devant. Témoin de ces actes, son père ne le châtiait pas, ne l’arrêtait pas dans son dessein et ne se hasardait même pas à lui demander pourquoi il en usait ainsi. Adonias avait pour complices le général Joab et le grand-prêtre Abiathar ; seuls lui faisaient opposition le grand-prêtre Sadoc, le prophète Nathan, Banéas, le chef des gardes du corps, Séméis, l’ami de David[302], et tous les preux du roi. Adonias fit apprêter un festin hors de la ville prés de la fontaine située dans le jardin royal[303], et y invita tous ses frères, à l’exception de Salomon ; il y amena le général Joab, Abiathar et les premiers de la tribu de Juda ; tous ceux-là y assistèrent, mais le grand-prêtre Sadoc, le prophète Nathan et Banéas, chef des gardes du corps, et tous ceux du parti adverse n’avaient pas été invités. Le prophète Nathan informa de la chose la mère de Salomon, Bersabé, disant qu’Adonias était roi et que David l’ignorait ; il lui conseilla, pour se sauver, elle et son fils Salomon, de se rendre seule auprès de David et de lui dire que, bien qu’il eut juré que Salomon régnerait après lui, dans l’intervalle Adonias venait de s’emparer du pouvoir. Quand elle aurait ainsi parlé, le prophète promettait d’accourir lui-même et de confirmer ses paroles. Bersabé, obéissant à Nathan, vient trouver le roi, se prosterne devant lui et, lui ayant demandé la permission de parler, lui raconte tout ce que le prophète lui avait suggéré, le festin d ‘Adonias et ceux qu’il avait invités, le grand-prêtre Abiathar et le chef Joab, et les fils du roi à l’exclusion de Salomon et de ses amis intimes. Elle lui dit aussi que tout le peuple attendait de savoir celui qu’il désignerait comme roi et le pria de songer que, si Adonias régnait après lui, il la ferait périr ainsi que son fils Salomon.

 

5[304]. La femme conversait encore avec le roi, quand les gardiens de la chambre annoncèrent que Nathan désirait le voir. Le roi le fait introduire : Nathan entre et demande si c’est bien aujourd’hui que le roi doit désigner Adonias comme roi et lui remettre le pouvoir. « Adonias, dit-il, a, en effet, préparé un magnifique festin où il a invité tous les fils du roi, sauf Salomon, ainsi que le général Joab ; à cette heure ils font bonne chère, en claquant des mains et se réjouissant, et lui souhaitent le pouvoir à perpétuité. Cependant, il n’a convié ni moi-même, « le grand-prêtre Sadoc, ni Banéas, chef des gardes du corps. Il est bon que tout le monde sache si tout cela se passe avec ton assentiment. » Nathan ayant ainsi parlé, le roi fit appeler Bersabé : elle s’était échappée, en effet, de la chambre, quand le prophète était arrivé[305]. Quand la femme fut venue : « Je te jure, dit-il, par le Dieu très grand, que c’est bien ton fils Salomon qui régnera, comme je l’ai juré antérieurement, et qu’il s’assoira sur mon trône, et ceci se fera aujourd’hui même. » Alors la femme se prosterna et lui souhaita longue vie. Le roi mande le grand-prêtre Sadoc et Banéas, le chef des gardes du corps, et leur enjoint de prendre avec eux le prophète Nathan et tous les hommes d’armes présents à la cour, puis de faire monter son fils Salomon sur la mule royale, de le conduire hors de la ville près de la source appelée Gèon, et là de l’oindre avec l’huile sainte et de le déclarer roi. Tels furent ses ordres au grand-prêtre Sadoc et au prophète Nathan. Il leur prescrit d’accompagner ensuite le prince à travers la ville en faisant sonner de la corne et de proclamer que le roi Salomon est assis pour toujours sur le trône royal, afin que tout le peuple sache qu’il a été désigné comme roi par son père, enfin d’adresser à Salomon de sages recommandations touchant le pouvoir[306], afin qu’il gouverne avec piété et justice tout le peuple des Hébreux et la tribu de Juda. Après que Banéas eut prié Dieu d’être propice à Salomon, sans perdre un instant ils font monter Salomon sur la mule, le mènent en dehors de la ville près de la source et, l’ayant oint d’huile, le ramènent dans la ville avec des acclamations et eu lui souhaitant une royauté de longue durée. Puis, l’ayant conduit au palais royal, ils le font asseoir sur le trône. Et tout le peuple se livra aussitôt à des banquets et des fêtes, dansant et se réjouissant au son des flûtes, et la multitude des instruments faisait résonner alentour tout le sol et l’atmosphère.

 

6[307]. Quand Adonias et les convives au festin perçurent cette clameur, ils furent bouleversés, et le général Joab s’écria que ces sons et cette trompette ne lui disaient rien qui vaille. Le repas est sus-pendu, personne ne touche à rien[308], tout le monde est plongé dans ses réflexions, quand accourt à eus Jonathés, fils du grand-prêtre Abiathar. Adonias avant dévisagé le jeune homme avec complaisance et l’ayant appelé messager de bonheur, il leur fit connaître tout ce qui venait de se passer avec Salomon et la décision du roi David. Alors Adonias et tous ses invités quittent précipitamment le festin et s’enfuient chacun chez soi. Adonias, craignant que le roi ne lui demandât compte de sa conduite, prit posture de suppliant de Dieu et se saisit des cornes qui s’avançaient au devant de l’autel. On rapporte à Salomon l’acte d’Adonias et que ce dernier le prie de lui donner des sûretés qu’il ne lui tiendra pas rigueur et ne lui fera aucun mal. Salomon, avec beaucoup d’indulgence et de sagesse, répond qu’il lui passe sa faute pour cette fois, mais que s’il est jamais repris à fomenter des troubles, il ne devra son châtiment qu’à lui-même, puis il envoie des hommes le tirer de son asile. Adonias se rend alors auprès de lui et se prosterne devant son frère ; il reçoit l’ordre de rentrer chez lui sans appréhension, mais de bien se conduire à l’avenir, car il y allait de sou salut.

 

7[309]. Cependant David, désireux de faire reconnaître la royauté de son fils par tout le peuple, convoque les chefs à Jérusalem, ainsi que les prêtres et les Lévites, et, les avant dénombrés, en trouve d’abord trente-huit mille[310] âgés de trente à cinquante ans. Il en désigna vingt-quatre mille pour surveiller la construction du Temple, six mille comme juges du peuple et comme scribes, quatre mille comme gardiens de la maison de Dieu, et autant comme chantres de Dieu, destinés à chanter au son des instruments que David avait fait fabriquer, ainsi que nous l’avons dit précédemment. Il les répartit par classes, puis ayant séparé les prêtres[311], de la tribu il en trouva vingt-quatre classes, dont seize de la maison d’Eléazar et huit de celle d’Ithamar. Il établit alors qu’une même classe aurait à servir Dieu durant huit jours, d’un sabbat à l’autre. C’est ainsi que toutes les classes reçurent leur tour de service, en présence de David, des grands-prêtres Sadoc et Abiathar et de tous les chefs. La première classe qui fut tirée au sort fut inscrite pour le premier tour et ainsi de suite depuis la seconde jusqu’à la vingt-quatrième. Cette répartition a persisté jusqu’aujourd’hui[312]. Il constitua de même dans la tribu de Lévi vingt-quatre sections qui, réparties par le sort, se virent attribuer, de la même façon que les classes sacerdotales, leur service de huit jours. Il honora, d’autre part, les descendants de Boise : il fit d’eux les gardiens des trésors de Dieu et des offrandes que pourraient apporter les rois. Et il prescrivit à tous ceux de la tribu de Lévi et aux prêtres de servir Dieu nuit et jour, ainsi que le leur avait recommandé Moïse.

 

8[313]. Après cela, il répartit toute l’armée en douze corps avec des commandants eu chef, des centurions et des taxiarques[314]. Chaque corps comptait vingt-quatre mille hommes, et il leur ordonna de se tenir auprès du roi Salomon (à tour de rôle) pendant trente jours du premier jusqu’au dernier du mois avec leurs chiliarques et leurs centurions. Il établit au commandement de chaque corps des hommes qu’il savait être probes et justes, il en mit d’autres comme intendants des trésors, des bourgs, des champs et des bestiaux ; je n’ai pas jugé nécessaire de mentionner leurs noms[315].

 

9[316]. Après avoir ainsi réglé ces services, le roi convoqua en assemblée les principaux des Hébreux, les chefs des tribus, les gouverneurs de districts et tous les officiers, chargés des affaires et des revenus du roi. Debout sur une très haute estrade, il prit la parole devant cette multitude. « Frères et compatriotes, dit-il, je veux que vous sachiez qu’ayant formé le projet d’élever un temple à Dieu, j’ai amassé à cette fin une grande quantité d’or et cent mille talents d’argent. Dieu, par la voix du prophète Nathan, m’a fait défense d’exécuter ce dessein, à cause des guerres quel ai soutenues dans votre intérêt, et parce que ma droite s’est souillée du sang de tant d’ennemis, mais il a ordonné au fils qui me succéderait au trône de lui édifier ce temple. Maintenant donc, puisque des douze fils de notre ancêtre Jacob vous savez que c’est Juda qui a été désigné comme roi, et que de même j’ai été préféré à six frères et j’ai reçu de Dieu le souverain pouvoir, sans que nul l’ait regretté, de même je souhaite moi aussi que mes fils ne se querellent pas entre eux parce que la couronne est échue à Salomon, mais convaincus que Dieu l’a élu, qu’ils l’adoptent volontiers pour maître. Car s’il n’y a rien de pénible, lorsque c’est Dieu qui le veut, à servir même un maître étranger, il convient de se réjouir quand c’est un frère qui commande, parce que chacun prend sa part de son honneur. Ainsi je souhaite que les promesses de Dieu s’accomplissent, et que se répande par tout le pays et y persiste pour toujours cette prospérité qu’il a promis lui-même de procurer au règne de Salomon. Ces promesses, mon fils, seront assurées et se réaliseront heureusement si tu te montres pieux et juste, et fidèle gardien des lois nationales : mais si au contraire tu les enfreins, attends-toi aux pires calamités. »

 

10[317]. Le roi, après avoir ainsi parlé, s’arrêta, puis il donna à Salomon, aux yeux de tous, les dessins et les plans de la construction du temple, des fondements, des salles et des étages supérieurs ; il détermina quel en serait le nombre, quelle en serait la hauteur et la largeur, ainsi que le poids de tous les vases d’or et d’argent. En outre, il exhorta son fils à déployer toute son ardeur en vue de cette œuvre, et invita les chefs et la tribu de Lévi[318] à lui prêter leur concours, vu son jeune âge et le choix que Dieu avait fait de lui pour présider à l’édification du temple et occuper le trône. Il leur montra, d’ailleurs, que cette édification serait aisée et point trop laborieuse, puisqu’il avait déjà préparé lui-même beaucoup de talents d’or et encore plus d’argent, ainsi que des bois, et réuni une multitude de charpentiers et de tailleurs de pierre, quantité d’émeraudes[319] et toute espèce de pierres précieuses. Et maintenant, comme prémices de son propre apport, il offrait de fournir encore trois mille talents d’or pur[320] pour le Saint des Saints et, pour le char de Dieu, les Chérubins qui seraient posés sur l’arche et la couvriraient. Quand David se tut, un grand enthousiasme se produisit chez les chefs et les prêtres et parmi les hommes de la tribu de Lévi[321], qui apportèrent tous leur quote-part et firent de brillantes et magnifiques promesses. En effet, ils s’engagèrent à apporter cinq mille talents et dix mille statères[322] d’or, dis mille talents d’argent, et plusieurs myriades de talents de fer[323]. Et quiconque possédait des pierres précieuses les apporta et les mit dans les trésors auxquels était préposé Ialos, descendant de Moïse[324].

 

11[325]. Le peuple entier se réjouit de ces largesses, et David, témoin du zèle et de l’empressement des chefs, des prêtres et de tous les autres, commença à remercier Dieu à haute voix, l’appelant le père et l’auteur de l’univers, l’ordonnateur des choses humaines et divines dont il composait sa parure, le patron et le tuteur de la race des Hébreux et de leur prospérité ainsi que de la royauté qu’il lui avait donnée à lui-même. Puis, après avoir adressé des vœux de bonheur à tout le peuple et souhaité à son fils Salomon une intelligence saine et juste, fortifiée par tous les éléments de la vertu, il invite aussi la foule à louer Dieu. Et tous, s’étant précipités à terre, se prosternèrent et rendirent grâce aussi à David pour tous les bienfaits dont ils avaient joui depuis qu’il avait reçu la royauté. Le lendemain, ils offrirent des sacrifices à Dieu, mille veaux, autant de béliers et mille agneaux, qu’ils brillèrent en holocaustes ; ils offrirent aussi les sacrifices pacifiques et immolèrent de nombreuses myriades de victimes. Durant tout le jour, le roi fut en fête avec tout le peuple, et pour la seconde fois ils oignirent d’huile Salomon et le désignèrent pour roi et Sadoc pour grand-prêtre de toute la nation. Puis, ils amenèrent Salomon au palais royal et, l’ayant fait asseoir sur le trône de son père, lui obéirent à dater de ce jour.

 

XV

1. Recommandations de David à Salomon. — 2. Éloge de David. — 3. Sépulture de David ; richesses qu’elle contenait.

 

1[326]. Peu de temps après, David tomba malade de vieillesse et, sentant sa fin prochaine, appela son fils Salomon et lui parla en ces termes : « Mon enfant, je vais à ma destinée et m’apprête à rejoindre mes pères, prenant ainsi le chemin commun à tous les êtres présents et futurs, chemin d’où l’on ne peut revenir pour savoir ce qui se passe parmi les vivants. C’est pourquoi, avec ce qui me reste de vie et parvenu près de ma fin, je te rappelle une fois de plus ce que, déjà auparavant, j’avais pris soin de te recommander, à savoir d’être juste envers tes sujets et pieux envers Dieu qui t’a donné la royauté et d’observer ses ordres et ses lois, qu’il nous a envoyés par Moïse ; garde-toi de les négliger, en cédant soit à la faveur, soit à la flatterie, ou au désir, ou à quelque autre passion. Car tu perdras la bienveillance que la divinité te témoigne si tu transgresses ses commandements et en toutes choses tu t’alièneras sa bienveillante sollicitude. En revanche, si tu te montres tel que tu le dois et tel que je t’y exhorte, tu maintiendras la royauté dans notre famille ; aucune autre maison ne règnera sur les Hébreux, mais nous seuls à travers les Ages. Sou-viens-toi aussi de l’iniquité de mon capitaine Joab, qui a tué par jalousie deux chefs justes et honnêtes, Abner, fils de Ner, et Amessas, fils de Yéthranos ; tu vengeras leur mort comme il te plaira, car Joab, plus fort et plus puissant que moi-même, a jusque maintenant échappé au châtiment. Je te recommande d’autre part les fils de Berzéléos le Galadite, que tu tiendras en grand honneur et sollicitude, pour l’amour de moi : nous ne leur faisons pas, en effet, une faveur en les traitant bien, nous payons seulement la dette de reconnaissance contractée envers leur père pour le dévouement qu’il m’a témoigné dans ma fuite. Quant à Séméi, fils de Géras, de la tribu de Benjamin, qui, après m’avoir accablé de malédictions à cette occasion, lorsque je m’en allais vers les Retranchements, est venu vers moi sur le Jourdain et a reçu alors des assurances d’impunité, tu chercheras maintenant un motif plausible pour le châtier. »

 

2[327]. Après avoir fait ces recommandations à son fils concernant le gouvernement, ses amis et ceux qu’il savait mériter un châtiment, David mourut âgé de soixante-dix ans, ayant régné sept ans et six mois à Hébron sur la tribu de Juda, et trente trois ans à Jérusalem sur tout le pays. Ce fut un homme excellent[328] et doué de toutes les vertus que devait posséder un roi de qui dépendait le salut de tant de peuples. Il fut brave, en effet, comme nul autre ; dans les combats livrés pour ses sujets il s’élançait le premier au danger, encourageant ses soldats dans les mêlées en partageant leur peine et leur effort, plutôt qu’en leur commandant comme un maître ; très habile à saisir une situation, à pourvoir à l’avenir et aux difficultés du moment, prudent, doux, bon pour les affligés, juste. humain, qui sont toutes vertus dignes des plus grands princes, enfin, malgré un si haut degré de puissance, n’ayant jamais abusé de son autorité si ce n’est au sujet de la femme d’Urie. Il laissait des richesses comme nul autre roi des Hébreux ou des autres nations.

 

3. Son fils Salomon l’ensevelit avec dignité à Jérusalem, observant tout le cérémonial en usage pour des funérailles royales ; et il ensevelit encore avec lui des trésors considérables dont le fait suivant peut donner une idée. En effet, après une durée de treize cents ans[329], le grand-prêtre Hyrcan, assiégé par Antiochus surnommé Eusèbe, fils de Démétrius, voulut, à prix d’argent, faire lever le siège et emmener l’armée. Or, n’en trouvant pas ailleurs, il ouvrit une des chambres du sépulcre de David, en tira trois mille talents, dont il donna une partie à Antiochus, et fit ainsi lever le siège, comme nous l’avons raconté ailleurs[330]. Bien des années après cet événement, à son tour le roi Hérode, ayant ouvert une autre chambre, en enleva beaucoup de richesses[331]. Toutefois aucun de ces princes ne parvint jusqu’aux sarcophages des rois ; ceux-ci étaient, en effet, enfouis sous terre, avec tant d’art qu’ils demeuraient invisibles aux violateurs du sépulcre[332]. Mais là-dessus qu’il me suffise d’avoir donné ces indications.

 


[1] II Samuel, I, 1.

[2] Le synchronisme n’est pas aussi nettement marqué dans la Bible.

[3] Cf. Ant., VI, 370 et suiv. : Josèphe fait, comme on l’a vu, concorder les deux récits, celui de I Samuel, XXXI, 4, et le rapport fictif dans l’esprit du narrateur biblique, du jeune Amalécite, II Samuel, I, 6 et suiv.

[4] II Samuel, I, 1, et suiv. C’est la complainte connue sous le nom de « chant de l’arc ».

[5] II Samuel, II, 1.

[6] II Samuel, II, 8.

[7] Έπειχθείς είς τήν παρεμβολήν. Josèphe s’inspire ici étourdiment des LXX, qui ont traduit l’hébreu « il le fit passer à Mahanaïm » par « et il le fit monter du camp à Manaem », version bizarre née d’un doublet, car παρεμβολή n’est que la traduction de Μανxέμ. La méprise de Josèphe est d’autant plus grave qu’il traduit lui-même l’instant d’après Μανxλίν par παρεμβολαί, cf. infra, §§ 18, 388 .

[8] Hébreu : Isch-Boschet ; LXX : Ίεβοσθέ. Le même est appelé Eschbaal, I Chron., VIII, 33, ce qui paraît avoir été son véritable nom.

[9] Cf. la note 7.

[10] Le texte est corrompu. La Bible ne nomme que la mère de Joab, Cerouïa.

[11] Détail imaginé. La Bible le compare simplement à un chevreuil.

[12] Πανοπλίαν, comme LXX = ses dépouilles.

[13] Hébreu : Amma ; LXX : Αμμάν.

[14] Le texte paraît altéré. D’après la Bible, ce sont les Benjaminites, rangés autour d’Abner, qui se tiennent sur le sommet d’une colline. C’est alors qu’Abner prend la parole.

[15] II Samuel, III, 1.

[16] II Samuel, III, 2 : I Chroniques, III, 1-4. Josèphe paraît suivre surtout ce dernier texte.

[17] LXX (Samuel) : Άχινόομ ; Chroniques, Άχινάαμ ; Hébreu : Ahinoam.

[18] LXX (Chron.) : Δαμνιήλ (hébreu : Daniel). Dans Samuel le second fils de David s’appelle Kileab en hébreu, Δαλουίx dans le grec. Dans le Talmud (Berakhot, 4 a) R. Yohanan opte aussi pour Daniel.

[19] Hébreu : Maakha, Thalmaï, Abschalom. LXX : Μωλά, Θολμαϊ (Chron. : Μααχα, Θολμί) Άβεσσαλώμ.

[20] Hébreu : Yithream, Egla ; LXX : Ίεθεραxμ τής Αίγαλ (Chron. Άγλά).

[21] Hébreu : Riopa fille d’Aga. LXX (Samuel) ‘Ρεσφά θυγατήρ Ίώλ (Άϊά au chap. XXI, 8, 10, 11). Le Sibathos de Josèphe rappelle la leçon Σ(ε)ιβα qui se trouve dans la recension lucienne. Peut-être lisait-on un mot hébreu à la place d’un autre dans le texte suivi par Josèphe ? (Cf. cependant sur cette leçon, Schlatter, Hebr. Namen bes Josephus, p. 13.)

[22] II Samuel, III, 12, Josèphe semble avoir lu Hébron dans son texte, au lieu de l’obscur mot hébreu (LXX Θαιλάμ ?).

[23] Hébreu : Mea orloth, cent prépuces. Dans I Samuel, XVIII, 27, il était question de 200 prépuces (LXX : έxατόν). Josèphe conserve la même modification décente et aussi la même exagération dans le chiffre que plus haut (Ant., VI, § 203).

[24] Détail ajouté par Josèphe.

[25] II Samuel, III, 22.

[26] Commentaire propre à Josèphe. L’Écriture ne s’explique pas sur les motifs qui ont poussé Joab.

[27] Hébreu : Bor hassira (fosse de Sira) ; LXX : φρέατος τοΰ Σεειράμ. La leçon de Josèphe suppose peut-être une autre expression de l’hébreu.

[28] Renseignement personnel de Josèphe.

[29] Inadvertance de Josèphe : la Bible dit Gabaon (II Samuel, III, 30).

[30] II Samuel, III, 28.

[31] II Samuel, IV, 1.

[32] Hébreu : Rimmon ; LXX : ‘Ρεμμών.

[33] Bible : Baana et Rèkhab ; on ne voit pas bien d’où provient la lecture Θάννος. Cf. Schlatter. op. cit., p. 103.

[34] A peu près comme les LXX : ή θυρωρός τοϋ οϊxου έxάθαιρε πυρούς (Josèphe parle d’un certain travail, sans préciser) xαί ένύσταξε xαί έxάθευδε. L’hébreu dit tout autre chose : « Ils pénètrent jusqu’au milieu de la maison, prenant des épis de froment » (v. 6).

[35] Dans la Bible, on les met à mort et on leur tranche ensuite les mains et les pieds.

[36] II Samuel, V, 1.

[37] I Chroniques, XII, 23-40. Tout ce dénombrement fantastique est emprunté à la Chronique.

[38] La Bible hébraïque et les LXX disent 4.600.

[39] Hébreu : Yehoyada ; LXX : Ίααδάς.

[40] Hébreu et LXX : 3.000.

[41] Hébreu et LXX : 18.000.

[42] La Bible ne donne ici aucun chiffre. La Bible de Josèphe avait peut-être un texte hébreu avec une expression obscure (v. 33).

[43] Les mss. portent τής Γάδου φυλής, mais la tribu de Gad ne sera mentionnée (sans son nom) qu’au § 60, le lecteur n’en connaît donc pas l’armement. Il faut corriger Γάδου en Ίούδα : l’armement de Juda a été défini § 55, et il n’y a de changement qu’avec Nephtali, § 58. ( T. R.)

[44] Ici, c’est Josèphe qui est muet sur le chiffre : dans la Bible : 1 .000 chefs, 35.000 soldats.

[45] Comme l’hébreu ; LXX : 28.800.

[46] Gad et Ruben (Chroniques, XII, 37).

[47] II Samuel, V, 6 ; I Chron., XI, 4-7. Josèphe a combiné et délayé ces deux récits.

[48] Dans l’hébreu de Samuel, les Jébuséens dirent à David : « Tu n’entreras pas ici que tu n’aies délogé les aveugles et les boiteux », entendant par là : « David n’entrera jamais ici. » Josèphe a mis en scène la simple indication du texte. D’après les LXX, ce sont les aveugles et les boiteux qui s’étaient opposés à l’entrée de David : ότι άντέστησαν οί τυφλοί xαί οί χωλοί. Dans les Chroniques, les habitants de Jébus disent à David : « Tu n’entreras pas ici » ; il n’est pas question d’aveugles et de boiteux.

[49] Hébreu : Meçoudat Zion. La Bible ne parle pas d’une ville basse conquise avant la citadelle. Josèphe a dans l’esprit la Jérusalem de son temps. Cf. d’autre part, Ant., V, § 124.

[50] I Chroniques, XI, 6.

[51] II Samuel, V. 7.

[52] II Samuel, V, 5.

[53] I Chroniques, XI, 8.

[54] Cf. Ant., 1, § 180. Le texte paraît altéré (Haber place entre crochets tout le § 67) ; cf. Niese, Préface, I, p. XXXII. David appelle Jérusalem « ville de David » d’après le § 65. Ailleurs (Guerre, VI, 438 ; Ant., I, 180), Josèphe raconte que est Melchissédec qui changea en Jérusalem l’ancien nom de Solyma.

[55] C’est le système selon lequel Homère aurait su l’hébreu. Le passage visé est Odyssée, V, v. 383, où il s’agit des monts Solymieus, qui n’ont rien à voir avec la Judée.

[56] Il n’est pas facile de retrouver ce chiffre d’après les durées partielles indiquées par Josèphe lui-même depuis les 25 ans de Josué jusqu’à la prise de Jébus sous David. On n’obtient qu’un total de 504 ans ½, qui se décomposent comme suit :

Josué, 25 ans ; Les hébreux asservis par Couschan, 8 ; Othoniel, 40 ; Période d’asservissement, 18 ; Eoud, 80 ; Samgar, 1 ; Période d’asservissement, 20 ; Barac, 40 ; Période d’asservissement, 7 ; Gédéon, 40 ; Abimélech, 3 ; Yaïr, 22 ; Période d’asservissement, 18 ; Jephté, 6 ; Ibsan, 7 ; Elon, 10 ; Période d’asservissement, 40 ; Samson, 20 ; Eli, 40 ; Samuel, 12 ; Saül, 40 ; David, 7 ½. Soit un total de 504 ans ½.

Il manque donc 11 ans, ou 12 ans, si l’on ne compte pas l’année de Samgar (mort la première année de son gouvernement, Ant., V, 197). Faut-il les donner à Abdon, mentionne par Josèphe sans indication de durée ? ou bien y a-t-il un intervalle de ce genre à intercaler entre Josué et les huit ans d’asservissement avant Othoniel ? En tout cas, si Josèphe suit un système, on sait le peu de soin qu’il prend d’être toujours conséquent avec lui-même.

[57] L’hébreu (II Samuel, XXIV, 16) doit être lu d’après les Massorètes Aravna. La leçon des Chroniques (I Chron., XXI, 18) est Ornan : LXX : Όρνά.

[58] La Bible ne fait pas mention de lui à propos de la conquête de Jébus. C’est parce que Aravna est appelé le Jébusite que Josèphe s’est plu à le mentionner ici, sans utilité apparente.

[59] V. plus loin, §§ 329 et suiv.

[60] έννέα les mss. ; ένδεxα tous les éditeurs. Ces fils s’ajoutent à ceux du § 21.

[61] Les noms des fils de David paraissent altérés. Dans la Bible la liste se trouve en trois endroits : 1° II Samuel, V, 14-16 ; 2° I Chroniques, III, 3-9 ; 3° Ibid., XIV, 4-7, avec quelques divergences. La principale consiste en ce que Samuel ne connaît que 11 fils, tandis que les Chroniques en nomment 13. Mais les deux noms supplémentaires Elichama, Elifalet (XIV, 5 : Elichoua, Elpalet) semblent n’être que des doublets. Josèphe s’en tient au chiffre 11 (l’έννέα des mss. est une faute de copiste), mais quel texte a-t-il suivi ? La mention de Thamar fait penser qu’il s’est conformé plutôt au premier passage des Chroniques. L’identification des noms, étant donné l’état du texte, est malaisée : Άμνοϋς et Έμνοϋς semblent deux variantes d’un même nom (Schim’a ou Schammoua ; LXX : Σαμμούς). — Έβαν doit correspondre à Schobab. La leçon la plus rapprochée d’Eban dans les différentes versions des LXX est la leçon lucianique Ιεσσεβαν. Ίεőαρ rappelle la leçon Ίεβάαρ de quelques mss. des LXX (hébreu : Yibhar). Έλιής = Έλιτουέ (hébreu : Elischoua). À quoi correspondent Φάλνx et Ήνναxήν ? Vraisemblablement c’est la corruption de trois noms bibliques : Elifalet, Noga et Néfog, dont les deux premiers ne se lisent que dans les Chroniques (mais non dans l’Alexandrinus), Ίενάε répond peut-être à Yaphia ; LXX : Ίεφιες. À noter la leçon Ιανουου du codex FA (Friderico-Augustanus) qui se rapproche le plus de la lecture de Josèphe.

[62] II Samuel, V, 17 ; I Chroniques, XIV, 8.

[63] Τήν xοιλάδα τών Τιτάνων comme LXX (dans Chron., ...Γιγάντων). Hébreu : Emek Refaïm.

[64] Dans la Bible David consulte Dieu sans intermédiaire.

[65] Cette défaite est, d’après la Bible, l’origine d’un nom de lieu : Baal Peracim (LXX Samuel : Έπάνω διαxοπών ; Paral. : διαxοπή Φαρεσίν).

[66] Tous ces détails sont de l’invention de Josèphe : ils ont, comme il le dit ensuite, pour but d’expliquer le retour offensif des Philistins au même endroit, malgré leur défaite.

[67] II Samuel, V, 22 ; I Chroniques, XIV, 13.

[68] Έν τοίς άλσεσι τοϊς.... Κλαυθμώσι. Même traduction que les LXX (άπό τοΰ άλσους τοΰ Κλαυθμώνος) du mot hébreu compris comme le pluriel de « pleur » (cf. l’expression « la vallée des larmes », Psaumes, LXXXIV, 7). Mais ce mot hébreu est généralement considéré comme désignant un arbre balsamique, en raison peut-être des « larmes » de résine qui en dégouttent. (Dans le passage parallèle I Chron., XIV, 14 on trouve τών άπίων, des poiriers, traduction adoptée par la Vulgate).

[69] Josèphe omet le trait essentiel du récit biblique (II Samuel, V, 24) : le souffle qui agite les arbres, c’est l’esprit de Dieu qui passe.

[70] Hébreu : Gezer. LXX : Γαζηρά (FA dans Chron. a la forme Γαζαρα).

[71] Dans la Bible ce détail figure à l’occasion de la première victoire. Josèphe suit les LXX dans leur traduction du mot hébreu « idoles » (v. 21) par θεούς. Mais le texte de Samuel dit seulement que David et ses compagnons les enlevèrent. D’après les Chroniques, David les fait brûler.

[72] II Samuel, VI, 1 ; I Chroniques, XIII, 1.

[73] 30.000 hommes d’après Samuel ; LXX : environ 70.000. Josèphe suit surtout le texte des Chroniques qui ne mentionne pas le chiffre et parle seul de chiliarques, de prêtres et de Lévites.

[74] D’après I Chroniques, XIII, 3.

[75] Josèphe suit les LXX qui lisent dans l’hébreu « ses frères » au lieu de la lecture massoréthique ; seulement il omet ici le nom d’Ouzas et semble faire des « fils d’Aminadab » non pas, comme dans la Bible, une apposition d’Ahio ou des frères, mais un nouveau sujet. Niese suppose que la mention d’Ouzas est tombée.

[76] όρχήσεων, suspect. Peut-être όργάνων (Septante : όργάνοις ήρμοσμένοις) — T. R.

[77] D’après les Chroniques (v. 9). Dans Samuel, le personnage s’appelle Nachon (LXX : Ναχώρ).

[78] C’est l’explication traditionnelle, qu’on peut déduire d’ailleurs de I Chroniques, XV, 2. Mais l’Écriture ne dit pas formellement qu’Ozas a été puni parce que son geste était d’un profane.

[79] Διαxοπή comme LXX.

[80] Hébreu : Obed-Edom ; LXX sur Samuel Άβεδόαρά ; I Chroniques, XV, 18 : Οβδεδομ. L’origine lévitique résulte de ce verset.

[81] II Samuel, VI, 17 ; I Chroniques, XVI, 1.

[82] Josèphe emploie les mêmes termes que LXX sur Samuel (v. 9). Les Chroniques ont d’autres expressions.

[83] II Samuel, X, 20.

[84] Josèphe est plus conforme aux LXX qu’à l’hébreu. Les LXX ont « et je serai un sot à tes yeux et devant les servantes, dont tu as dit qu’elles ne me respectaient pas ». L’hébreu dit : « et devant les servantes dont tu as parlé je paraîtrai plus glorieux. »

[85] D’après I Samuel, XXV, 44, et II Samuel, XXI, 8. Mais la Septante (L) lit Mérab au lieu de Michal et cette leçon semble préférable ; le texte II Samuel, VI, 23, dit formellement que Michal resta stérile jusqu’à la fin de ses jours.

[86] Josèphe n’en parle plus nulle part, à moins de supposer une lacune entre les §§ 296 et 297.

[87] II Samuel, VII, 1 ; I Chroniques, XVII, 1.

[88] D’après I Chroniques, XXVIII, 3. Le texte de Samuel n’allègue aucun motif de ce genre et, dans la forme originaire, contenait une interdiction pure et simple d’élever un temple à Dieu.

[89] II Samuel, VIII, 1 ; I Chroniques, XVIII, 1.

[90] Dans la Bible, David mesure les Moabites au cordeau et les partage en deux parties ; l’une — mesurant les deux tiers — est condamnée à mort, l’autre est épargnée.

[91] Hébreu : Hadadézer ben Rehob ; LXX : Άόρααζάρ υίόν ‘Ραάβ.

[92] Hébreu : Çoba ; LXX : Σουβά. Il ne s’agit point de la Sophène, située beaucoup trop au N. (en Arménie), mais sans doute d’un canton du Haouran. L’Euphrate n’est nommé que dans la Chronique.

[93] Le chiffre de 1.000 cavaliers, ainsi que celui des 1.000 chars, se retrouve dans les LXX. L’hébreu ne les a que dans I Chroniques, XVIII, 4 ; dans Samuel il n’est question que de 1.000 cavaliers et le chiffre des chars n’est pas indiqué.

[94] II Samuel, VIII, 5 ; I Chroniques, XVIII, 5.

[95] Hébreu : Aram Daméschek (Darmeschek in Chroniques). Dans les LXX sur Samuel, il y a Συρία Δαμασxοΰ ; dans Chroniques : Σύρος έx Δαμασxοΰ. Josèphe a décomposé l’expression et il a ajouté le nom d’Adad, sans doute pour se mettre d’accord avec Nicolas cité ci-après.

[96] Bible : 22.000.

[97] Nicolas de Damas fr. 31 Didot (Textes d’auteurs grecs et latins, etc., p. 79).

[98] Infra, VIII, c. 14 et suiv.

[99] II Samuel, VIII, 6. I Chroniques, XVIII, 7.

[100] Josèphe suit les LXX, qui font ici une allusion anticipée à Roboam. Mais l’hébreu est muet sur l’enlèvement des armes d’or d’Adadézer par Sésac, non seulement ici, mais dans I Rois, XIV, 25, où le roi ne prend, avec les trésors du temple, que les boucliers d’or faits par Salomon. Les LXX, en ce passage (p. 26), ajoutent au texte hébreu la mention de l’enlèvement des « javelots » d’or (δόρατα) pris autrefois par David au fils d’Adrazaar.

[101] Hébreu Samuel : Bétah et Bérotaï : LXX : xαί έx τής Μετεβάx xαί έx τών έxλεxτών πόλεων. Le texte de Josèphe rappelle davantage les noms des mêmes villes dans les Chroniques, à savoir (Mi)tibhat ou(mi)koun, la préposition mi considérée comme faisant partie intégrante du nom.

[102] L’hébreu ne parle que du cuivre.

[103] Ce détail est absent de l’hébreu de Samuel, mais se trouve dans I Chroniques, XVIII, 8 et dans LXX sur les deux passages.

[104] II Samuel, VIII, 9 ; I Chroniques, XVIII, 9.

[105] Conforme à la leçon des Chroniques. Dans Samuel, le nom est Joram (LXX : Ίεδδουράμ).

[106] Hébreu : Thoï et Thoou ; LXX : Θοού ; Chroniques : Θωά (A. Θαεί).

[107] I Chroniques, XVIII, 12. D’après II Samuel, VIII, 13, la victoire (dans le Val du sel) est attribuée à David lui-même ; d’après le Psaume LX à Joab.

[108] Bible : Ahiloud.

[109] Hébreu : Seraya (Samuel) ou Schavscha (Chroniques) ; LXX : Σασά ou Σουσά.

[110] Hébreu : Yehoyada ; LXX : Ίωδαέ.

[111] Bible : le Kerêti et le Peléti.

[112] L’hébreu dit : les fils de David étaient Cohanim (prêtres) ; les LXX traduisent ici le mot par αύλάρχαι « princes de la cour ». Dans les Chroniques on lit dans l’hébreu ce qui paraît signifier les premiers ministres du roi. (LXX : οί πρώτος διάδοχοι τοΰ Βασιλέως.) Josèphe semble avoir rattaché harischonim à Bene David comme épithète et non comme attribut (les fils aînés).

[113] II Samuel, IX, 1. Sur cet épisode les Chroniques sont muettes.

[114] Ciba dans la Bible : Josèphe le nomme un peu plus bas ; ici le nom a été omis par étourderie.

[115] Hébreu : Mephiboschet : LXX : Μεμαιβοσθέ. L’histoire de son accident est racontée dans II Samuel, IV, 4. On sait que le véritable nom de ce prince était Meribaal.

[116] Hébreu : Lo Debar ; LXX : Αοδαβάρ.

[117] I Chroniques, XIX, 1 ; II Samuel, X, 1.

[118] Comme LXX ; Hébreu : Hanoun.

[119] Dans la Bible, David mande à ses gens de demeurer à Jéricho, jusqu’à ce que leur barbe ait repoussé.

[120] Josèphe prend des noms de pays pour des noms d’hommes ; cependant plus loin, § 124 et 125, il parlera des Syriens. On lit dans Samuel : Aram Beth-Rehob et Aram Çoba ; LXX : τήν Συρίαν Βαιθραάμ xαί τήν Συρίαν Σουβά. Dans les Chroniques, on lit Aram Nabaraïm (la Mésopotamie) au lieu d’Aram Beth-Rebob (et le grec des Chroniques a aussi Σύρος). Le subside de 1.000 talents n’est mentionné que dans les Chroniques. Josèphe a donc évidemment suivi ce texte.

[121] Hébreu : Maacha ; LXX : Άμαλήx. La Septante attribue à ce prétendu Amalec un contingent spécial (1.000 hommes).

[122] II Samuel, X, 7 ; I Chroniques, XIX, 10.

[123] La ville n’est pas nommée dans la Bible.

[124] II Samuel, X, 15 ; I Chroniques, XIX, 16.

[125] Texte altéré.

[126] La donnée biblique a subi d’étranges remaniements à travers les LXX jusqu’à Josèphe. L’hébreu de Samuel dit : Hadarézer envoya chercher Aram de l’autre côté du fleuve et ils vinrent à Hélam, et Schobakh, général de l’armée d’Hadarézer, était à leur tête. Les LXX ont : συνήγαγε (Άδραάζxρ) τήν έx τοΰ πέραν τοΰ ποταμοϋ Χαλαμάx xαί παρεγένοντο είς Αίλάμ xαί Σωβαx xτλ. Χαλαμάx (ou plutôt Χαλαμα) n’est qu’une variante fautive d’Αίλάμ et ne se trouve pas dans l’Alexandrinus. Chez Josèphe la variante Χαλεμεx a pénétré et a exclu Αίλαμ. De plus, il a pris ce nom pour celui du roi (Hélam et Hélama manquent dans les Chroniques). Enfin ce Chalamas n’est pas mandé par Adraazar, mais par les Ammanites, à qui Josèphe fait jouer dans cette seconde campagne un rôle qu’on ne trouve pas exprimé dans la Bible. Toutefois le verset II Samuel, X, 19 se termine ainsi : « et les Araméens craignirent désormais de secourir les Ammonites ». De même la tradition établit un lien étroit entre les Ammonites et Sobakh, cf. Sota, 42b.

[127] Hébreu : Schobakh (Chroniques : Schofakh) ; LYX : Σωβάx, Σxβάx (Chron. : Σωραθ). Dans Josèphe, Sabec est le général en chef de Chalamas et non d’Hadarézer.

[128] Chiffres de fantaisie destinés à rendre vraisemblables les pertes énoncées ci-après.

[129] Dans Samuel, 700 chars et 40.000 cavaliers. Josèphe suit les Chroniques, qui ont 7.000 chars et 40.000 fantassins.

[130] II Samuel, XI, 1 ; I Chroniques, XX, 1.

[131] II Samuel, XI, 2. Les Chroniques passent sous silence l’épisode de David et Bethsabé.

[132] Comme LXX ; hébreu : Batbschéba.

[133] La réflexion est de Josèphe. De même la qualité d’« écuyer de Joab » attribuée à Urie.

[134] La Bible est plus discrète.

[135] Josèphe s’est amusé à développer, non sans ingéniosité, le bref scénario biblique du piège tendu à Urie par David.

[136] II Samuel, XI, 18.

[137] D’après l’hébreu cette allusion est mise dans la bouche de Joab. Les LXX présentent une longue addition au verset 22 contenant la réponse de David irrite au messager. Et l’allusion à Abimelech s’y retrouve reproduite dans les termes mêmes que Joab a présumés. Josèphe s’est contente, non sans goût, de la réserver à David.

[138] Hébreu : Jeroubbéchet ; LXX : Ίεροβάxλ (c’est l’autre nom biblique de Gédéon).

[139] II Samuel, XI, 27 ; XII, 1.

[140] Détails ajoutés par Josèphe et qui transforment assez plaisamment le prophète Nathan en diplomate. Il semble bien, dans la Bible, que ce n’est pas par prudence, mais pour frapper davantage l’esprit du roi, que Nathan recourt à l’apologue.

[141] La Septante a « sept fois », qui pourrait bien être la leçon primitive (Thenius). Josèphe suit le teste hébreu actuel inspiré de Exode, XXI, 37.

[142] Allusion à Absalon (II Samuel, XVI, 22) ; l’Écriture ne le nomme pas ici ; elle dit seulement : je les donnerai à ton proche.

[143] C’est ici que devait plutôt se placer, comme dans la Bible, la restriction au pardon consistant dans la mort d’un fils.

[144] II Samuel, XII, 15.

[145] Dans l’Écriture, il change simplement de vêtements. Josèphe attribue à David une pratique en usage de son temps.

[146] Dans la Bible, le prophète Nathan douce aussi à l’enfant le nom de Yedidya (LXX Ίεδδεδί).

[147] II Samuel, XII, 26 ; I Chroniques, XX, 2.

[148] Ces détails ont été suggérés à Josèphe par la fin du verset de Samuel : j’ai pris la ville des eaux (Ir hammayim). Il est possible cependant que le texte original du verset 26 contint déjà cette indication. La « ville des eaux » est la ville basse, située sur la rivière.

[149] La Bible parle simplement d’une pierre précieuse (LXX : λίθος τίμιος), le texte des Chroniques a seul le mot hébreu (et dans la couronne) ; le mot manque dans Samuel. A noter que, d’après la Septante, il s’agit de la couronne du dieu Milkom et non de celle du roi.

[150] Interprétation douteuse du verset 31. D’après la plupart des commentateurs, le texte ferait plutôt allusion à de durs travaux avec la scie, la hache, les briques, etc.

[151] II Samuel, XIII, 1. Les Chroniques passent sous silence l’épisode de Thamar.

[152] Bible : Jonadab, 813 de Simes, frère de David (cf. : infra, § 178). Josèphe a suivi la Septante (ms. L).

[153] Hébreu : Lebabot (deux gâteaux) ; LXX : δύο xολλυρίδας. Josèphe emploie le même mot xολλυρίδας au § 167.

[154] μετά τήν xορείαν, « après la virginité », des meilleurs manuscrits n’a pas de sens ; διαxόρησν des mss. M, P est un mot mal autorisé. Peut-être μετά τόν xόρον (T. R.).

[155] Χειριδωτούς. Même sens que le χιτών xαραωτός des LXX traduisant l’obscur expression de l’hébreu.

[156] II Samuel, XIII, 21.

[157] Lapsus de Josèphe plutôt que version différente de la Bible, dans la lecture de l’hébreu ; LXX : Βελσσωρ. Baal Cephon se trouve près de la mer Rouge d’après Exode, XIV, 2.

[158] La Bible dit : « ville près d’Éphraïm » (έχόμεν Έφραίμ) et les commentateurs entendent par là un bourg (mentionné par Eusèbe) à 5 milles Est de Béthel.

[159] II Samuel, XIII, 29.

[160] La Bible parle de mules. Le cheval n’apparaît que sous Salomon.

[161] Hébreu : Geschour ; LXX Ιέδσουρ.

[162] Talmaï dans la Bible.

[163] II Samuel, XIV, 1.

[164] De Tekoa, II Samuel, XIV, 3.

[165] Les paroles de la femme touchant Absalon sont plus enveloppées dans la Bible.

[166] II Samuel, XIV, 24.

[167] La Bible ne parle pas du « chagrin » d’Absalon.

[168] Ώς μολίς αύτήν ήμέραις άποxείρειν όxτώ. La phrase est peu claire avec le mot Polk. Le sens paraît être qu’il fallait la tondre tous les 8 jours. Le verset XIV, 26, veut dire : « c’est au bout de chaque année qu’il tondait sa chevelure, qui devenait trop pesante. » Il se peut que Josèphe ait suivi une tradition rabbinique, en rendant l’hébreu par « tous les huit jours » ; on trouve, en effet, cette opinion exprimée par Rabbi Yosé (IIe siècle) dans une baraïta de Nazir, 5 a. qu’Absalon se rasait tous les vendredis (veille de sabbat) conformément à l’habitude des fils de roi (Selon R. Yehouda Hanassi, Absalon, nazir perpétuel, ne se coupe les cheveux qu’une fois l’an : selon R. Nehoraï une fois par mois).

[169] La Bible dit « 200 sicles d’après la pierre du Roi ». Le sicle (fort) est la 50e partie de la mine, 200 sicles font donc 4 mines et non 5, comme l’écrit Josèphe ou le copiste. Josèphe lui-même suppose ailleurs la proportion normale de 50 sicles par mine (Ant. Jud., XIV, 8, 5 ; cf. Hultsch, Métrologie, p.470). (T. R.)

[170] La Bible la nomme Thamar. L’allusion au mariage de Roboam est empruntée aux LXX. Mais dans I Rois, XV, 2, la femme de Roboam est appelée non Thamar, mais Maacha (II Chron., XIII, 2 : Michayahou, fille d’Ouriel). On pourrait croire que c’est pour éviter la difficulté que Josèphe ne donne pas ici le nom de Thamar, s’il ne le donnait lui-même un peu plus loin.

[171] La Bible dit simplement qu’Absalon mande Joab chez lui, pour le charger d’un message auprès du roi.

[172] Le champ appartenait à Joab, détail essentiel omis par Josèphe.

[173] II Samuel, XV, 1.

[174] Josèphe offre ici une leçon plus satisfaisante que les « au bout de quarante ans » de l’hébreu ; Absalon ne peut, en effet, avoir cet âge, et David n’a que 40 ans de règne en tout. Les principaux mss. des LXX ont aussi 40 ans mais la version lucienne et la Peschito ont, comme Josèphe, 4 ans.

[175] II Samuel, XV, 10.

[176] Hébreu : Haguiloni. LXX : B. Θεxωνέε ; A. Γιλωναίφ. L. (leçon voisine de celle de Josèphe) : Γελμωναίος.

[177] Dans le texte biblique (II Samuel, XV, 27), David invite les deux grands-prêtres à garder leurs fils avec eux.

[178] Hébreu : Itthaï de Gath (un Philistin). La péricope d’Itthaï précède, dans l’Écriture, celle des grands-prêtres.

[179] II Samuel, XV, 30.

[180] Hébreu : Houschaï.

[181] II Samuel, XVI, 1.

[182] II Samuel, XVI, 5.

[183] Ou Σωρανοΰ (Σωραμον) selon quelques mss. ; voir plus loin § 225. Bible : Bahourim ; à noter la version L Χορραμ (Χορραν, II Samuel, XIX, 17).

[184] Bible : « à côté de la montagne ». Sens obscur.

[185] II Samuel, XVI, 15.

[186] Cet ami est Chousi, cf. supra.

[187] Le rappel de la prédiction de Nathan ne se trouve pas dans le texte biblique.

[188] II Samuel, XVII, 1.

[189] Bible : 12.000.

[190] Nous traduisons sur la correction de Niese (αΰθις δέ au lieu de αύτοί δέ).

[191] Anachronisme habituel à Josèphe ; la Bible dit : « On entourera la ville de cordes, et nous l’entrelacerons dans le torrent, etc. »

[192] II Samuel, XVII, 15.

[193] Distance ajoutée par Josèphe.

[194] Dans l’Écriture, c’est un enfant qui les dénonce.

[195] Dans la Bible, c’est le Bahourim de plus haut. Bachourès est peut-être la véritable leçon de Josèphe, et il faudrait lire ainsi au chap. IX, 4. A noter la variante de l’édition lucienne Βαιθχορρων.

[196] Hébreu : La femme prit et étendit la couverture sur le puits et étala par dessus des grains pilés (?). Les LXX ont simplement transcrit αραφώθ.

[197] II Samuel, XVII, 23.

[198] Dans l’Écriture, il est dit simplement qu’Achitophel régla les affaires de sa maison. Tout le discours est de la façon de Josèphe.

[199] Mabanaïm.

[200] Hébreu : Schobi (LXX : Ουεσβί), fils de Naas, de Rabbath des Ammonites.

[201] Hébreu : Machir, fils d’Ammiel, de Lodebar.

[202] II Samuel, XVIII, 1.

[203] II Samuel, XVII, 24.

[204] Hébreu : Yithra le Yisreélite (LXX : Ίεθερ ό Ίεζραηλίτης).

[205] Comme LXX ; hébreu : Abigal.

[206] Le résultat du dénombrement manque dans la Bible (II Samuel, XVIII, 1).

[207] Hébreu : Ithaï de Gath.

[208] II Samuel, XVIII, 6.

[209] Δρυμόν, comme LXX, traduisant ainsi le mot hébreu.

[210] C’est toujours l’écrivain militaire qui brode sur les brèves indications de la Bible.

[211] Bible : 10 sicles d’argent. La version lucienne a 50 sicles comme Josèphe.

[212] Bible : trois dards.

[213] Dans la Bible, dix écuyers de Joab achèvent Absalon.

[214] II Samuel, XVIII, 18.

[215] Distance ajoutée par Josèphe.

[216] La Bible fait dire à Absalon : « Je n’ai point de fils ». Josèphe s’est préoccupé de résoudre la contradiction entre ce verset et II Samuel, XIV, 27 (Il naquit à Absalom trois fils, etc.) qu’il reproduit ici.

[217] Cf. note 170.

[218] II Samuel, XVIII, 19.

[219] Comme les LXX, Josèphe assimile le personnage nommé ici au conseiller Chousi nommé plus haut. Dans l’hébreu, on lit ici non Chousi, mais le Kouschite ou l’Éthiopien.

[220] II Samuel, XVIII, 28. Le mot άγαθόν a été introduit par l’édition princeps. Il faut ou le maintenir ici ou supprimer άγαθών deux lignes plus haut. (T. R.)

[221] II Samuel, XIX, 1.

[222] Hébreu : Aliyyath haschaar, « la chambre haute de la porte » ; LXX : εϊς τό ύπερώσν τής πύλης. — On peut se demander si πόλεως dans le texte de Josèphe n’est pas une altération de πόλης. (T. R.)

[223] Bible : à ta place (LXX : άντί σοΰ).

[224] Bible : « Nul ne demeurera avec toi cette nuit. » — La menace de défection est plus voilée.

[225] II Samuel, XIX, 10.

[226] II Samuel, XIX, 14.

[227] II Samuel, XIX, 25.

[228] II Samuel, XIX, 32.

[229] Dans le texte biblique il est question de chanteurs, non d’instruments.

[230] Hébreu : Khimbam. ; LKY : Χαμαάμ (L : Αχιμσαν). Dans la Bible c’est Barzilaï qui propose Khimbam à David.

[231] D’après II Samuel, XIX, 40, c’est, au contraire, David qui charge Barzilaï de bénédictions.

[232] II Samuel, XX, 42.

[233] τής χώρας. Mais les mss. R, O ont la leçon πάσης φυλής « de toutes les tribus ».

[234]  « Dix parts » dans la Bible.

[235] II Samuel, XX, 1.

[236] LXY : Σαβεέ υίός Βοχορί ; hébreu : Schéba b. Bikhri.

[237] C’est le sens littéral. Mais, en réalité (cf. plus bas), David avait simplement attribué à Amessas les mêmes pouvoirs qu’à Joab : c’était un partage de commandement.

[238] Bible : « David dit à Abiscbaï ». Josèphe avait-il une version différente ? « Joab » va mieux avec le contexte qu’Abischaï. Thenius a fait remarquer que les LXX ont dû lire Joab. Cf. Peschito.

[239] II Samuel, XX, 7.

[240] Nous lisons avec Naber : έθσύμαζον, ήλέουν (texte très douteux).

[241] La Bible (texte massorétique) a ici deux noms de lieux : Abel ou (et) Beth Maacha (LXX : Άβέλ Βεθμαχά ou v. 15 Φερμαχά), mais les éditeurs corrigent avec raison.

[242] II Samuel, XX, 16.

[243] Josèphe remplace par une phrase banale un passage très obscur de la Bible (v. 18).

[244] Discours imaginé par Josèphe.

[245] Bible : Josaphat ben Ahiloud (un seul fonctionnaire). Plus haut, où nous avons vu déjà cette énumération, on lit Ίωσάφατον υίόν Άχίλου.

[246] Comme LXX ; hébreu : Scheva. Plus haut Σεισάν.

[247] La Bible ajoute ici : et Ira le Yaïrite était pontife de David.

[248] II Samuel, XXI, 1.

[249] Dans la Bible, le message de Dieu est direct.

[250] Bible : les enfants d’Israël. Cf. supra V, 55 (= Josué, c. 9).

[251] D’après II Samuel, XXI, 8 suiv., les descendants de Saül livrés par David sont 2 fils de Saül et de Riçpa, et 5 fils de Mérab, fille de Saül. Tous furent pendus au gibet par les gens de Gibéon. Il manque ici l’épisode touchant de Riçpa et le récit de l’ensevelissement des restes de Saül et de Jonathan.

[252] II Samuel, XXI, 16 (Josèphe a rationalisé ce récit fabuleux).

[253] Hébreu : « ceint d’(un glaive) neuf ». LXX : « ceint d’une massue ».

[254] II Samuel, XXI, 18 ; I Chroniques, XI, 4.

[255]

Hébreu : Gob ; LXX : Γεθ ; Chron. : Gezer.

[256] Hébreu : Sibbekhaï le Houschatite ; LXX : Σεδοχά ό Άστατωθί.

[257] La Bible donne ici un nom : Saph (LXX : Σέφ) ; Chron. : Sippaï.

[258] Hébreu : Harafa. Rata comme Anak était un nom de géants.

[259] Hébreu : Elhanan ben Yaaré Oreghim (?) le Bethléhémite ; LXX : Έλεανάν υίός Άριωργίμ. Dans les Chroniques, Elhanan ben Yaïr.

[260] Bible (Samuel, XXI, 19) : Goliath le Gitthéen. Josèphe évite de le nommer pour éviter le double emploi avec supra, VI, où Goliath est tué par David lui-même. Dans les Chroniques le mot hébreu de l’expression « le Bethléhémite » est devenu le nom de l’adversaire d’Elhanan, et il est donné comme le frère de Goliath.

[261] Hébreu : Isch Madôn (LXX : Άνήρ Μαδών). Isch Midda dans Chroniques. Josèphe s’est souvenu des dimensions de Goliath dans I Samuel, XVII.

[262] Neveu de David (II Samuel, XXI, 21).

[263] Cf. I Chroniques, XVI et XXV.

[264] Assimilation un peu superficielle de la poésie hébraïque à la grecque. Toutefois les critiques modernes (Sievers, Duhm, etc.), reconnaissent p. ex. dans le grand psaume XVIII (= II Samuel, XXII) des « vers » à 3 « frappés ».

[265] Josèphe, comme les LXX, conserve les noms sémitiques de ces instruments de musique, on voit généralement dans le Kinnor, la cithare, et dans le Nèbel, la lyre ou la harpe.

[266] II Samuel, XXIII, 8 ; I Chroniques, XI, 10. Josèphe a beaucoup délayé.

[267] La Bible (II Samuel, XXIII, 39) dit : trente-sept.

[268] Hébreu (Samuel) : Yoscheb baschebet Tahkemoni. Chroniques : Yaschob’am fils de Hakmoni. LXX : Ίεβόσθε ό Χαναναϊος.

[269] Πολλάxις. La Bible dit : « en une seule fois. » Les Chroniques, que suit ici Josèphe, ont seules un texte intelligible (Samuel a une leçon corrompue, et LXX : οΰτος έσπάσατο τήν ρομφαίαν).

[270] 800 dans Samuel, 300 dans Chroniques ; L a 900 aux deux endroits.

[271] Josèphe avait la même leçon que le Ketib de l’hébreu (Samuel). Les LXX ont lu comme les Massorètes, fils de son oncle.

[272] I Chroniques, XI, 13 : à Pas Damim ; II Samuel, XXIII, quand ils insultèrent (les Philistins) ; LXX : έν τώ όνειδίσαι... Josèphe témoigne en faveur d’une leçon indiquant ici une localité.

[273] Ou Sabéas, fils d’Elos, selon les mss. M, S, P. La Bible donne un nom tout différent : Schamma fils d’Agé. LXX : Σαμαϊα υίός Άσα. Késabeos, fils d’Ilos, présente une analogie curieuse avec le nom de Kabcéèl du verset 20.

[274] La leçon de Josèphe est une traduction du mot hébreu mâchoire.

[275] Josèphe a mal compris le texte hébreu (XXIII, 13) qui place la scène, non à Jérusalem, mais dans la caverne d’Adullam.

[276] Les mots entre crochets manquent dans les mss. R, O et sont très suspects.

[277] Hébreu : 300 (II Samuel, XXIII, 18 ; I Chroniques, XI, 20) ; Sept. B A. : id.. L et certains mss. des LXX (Chroniques) 600, comme Josèphe.

[278] Hébreu : les deux Ariel de Moab.

[279] II Samuel, XXIV, 1 ; I Chroniques, XXI, 1. Dans la Bible, c’est ou Dieu lui-même (Samuel) ou Satan (Chroniques) qui excite David à procéder au dénombrement du peuple. Il n’est pas question d’une transgression faite par David d’une prescription de Moïse. Josèphe s’est souvenu des versets du Pentateuque (Exode, XXX, 11 et suiv.) où il est prescrit qu’à chaque recensement on doit acquitter un impôt expiatoire d’un demi-sicle destiné à écarter l’épidémie. Le rapprochement des deux textes est fait également par Rabbi Éléazar (Berachot, 62 b).

[280] D’après les Chroniques (v. 6) Joab ne recense ni Benjamin, ni Lévi, parce que l’ordre du roi lui est odieux, non, comme dit Josèphe, parce que le temps lui manque.

[281] Bible : Samuel : 800.000 en Israël, et 500.000 en Juda ; Chroniques : 1.100.000 en Israël et 473.000 en Juda. Les chiffres de Josèphe se retrouvent dans la version L.

[282] II Samuel, XXIV, 10 ; I Chroniques, XXI, 7.

[283] Conforme à Samuel ; les Chroniques parlent de trois ans de famine. Les LXX ont partout : trois ans.

[284] La Bible dit simplement (II Samuel, XXIV, 14) : David répondit à Gad : « Je suis dans une grande angoisse ; puissé-je tomber entre les mains du Seigneur, car sa miséricorde est grande, et que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! » L’explication que donne Josèphe est midraschique. On trouve l’analogue dans la Pesikta Sabbati, ch. XI (éd. Friedmann, 446). David dit : « Si je choisis la famine, les Israélites diront : c’est qu’il est roi et que ses trésors sont pleins. Si je dis : je serai mis en déroute par les ennemis d’Israël, ils diront : c’est qu’il a des guerriers qui le protègeront. Il dit alors ; je vais demander la mort qui met au même rang grands et petits : que je tombe donc, etc. »

[285] II Samuel, XXIV, 13 ; I Chroniques, XXI, 14.

[286] Toute cette description est de Josèphe. Il s’y trouve des traits absurdes, étant donné la courte durée du fléau.

[287] Έως ώρας άρίστον comme dans les LXX (Samuel) : l’hébreu a : « jusqu’au temps marqué ». Les LXX ont peut-être lu un mot formé sur la racine « restaurer ». Pour Rabbi Yohanan, Amora du IIIe siècle (Berachot, 62 b), les mots énigmatiques ad eth moèd signifient « jusqu’à midi ».

[288] L’Écriture fait dire à David : « C’est moi qui ai péché et mal agi, mais eux — les brebis, — qu’ont-ils fait ? » L’addition de Josèphe ne mériterait pas d’être notée, car elle est dans l’esprit du texte, si on ne retrouvait l’expression ό ποιμήν dans certains mss. des LXX (έγώ ήμαρτον xαί έγώ ό ποιμήν έxαxοποίησα) Cf. Vetus Latina : ego pastor peccavi.

[289] II Samuel, XXIV, 18 ; I Chroniques, XXI, 18.

[290] Josèphe omet le détail important que Dieu avait arrêté l’ange exterminateur au moment où il atteignait l’aire d’Aravna (II Samuel, XXIV, 16).

[291] Josèphe suit le texte de Samuel. Dans Chroniques, ibid., 25, on lit :« des sicles d’or au nombre de 600 ».

[292] I Chroniques, XII, 1 ; II Chroniques, II, 1.

[293] D’après II Chron., II, 1, 17 ; I Rois, V, 13-16 (mais le recensement est attribué à Salomon). Le chiffre de 180.000 des Rois ne comprend pas que les étrangers employés aux gros travaux, comme dit Josèphe par erreur, mais aussi les 30.000 israélites dont les Chroniques ne font pas mention.

[294] Hébreu : 3.600. Dans I Rois, V, 16, il est question de 3.300 chefs (LXX 3.600) ; Josèphe lui-même (VIII, § 59), donnera le chiffre de 3.300.

[295] I Chroniques, XXII, 6.

[296] Σολομών... παϊς συνετώτατος (Niese : νεώτατος mss.) xαί τοϋτο xληθησόμενος τοΰνομα, texte obscur et corrompu. Il doit y avoir une allusion au surnom de Sage porté par Salomon. (T. R.).

[297] Bible : 100.000 talents d’or et un million de talents d’argent.

[298] Ce dernier trait est de l’invention de Josèphe.

[299] I Rois, I, 1 ; les Chroniques ne relatent pas l’épisode d’Abisag, ni celui d’Adonias.

[300] A Sunem (I Rois, I, 3). — Cf. la Sulamite du Cantique. [Le nom paraît avoir sauté du texte de Josèphe έν πόλει sans plus n’est pas grec. T. R.].

[301] I Rois, I, 5.

[302] Bévue qui a pour origine une variante mal comprise de l’hébreu. Le texte massorétique a, en effet, Schim’i et Rei. Presque tous les mss. des LXX ont Σεμεϊ xαί ‘Ρη(σ)ί. Le ms. 108, suivi par la Polyglotte de Complute, a : οί έταϊροι αύτοΰ. Josèphe, ou le texte suivi par lui, a dû lire dans l'hébreu « son ami », et il a maladroitement appliqué le possessif à David.

[303] Près de la pierre de Zohélet, voisine de la source de Roguel.

[304] I Rois, I, 22.

[305] Détail ajouté judicieusement par Josèphe pour expliquer comment David peut faire appeler Bersabé, qui était présente à l’arrivée de Nathan. En réalité, l’étiquette orientale ne permettait à aucun étranger d’assister à un colloque entre le roi et une reine.

[306] Ce dernier détail est ajouté par Josèphe et a souvent été mal compris.

[307] I Rois, I, 41.

[308] D’après le texte biblique (I, 41) le repas était terminé.

[309] I Chroniques, XXIII, 1.

[310] D’après I Chroniques, ce chiffre ne se rapporte qu’aux Lévites et il n’est point question de la limite de 50 ans.

[311] I Chroniques, XXIV, 4.

[312] Cf. Contre Apion, II, 8 ; Tosefta Soukka, IV, 24. 25 ; Soucca, V, 7-8 ; Tamid, V, 1-2. Josèphe se place par la pensée avant la ruine du Temple.

[313] I Chroniques, XXVII, 1.

[314] « Chefs de milliers et de centaines » (Chroniques). Plus loin les taxiarques deviennent précisément des chiliarques.

[315] Qu’on trouve dans I Chroniques, XXVII, 23 suiv.

[316] I Chroniques, XXVIII, 1.

[317] I Chroniques, XXVIII, 11.

[318] I Chroniques, XXIX, 1.

[319] Ne sont pas mentionnées dans la Chronique.

[320] La Bible ajoute : et 7.000 talents d’argent.

[321] Les Lévites ne sont pas nommés dans la Bible.

[322] Hébreu : Adarkonim, dariques, anachronisme.

[323] Bible : 18.000 kikkar de cuivre et 100.000 kikkar de fer.

[324] Hébreu : Yehiël le Gersonite (LXX : Ίειήλ).

[325] I Chroniques, XXIX, 9.

[326] I Rois, II, 1.

[327] I Rois, II, 10. — Au lieu de 7 ans et 6 mois le texte biblique a ici 7 ans (dans II Samuel, V, 5 : 7 ans et un tiers).

[328] Tout le portrait qui suit est de Josèphe seul.

[329] Le siège de Jérusalem sous Hyrcan se plaçant vers 134 av. J.-C. Cet intervalle de 1300 ans conduirait pour la mort de David à l’an 1434 av. J.-C., date beaucoup trop reculée. (T. R.)

[330] Cf. Antiquités, VIII, VIII, 4, § 249 (Les trois mille talents eurent, d’après ce texte, une autre destination). Mais Josèphe ne peut guère faire allusion en ces termes à un passage ultérieur des Antiquités. La référence est donc à un autre ouvrage (perdu ?).

[331] Antiquités, XVI, VII, 1.

[332] Il faut donc se figurer la sépulture des anciens rois disposée d’une manière analogue au labyrinthe de puits et de caveaux murés qui constituent, par exemple, le tombeau de Tabnit à Sidon (Cf. Hamdy Bey et Th. Reinach, Une nécropole royale à Sidon, pl. XLIII). (T. R.).