AVANT-PROPOS - LIVRE I - LIVRE II - LIVRE III - LIVRE IV - LIVRE V - LIVRE VI -
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texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER
Flavius Josèphe
ANTIQUITES JUDAÏQUES
LIVRE V
LIVRE 5
Chapitre premierJosué, général des Hébreux, ayant fait la guerre aux Chananéens et les ayant vaincus, les extermine et partage leur pays aux tribus par la voie du sort. 1. Josué envoie des espions à Jéricho et se prépare à franchir le Jourdain. - 2. Aventure des explorateurs chez Rahab. - 3. Passage du Jourdain à gué. - 4. Érection d'un autel et célébration de la Pâque. - 5. Préparatifs de la conquête de Jéricho. - 6. Écroulement des murs de Jéricho. - 7. Massacre des habitants, â l'exception de Rahab. - 8. Destruction de Jéricho et imprécations de Josué. - 9. Consécration à Dieu du butin. - 10. Objets détournés par Achan. - 11. Josué à Guilgal. - 12. Échec devant Aï; découragement de l'armée. - 13. Prière de Josué. - 14. Découverte du sacrilège commis par Achan; mort de ce dernier. - 15. Conquête d'Aï. - 16. Ruse des Gabaonites, qui obtiennent l'alliance de Josué. - 17. Josué les défend contre les rois chananéens. - 18. Victoires de Josué sur les Chananéens et les Philistins - 19. Érection du tabernacle de Silo et cérémonie des imprécations à Sichem. - 20. Josué convoque une assemblée à Silo et fait un discours au peuple. - 21. Il envoie dix hommes pour mesurer les dimensions du pays. - 22. Partage du pays entre les neuf tribus et demie. - 23. Attribution antérieure de l'Amoritide. - 24. Villes lévitiques et de refuge; partage du butin. - 25. Josué congédie amicalement les deux tribus et demie. - 26. Érection par elles d'un autel sur l'autre rive du Jourdain; émoi des Israélites; discours de Phinéès. - 27. Les tribus transjordaniques protestent de leur fidélité aux lois communes. - 28. Discours de Josué avant sa mort. - 29. Mort de Josué et d'Éléazar.
1[1]. Moïse avant été enlevé du milieu des hommes de la façon qu'on vient de dire, Josué, dès que tous les rites légaux furent accomplis à son égard et que le deuil eut pris fin, avertit le peuple de se tenir prêt à entrer en campagne. Il envoie[2] des espions à Jéricho, chargés de reconnaître les forces des habitants et leurs dispositions. De son côté, il passa en revue son armée pour traverser en temps opportun le Jourdain. Ayant convoqué les chefs de la tribu de Roubel et ceux qui étaient à la tête des tribus de Gad et de Manassé[3] - car on avait permis aussi à la moitié de cette tribu d'habiter l'Amorée, qui forme la septième partie[4] du pays des Chananéens -, il leur rappela ce qu'ils avaient promis à Moïse, et les exhorta, par reconnaissance pour la providence dont il n'avait cessé, même au moment de mourir, de les entourer, ainsi qu'au nom de l'intérêt commun, de se montrer empressés à exécuter ses ordres. Ceux-ci le suivent, et avec cinquante mille hoplites[5], partant d'Abila[6], il s'avança de soixante stades vers le Jourdain.
2[7]. Il venait d'établir son camp, lorsque reparurent les espions, à qui rien n'avait échappé de la situation des Chananéens. Inconnus, en effet, au commencement, ils avaient examiné la ville entière[8] en sécurité, observé où les remparts étaient solides et où ils offraient un abri moins sûrs aux habitants, et quelles étaient les portes qui pourraient, grâce à leur peu de solidité, faciliter l'entrée à leur armée. Les gens qu'ils rencontraient ne se souciaient pas de leur inspection, attribuant à la curiosité habituelle aux étrangers cette application à étudier par le menu tout ce qu'il y avait dans la ville, et nullement à une pensée hostile. Mais quand, le soir venu, ils se furent retirés dans une auberge[9] à proximité des remparts, où ils avaient déjà été conduits pour y manger, et qu'ils ne songeaient plus désormais qu'au départ, on dénonça au roi, pendant qu'il dînait, la présence d'individus venus du camp des Hébreux pour explorer la ville et qui se trouvaient dans l'auberge de Rahab (Rachabé), extrêmement préoccupés de passer inaperçus. Celui-ci envoya immédiatement des hommes vers eux avec l'ordre de les surprendre et de les amener, afin qu'on leur appliquât la torture, et qu'il sût ainsi dans quelle intention ils étaient venus. Quand Rahab apprend leur arrivée - elle était en train de faire sécher des brassées de lin sur le toit -, elle y cache les espions et dit aux envoyés du roi que quelques étrangers inconnus, un peu avant le coucher du soleil, s'étaient restaurés chez elle et puis l'avaient quittée ; que, s'ils paraissaient à redouter pour la ville ou s'ils étaient venus mettre le roi en danger, on n'aurait pas de peine s'emparer d'eux en se mettant à leur poursuite. Ces hommes, ainsi trompés par la femme, s'en retournèrent sans soupçonner aucune ruse, sans même fouiller l'auberge. Mais comme, après s'être jetés sur les chemins par où il paraissait le plus vraisemblable que les autres avaient fui, en particulier sur ceux qui conduisaient au fleuve, ils ne trouvèrent aucune trace, ils cessèrent de se donner tout ce mal. Le tumulte apaisé, Rahab, ayant fait descendre les espions et leur ayant dit le danger qu'elle avait affronté pour leur salut - car, si on l'avait prise à les cacher, elle n'eût pas échappé à la vengeance du roi, elle et toute sa maison auraient péri misérablement -, elle les conjure d'en garder le souvenir, une fois que, devenus maîtres du pays des Chananéens, ils pourraient la récompenser de leur avoir à l'instant sauvé la vie, et elle les invita à rentrer chez eux après avoir fait le serment de la préserver, elle et tous ses biens, lorsque, la ville prise, ils détruiraient tous ses habitants comme leurs compatriotes l'avaient décrété ; cela, elle le savait par certains signes[10] que lui avait envoyés Dieu. Eux se déclarent reconnaissants pour le présent et ils lui jurent que dans l'avenir ils lui rendront réellement bienfait pour bienfait ; quand elle verrait la ville sur le point d'être prise, ils lui conseillent de retirer ses biens et tous ses proches dans l'auberge et de les y enfermer, et de tendre devant ses portes[11] des étoffes écarlates[12], afin que, reconnaissant la maison, leur général prit garde de lui porter préjudice. « Car nous la lui indiquerons, dirent-ils, en faveur de ton empressement à nous sauver. Que si quelqu'un des tiens tombe dans le combat, ne nous en rends pas responsables, et ce Dieu, par qui nous avons juré, nous le supplions de ne point s'irriter contre nous comme si nous avions violé nos serments ». Ces conventions établies, ils partirent en se faisant descendre par la muraille au moyen d'une corde et, revenus sains et saufs chez leurs frères, ils leur racontèrent ce qu'ils avaient été faire dans la ville. Alors Josué informe le grand-prêtre Éléazar et les Anciens de ce que les espions avaient juré à Rahab, et ceux-ci ratifièrent le serment.
3. Comme l'armée appréhendait de passer le fleuve, qui avait un fort courant et qu'on ne pouvait franchir sur des ponts - car on n'en avait point encore construit et, voulût-on en jeter, les ennemis, croyaient-ils, ne leur en laisseraient pas le loisir -, comme, de plus, il n'y avait point de barques, Dieu leur promit de leur rendre le fleuve guéable, en diminuant l'abondance de son cours[13]. Et Josué, après deux jours d’attente, fit passer l'armée ainsi que tout le peuple de la façon suivante[14] : venaient en tête les prêtres portant l'arche, puis, derrière eux, les Lévites avec le tabernacle et les ustensiles destinés au service des sacrifices ; enfin, derrière les Lévites, suivait tout le peuple, tribu par tribu, les enfants et les femmes au milieu, de crainte qu'ils ne fussent entraînés par la violence du courant. Quand les prêtres, entrés les premiers, s'aperçurent que le fleuve était guéable - la profondeur avait diminué et les cailloux, que le courant n'était pas assez abondant ni assez rapide pour entraîner avec force, restaient en place comme un plancher solide -, tous alors traversèrent hardiment le fleuve, qu'ils trouvaient tel que Dieu le leur avait prédit. Mais les prêtres s'arrêtèrent au milieu[15] jusqu'à ce que le peuple eût passé et fût parvenu en lieu sûr. Quand tout le monde eut traversé, les prêtres sortirent à leur tour, laissant les eaux reprendre librement leur cours accoutumé. Et le fleuve, sitôt que les Hébreux l'eurent quitté, s'enfla et reprit ses proportions naturelles.
4[16]. Ceux-ci, après s'être avancés de cinquante stades, installent leur camp à dix stades de Jéricho. Et Josué, avec les pierres que chaque phylarque avait prises dans le lit du fleuve sur l'ordre du prophète, érigea un autel, pour témoigner à l'avenir du refoulement des eaux, et y sacrifia à Dieu, puis ils célébrèrent la Pâque[17] (Phasca) dans cet endroit, tout ce dont ils avaient manqué précédemment leur étant fourni maintenant en abondance. En effet, comme les moissons des Chananéens étaient déjà mûres, on les récolta et on fit un grand butin de tout le reste ; ce fut alors aussi qu'ils perdirent la nourriture de la manne dont ils avaient joui pendant quarante ans.
5[18]. Comme, pendant ces opérations des Israélites, les Chananéens ne faisaient point de sortie, mais demeuraient en repos à l'abri de leurs murs, Josué résolut de les assiéger. Et, le premier jour de la fête[19], les prêtres portant l'arche - qu'entouraient en cercle une partie des hoplites afin de la protéger, tandis que d'autres (prêtres[20]) marchaient en avant en sonnant de leurs sept cornes -, les prêtres exhortent l'armée à la vaillance et font le tour des murailles, escortant aussi des Anciens. Après ces seules sonneries des prêtres - car on ne fit rien de plus -, on rentra au camp. Et quand on eut recommencé pendant six jours, le septième, Josué, ayant rassemblé les hommes d'armes et tout le peuple, leur annonça l'heureuse nouvelle que la ville serait prise ; ce même jour Dieu la leur livrerait, les murs devant s'écrouler d'eux-mêmes, et sans leur coûter aucun effort. Cependant il leur recommanda de tuer tous ceux qu'ils prendraient, sans s'arrêter par fatigue de massacrer leurs ennemis, sans céder à la pitié pour les épargner et sans leur permettre de s'enfuir tandis qu'ils seraient occupés au pillage : mais ils devaient anéantir tous les êtres animés sans en rien distraire pour leur usage personnel. En revanche, tout ce qu'il y aurait en fait d'or et d'argent[21], il leur ordonna de l'emporter et de le conserver pour Dieu comme prémices choisies de leurs succès, prises à la première ville conquise ; on ne devait laisser la vie qu'à Rabah et, à sa famille, en vertu des serments qui lui avaient été faits par les espions.
6[22]. Cela dit, il rangea son armée et la conduisit vers la ville. On fit derechef le tour de la ville, sous la conduite de l'arche et des prêtres, qui, au son des cornes, excitaient les troupes à l'action. Et quand ils en eurent fait sept fois le tour et se furent arrêtés quel-que temps, la muraille s'écroula, sans que les Hébreux y eussent appliqué aucune machine, ni aucun effort.
7. Ceux-ci, ayant pénétré dans Jéricho, massacrèrent tous les habitants, que le miraculeux effondrement de la muraille avait frappés de stupeur et mis hors d'état de songer à se défendre. Ils périrent donc, égorgés dans les rues ou surpris dans les maisons. Rien ne put les préserver : tous succombèrent jusqu'aux femmes et aux enfants. La ville était pleine de cadavres et rien n’échappa. La ville elle-même, on l'incendia tout entière ainsi que la contrée. Quant à Rahab avec ses parents qui s'étaient réfugiés ensemble dans l'auberge, les espions les sauvèrent, et Josué, devant qui l'on amena Rabah, déclara lui avoir de la reconnaissance du salut des espions et lui dit qu'en la récompensant il ne se montrerait pas au-dessous d'un tel bienfait. Il lui fait don aussitôt de champs et lui témoigne toute considération.
8. Quant à la ville, tout ce que le feu avait épargné, il le démolit, et, contre ceux qui l'habiteraient, si un jour il se trouvait quelqu'un qui voulût la relever de ses ruines, il prononça des malédictions[23] : celui qui jetterait les fondements de ses murs serait privé de l'aîné de ses enfants et, quand il les aurait achevés, il perdrait le plus jeune. Cette malédiction, la divinité ne la négligea point ; plus tard nous dirons[24] quel malheur elle amena.
9. Grâce à la prise de la ville, on amasse une immense quantité d'argent et d'or et aussi de cuivre : personne ne viola les décrets et ne déroba rien pour son avantage personnel ; on s'en abstint comme d'objets d'avance consacrés à Dieu. Et Josué les remit aux prêtres pour les déposer dans les trésors.
10[25]. C'est ainsi que Jéricho périt. Mais un certain Achar(os), fils de Zébédée[26], de la tribu de Juda, ayant trouvé un manteau royal tout tissé d'or et un gâteau d'or du poids de deux cents sicles[27], et estimant qu'il était dur de s'interdire à soi-même la jouissance d'un profit gagné au prix d'un danger et de le porter à Dieu, qui n'en avait pas besoin, creuse un trou profond dans sa tente et y enfouit son trésor, pensant qu'il échappera aussi bien à Dieu qu'à ses compagnons d'armes.
11[28]. L'endroit où Josué avait établi son camp fut appelé Galgala[29]. Ce nom signifie libérant[30] : car, ayant passé le fleuve, ils se sentaient désormais affranchis des maux éprouvés en Égypte et dans le désert.
12[31]. Peu de jours après la ruine de Jéricho, Josué envoie trois mille hoplites contre la ville d'Anna[32] (Aï), située au-dessus de Jéricho, pour s'en emparer. Ceux-ci, attaqués par les Annites, prirent la fuite et perdirent trente-six hommes. Cette nouvelle annoncée aux Israélites leur causa une grande affliction et un profond découragement ; c'était plus qu'un regret causé par la perte d'hommes auxquels les unissait la parenté, bien que ce fussent tous des vaillants bien dignes d'estime[33] qui avaient péri ; c'était presque du désespoir. Eux qui comptaient déjà, en effet, devenir maîtres du pays et conserver indemne dans les combats leur armée, selon les promesses antérieures de Dieu, ils voyaient s’enhardir singulièrement leurs ennemis. Aussi, revêtus de cilices par-dessus leurs vêtements, ils passèrent toute la journée dans les larmes et le deuil, sans se soucier du tout de se nourrir, et ils se montrèrent extrêmement affligés de ce malheur.
13[34]. Josué, voyant l'armée ainsi consternée et en proie dès lors à un absolu découragement, s'adresse en toute franchise à Dieu. « Ce n'est pas, dit-il, notre confiance en nous-mêmes qui nous a conduits à conquérir ce pays par les armes, c'est Moïse, ton serviteur, qui nous y a excités, lui à qui tu as promis par tant de signes de nous procurer la possession de ce pays et d'assurer toujours à notre armée l'avantage sur nos ennemis. Sans doute, quelques événements se sont produits conformément à tes promesses ; mais aujourd'hui, défaits contre toute attente, avant perdu quelques hommes de nos troupes, ces désastres nous affligent, car ils semblent indiquer que tes promesses ne sont pas sûres, non plus que ces prédictions de Moïse, et l'avenir nous apparaît sous un aspect encore pire, maintenant que nous avons subi cette première épreuve. Mais toi, Seigneur - car tu as le pouvoir de trouver un remède à ces maux -, dissipe notre affliction présente, en nous procurant la victoire, et ôte-nous de l'esprit ces pensées de découragement quant à l'avenir. »
14[35]. C'est ainsi que Josué, prosterné sur sa face, suppliait Dieu. Et Dieu lui ayant répondu de se relever et de purifier l'armée de la souillure qui s'y était produite et du vol qu'on avait osé commettre d'objets à lui consacrés - c'était, en effet, la raison de leur récente défaite, mais si l'on recherchait le coupable et si on le punissait, il leur assurerait toujours la victoire sur leurs ennemis -, Josué répète tout cela au peuple, et, après avoir convoqué Éléazar le grand-prêtre et les magistrats, il tira au sort entre les tribus. Et comme le sort indiquait que le sacrilège venait de la tribu de Juda, il tire de nouveau au sort entre les phratries de cette tribu, et le véritable auteur du crime se trouva appartenir à la famille d'Achar. Enfin, après une enquête individuelle, on prend Achar lui-même. Celui-ci, ne pouvant nier, circonvenu si étroitement par Dieu, avoue son vol et produit au jour les objets dérobés. Aussitôt mis à mort, il reçoit de nuit une sépulture ignominieuse, celle des condamnés[36].
15[37]. Josué, ayant purifié son armée, la conduisit en personne contre Anna, et après avoir dressé pendant la nuit des embuscades tout autour de la ville, au matin il engagea le combat avec les ennemis. Comme ceux-ci marchent contre eux avec assurance à cause de leur première victoire, Josué, simulant une retraite, les attire à distance de la ville ; les Annites croient poursuivre leurs ennemis et les méprisent comme s'ils étaient déjà vainqueurs ; puis, faisant faire volte-face à ses troupes, Josué leur tient tête et, donnant les signaux convenus à ceux qui étaient dans les embuscades, il les excite, eux aussi, au combat. Ceux-ci se jettent dans la ville, tandis que les habitants se trouvaient autour des remparts, quelques-uns même tout occupés à regarder ce qui se passait dehors. Ils s'emparèrent donc de la ville et tuèrent tous ceux qu'ils rencontraient, et Josué, rompant les rangs des adversaires, les força à prendre la fuite. Repoussés dans la ville, qu'ils croyaient intacte, lorsqu'ils virent qu'elle était prise elle-même et s'aperçurent qu'elle brûlait avec les femmes et les enfants, ils se répandirent en désordre dans la campagne, incapables de se défendre eux-mêmes à cause de leur isolement. Après ce désastre qui écrasa les Annites, une foule d'enfants, de femmes et d'esclaves fut prise ainsi qu'un immense matériel. Les Hébreux s'emparèrent, en outre, de troupeaux de bestiaux et de beaucoup de butin, - car cette région était riche, - et tout cela, Josué le distribua à ses soldats, tandis qu'il était à Galgala.
16[38]. Les Gabaonites, qui habitaient tout près de Jérusalem, voyant les désastres arrivés aux habitants de Jéricho et à ceux d'Anna et soupçonnant que le danger fondrait aussi sur eux, ne se déterminèrent pas à aller implorer Josué ; car ils ne croyaient pas qu'ils obtiendraient quelque traitement modéré d'un homme qui luttait pour l'anéantissement du peuple chananéen tout entier ; mais ils invitèrent les Képhérites et les Kariathiarimites[39], leurs voisins, à s'allier avec eux, en leur disant qu'ils n'échapperaient pas non plus au danger, lorsqu'eux-mêmes auraient commencé à être pris par les Israélites ; en unissant leurs armes, ils avaient le dessein d'échapper à la violence de ceux-ci. Comme les voisins adhérèrent à ces propositions, les Gabaonites envoyèrent des ambassadeurs à Josué pour faire amitié, choisissant ceux des citoyens qu'on jugeait le plus capables d'agir selon les intérêts du peuple. Ceux-ci, estimant que de s'avouer Chananéens était peu sûr, et croyant pouvoir échapper à ce danger en disant qu'ils n'avaient rien de commun avec les Chananéens, mais qu'ils habitaient très loin d'eux, déclarent que c'est pour avoir entendu parler de ses vertus qu'ils ont accompli un grand voyage, et, pour attester leurs dires, ils montrent leur accoutrement : leurs vêtements, disaient-ils, tout neufs quand ils étaient partis, s'étaient usés à cause de la longueur du voyage ; or, pour le faire croire, ils s'étaient vêtus à dessein de haillons. Ainsi, s'étant donc levés, ils racontèrent qu'ils avaient été envoyés par les Gabaonites et les villes voisines, très éloignées de ce pays, pour faire alliance avec eux aux conditions que comportaient les coutumes de leurs pères ; ayant appris, en effet, que grâce à la faveur et à la libéralité de Dieu, le pays des Chananéens leur avait été donné en propriété, ils s'en disaient fort heureux et ambitionnaient de devenir leurs concitoyens. Tout en parlant ainsi et en montrant les indices de leurs pérégrinations, ils invitent les Hébreux à conclure avec eux alliance et amitié. Josué, croyant, comme ils le prétendaient, qu'ils n'appartenaient pas à la nation chananéenne, fait amitié avec eux, et Éléazar, le grand-prêtre, avec les Anciens, jure de les traiter comme amis et alliés, de ne machiner aucune injustice contre eux et le peuple ratifia ces serments. Les Gabaonites, ayant obtenu par fraude ce qu'ils désiraient, s'en retournèrent chez eux ; mais Josué, ayant marché contre la région montagneuse de la Chananée et appris que les Gabaonites habitaient près de Jérusalem et étaient de la race des Chananéens[40], manda leurs magistrats et leur reprocha cette fourberie. Comme ceux-ci alléguaient qu'ils n'avaient pas d'autre moyen de salut que celui-là, et qu'en conséquence, ils y avaient eu recours par nécessité, il convoque le grand-prêtre Éléazar et les Anciens ; ceux-ci estiment qu'il faut les réduire à l'état d'esclaves publics[41] pour ne point enfreindre le serment, et il les désigne pour ces fonctions. C'est ainsi qu'ils trouvèrent moyen de se protéger et de s'assurer contre le malheur qui les menaçait.
17[42]. Le roi des Hiérosolymites[43], indigné que les Gabaonites eussent passé du côté de Josué, avait invité les rois des peuples voisins à se joindre à lui pour leur faire la guerre ; les Gabaonites les ayant vus venir avec lui, au nombre de quatre, et camper près d'une source voisine de la ville d'où ils en préparaient le siège, appelèrent Josué à l'aide. Les choses en étaient à ce point, que de leurs compatriotes ils attendaient leur perte et qu'au contraire, de ceux qui faisaient campagne pour l'anéantissement de la race chananéenne, ils espéraient leur salut, grâce à l'alliance conclue avec eux. Josué, avec toute son armée, se porte en hâte à leur secours, et, après avoir marché tout le jour et la nuit, à l'aube il tombe à l'improviste sur les ennemis, les met en fuite, et les poursuit avec acharnement à travers un canton accidenté qui s'appelle Bèthôra[44]. Là, Dieu lui fit connaître son assistance par des bruits de tonnerre, des coups de foudre et une grêle qui s'abattit plus violente que de coutume. En outre, il advint que le jour se prolongea, afin que l'arrivée de la nuit n'arrêtât pas l'ardeur des Hébreux ; de sorte que Josué put se saisir des rois, cachés dans une caverne à Makkéda, et les châtier tous. Que la durée du jour se soit accrue et ait dépassé alors la mesure habituelle, c'est ce qu'attestent les Écritures déposées dans le sanctuaire.
18. Après cette défaite des rois qui étaient partis en guerre contre les Gabaonites, Josué remonta de nouveau dans la partie montagneuse de la Chananée ; après y avoir fait un grand carnage des habitants et pris du butin, il revint au campement de Galgala[45]. Le renom de la valeur des Hébreux se répandant[46] beaucoup chez les peuples environnants, on fut frappé de terreur quand on apprit que tant de monde avait péri, et une expédition fut dirigée contre eux par les rois de la région du mont Liban, qui étaient des Chananéens. Les Chananéens de la plaine, s'étant adjoint les Palestiniens (Philistins), établissent leur camp près de la ville de Bèrôthé[47], de la Galilée Supérieure, non loin de Kédèse (Kadès) ; ce lieu appartient aussi aux Galiléens. Toute leur armée se composait de 300.000 hoplites, de 10.000 cavaliers et de 20.000 chars[48]. Cette masse d'ennemis effraye Josué lui-même et les Israélites, et dans l'excès de leur crainte ils étaient trop inquiets pour espérer un succès. Mais Dieu leur reproche vivement leur terreur et leur demande ce qu'ils désiraient de plus que son appui, puis leur promet qu'ils vaincront leurs ennemis et leur recommande de mettre les chevaux hors de combat et de brûler les chars. Encouragé par les promesses de Dieu, Josué marcha contre les ennemis, et, le cinquième jour, arrivant sur eux, il en vint aux mains ; un combat acharné s'engage et il se fait un carnage tel que le récit en paraîtrait incroyable. Josué dans sa poursuite poussa très loin, et toute l'armée ennemie, à quelques hommes près, fut anéantie. Tous les rois même tombèrent, de sorte que, quand il n'y eut plus personne à tuer, Josué fit périr les chevaux et brûla les chars, puis il parcourut en sécurité le pays, personne n'osant sortir lui livrer bataille ; il s’emparait par siège des villes et massacrait tout ce qu'il prenait.
19[49]. La cinquième année[50] était déjà écoulée, et il n'y avait plus un chananéen de survivant, sauf ceux qui avaient pu échapper, grâce à la solidité de leurs murailles. Josué alors, levant son camp de Galgala, établit le saint tabernacle dans les montagnes à Silo (Silous)[51] : cette localité lui paraissait désignée pour sa beauté, jusqu'à ce que les circonstances leur permissent d'édifier un temple. Puis, parti de là vers Sichem[52] (Sicima), avec tout le peuple, il érige un autel[53] là où l'avait prescrit Moïse, et, ayant divisé l'armée, il en place la moitié sur le mont Garizin et l'autre moitié sur le Gibalon (Ébal), où se trouvait aussi l'autel, ainsi que les Lévites et les prêtres. Après avoir sacrifié et prononcé des imprécations qu'on laissa gravées sur l'autel, ils retournèrent à Silo. 20[54]. Josué, déjà vieux et voyant que les villes des Chananéens n'étaient pas faciles à prendre, à cause de la force de leurs emplacements et de la solidité des remparts qu'ils avaient ajoutés aux avantages naturels de leurs villes, comptant ainsi que leurs ennemis s'abstiendraient de les assiéger par désespoir de s'en emparer - en effet, les Chananéens, informés que c'était pour leur perte que les Israélites avaient effectué leur sortie d'Égypte, s'étaient occupés tout ce temps à fortifier leurs villes -, Josué donc, ayant réuni tout son peuple à Silo, convoque une assemblée[55]. On accourt avec empressement et il leur dit combien les succès déjà obtenus et les exploits accomplis sont heureux et dignes de Dieu à qui ils les doivent et en l'excellence des lois qu'ils suivent ; il leur fait connaître, en outre, que trente et un rois[56] qui avaient osé en venir aux mains avec eux étaient vaincus et qu'une armée qui, trop confiante dans ses forces, leur avait livré bataille, avait péri tout entière, au point qu'il ne leur restait plus une famille debout. Et comme parmi les villes les unes étaient prises, mais que pour avoir les autres il fallait du temps et de grands travaux de siège, vu la solidité des remparts et la confiance qu'ils inspiraient aux habitants, il estimait que, pour ceux qui étaient venus de l'autre côté du Jourdain[57] prendre part à leur expédition et partager leurs dangers en qualité de parents, on devait désormais les laisser rentrer chez eux en leur témoignant de la reconnaissance pour le concours qu'ils leur avaient prêté. « De plus, dit-il, il faudra envoyer, un par tribu[58], des hommes d'une vertu éprouvée pour mesurer le pays exactement et nous rapporter, sans commettre aucune fraude, quelles en sont les dimensions. »
21. Josué, ayant ainsi parlé, eut l'assentiment du peuple et il envoya des hommes pour mesurer le pays, en leur adjoignant quelques géomètres qui ne manqueraient point d'être exactement renseignés grâce à leur science ; il leur donna pour instructions d'évaluer séparément l'étendue des terres riches et celle des terres moins fertiles. Car telle est la nature du pays des Chananéens, qu'on peut y voir de grandes plaines très propres à porter du blé, qui, comparées à d'autres sols, passeraient pour très fortunées, mais qui néanmoins, par rapport aux terres des gens de Jéricho et de Jérusalem, paraîtraient sans valeur. Quoique l'étendue du pays de ces derniers se trouve être fort exiguë et en majeure partie montagneuse, par son extraordinaire fécondité en grain et sa beauté elle ne le cède à aucune autre. Et c'est pourquoi Josué pensait qu'il fallait pour les lots se régler plutôt sur l'estimation que sur l'arpentage, souvent un seul arpent pouvant en valoir jusqu'à mille. Les hommes qu'on avait envoyés - au nombre de dix -, après avoir parcouru et estimé le pays, revinrent le septième mois vers lui dans la ville de Silo, où l'on avait dressé le tabernacle.
22. Josué, ayant pris avec lui Éléazar et les Anciens, ainsi que les phylarques, fait le partage entre les neuf tribus, plus la demi-tribu de Manassé, en établissant ses mesures proportionnellement à l’importance de chaque tribu. Quand il eut tiré au sort[59], celle de Juda reçut pour lot toute I'Idumée supérieure[60], en longueur jusqu'à Jérusalem et en largeur jusqu'au lac de Sodome ; dans ce lot entraient les villes d'Ascalon et de Gaza. Celle de Siméon[61] - la seconde - obtint cette partie de l'Idumée qui confine à l'Égypte et à l'Arabie. Les Benjamites[62] obtinrent le pays qui s'étend en longueur depuis le fleuve du Jourdain jusqu'il la mer et qui est borné dans la largeur par Jérusalem et Béthel(a). Ce lot était le plus restreint de tous, vu l'excellence de la terre ; ils obtenaient, en effet, Jéricho et la ville des Hiérosolymites. La tribu d'Ephraïm[63] eut le pays qui s'étend en longueur jusqu'à Gazara[64] à partir du fleuve du Jourdain et en largeur depuis Béthel jusqu'à la grande plaine. La demi-tribu de Manassé[65] eut depuis le Jourdain jusqu'à la ville de Dôra[66], et en largeur jusqu'à la ville de Bèthèsana[67], qui s'appelle aujourd'hui Scythopolis. Après eux, la tribu d'Isachar[68] eut le mont Carmel et le fleuve pour limites dans la longueur, et le mont Itabyrion (Thabor) pour la largeur. Les Zabulônites[69] obtinrent le pays qui s'étend jusqu'au lac de Génésareth et qui aboutit aux environs du Carmel et de la mer. La région située derrière le Carmel et appelée la Cœlade (vallée) à cause de cette situation, échut tout entière aux Asérites[70] ; elle faisait face à Sidon. La ville d'Arcé entrait dans leur part ; elle s'appelle aussi Ecdipous. Les territoires du côté de l'orient jusqu'à la ville de Damas et la Haute-Galilée furent occupés par les Nephtalites[71] jusqu'au mont Liban et aux sources du Jourdain qui s'élancent de cette montagne, du côté qui confine au nord à la ville d'Arcé[72]. Les Danites[73] obtiennent la partie de la vallée qui s'étend vers le coucher du soleil avec Azôtos et Dôra pour limites ; ils eurent tout Jamnia[74] et Geta, depuis Acaron jusqu'à la montagne où commençait le lot de la tribu de Juda.
23[75]. C'est ainsi que Josué divisa les six nations portant les noms des fils de Chanaan, et donna leur pays en partage aux neuf tribus et demie, car l'Amoritide - appelée, elle aussi, d'après le nom d'un des fils de Chanaan -, Moïse, qui s'en était déjà emparé précédemment, l'avait partagée entre les deux tribus et demie ; c'est ce que nous avons rapporté antérieurement. Mais les terres des environs de Sidon, des Arucéens, des Amathéens et des Aradéens ne furent point distribuées[76].
24[77]. Josué, empêché dès lors par l'âge d'exécuter lui-même ses projets, comme de plus ceux qui avaient pris le pouvoir après lui se montraient peu soucieux de l'intérêt général, recommanda à chaque tribu de ne rien laisser subsister de la race des Chananéens à l'intérieur du lot qui leur était dévolu, car c'est cela seulement qui pouvait menacer leur sécurité et l'observance des lois nationales ; Moïse le leur avait déjà dit et il en était lui-même persuadé. Ils devaient aussi céder aux Lévites[78] les trente-huit villes ; car ceux-ci en avaient déjà pris dix en Amorée. De ces villes, il en assigne trois[79] aux fugitifs pour y habiter - car il avait le vif souci de ne rien omettre des prescriptions de Moïse -, à savoir dans la tribu de Juda, Hébron, Sichem en Ephraïm et Kadès en Nephthali ; cette localité fait partie de la Galilée supérieure. Il distribua aussi ce qui restait du butin, qui était considérable, et ils se trouvèrent pourvus de grandes richesses collectivement et individuellement, or, argent, vêtements et toutes sortes de meubles, sans compter une multitude de quadrupèdes dont on ne pouvait même évaluer le nombre.
25[80]. Ensuite, ayant réuni en assemblée son armée, il parla en ces termes à ceux qui étaient établis au-delà du Jourdain en Amorée (ils avaient pris part à la campagne au nombre de 50.000 hoplites) : « Puisque Dieu, père et maître de la race des hébreux, nous a donné la possession de ce pays et promet de nous conserver cette possession pour toujours, et puisque à ceux qui vous demandaient voire coopération, conformément aux instructions de Dieu, vous avez montré en tout votre zèle, il est juste, aujourd'hui qu'il ne subsiste plus aucune difficulté, que vous obteniez enfin du répit pour ménager votre dévouement, afin que, si de nouveau nous en avions besoin, nous le trouvions plein d'énergie contre toute éventualité et que l'excès de fatigue d'aujourd'hui ne le ralentisse pas pour plus tard. Grâces vous soient donc rendues pour les périls que vous avez partagés, et ce n'est pas seulement pour aujourd'hui, c'est pour toujours que nous vous en saurons gré, car nous sommes capables de nous souvenir de nos amis et de garder la mémoire des services qu'ils nous ont rendus : vous avez, en effet, à cause de nous, différé de jouir des biens que vous possédez, et ce n'est qu'après avoir travaillé avec nous à nous mener au point où nous en sommes actuellement par la bienveillance de Dieu que vous avez songé à en profiter pour votre part. D'ailleurs, outre les biens qui vous appartiennent, vos efforts associés aux nôtres vous ont acquis une richesse immense et vous emporterez un butin considérable, de l'or, de l'argent et, qui plus est, notre amitié et notre concours reconnaissant pour tout ce que vous désirerez en échange. Car de ce que Moïse a prescrit vous n'avez rien négligé, rien dédaigné depuis qu’il a quitté les hommes, et il n'est rien dont nous n'ayons à vous savoir gré. Nous vous laissons donc partir allègrement vers vos héritages et nous vous prions de ne pas voir de frontière qui divise notre parenté et de ne pas croire, parce que ce fleuve coule entre nous, que nous soyons autre chose que des hébreux. Nous sommes tous, en effet issus d'Abram, que nous habitions ici ou là ; c'est le même Dieu qui a appelé nos ancêtres et les vôtres à la vie. Ce Dieu, ayez soin de le servir, et la constitution qu'il a établie par l'intermédiaire de Moïse, observez-la tout entière en songeant que, si vous y demeurez fidèles, Dieu aussi se montrera bienveillant et combattra pour vous, tandis que si vous vous laissez aller à imiter d'autres nations, il anéantira votre race ». Ayant ainsi parlé[81] et ayant salué en particulier les magistrats et en général toute la foule des partants, lui-même demeura, mais le peuple les accompagna non sans larmes et ils eurent de la peine à se séparer les uns des autres.
26[82]. Le fleuve franchi, la tribu de Roubel, celle de Gad et tous ceux de Manassé qui les suivaient érigent un autel sur la berge du Jourdain, comme souvenir pour les générations futures et comme symbole de leur parenté avec les habitants de l'autre rive. Mais ceux-ci, ayant oui dire que les partants avaient érigé un autel, non pas dans la pensée qui les avait réellement inspirés, mais pour innover et introduire des dieux étrangers, ne voulurent pas révoquer en doute ce bruit, et, estimant digne de foi cette calomnie touchant leur religion, se mettent en armes, prêts à passer le fleuve pour châtier ceux qui avaient érigé l'autel et les punir de cette infraction aux lois de leurs pères. Ils ne croyaient pas, en effet, avoir à tenir compte de la parenté et du rang de ceux qui avaient pris une telle initiative, mais de la volonté de Dieu et de la façon dont il aime à être honoré. Ils se mirent donc en campagne sous l'empire de la colère. Mais Josué, le grand-prêtre Éléazar et les Anciens les retinrent, leur conseillant d'aller s'enquérir d'abord du dessein de leurs voisins ; alors, s'ils apprenaient que leurs intentions étaient criminelles, ils marcheraient en armes contre eux. Ils envoient donc des ambassadeurs auprès d'eux, Phinéès, le fils d'Éléazar, et avec lui dix hommes considérés d'entre les Hébreux, pour se renseigner sur les intentions qu'ils avaient eues en érigeant un autel sur la berge du fleuve après l'avoir franchi. Quand ceux-ci furent parvenus chez les gens d'au delà du fleuve, une assemblée fut réunie, et Phinéès, s'étant levé, leur dit que leur péché était trop grave pour qu'une remontrance verbale pût les rendre sages à l'avenir ; cependant, on n'avait pas voulu considérer l'énormité de leur transgression pour courir sur-le-champ aux armes et à une répression brutale, mais, eu égard à leur parenté et à la possibilité que de simples paroles les amèneraient à résipiscence, on leur avait envoyé cette ambassade, « afin que, dit-il, informés du motif qui vous a déterminés à bâtir l'autel, nous n'ayons pas l'air d'être venus étourdiment porter nos armes contre vous, si c'est dans de pieuses intentions que vous avez élevé l'autel, et que, si elles sont impies, nous soyons fondés à vous punir, l'inculpation étant démontrée exacte. Car nous ne concevions pas qu'après avoir pénétré par expérience la pensée de Dieu, après avoir entendu les lois qu'il nous a données lui-même, une fois séparés de nous et établis dans la part d'héritage qui vous est échue par la faveur de Dieu et sa bonté pour vous, vous ayez pu l'oublier, et, abandonnant le tabernacle et l'arche et l'autel de vos pères, vous ayez introduit des dieux étrangers en vous adonnant aux dépravations des Chananéens. Mais vous apparaîtrez purs de toute faute si vous vous repentez, si voire aberration ne va pas plus loin, si vous revenez au respect et au souvenir des lois de vos pères. Que si vous persistez dans vos erreurs, nous n'épargnerons aucun effort pour défendre les lois, mais, ayant franchi le Jourdain, nous irons à leur secours et nous lutterons pour Dieu lui-même, ne mettant aucune différence de vous aux Chananéens, et nous vous détruirons comme eux. Car n'imaginez pas qu'en ayant passé le fleuve vous vous soyez mis aussi en dehors de la puissance de Dieu : partout vous êtes dans son domaine et il vous est impossible d'échapper à son pouvoir et à sa vengeance. Que si vous croyez que votre présence en ce lieu vous empêche d'être raisonnables, rien ne s'oppose à ce que nous procédions à un nouveau partage du pays en abandonnant celui-ci en pâturage aux bestiaux. Mais vous ferez bien de redevenir sages et de changer de sentiments, tandis que votre faute est encore récente. Et nous vous supplions au nom de vos enfants et de vos femmes de ne pas nous mettre dans la nécessité de vous punir. Que la pensée que votre salut à vous et celui des êtres qui vous sont le plus chers dépend de cette assemblée inspire votre résolution, et songez qu'il vaut mieux se laisser convaincre par des paroles que d'attendre la leçon des faits et de la guerre. »
27[83]. Après ce discours de Phinéès, les présidents de l'assemblée et tout le peuple lui-même commencèrent à se disculper des fautes qu'on leur imputait et à dire qu'ils n'avaient pas renié la parenté qui les unissait à leurs frères et qu’ils n'avaient pas eu d'intention révolutionnaire en érigeant l'autel ; ils reconnaissaient un Dieu unique, le même pour tous les hébreux, ainsi que l'autel d'airain devant le tabernacle où l'on accomplirait les sacrifices. Quant à celui qu'ils avaient érigé maintenant et qui les avait rendus suspects, il n'était pas édifié en vue du culte : « Il sera, disent-ils, un symbole et un témoignage pour l'éternité de notre parenté avec vous, nous obligera à être pieux et à demeurer fidèles aux lois de nos pères ce n'est pas du tout le début d'une transgression, comme vous le supposez. Dieu soit pour nous un sûr témoin que c'est bien là le motif qui nous a fait édifier cet autel. Ainsi, concevant meilleure opinion de nous, ne nous accusez plus d'aucun de ces crimes qui vaudraient à juste titre la mort à tous ceux qui, issus de la race d'Abram, s'adonneraient à de nouvelles mœurs en rompant avec les coutumes reçues. »
28[84]. Phinéès, ayant approuvé ce langage, revint auprès de Josué et rapporta au peuple ce qui s'était passé là-bas. Celui-ci, joyeux de voir qu'il n'y avait plus de nécessité de lever des troupes et de porter les armes et la guerre contre des parents, offre à cette occasion des sacrifices d'actions de grâces à Dieu. Puis, après avoir congédié le peuple dans leurs lots respectifs, Josué, lui, demeura à Sichem. Vingt ans plus tard, parvenu à l'extrême vieillesse[85], ayant mandé les hommes les plus notables des villes, les magistrats et les Anciens, et fait réunir aussi tous ceux qu'on put amener du peuple, quand ils furent là, il leur rappela tous les bienfaits de Dieu - si considérables pour un peuple élevé d'une condition inférieure à un tel degré de gloire et de richesse -, et les exhorta à respecter la volonté de Dieu si bienveillante à leur égard en lui vouant tous les honeurs et une piété qui seule leur conserverait l’amitié de la divinité. Il lui convenait à lui-même, au moment de quitter la vie, de leur laisser de tels avertissements, et il les pria de garder dans leur mémoire ses recommandations.
29. Ayant ainsi parlé aux assistants, il meurt[86] ; il avait vécu cent dix ans, dont il avait passé quarante en compagnie de Moïse à apprendre de lui les connaissances utiles : il eut le commandement de l'armée après la mort de ce dernier pendant vingt-cinq ans[87] ; ce fut un homme qui ne manqua ni d'intelligence, ni d'habileté pour expliquer clairement à la multitude ce qu'il avait conçu ; il eut même ces deux facultés à un degré éminent ; de plus, vaillant et magnanime dans l'action et les dangers, sachant à merveille prendre des délibérations pendant la paix et montrant des qualités à la hauteur de toutes les circonstances. On l'ensevelit dans la ville de Thamna de la tribu d'Éphraïm. Dans le même temps meurt aussi Éléazar, le grand-prêtre, qui laissa le grand pontificat à Phinéès, son fils ; son monument commémoratif et son tombeau sont dans la ville de Gabatha[88].
Chapitre IIAprès la mort de leur général, les Israélites, transgressant les lois paternelles, éprouvent de grands malheurs et, dans une guerre civile, la tribu de Benjamin périt, à l’exception de 600 hommes. 1. Mission donnée aux tribus de Juda et de Siméon. - 2. Victoire de ces tribus sur Adônibézèk ; siége de Jérusalem. - 3. Prise de Hébron ; répartition des territoires conquis. - 4. Dernières conquêtes des deux tribus. - 5. Paix avec les Chananéens. - 6. Prise de Béthel par la tribu d’Éphraïm. - 7. Relâchement général des Israélites. - 8. Le Lévite d’Ephraïm et sa femme ; celle-ci meurt, victime des violences des Gabaéniens. - 9. Les Israélites réclament en vain les coupables. - 10. Guerre civile avec les Benjamites. - 11. Défaite finale des Benjamites ; représailles exercées sur eux. - 12. Réconciliation avec les Benjamites survivants ; moyen employé pour assurer la permanence de leur tribu.
1. Apres la mort de ces derniers, Phinéès annonce prophétique-ment selon la volonté de Dieu que, pour détruire la race des Chananéens, c'est la tribu de Juda qui reçoit le commandement ; le peuple avait, en effet, à cœur de savoir ce que Dieu décidait. Elle s'adjoindrait la tribu de Siméon, afin que, une fois exterminés les Chananéens attribués à Juda, ils en fissent autant de ceux qui se trouvaient dans le lot de Siméon.
2[89]. Mais les Chananéens, dont la situation était florissante à cette époque-là, les attendaient avec une grande armée à Bézék(a), après avoir confié le commandement au roi des Bézékéniens, Adônibézek(os) - ce nom signifie seigneur des Bézékéniens, car seigneur se dit adôni[90] dans la langue des Hébreux, -, et ils espéraient triompher des hébreux, parce que Josué était mort. Ayant engagé le combat avec eux, les Israélites des deux tribus dont je viens de parler luttèrent avec éclat ; ils tuent plus de dix mille ennemis et, ayant mis le reste en déroute, ils les poursuivent et s'emparent d’Adônibézek qui, mutilé des extrémités par eux, s'écrie : « Je ne pouvais indéfiniment échapper à Dieu et je subis le même traitement que je n'ai pas hésité à infliger naguère à soixante-douze rois[91] ». On l'emmène encore vivant à Jérusalem ; mort, on lui donna la sépulture. Puis ils parcoururent le pays, en s'emparant des villes ; quand ils en eurent pris beaucoup, ils assiégèrent Jérusalem. Maîtres avec le temps de la ville basse, ils tuèrent les habitants ; mais la ville haute[92] était malaisée à emporter à cause de la solidité des remparts et de la conformation du terrain.
3[93]. Aussi décampèrent-ils pour aller à Hébron ; cette ville prise, ils massacrent tout. Il s'y était conservé encore la race des géants, qui, par les dimensions de leurs corps et leurs formes sans analogue parmi le reste des hommes, étaient extraordinaires à voir et terribles à entendre. On montre encore leurs ossements, qui ne ressemblent à rien de connu. Cette ville, ils la donnèrent aux Lévites comme un présent de choix avec les deux mille coudées de banlieue ; le reste de la région, ils en firent don, selon les instructions de Moïse, à Chaleb ; c'était un des explorateurs que Moïse avait envoyés en Chananée. On donna aussi aux descendants de Jéthro (Jothor)[94] - parce que c'était le beau-père de Moïse - un territoire pour y demeurer. Car, ayant quitté leur patrie, ils avaient suivi les Hébreux et vécu avec eux dans le désert.
4[95]. La tribu de Juda et celle de Siméon prirent donc les villes de la région montagneuse de la Chananée, et parmi celles de la plaine et des bords de la mer, Ascalon et Azôtos. Gaza et Accaron leur échappèrent ; car comme elles étaient en terrain plat et possédaient beaucoup de chars, ils étaient très malmenés quand ils allaient les assaillir[96]. Ces deux tribus, fort enrichies à la guerre, se retirèrent dans leur villes et déposèrent les armes.
5[97]. Les Benjamites, qui avaient dans leur lot Jérusalem, accordèrent à ses habitants de leur payer tribut et se reposant ainsi, les uns de leurs massacres, les autres de leurs dangers, ils eurent le loisir de cultiver la terre. Les autres tribus[98], imitant celle de Benjamin, firent de même et se contentant des tributs qu'on leur payait, elles permirent aux Chananéens de vivre en état de paix.
6[99]. La tribu d'Ephraïm, qui assiégeait Béthel, n'obtint pas un résultat proportionné à la durée et aux fatigues du siège. Mais, bien qu'ennuyés, ils persévérèrent dans le blocus. Par la suite, ayant surpris un des habitants de la ville qui allait chercher des provisions, ils lui donnèrent leur parole que, s'il livrait la ville, ils lui laisseraient la vie sauve à lui et à ses parents ; cet homme jura qu'à ces conditions il mettrait la ville en leur pouvoir. C'est ainsi que, grâce à une trahison, il put se sauver avec les siens, et eux, de leur côté, ayant massacré tous les habitants, occupèrent la ville.
7[100]. Après ces événements, les Israélites se relâchèrent à l’égard de la guerre et s'occupèrent de la terre et des travaux d'agriculture. Comme ils voyaient croître ainsi leurs richesses, sous l'empire du luxe et de la volupté, ils montrèrent peu de zèle pour leur discipline et cessèrent d'être des observateurs scrupuleux des lois de leur constitution. Très irritée de cette conduite, la divinité déclare d'abord par un oracle qu'ils avaient été à l'encontre de sa volonté en épargnant les Chananéens et ensuite que ceux-ci seraient contre eux d'une terrible cruauté quand ils en saisiraient l'occasion. Les Israélites, à ces avertissements, de Dieu, éprouvèrent du découragement et se sentaient mal disposés à faire la guerre, car ils recevaient beaucoup des Chananéens et, la volupté les avait déjà mis hors d'état de supporter les fatigues. De plus, leur gouvernement aristocratique commençait déjà à se corrompre : on ne nommait plus d'Anciens ni aucune des magistratures imposées naguère par la loi, ils vivaient dans leurs champs, asservis aux plaisirs du lucre[101]. Aussi, en raison de cette parfaite insouciance, des discordes graves les assaillirent à nouveau et ils en arrivèrent même à une guerre civile par la raison suivante.
8[102]. Un Lévite de la plèbe, du territoire[103] d'Ephraïm et habitant ce territoire, épousa une femme de Bethléem : cette localité appartient à la tribu de Juda. Très épris de cette femme et subjugué par sa beauté, il souffrait de n'être pas payé de retour. Comme elle lui témoignait de l'éloignement et que lui-même n'en brûlait que d'une plus vive ardeur, des querelles continuelles naissaient entre eux ; et finalement la femme, fatiguée de ces querelles, quitta son mari et arriva chez ses parents le quatrième mois[104]. Mais son mari, très affligé à cause de son amour, s'en vint chez ses beaux-parents et, ayant dissipé ses griefs, se réconcilia avec elle. Il demeura là pendant quatre jours, traité avec bonté par les parents, mais le cinquième, ayant résolu de s'en retourner chez lui, il part vers le soir ; car les parents ne se séparèrent qu'avec peine de leur fille et les retinrent fort avant dans la journée. Un seul serviteur les suivait ; ils avaient aussi une ânesse sur laquelle voyageait la femme. Quand ils furent arrivés à Jérusalem - ils avaient déjà fait trente stades -, le serviteur leur conseilla de descendre en quelque endroit, pour ne pas s'exposer, en voyageant de nuit, à quelque désagrément, surtout à une aussi faible distance des ennemis, l'occasion rendant souvent dangereux et suspects même les amis. Mais le Lévite n'approuva pas la pensée d'aller demander l'hospitalité à des étrangers, - car la ville était aux Chananéens[105] -, il voulut aller vingt stades plus loin pour s'arrêter dans une ville israélite. Et, ayant fait prévaloir son avis, il parvint à Gabaa[106] de la tribu de Benjamin. Comme il était déjà tard et que personne sur la place publique ne lui offrait l'hospitalité, un vieillard, revenant des champs, qui, bien qu'appartenant à la tribu d'Éphraïm, vivait à Gabaa, le rencontra, lui demanda qui il était et pour quelle raison, la nuit déjà venue, il faisait les préparatifs de son repas. Il répondit qu'il était Lévite et qu'il revenait chez lui, ramenant sa femme de chez ses parents, et lui déclara qu'il avait sa demeure dans le lot d'Éphraïm. Le vieillard, à cause de cette communauté d'origine et de cette circonstance qu'il habitait dans la même tribu, et qu'ils étaient dans la même situation, l'emmena chez lui pour lui donner l'hospitalité. Mais quelques jeunes Gabaéniens, qui avaient vu la femme sur la place et admiré sa beauté, quand ils surent qu'elle était retirée chez le vieillard, au mépris de leur faiblesse et de leur infériorité, vinrent devant les portes. Comme le vieillard les conjurait de s'éloigner et de ne pas employer la violence et l'outrage, ils l'engagèrent à leur livrer l'étrangère pour s’éviter à lui-même des désagréments. Mais le vieillard eut beau dire qu'elle était une parente à lui et une Lévite et qu'ils allaient commettre un grand crime en péchant contre les lois sous l'empire de la volupté, ils se soucièrent peu de la justice, s’en moquèrent, et même menacèrent de tuer le vieillard s'il s'opposait à leurs désirs. Acculé à la nécessité et ne voulant pas laisser faire violence à ses hôtes, il offrit à ces hommes de leur livrer sa propre fille, déclarant qu'il serait encore plus légitime d'assouvir de la sorte leur passion que de violer l'hospitalité et estimant qu'ainsi il ne ferait aucun tort à ceux qu'il avait recueillis. Comme ils ne renonçaient nullement à leurs prétentions sur l'étrangère, et demandaient avec insistance à se saisir d'elle, le vieillard les supplia de ne rien tenter contre les lois ; mais eux enlevèrent la femme et, de plus en plus dominés par la force de la volupté, l'emmenèrent chez eux, puis, après avoir passé toute la nuit à rassasier leur frénésie, ils la congédièrent au point du jour. Consternée de son malheur, elle revient à la maison de son hôte, et moitié douleur de ce qu'elle avait souffert, moitié honte de se présenter devant son mari - car elle pensait que lui surtout éprouverait de son malheur une peine irrémédiable -, elle tombe et rend l'âme. Le mari, croyant simplement sa femme ensevelie dans un profond sommeil, et ne soupçonnant rien de grave, tentait de l'éveiller, avec le dessein de la consoler en lui représentant qu'elle ne s'était pas offerte bénévolement à ces violateurs, mais qu'ils étaient venus l'arracher de la maison de leur hôte. Mais lorsqu'il sut qu'elle était morte, affolé devant l'étendue de son malheur, il charge le cadavre de sa femme sur sa monture, l'emporte chez lui, puis, l'ayant divisé membre par membre en douze parties, il en envoya une dans chaque tribu, en enjoignant aux porteurs de raconter aux tribus les causes de la mort de sa femme et le libertinage de la tribu de Benjamin.
9[107]. Les Israélites, péniblement émus au spectacle et au récit de ces violences, eux qui jamais n'avaient rien éprouvé de semblable, animés d'une violente et juste colère, se réunirent à Silo[108] et, rassemblés devant le tabernacle, ils brûlaient de courir aussitôt aux armes et de traiter les Gabaéniens en ennemis. Mais les Anciens les en dissuadèrent, leur persuadant qu'il ne fallait pas si vite porter la guerre chez leurs frères, avant qu'on eût discuté les griefs, la loi ne permettant pas de mener une armée même contre des étrangers sans avoir envoyé une ambassade et fait d'autres tentatives de ce genre afin de faire revenir à d'autres sentiments ceux qui passent pour avoir commis quelque iniquités[109]. Il convenait donc que, fidèles à la loi, on envoyât des députés aux Gabaéniens pour réclamer les coupables et, s'ils les livraient, qu'on se contentât de châtier ces derniers ; que s'ils méprisaient cette demande, alors on irait les punir les armes à la main. On envoie donc des députés aux Gabaéniens pour accuser les jeunes gens du crime commis contre la femme et demander qu'on livre en vue du châtiment ceux qui avaient commis des actes iniques et mérité à cause de ces actes de périr. Mais les Gabaéniens ne livrèrent pas les jeunes gens et trouvèrent odieux d'obéir par peur de la guerre aux injonctions d'étrangers ; ils prétendaient n’être inférieurs militairement à personne, ni quant au nombre, ni quant à la valeur. Ils se mirent donc à faire de grands préparatifs avec tous ceux de leur tribu qui s'étaient entendus avec eux pour une résistance désespérée afin de repousser les agresseurs.
10[110]. Lorsqu'on annonça aux Israélites ces intentions des Gabaéniens, ils firent serment que nul d'entre eux ne donnerait sa fille en mariage à un homme de Benjamin et qu'ils marcheraient contre eux ; ils éprouvaient plus de colère à leur égard que nos ancêtres n'en avaient eu, que nous sachions, à l'égard des Chananéens. Et tout de suite ils menèrent contre eux une armée de 400.000 hoplites[111] ; les forces des Benjamites étaient de 25.600 hommes[112] parmi lesquels 500 étaient fort experts à manier la fronde de la main gauche ; de sorte que, un combat s'étant livré près de Gabaa, les Benjamites mirent en fuite les Israélites, et ceux-ci perdirent 22.000 hommes. Il en aurait peut-être même péri davantage si la nuit ne les avait arrêtés et séparé les combattants. Les Benjamites, joyeux, se retirèrent dans la ville, et les Israélites, consternés par leur défaite, dans leur camp. Le lendemain, l'engagement ayant recommencé, les Benjamites sont vainqueurs et il périt 18.000 Israélites. Epouvantés par ce carnage, les Israélites quittèrent leur campement. Parvenus dans la ville de Béthel, située tout près de là, et ayant jeûné le lendemain, ils supplièrent Dieu par l'entremise de Phinéès, le grand-prêtre, d'apaiser sa colère contre eux et, se contentant de leurs deux défaites, de leur donner la victoire et des forces contre leurs ennemis. Dieu leur fait ces promesses et Phinéès les leur annonce.
11[113]. Après avoir divisé l'armée en deux parties, ils en embusquent la moitié, la nuit, autour de la ville, les autres en viennent aux mains avec les Benjamites et se replient quand ceux-ci les serrent de près. Puis les Benjamites les poursuivent et, comme les hébreux reculaient peu à peu et à une grande distance, désirant les faire sortir complètement de la ville, ils suivent leur mouvement de retraite, au point que même les vieillards et les jeunes gens, qu'on avait laissés dans la ville à cause de leur débilité, accouraient avec eux au dehors, voulant de toutes leurs forces réunies écraser les ennemis. Lorsqu'ils furent à une grande distance de la ville, les Hébreux cessèrent de fuir ; faisant volte-face, ils se disposent à combattre et, pour avertir ceux qui étaient dans les embuscades, ils lèvent le signal convenu. Ceux-ci, se dressant en poussant des cris, tombèrent sur leurs ennemis. Ces derniers se virent tombés dans un piège et se trouvèrent dans une situation inextricable ; refoulés dans une vallée encaissée, ils furent cernés par les Hébreux, qui les accablèrent de traits, de sorte qu'ils périrent tous, sauf 600. Ceux-ci, se ralliant et serrant les rangs, se firent jour à travers les ennemis, s'enfuirent sur les montagnes voisines, et, les ayant occupées, s'y installèrent. Tous les autres, au nombre d'environ 25.000, périrent. Les Israélites brûlèrent Gabaa et firent périr les femmes et les mêmes non encore adultes ; ils en font autant pour les autres villes des Benjamites. Ils étaient si enflammés de colère que, la ville de Jabisos[114] (Jabès) de la Galaditide ne les ayant pas aidés à combattre les Benjamites[115], ils envoyèrent contre elle 12.000 hommes choisis, avec ordre de la détruire. Cette troupe massacre dans la ville tout ce qui était en état de combattre, avec les enfants et les femmes, sauf 400 jeunes filles. Tels furent les excès où la colère les entraîna parce que, outre le crime commis contre la femme du Lévite, ils étaient encore affectés de la perte de tant de soldats.
12[116]. Mais ils furent pris de repentir devant le désastre des Benjamites et ils s'imposèrent un jeûne à cause d'eux, bien qu'ils estimassent qu'ils avaient mérité leur châtiment pour avoir péché contre les lois. Et ils appelèrent[117] par des ambassadeurs les 600 réfugiés qui s'étaient établis sur un rocher nommé Rhoa dans le désert. Les envoyés, déplorant un malheur qui ne frappait pas seulement les Benjamites, mais eux-mêmes, puisqu'ils étaient de la même race que ceux qui avaient péri, les exhortèrent à le supporter avec patience, à venir se joindre à eux et à ne pas décréter pour leur part la ruine totale de la tribu de Benjamin : « Nous vous accordons, dirent-ils, le sol de toute cette tribu et autant de butin que vous pourrez on emporter ». Ceux-ci, reconnaissant que leurs mal-heurs étaient dus à un décret de Dieu et à leur propre iniquité, redescendirent dans la tribu de leurs pères, dociles à ces invitations. Les Israélites leur donnèrent pour femmes les 400 vierges de Jabès. Quant aux 200 non pourvus, ils virent à leur procurer aussi des femmes, afin qu'ils en eussent des enfants. Comme ils avaient fait serment avant la guerre que leurs filles n'épouseraient point de Benjamites, quelques-uns étaient d'avis qu'on devait attacher peu d'importance à ces engagements inspirés par la colère, sans réflexion ni jugement, et qu'on ne ferait rien qui contrariât Dieu, si on pouvait conserver une tribu en danger de périr tout entière ; que les parjures n'étaient point graves ni dangereux quand ils étaient imposés par la nécessité, mais seulement quand on les commettait avec des intentions criminelles. Mais, comme les Anciens s'indignaient au mot de parjure, quelqu'un dit qu'il pouvait indiquer le moyen de leur procurer des femmes tout en tenant les serments. On lui demande quel est cet expédient. « Quand, dit-il, nous nous rendons trois fois l'an à Sélo, nos femmes et nos filles nous accompagnent à la fête. Qu'on permette aux Benjamites d'enlever pour les épouser celles qu’ils pourront prendre, sans que nous ne les encouragions ni ne les empêchions. Et si les parents se fâchent et demandent à les punir, nous leur dirons qu'ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes, parce qu'ils ne se sont pas souciés de veiller sur leurs filles, et qu'ils doivent abandonner tout ressentiment à l'égard des Benjamites, à qui on en a déjà témoigné d'une manière précipitée et excessive ». Se rangeant à cet avis, ils décident de permettre aux Benjamites ce mariage par enlèvement, et, la fête arrivée, les 200, par groupes de deux ou trois, s'embusquèrent devant la ville à épier la venue des vierges parmi les vignes et tous les endroits où ils pourraient demeurer inaperçus ; elles, tout en jouant, sans soupçonner ce qui allait se passer, cheminaient sans surveillance, et, tandis qu'elles allaient dispersées, les Benjamites, se dressant subitement, se saisirent d'elles. Ayant ainsi pris femmes, ils s'appliquèrent aux travaux des champs et firent tous leurs efforts pour revenir à leur prospérité antérieure. Voilà de quelle façon la tribu des Benjamites, en danger de périr totalement, fut sauvée par la sagesse des Israélites ; elle fut aussitôt florissante et fît de rapides progrès tant en nombre qu'en tout le reste.
Chapitre IIIComment, après ce revers, Dieu les asservit aux Assyriens à cause de leur impiété. Ils sont délivrés par Kenez, fils d’Athniel, qui gouverna quarante ans et est appelé juge chez les Grecs et les Phéniciens. 1. Établissement de la tribu de Dan. - 2. Les Israélites sous la domination des Assyriens. - 3. Keniaz les délivre.
1[118]. C'est ainsi que se termina cette guerre ; mais il advint que la tribu de Dan eut à souffrir d'épreuves analogues ; voici ce qui la mit dans cette situation. Comme les Israélites avaient déjà abandonné l'exercice de la guerre et s'étaient adonnés aux travaux agricoles, les Chananéens, les considérant avec mépris, rassemblèrent leurs forces, non qu'ils redoutassent aucun mal pour eux-mêmes, mais, ayant acquis le ferme espoir de causer du dommage aux Hébreux, ils comptaient désormais habiter leurs villes en sécurité. Aussi se mirent-ils à équiper des chars et à enrôler des troupes ; leurs villes s'accordèrent ensemble ; ils arrachèrent à la tribu de Juda Ascalon et Accaron et beaucoup d'autres villes de la plaine ; ils forcèrent les Danites à se réfugier dans la montagne et ne leur laissèrent pas dans la plaine la moindre place où poser le pied. Ceux-ci[119], incapables de faire la guerre et n'ayant pas de territoire suffisant, envoient cinq hommes d'entre eux dans l'intérieur des terres à la découverte d'une région qu'ils puissent coloniser[120]. Les envoyés, parvenus non loin du mont Liban et de la plus petite des sources du Jourdain, dans la grande plaine, à une journée de marche de la ville de Sidon, et ayant reconnu une terre excellente et très fertile, en informent leurs frères. Ceux-ci, s'empressant d'y aller avec une armée, y fondent une ville Dan(a), ainsi appelée du nom du fils de Jacob, qui était aussi le nom de leur tribu.
2[121]. Mais la situation des Israélites allait de mal en pis, parce qu'ils avaient perdu l'habitude de l'effort et négligeaient le culte de la divinité ; en effet, une fois éloignés de la discipline de leur constitution, ils se laissaient entraîner à vivre selon leur plaisir et leur fantaisie individuelle ; de sorte qu'ils s'abandonnèrent entièrement aux vices qui avaient cours chez les Chananéens. Aussi Dieu se courrouce-t-il contre eux, et toute la prospérité qu'ils s'étaient acquise au prix de mille labeurs, ils la perdirent par la volupté. En effet, Chousarsathos[122], roi des Assyriens[123], ayant fait une expédition contre eux, beaucoup périrent dans des batailles, et des sièges énergiques eurent raison de leurs villes[124]. Il y en eut qui, par crainte, se rendirent à lui spontanément ; ils furent obligés de payer des tributs au-dessus de leurs moyens et ils subirent toutes sortes d'injures durant huit ans. Mais ensuite ils furent délivrés de leurs maux de la façon suivante.
3. Un homme de la tribu de Juda, du nom de Keniaz(os)[125], plein d'activité et de noblesse d'âme, averti par un oracle de ne pas regardez avec indifférence la détresse des Israélites, mais d'essayer de relever leur liberté, après avoir exhorté à s'associer à ses dangers quelques hommes - il ne s'en trouva qu'un petit nombre qui avaient honte de l'état de choses présent et aspiraient à en changer -, commence par massacrer la garnison de Chousarsathos qui était chez eux ; puis, comme un plus grand nombre de combattants se joignait à eux, parce que les débuts de l'entreprise n’avaient pas mal réussi, ils engagent le combat avec les Assyriens et, les ayant complètement repoussés, les obligent à repasser l'Euphrate. Keniaz, qui avait ainsi donné une preuve effective de sa vaillance, reçoit pour récompense le pouvoir de la part du peuple, afin de juger la nation. Et après un gouvernement de quarante ans, il meurt.
Chapitre IVDe nouveau notre peuple est asservi aux Moabites pendant dix-huit ans et est affranchi de la servitude par un certain Eoud, qui tint le pouvoir quatre-vingts ans. 1. Les Israélites tributaires d'Eglon, roi de Moab. - 2. Eoud tue Eglon. – 3. Les Hébreux taillent en pièces les Moabites ; gouvernements d'Eoud, de Samgar.
1[126]. Après sa mort, les affaires des Israélites furent de nouveau en mauvais état, faute de gouvernement, et leur négligence à rendre hommage à Dieu et à obéir aux lois l'aggrava encore. Aussi, plein de mépris pour le désordre qui régnait dans leur État, Eglon, le roi des Moabites, porta la guerre contre eux, et, après avoir eu la victoire dans beaucoup de combats et soumis ceux qui montraient plus de fierté que les autres, humilia tout à fait leur puissance et leur imposa tribut. Puis, s'étant établi une résidence royale à Jéricho[127], il ne négligea rien pour molester le peuple et les réduisit à la pauvreté pendant dix-huit ans. Mais Dieu, ayant pris pitié des souffrances des Israélites et exaucé leurs supplications, les arracha aux violences des Moabites. Ils furent délivrés de la façon suivante.
2[128]. Un jeune homme de la tribu de Benjamin, nommé Eoud(ès)[129], fils de Géra, rempli d'une hardiesse virile et doué pour l'action de grandes aptitudes corporelles, avec une adresse particulière dans la main gauche, où résidait toute sa force, habitait également à Jéricho ; il devint le familier d'Eglon, le flattant par des présents et cherchant à capter sa confiance, et arriva ainsi à être très aimé aussi des gens de l'entourage du roi. Un jour qu'avec deux serviteurs il apportait des présents au roi, s'étant ceint en secret d'un poignard autour de sa cuisse droite, il pénétra auprès de lui ; on était en été et, comme midi était venu, les gardes étaient relâchées, à cause de la chaleur et parce qu'on était occupé à dîner, le jeune homme, ayant donc donné les présents à Eglon, qui se tenait dans une salle bien aménagée contre la chaleur, entra en conversation avec lui. Ils étaient seuls, le roi ayant ordonné aux serviteurs qui entraient de se retirer parce qu’il avait à causer avec Eoud. Il était assis sur un trône, et Eoud fut pris de peur de manquer son coup et de ne pas lui faire une blessure mortelle. Il le fait donc lever en lui disant qu’il a un songe à lui raconter sur l'ordre de Dieu. Le roi, dans la joie d'entendre un songe, se lève en sautant de son trône, mais Eoud, l'ayant frappé au cœur et laissé le poignard dans la blessure, sort en poussant les portes. Les serviteurs demeurèrent en repos, pensant que le roi s'était abandonné au sommeil.
3[130]. Quant à Eoud, mettant les gens de Jéricho au courant secrètement, il les exhorta à ressaisir leur liberté. Ceux-ci l'écoutèrent avec, plaisir, coururent eux-mêmes aux armes et envoyèrent des messagers par le pays pour donner le signal à son de cornes de bélier ; car c'était ainsi qu'on avait coutume de convoquer le peuple. Les gens d'Eglon ignorèrent longtemps le sort du roi ; mais quand vint le soir, craignant qu’il ne lui fût arrivé quelque chose d'insolite, ils pénétrèrent dans la salle, et trouvant son cadavre, se virent dans un grand désarroi. Avant que la garnison pût se réunir, la foule des Israélites marchait sur eux. Les uns sont aussitôt massacrés ; les autres prennent la fuite, pensant se sauver en Moabitide ; ils étaient plus de dix mille. Mais les Israélites, qui avaient occupé d'avance les gués du Jourdain, les pourchassèrent et les tuèrent ; pendant le passage ils en massacrent une quantité et pas en n'échappa de leurs mains. C'est ainsi que les Hébreux furent délivrés de la servitude des Moabites. Eoud, qui fut pour cette raison honoré du gouvernement de tout le peuple, mourut après avoir occupé sa charge pendant quatre-vingts ans[131], homme digne d'éloges, même indépendamment de l'exploit précité. Après lui[132], Sanagar(os), fils d'Anath(os), élu pour gouverner, mourut la première année de son gouvernement[133].
Chapitre VLes Chananéens les ayant asservis pendant vingt ans, ils sont délivrés par Barac et Débora, qui les gouvernent quarante ans. 1. Asservissement des Israélites par Yabin, roi des Chananéens, et son général Sisarès. - 2. La prophétesse Débora et Barac. - 3. Débora part avec Barac pour la guerre. - 4. Victoire des Israélites ; mort de Sisarès et de Yabin.
1[134]. De nouveau les Israélites, qui n'avaient pris aucune leçon de sagesse dans leurs premiers malheurs dus à leur négligence à honorer Dieu et à obéir aux lois, avant d'avoir pu respirer un peu depuis que les Moabites les avaient asservis, tombent sous le joug de Yabin(os), roi des Chananéens[135]. Ce dernier, parti de la ville d'Asôr(os), située sur le lac Séméchônitis[136], entretenait une armée de 300.000 hoplites, de 40.000 cavaliers, et il possédait 3.000 chars[137]. Le général de ces troupes, Sisarès[138], qui était au premier rang dans la faveur du roi, fit beaucoup de mal aux Israélites qui se mesurèrent avec lui, si bien qu'il les força à leur payer tribut.
2[139]. Ils passèrent vingt ans dans cette pénible situation, incapables, quant à eux, de s'assagir dans l'adversité et Dieu voulant logiquement dompter leur insolence à cause de leur ingratitude à son égard, afin qu'à l'avenir, changeant de conduite, ils vinssent à résipiscence, sachant que ces calamités leur arrivaient pour avoir méprisé les lois. Ils supplièrent alors une certaine prophétesse appelée Débora[140] - ce nom signifie abeille dans la langue des Hébreux - de prier Dieu de les prendre en pitié et de ne pas les laisser anéantir par les Chananéens. Dieu leur promit le salut et choisit pour général Barac(os) de la tribu de Nephtali. Barac veut dire éclair dans la langue des Hébreux.
3[141]. Débora, ayant mandé Barac, lui ordonna de choisir une troupe de 10.000 jeunes gens, puis de marcher contre les ennemis ; ce chiffre suffisait, Dieu l'avait prescrit et il avait prédit la victoire. Mais comme Barac déclarait qu'il ne conduirait pas ses troupes sans qu'elle les conduisît avec lui, elle s'indigne : « Quoi ! dit-elle, tu fais abandon à une femme de la dignité que Dieu t'accorde : eh bien ! je ne la récuserai pas ! » Alors, ayant rassemblé les 10.000 hommes, ils allèrent camper près du mont Itabyrion (Thabor).
4[142]. Sisarès alla à leur rencontre, sur l'ordre du roi, et ils campent non loin de leurs ennemis. Comme les Israélites et Barac, terrifiés de la multitude des ennemis, songeaient à rentrer chez eux, Débora les retint en leur ordonnant de livrer bataille le jour même ; car ils vaincraient et Dieu leur prêterait assistance. Ils en vinrent donc aux mains et pendant la mêlée survient un grand orage[143] avec force pluie et grêle ; le vent chassait la pluie sur le visage des Chananéens, leur obscurcissant la vue, de sorte que leurs arcs et leurs frondes leur devinrent inutiles : et les hoplites, glacés par le froid, ne pouvaient se servir de leurs épées. Quant aux Israélites, ils étaient moins incommodés par l'orage, qui les frappait dans le dos et ils prenaient confiance à la pensée du secours de Dieu ; aussi, se poussant au milieu de leurs ennemis, ils en massacrèrent beaucoup. Les uns pressés par les Israélites, les autres mis en désordre par leur propre cavalerie, tombèrent, de sorte que beaucoup périrent écrasés sous les chars. Mais Sisarès, ayant sauté à bas de son char dès qu'il vit la déroute commencée, prend la fuite et arrive chez une femme des Kénites nommée Yalé[144] : celle-ci accepte de le cacher comme il le désire et Sisarès ayant demandé à boire, elle lui donne du lait déjà corrompu[145]. Ayant bu trop abondamment, il tombe dans le sommeil, et Yalé, tandis qu'il dort, lui enfonce avec un marteau un clou de fer à travers la bouche et la gorge et transperce le plancher ; puis aux gens de Barac venus peu après, elle le montre cloué à terre[146]. C'est ainsi que la victoire resta, selon la prédiction de Débora[147], aux mains d'une femme; Barac, ayant marché contre Asôr, tua Yabin[148] dans une rencontre, et, une fois le général abattu, après avoir ruiné la ville De fond en comble, il resta général Des Israélites pendant quarante ans[149].
Chapitre VILes Amalécites, ayant fait la guerre aux Israélites, les vainquent et ravagent leur pays pendant sept ans. Gédéon les délivre des Amalécites, et gouverne le peuple quarante ans. 1. Déprédations des Madianites. - 2. Mission donnée à Gédéon. - 3. Constitution de l'armée de Gédéon. - 4. Songe d'un soldat madianite. - 5. Défaite des Madianites ; mort de leurs chefs. - 6. Mécontentement de la tribu d'Ephraïm ; Gédéon l'apaise. - 7. Gouvernement et mort de Gédéon.
1[150]. Barac et Débora étant morts dans le même temps, les Madianites, ayant convié les Amalécites et les Arabes, marchent contre les Israélites, les vainquent dans un engagement et, ayant ravagé les moissons, emportent du butin. Comme ils en usèrent ainsi pendant sept ans, la plupart des Israélites partirent pour les montagnes et désertèrent les plaines ; ils se firent des souterrains et des cavernes où ils mirent en sûreté tout ce qui avait échappé aux ennemis. Car les Madianites, qui faisaient la guerre au printemps, permettaient pendant l'hiver aux Israélites de se livrer à l'agriculture, afin qu'à la suite de leurs travaux ils eussent quelque chose à ravager. De là, famine et disette de vivres, et l'on se met à invoquer Dieu, lui demandant le salut.
2[151]. Or Gédéon[152], fils de Yôas, un des notables de la tribu de Manassé, emportait des gerbes d'épis et les battait en cachette dans le pressoir ; car, à cause des ennemis, il appréhendait de le faire ouvertement dans l'aire. Un fantôme lui étant apparu sous l'aspect d'un jeune homme et l'ayant nommé bienheureux et cher à Dieu, aussitôt pour réponse : « En vérité, dit-il, c'est une marque considérable de sa bonté que je me serve d'un pressoir au lieu d'aire ! » Mais l'apparition l'ayant exhorté à prendre courage et à essayer de recouvrer la liberté, il lui dit que cela lui était impossible : en effet, la tribu dont il faisait partie n'avait pas assez d'hommes ; lui-même était trop jeune et trop faible pour méditer de si grands desseins. Cependant Dieu lui-même promit de suppléer à ce qui lui manquait et de procurer la victoire aux Israélites, s'il se mettait à leur tête.
3[153]. Gédéon raconta cette apparition à quelques jeunes gens et trouva créance[154] ; sur-le-champ une armée de 10.000 hommes[155] fut prête à la lutte. Mais Dieu, étant apparu à Gédéon pendant son sommeil, lui représente que la nature humaine est égoïste et qu'elle hait les mérites éclatants, de sorte que, loin de laisser paraître la victoire comme l’œuvre de Dieu, on se l'attribue à soi-même, sous prétexte qu'on est une grande armée, capable de se mesurer avec les ennemis. Aussi pour qu’ils apprissent que c'était là le fait de l’assistance divine, il lui conseillait de mener l'armée au milieu du jour, au plus fort de la chaleur, vers le fleuve ; alors ceux qui se mettraient à genoux pour boire, il les tiendrait pour des vaillants, mais pour ceux qui boiraient hâtivement et en désordre, il devrait reconnaître en eux des lâches, saisis de peur devant les ennemis. Gédéon ayant agi conformément aux ordres de Dieu, il se trouva 300 hommes qui, par peur, se servirent de leurs mains pour porter l'eau à leur bouche dans un grand trouble ; et Dieu lui dit d'emmener ceux-là[156] pour attaquer les ennemis. Ils allèrent donc camper au dessus du Jourdain, prêts à le franchir le lendemain.
4[157]. Comme Gédéon était en proie à la crainte - car Dieu lui avait prescrit d'attaquer de nuit -, voulant le tirer d'inquiétude, Dieu lui ordonne en s'accompagnant d'un de ses soldats de s'approcher des tentes des Madianites ; c'était chez eux-mêmes qu'il puiserait du courage et de l'assurance. Il obéit et s'en va, prenant avec lui Phouran[158], son serviteur, et, s'étant approché d'une tente, il surprend ceux qui y logeaient tout éveillés, l'un racontant à son compagnon un songe, de manière que Gédéon put l'entendre. Voici quel était ce songe. Il lui semblait qu'une galette d'orge, trop grossière pour être mangée par des hommes, roulant à travers tout le campement, avait jeté bas la tente du roi et celles de tous les soldats. L'autre estimait que la vision présageait la ruine de l'armée et dit ce qui le lui faisait croire ; de toutes les semences l'orge était réputée par tout le monde la plus grossière[159], « et de toutes les races asiatiques, celle des Israélites est ce qu'on peut voir à présent de plus vil, comme la semence d'orge. Et ce qui chez les Israélites avait maintenant de hautes visées, c'était Gédéon et la troupe qui l'accompagnait. Or, puisque tu me dis que tu as vu le pain d'orge abattre nos tentes, je crains que Dieu n'ait accordé à Gédéon la victoire sur nous. »
5[160]. Quand Gédéon eut entendu ce songe, il conçut bon espoir et prit confiance, et il ordonna aux siens de se tenir en armes, après leur avoir raconté aussi la vision des ennemis. Ceux-ci se montrèrent tout prêts à suivre ses instructions, exaltés par ce qui leur avait été révélé, et, à peu près vers la quatrième veille[161], Gédéon conduisit en avant son armée, qu'il avait divisée en trois fractions, chacune de cent hommes. Tous portaient des amphores vides avec des torches allumées à l'intérieur, de peur que leur arrivée ne se dénonçât aux ennemis, et ils tenaient dans la main droite une corne de bélier, dont ils se servaient en guise de trompettes. Le campement des ennemis occupait une vaste étendue - car ils se trouvaient avoir une grande quantité de chameaux, - et, répartis par peuples, ils campaient tous dans une même enceinte. Les Hébreux avaient été prévenus, lorsqu'ils se trouveraient à proximité des ennemis, d'avoir, au signal convenu, à sonner de leurs trompettes, à fracasser leurs amphores, puis à s'élancer avec leurs torches sur leurs ennemis en poussant de grands cris et à vaincre, Dieu devant assister Gédéon : ils exécutèrent ce plan. Un grand trouble et une vive terreur saisit les hommes encore endormis, car c'était la nuit et Dieu l'avait ainsi décidé. Peu furent tués par leurs ennemis, la plupart furent victimes de leurs alliés par suite de la diversité des langages. Une fois plongés dans le désarroi, ils tuaient tous ceux qu'ils rencontraient, les croyant ennemis. Il se fit un grand carnage, et, le bruit étant venu aux Israélites de la victoire de Gédéon, ceux-ci prennent les armes et, se mettant à la poursuite des ennemis, les joignent dans une vallée entourée de ravins qu'ils ne pouvaient franchir : les ayant cernés, il les tuent tous avec deux de leurs rois, Orèb(os) et Zèb(os). Les autres chefs emmenant les soldats survivants - il y en avait environ 18.000[162] -, établissent leur camp très loin des Israélites. Gédéon ne renonce pas à la lutte, mais, s'étant mis à leur poursuite avec toute son armée, il livre bataille, taille en pièces tous les ennemis et emmène prisonniers les chefs restants, Zebès et Salmana[163]. Il périt dans ce combat environ 420.000[164] hommes des Madianites et des Arabes qui s'étaient joints à eux. Un butin abondant, de l'or, de l'argent, des tissus, des chameaux et des bêtes de somme, fut saisi par les Hébreux. Gédéon, revenu à Ephron[165], sa patrie, mit à mort les rois des Madianites.
6[166]. Mais la tribu d'Ephraïm, mécontente des succès de Gédéon, résolut de marcher contre lui ; elle lui reprochait de ne point les avoir prévenus de l'entreprise dirigée contre les ennemis. Gédéon, qui était modéré et possédait toutes les vertus à un degré éminent, leur dit que ce n'était pas de lui-même, méditant un dessein personnel, qu'il s'était attaqué aux ennemis sans s'adresser à eux, c'était Dieu qui le lui avait ordonné ; quant à la victoire, elle ne leur appartenait pas moins qu'à ceux qui avaient fait campagne. Et ayant ainsi apaisé leur ressentiment, il fit plus de bien aux Hébreux par ses paroles que par ses succès militaires ; il les sauva, au moment où ils allaient commencer une guerre civile. Cependant, pour son attitude injurieuse, cette tribu subit un châtiment que nous raconterons au moment voulu.
7[167]. Gédéon, qui voulait se démettre du gouvernement, fut contraint de le garder pendant quarante ans ; il rendait la justice et connaissait des différends qu'on évoquait devant lui ; tout ce qu'il prononçait faisait autorité. Mort à un âge avancé, il fut enterré dans Ephron, sa patrie.
Chapitre VIIAprès lui, beaucoup de ses successeurs guerroient longtemps avec les peuples d’alentour. 1. Meurtre des fils de Gédéon par le bâtard Abimélech. - 2. Apologue de Jôtham aux habitants de Sichem ; expulsion d'Abimélech. - 3. Hostilités contre lui. - 4. Siège de Sichem par Abimélech ; massacre des Sichémites. - 5. Mort d'Abimélech. - 6. Gouvernement de Yaïr. - 7. Les Israélites asservis par les Ammonites et les Philistins, - 8. 0n s'adresse à Jephté. – 9. Échec des pourparlers avec le roi ammonite. - 10. Vœu de Jephté ; victoire des Israélites ; sacrifice de la fille de Jephté. - 11. Guerre avec la tribu d'Ephraïm. - 12. Mort de Jephté. - 13. Gouvernement d'Ibsan. - 14. Gouvernement d'Elon. - 15. Gouvernement d'Abdon.
1[168]. Il avait soixante-dix fils légitimes - car il avait épousé beaucoup de femmes -, et un bâtard né d'une concubine, Drouma[169], nommé Abiméléch(os) ; ce dernier, après la mort de son père, s'était retiré à Sichem[170] chez les parents de sa mère, originaire de cet endroit, et, ayant reçu de l'argent de ces gens, ...[171] célèbres par la multitude de leurs iniquités, il vient avec eux dans la maison de son père et massacre tous ses frères, à l'exception de Jôtham(os) ; ce dernier survit, en effet, ayant eu la bonne fortune de s'échapper. Abimélech change l'état existant en tyrannie, se proclamant maître de faire ce qui lui plaisait à l'encontre des lois et montrant une vive acrimonie à l'égard des défenseurs de la justice.
2[172]. Un jour que les habitants de Sichem célébraient une fête publique et que tout le peuple y était rassemblé, son frère Jôtham, qui avait pu s'échapper comme nous le disions, ayant gravi le mont Garizim - qui domine la ville de Sichem -, se mit à crier à portée de voix du peuple, l'invitant à rester tranquille et à écouter ce qu’il avait à lui dire. Le silence établi, il raconta qu'un jour les arbres, se mettant à parler d'une voix humaine, se réunirent et demandèrent au figuier[173] de régner sur eux. Comme celui-ci refusa parce qu'il jouissait de l'estime que lui valaient ses fruits, estime bien à lui et qui ne lui venait pas du dehors, les arbres ne renoncèrent pas à leur projet d'un gouvernement, mais furent d'avis d'offrir cette dignité à la vigne. Et la vigne, élue par eux, eut les mêmes arguments que le figuier pour refuser le pouvoir. Comme les oliviers firent de même, l'épine - à qui les arbres demandèrent d'accepter la royauté, elle dont le bois est très propre à la combustion - promît de prendre le pouvoir et de se montrer active. Mais il fallait que les autres vinssent s'asseoir à son ombre : que s'ils méditaient sa perte, ils seraient détruits par le feu qui était en elle : « Si je raconte tout cela[174], dit Jôtham, ce n'est pas pour faire rire, c'est parce qu'après tant de bienfaits dus à Gédéon, on souffre qu'Abimélech ait la puissance souveraine, après l'avoir aidé à assassiner ses frères, lui qui va vous apparaître comme un véritable feu ». Ayant ainsi parlé, il se retira et vécut caché dans les montagnes pendant trois ans, par crainte d’Abimélech.
3[175]. Mais, peu de temps après la fête[176], les Sichémites, se repentant du meurtre des fils de Gédéon, chassent Abimélech de leur ville et de leur tribu. Celui-ci résolut de faire du mal à la ville. L'époque de la vendange arrivée, les habitants appréhendaient de s'éloigner pour faire la récolte, de peur qu'Abimélech ne les maltraitât. Mais comme un des chefs, Gaal(ès), avait émigré chez eux avec des soldats et ses parents, les Sichémites le supplient de leur donner une escorte pendant qu'ils vendangeront. Celui-ci ayant accueilli leur requête, ils s'en vont accompagnés de Gaal à la tête de sa troupe. Ainsi les fruits furent rentrés en sécurité, et dans leurs repas en commun ils osèrent publiquement dire du mal d'Abimélech ; et les chefs, installant des embuscades autour de la ville, surprirent et tuèrent beaucoup des gens d'Abimélech.
4[177]. Un certain Zéboul(os), un chef des Sichémites, hôte d'Abimélech, lui envoya un message pour l'avertir que Gaal excitait le peuple et l'exhorta à se mettre en embuscade devant la ville ; il se chargeait de faire faire à Gaal une sortie contre Abimélech, et dès lors celui-ci serait à même de tirer vengeance de son ennemi ; cela fait, il tâcherait de le réconcilier avec le peuple. Là-dessus, Abimélech alla se mettre en embuscade. Gaal se trouvait dans le faubourg de la ville sans prendre de précautions, en compagnie de Zéboul. Ayant aperçu des soldats qui s'avançaient, Gaal dit à Zéboul que des hommes arrivaient vers eux en armes. Celui-ci déclara que c’étaient des ombres de rochers, mais quand ils furent plus près, observant avec soin, il lui dit que ce n'étaient pas des ombres, mais une troupe d'hommes. Alors Zéboul : « N'était-ce pas toi, dit-il, qui reprochais à Abimélech sa lâcheté ? Pourquoi ne montres-tu pas ta grande valeur en engageant un combat avec lui ? » Gaal, tout troublé, en vient aux mains avec la troupe d'Abimélech ; quelques-uns des siens tombent ; lui-même s'enfuit dans la ville, en emmenant les autres. Et Zéboul intrigue en sorte qu'on expulse Gaal de la ville, en l'accusant d'avoir mollement lutté contre les soldats d'Abimélech[178]. Cependant Abimélech, informé que les Sichémites allaient de nouveau sortir pour la vendange, dispose des embuscades tout autour de la ville ; dès qu'ils sont sortis, le tiers de l'armée occupe les portes pour empêcher les citoyens de rentrer, les autres courent après ceux qui s'étaient dispersés et partout on se livre au carnage. Puis, ayant rasé la ville jusqu'au sol - car elle ne tint pas devant le siège -, il sema du sel sur les ruines et s'en alla ; c'est ainsi que tous les Sichémites périrent. Quant à ceux qui, s'étant dispersés dans la campagne, avaient échappé au danger, s'étant ralliés sur une roche[179] escarpée, ils s'y installèrent et se mirent en devoir de l'entourer d'un rempart. Mais Abimélech les prévint ; informé de leur dessein, il vint sur eux avec des forces et, ayant donné l'exemple de jeter autour de ce lieu des fagots de bois sec, il invita ses troupes à en faire autant. Et comme le rocher est bientôt tout environné, ils mettent le feu au bois en y joignant les matières les plus facilement inflammables et font s'élever une grande flamme. Nul ne put se sauver du rocher ; ils périrent avec femmes et enfants, les hommes au nombre d'environ quinze cents[180], le reste en assez grande quantité. Telle est la catastrophe qui s'abattit sur les Sichémites et qui n'eût jamais été assez déplorée, si elle n'avait été justifiée, après un si grand crime commis contre un bienfaiteur.
5[181]. Abimélech, ayant terrorisé les Israélites par le désastre des Sichémites, laissa voir qu'il méditait de plus grands desseins et qu'il ne mettrait pas de limite à ses violences qu'il n'eût fait périr tout le monde. Il marcha donc sur Thèbas[182], prit la ville à l'improviste ; mais comme il y avait là une grande tour où toute la foule s'était réfugiée, il se prépara à l'assiéger. Au moment où il s'élançait lui-même près des portes, une femme lui jeta un fragment de meule et l'atteignit à la tête. Abimélech, précipité à terre, pria son écuyer de le tuer, pour que sa mort ne parût pas l’œuvre d'une femme. Celui-ci exécute cet ordre, et tel fut le châtiment qu'Abimélech subit pour le crime commis contre ses frères et son entreprise contre les Sichémites. Le malheur qui accabla ces derniers réalisa la prédiction de Jôtham. Quant à l'armée d'Abimélech, dispersée à la mort de son chef, elle rentra dans ses foyers.
6[183]. Le gouvernement des Israélites fut pris alors par Yaïr(ès)[184] de Galad, de la tribu de Manassé ; ce personnage eut toute espèce de prospérités et notamment engendra de vaillants enfants, au nombre de trente, excellents cavaliers, et qui furent chargés du gouvernement des villes de la Galadène. Lui-même, après avoir occupé le pouvoir pendant vingt-deux ans, mourut âgé et fut honoré d'une sépulture dans la ville de Kamôn en Galadène.
7[185]. Cependant tout chez les Hébreux tomba dans le désordre et la rébellion contre Dieu et les lois ; aussi, les prenant en mépris, les Ammanites et les Philistins saccagèrent avec une grande armée leur pays, et ayant occupé toute la Pérée[186], ils osèrent passer le fleuve pour aller conquérir encore le reste. Mais les Hébreux, assagis par leurs malheurs, se mirent à supplier Dieu et lui offrirent des sacrifices en le conjurant de montrer de l'indulgence et, se laissant fléchir par leurs prières, de mettre un terme à sa colère. Et Dieu, revenant à plus de douceur, résolut de leur porter secours.
8[187]. Les Ammanites ayant pénétré en Galadène, les gens du pays allèrent au devant d'eux sur la montagne, mais ils manquaient d'un chef qui pût se mettre à leur tête. Or il y avait un certain Jephté[188] (Jephthès)[189], un homme puissant par son courage héréditaire et grâce à une force armée qu'il entretenait à ses frais. Ayant donc envoyé vers lui, ils le prièrent de combattre avec eux, promettant de lui assurer pour toujours le commandement en chef. Mais lui n'agrée pas leur requête, leur reprochant de ne point l'avoir assisté lui-même quand il avait été victime publiquement de l'injustice de ses frères. Comme, en effet, il n'était pas leur frère utérin, mais un étranger par sa mère, que leur père, épris d'amour, leur avait amenée, ils l'avaient chassé, méprisant sa faiblesse. Aussi vivait-il dans le pays qu'on appelle Galaditide, accueillant tous ceux qui venaient à lui d'où que ce fût, et les prenant à son salaire. Enfin, sur les vives instances des Hébreux et leurs promesses de lui conférer pour toujours le commandement, il se mit en campagne.
9[190]. Après avoir activement pris toutes les précautions et installé l'armée dans la ville de Masphathé[191], il envoie une ambassade à l'Ammanite pour lui reprocher sa conquête. Celui-ci par une autre ambassade reprocha aux Israélites leur sortie d'Égypte et prétendit qu'ils évacuassent l'Amorée qui appartenait à ses ancêtres originairement. Mais Jephté réplique qu'ils étaient mal fondés à incriminer leurs ancêtres au sujet de l'Amorée, et qu'ils devaient plutôt leur être reconnaissants de leur avoir laissé l'Ammanitide, dont Moïse aurait pu également s'emparer et ajoute qu'il ne leur abandonnera pas un pays bien à eux, que Dieu leur avait acquis et qu'ils occupaient depuis plus de trois cents ans[192] ; et il déclara qu'il se battrait avec eux.
10[193]. Sur ces mots, il congédia les envoyés ; puis, ayant de son côté demandé la victoire par ses prières et promis de sacrifier, s'il revenait vivant chez lui, et d'immoler la première créature qui viendrait à sa rencontre, il engagea le combat, remporta une grande victoire et, en massacrant les ennemis, les poursuivit jusqu'à la ville de Maliathé[194] ; puis, ayant passé en Ammanitide, il anéantit beaucoup de villes, fit du butin et délivra ses compatriotes d'une servitude qu'ils avaient endurée pendant dix-huit ans. Mais à son retour, il lui arriva une aventure qui ne ressemblait pas aux succès qu'il venait d'obtenir ; car ce fut sa fille qui vint à sa rencontre, sa fille unique, vierge encore. Alors, gémissant dans l'immensité de sa douleur, il reprocha à sa fille son empressement à accourir au devant de lui : car il l'avait consacrée à Dieu. Celle-ci apprit sans déplaisir qu'il lui était réservé de mourir pour prix de la victoire de son père et de l'affranchissement de ses concitoyens. Elle demanda seulement qu'on lui accordât deux mois pour pleurer sa jeunesse avec ses concitoyens ; alors s'accomplirait le vœu. Il lui accorda le sursis demandé ; le temps accompli, il sacrifia sa fille en holocauste, sacrifice qui n'était ni exigé par la loi ni agréable à Dieu ; il n'avait pas réfléchi assez soigneusement à l'avenir, au jugement que porteraient sur son acte ceux qui en entendraient parler[195].
11[196]. La tribu d'Ephraïm étant partie en guerre contre lui parce qu'il ne les avait pas associés à son expédition contre les Ammanites et s'était réservé à lui seul tout le butin et la gloire des opérations, il leur déclara d'abord que ce n'était pas à leur insu que leurs frères s'étaient battus et qu'appelés à prendre part à la lutte ils ne s'étaient point présentés, alors qu'il fallait accourir résolument avant qu'on les en priât ; ensuite qu'ils se livraient à une entreprise impie, eux qui n'avaient pas osé en venir aux mains avec les ennemis, en se jetant contre leurs frères ; et il les menaçait avec l'aide de Dieu de leur infliger un châtiment s'ils ne se montraient raisonnables. Mais comme il ne réussit pas à les convaincre, il engagea la lutte avec eux lorsqu'ils arrivèrent ; avec l'armée qu'il avait rappelée de la Galadène, il fit parmi eux un grand carnage, et poursuivant les fuyards, après avoir fait occuper par une partie de l'armée envoyée en avant les gués du Jourdain, il en massacra environ 42.000.
12[197]. Après un gouvernement de six ans, il meurt et est enseveli à Sébéa[198], sa patrie, ville de la Galadène.
13[199]. Après la mort de Jephté, ce fut Apsan(ès)[200], qui prit le pouvoir ; il était de la tribu de Juda et de la ville de Bethléem. Il eut soixante enfants, savoir trente fils et autant de filles, qu'il laissa tous vivants, après avoir donné des maris à celles-ci et des femmes à ceux-là. Sans avoir rien fait dans les sept ans de son gouvernement qui mérite une attention ou un souvenir, il mourut à un âge avancé[201] et reçut sa sépulture dans sa patrie.
14[202]. Apsan étant mort ainsi, celui qui eut ensuite le pouvoir, Elon de la tribu de Zabulon, le garda dix ans sans rien faire non plus de considérable.
15[203]. Abdon, fils de Hillel[204], qui appartenait à la tribu d'Ephraïm et à la ville des Pharathônites[205], nommé chef souverain après Elon, ne mérite de mention que pour son heureuse paternité, car lui non plus n'accomplit rien de notable, grâce à l'état de paix et de sécurité où l'on se trouvait. Il eut quarante fils, dont trente laissèrent une postérité ; il parcourut le pays avec ces rejetons au nombre de soixante-dix, tous brillants cavaliers[206] ; ils les laissa tous vivants, mourut âgé[207], et reçut une sépulture splendide à Pharathôn.
Chapitre VIIICourage de Samson ; maux qu’il causa aux Philistins. 1. Les Israélites asservis aux Philistins. - 2. Un ange annonce la naissance d'un fils à la femme de Manôchès. - 3. Nouvelle apparition de l'ange ; ses recommandations. - 4. Naissance et enfance de Samson. - 5. Il tue un lion. - 6. L'énigme de Samson. -7. Il détruit les moissons des Philistins. - 8. Livré par les gens de Juda, il rompt ses liens et taille les Philistins en pièces. - 9. Dieu fait jaillir une source pour Samson altéré. - 10. Enfermé à Gaza, il s'échappe de nuit. - 11. Dalila le livre aux Philistins. -12. Fin de Samson.
1[208]. Après la mort de ce dernier, les Philistins triomphent des Israélites, et reçoivent d'eux tribut pendant quarante ans. Mais ils sont affranchis de cette contrainte de la façon suivante.
2. Un certain Manôchès[209], des plus notables Danites et le premier sans conteste de sa ville natale, avait une femme remarquable par sa beauté et qui l'emportait sur toutes celles de l'endroit. Comme elle ne lui donnait pas d'enfants, malheureux de cette stérilité, il suppliait Dieu, durant ses promenades fréquentes dans les environs de la ville en compagnie de sa femme, de leur donner une postérité légitime ; il y avait là une grande plaine[210]. Manôchès était comme fou d'amour pour sa femme et, partant, excessivement jaloux[211]. Un jour que sa femme était seule, un fantôme lui apparaît, envoyé par Dieu, qui ressemblait à un jeune homme beau et de grande taille et qui lui annonce l'heureuse nouvelle de la naissance prochaine d'un fils, grâce à la providence de Dieu ; ce fils serait beau et d'une force remarquable ; arrivé à l'âge d'homme, il ferait beaucoup de mal aux Philistins. L'ange recommande, en outre, de ne pas lui tondre les cheveux ; il devrait aussi avoir de l'aversion pour toute espèce de boissons, ainsi que Dieu le prescrivait, et ne s'habituerait qu'à l'eau seulement. Et l'ange venu sur l'ordre de Dieu s’en alla après ces paroles.
3. Le mari étant arrivé, la femme lui rapporta en détail ce qui s'était passé avec l'ange, en témoignant de son admiration pour la beauté du jeune homme et sa haute taille, de sorte que son mari, dans sa jalousie, fut tout bouleversé d'entendre ces louanges et conçut les soupçons que cette passion suggère. Elle, désireuse de dissiper ce chagrin déraisonnable de son mari, supplie[212] Dieu d'envoyer de nouveau son messager pour que son mari pût aussi le voir. Alors l'ange revient encore par la grâce de Dieu, tandis qu'ils étaient dans le faubourg et il apparaît à la femme que son mari venait de laisser seule. Celle-ci, lui ayant demandé d'attendre qu'elle amenât son mari, sur son assentiment, alla chercher Manôchès. Mais le mari, même à la vue de l'ange, ne cessa pas d'avoir des soupçons et il le pria de lui révéler à lui aussi ce qu'il avait annoncé à sa femme. L'ange ayant déclaré qu'il suffisait que la femme seule en fût instruite[213], le mari le somme de dire qui il était, afin qu'à la naissance de l'enfant, ils puissent lui témoigner leur reconnaissance et lui faire un cadeau. Celui-ci répondit qu'il n'en avait nul besoin, car ce n'était pas par intérêt qu'il leur avait annoncé cette heureuse nouvelle de la naissance d'un enfant, et quoique Manôchès l'invitât à demeurer et à prendre les présents d'hospitalité, il n'y consentit pas. Cependant, sur ses vives instances, il se laissa persuader de demeurer pour qu'on lui offrît un présent, et Manôchès ayant sacrifié un chevreau et commandé à sa femme de le cuire, quand tout fut bien prêt, l'ange leur ordonna de déposer sur le rocher les pains et les chairs, sans vases. Quand ils l'eurent fait, il toucha les viandes avec le bâton qu'il tenait, et, un feu ayant jailli, elles furent consumées avec les pains, tandis qu'ils virent l'ange s'élever vers le ciel porté sur la fumée comme sur un véhicule. Manôchès redoutant qu'il ne leur arrivât quelque malheur pour avoir vu Dieu, sa femme l'exhorta à se tranquilliser, car c'était pour leur bien que Dieu leur était apparu.
4[214]. Elle devint enceinte et tint bon compte des instructions reçues ; quand l'enfant naquit, ils l'appelèrent Samson (Sampsôn) : ce nom signifie vigoureux[215]. L'enfant grandissait vite et l'on voyait clairement qu'il serait prophète à la sobriété de son régime et à la façon dont il laissait croître ses cheveux.
5[216]. Venu avec ses parents dans la ville de Thamna[217] chez les Philistins au moment d'une fête, il s'éprend d'une vierge du pays et il supplie ses parents de lui faire épouser cette jeune fille. Ceux-ci eurent beau refuser parce qu'elle n'était pas de leur race, comme Dieu avait médité ce mariage pour le bien des Hébreux, il obtint de faire sa cour à la jeune fille. Au cours de ses fréquentes visites chez les parents de celle-ci, il rencontre un lion, et, quoique sans armes, il l'attend, l'étrangle dans ses mains et jette la bête dans un taillis qui se trouvait là en dedans du chemin.
6[218]. En revenant une autre fois chez la jeune fille il trouve un essaim d'abeilles logé dans la poitrine de ce lion et, prenant trois rayons de miel, avec les autres présents qu'il apportait, il les donne à la jeune fille. Comme les Thamnites dans le festin de noces, auquel il les avait conviés tous, craignant la force du jeune homme, lui avaient assigné les hommes les plus vigoureux, censément en qualité de compagnons, en réalité pour veiller à ce qu’il ne se livrât à aucune violence, comme le vin circulait et qu'on se livrait à des jeux selon l'habitude dans ces circonstances, Samson dit : « Je vais vous proposer une énigme : si vous la résolvez après sept jours de recherches, vous recevrez chacun de moi du linge fin et des vêtements[219] en récompense de votre sagacité ». Très avides de s'acquérir en même temps un renom d'intelligence et un profit, ils le prièrent de parler et Samson leur dit : « De celui qui dévore tout est née une nourriture ; elle est douce, quoique née de celui qui est très rude ». Comme les Philistins au bout de trois jours ne pouvaient trouver ce que cela signifiait, ils prièrent la jeune fille de s'en informer auprès de son mari pour le leur révéler, et la menaçaient de la brûler si elle ne s'exécutait pas. Samson, devant la requête de la jeune fille, commença par résister, mais, comme elle le pressait et fondait en larmes et voyait une marque de malveillance dans son refus de lui répondre, il lui révéla comment il avait mis à mort le lion et comment, ayant trouvé des abeilles dans sa poitrine, il avait pris trois rayons de miel pour les lui apporter. Sans soupçonner aucune ruse, il lui raconte tout ; elle va rapporter ces propos aux questionneurs. C'est ainsi que le septième jour, où l'on devait lui donner l'explication de l'énigme proposée, étant venus le trouver avant le coucher du soleil, ils déclarent « qu'il n'est rien de plus rude à rencontrer qu'un lion ni rien de plus doux à goûter que du miel. » Samson ajouta : « Il n 'est rien de plus astucieux qu'une femme qui est venue vous trahir mon énigme ». Et il leur donne ce qu'il avait promis, après avoir dépouillé des Ascalonites qu'il rencontra sur son chemin - c'étaient aussi des Philistins - ; quant à son mariage, il y renonça. La jeune fille, se moquant de sa colère, s'unit à l'ami de Samson qui avait été son garçon d'honneur.
7[220]. Devant cet affront[221], Samson, furieux, résolut de poursuivre tous les Philistins avec elle de sa vengeance. Comme on était en été, et que les moissons étaient déjà mûres pour la récolte, il rassembla trois cents renards et, leur ayant attaché aux queues des torches allumées, il les lâcha dans les champs des Philistins. Il leur détruit ainsi leurs moissons. Mais les Philistins, sachant que c'était là un tour de Samson et devinant quel motif l'avait inspiré, envoyèrent des magistrats à Thamna et brûlèrent vifs celle qui avait été la femme de Samson et ses parents comme étant la cause de ces désastres.
8[222]. Samson, après avoir tué beaucoup de Philistins dans la plaine, alla s'établir à Æta[223], roche fortifiée de la tribu de Juda. Les Philistins marchèrent contre cette tribu. Mais comme ceux-ci prétendaient qu'on n'avait pas le droit de leur faire subir le châtiment des méfaits de Samson, à eux qui payaient tribut, les Philistins déclarèrent que, s'ils ne voulaient pas encourir cette responsabilité, ils devaient livrer Samson entre leurs mains. Ceux-ci, voulant se mettre à l'abri de tout reproche, arrivent au rocher avec 3.000 soldats, et ayant reproché à Samson ses coups d'audace contre les Philistins, ces gens qui pouvaient apporter la ruine à toute la race des Hébreux, ils déclarent qu'ils sont venus pour se saisir de lui et le livrer entre les mains des Philistins et le prient de se soumettre de bonne grâce. Celui-ci, après leur avoir fait jurer qu'ils ne feraient rien de plus que de le livrer aux mains de ses ennemis, descend de son rocher et se remet à la discrétion des hommes de la tribu ; ceux-ci, l'ayant garrotté avec deux cordes, l'emmenèrent pour le livrer aux Philistins. Quand ils furent arrivés dans un endroit qu'on appelle aujourd'hui Siagôn[224], à cause de la valeur qu'y déploya Samson, et qui autrefois ne portait aucun nom, les Philistins, campés non loin de là, et venant à leur rencontre tout joyeux, avec des cris, croyant à l'heureuse réalisation de leur désir, Samson, après avoir rompu ses liens, se saisit d'une mâchoire d'âne qui se trouvait à ses pieds, bondit sur ses ennemis et, les frappant avec cette mâchoire, en tue un millier ; les autres, il les met en fuite dans un grand désordre.
9. Samson, plus glorieux qu'il ne fallait de cette aventure, ne dit pas que c'était grâce à l'assistance de Dieu que tout s'était passé ainsi, mais fit une inscription qui l'attribuait à sa propre valeur, se vantant d'avoir abattu avec la mâchoire une partie de ses ennemis et mis les autres en déroute grâce à la terreur qu'il leur avait inspirée. Mais pris d'une soif ardente[225], reconnaissant que la vertu humaine n'est rien, il porta témoignage à Dieu de tous ses exploits et le supplia de ne point se fâcher de ses paroles au point de le livrer à ses ennemis, mais de lui accorder son aide dans ce moment critique et de le tirer de sa détresse. Se laissant fléchir à ses prières, Dieu fait jaillir d'un rocher une source délicieuse et abondante. C'est pourquoi Samson appela l'endroit mâchoire, nom qui s'est conservé jusqu'aujourd'hui[226].
10[227]. Après ce combat, Samson, méprisant les Philistins, arrive à Gaza et demeure dans une hôtellerie[228]. Les chefs des Gazéens, ayant appris sa présence dans la ville, établissent une embuscade devant les portes afin qu'il ne puisse sortir à leur insu. Mais Samson, à qui ce manège n'échappe point, s'étant levé dès le milieu de la nuit, enfonce les portes, prend les montants et les verrous et toute la boiserie qui s'y trouvait, les charge sur ses épaules et s’en va les déposer sur la montagne située au-dessus de Hébron.
11[229]. Cependant il violait déjà les coutumes des ancêtres et modifiait son propre genre de vie par l'imitation des mœurs étrangères ; ce fut l'origine de ses malheurs[230]. S'étant épris, en effet, d'une femme qui était courtisane chez les Philistins, nommée Dalila[231], il s'unit à elle, et les chefs de la confédération des Philistins, étant allés la trouver, lui persuadent par de grandes promesses de tâcher d'apprendre de Samson l'origine de cette force qui le rendait insaisissable à ses ennemis. Celle-ci, à table et dans d'autres rencontres de ce genre, en témoignant de son admiration pour ses exploits, s'ingénia à apprendre d'où lui venait cette valeur si extraordinaire. Mais Samson, qui avait encore toute sa force de jugement, rendit ruse pour ruse à Dalila ; il lui dit que, si on l'attachait avec sept sarments de vigne[232] encore suffisamment flexibles, il deviendrait le plus faible des hommes. Là-dessus, elle se tint en repos, puis ayant fait son rapport aux chefs des Philistins, elle embusqua quelques soldats chez elle et, tandis que Samson dormait, ivre[233], elle le lia avec les sarments le plus solidement possible, puis, l'ayant éveillé, elle lui dit que des gens venaient l'attaquer. Mais lui, ayant rompu les sarments, se prépara à la défense comme si on allait l'assaillir. Cette femme, comme Samson était continuellement avec elle, lui dit qu'il était cruel qu'il n'eût pas assez de confiance dans sa bonté envers lui pour lui dire exactement ce qu'elle désirait ; craignait-il qu’elle ne tût pas ce qu'elle savait qu'il ne fallait pas divulguer dans son intérêt ? Et Samson, par une nouvelle tromperie, lui ayant dit que, si on le liait avec sept cordes il perdrait sa force, comme elle essaya de ce moyen sans succès, la troisième fois, il l'avertit d'enfermer ses cheveux dans un tissu. Mais comme cette expérience ne lui découvrit pas non plus la vérité, finalement, sur ses instances, Samson, qui, aussi bien, devait être précipité dans le malheur, désirant plaire à Dalila : « Dieu, lui dit-il, prend soin de moi ; venu au monde grâce à sa providence, j'entretiens cette chevelure que Dieu m'a enjoint de ne point couper, car ma force m'est garantie par sa croissance et sa conservation ». Ainsi renseignée, l'ayant dépouillé de sa chevelure, elle le livra à ses ennemis, désormais sans force pour repousser leur assaut. Ceux-ci, après lui avoir crevé les yeux, le firent emmener enchaîné.
12[234]. Mais, avec le temps, la chevelure de Samson repoussa. Un jour qu'il y avait fête publique chez les Philistins et que les magistrats et les plus notables célébraient un festin au même lieu - une salle dont deux colonnes supportaient le plafond -, Samson, qu'on avait fait chercher, fut amené au repas, afin qu'on l'outrageât tout en buvant. Celui-ci, estimant que le pire des malheurs, c'était de ne pouvoir se venger de telles injures, persuade à l'enfant qui le conduisait par la main, en lui disant que, fatigué, il désirait se reposer un peu, de le conduire près des colonnes. Sitôt arrivé, s'étant jeté sur elles, il fait écrouler la salle en renversant les colonnes sur trois mille hommes, qui moururent tous, y compris Samson. Telle fut sa fin ; il avait gouverné les Israélites pendant vingt ans. Cet homme mérite l'admiration pour son courage, sa force, la grandeur d'âme dont il fit preuve à la fin et la colère qu'il eut jusqu'à sa mort contre ses ennemis. S'il s'est laissé séduire par une femme, il faut l'attribuer à l'humaine nature, qui cède au péché ; mais il faut reconnaître hautement l'excellence de ses vertus dans tout le reste. Ses proches, ayant enlevé son corps, l'ensevelirent à Sariasa[235], sa patrie.
Chapitre IX1. Noémi, devenue veuve dans le pays de Moab, revient avec Ruth à Bethléem. - 2. Accueil fait à Ruth par Boaz. - 3. Ruth va trouver Boaz la nuit dans sa grange. - 4. Boaz épouse Ruth ; leur descendance.
1[236]. Après la mort de Samson, les Israélites eurent à leur tête Éli le grand-prêtre. Sous lui[237], leur pays étant éprouvé par une famine, Elimélech(os) de Bethléem, ville de la tribu de Juda, ne pouvant supporter ce fléau, emmène sa femme Noémi (Naamin) et les fils qu'il avait d'elle, Chelliôn et Mallôn, et émigre en Moabitide. Comme ses affaires prospéraient à souhait, il fait épouser à ses fils des femmes moabites, à Chelliôn Orpha, et Ruth (Routhé) à Mallôn. Dix ans s'étant écoulés, Elimélech et, peu après, ses fils meurent. Noémi, très affligée de ses malheurs et ne supportant pas la perspective de la solitude à laquelle la condamnait la perte des êtres bien-aimés pour lesquels elle s'était expatriée[238], songea à retourner dans son pays, car elle avait appris que tout maintenant y allait bien. Mais ses brus n'avaient pas le courage de se séparer d'elle et Noémi avait beau les détourner de vouloir partir avec elle, elle ne pouvait les convaincre ; comme elles la pressaient, elle leur souhaite de faire un mariage plus heureux que l'union décevante qu'elles avaient contractée avec ses fils et d'acquérir toutes sortes de biens ; elle leur représente la situation où elle se trouvait et les conjure de demeurer où elles étaient et de ne pas désirer partager sa fortune incertaine en quittant leur pays natal. Alors, convaincue, Orpha demeure, mais comme Ruth ne l'était point, Noémi l'emmena, l'associant ainsi à tout ce qui lui adviendrait.
2[239]. Quand Ruth arrive avec sa belle-mère dans la ville de Bethléem, Boaz(os), en qualité de parent d'Elimélech, lui fait un accueil hospitalier[240]. Et Noémi, quand on lui donnait ce nom, disait : « Appelez-moi plutôt Mara ». En effet, dans la langue des Hébreux, Noémi signifie félicité, et Mara douleur. Le temps de la moisson étant venu, Ruth sortit avec la permission de sa belle-mère pour aller glaner de quoi leur procurer de la nourriture, et elle arriva par hasard sur la terre de Boaz. Boaz, étant venu peu après et ayant aperçu la jeune femme, s'informa d'elle auprès de son fermier. Celui-ci, qui venait justement de tout apprendre d'elle-même, le révéla à son maître. Et lui, autant par amitié pour la belle-mère qu'en souvenir du fils de celle-ci, auquel Ruth avait été unie, salue la jeune femme et lui souhaite de goûter à la prospérité ; il ne voulut pas qu'elle glanât, mais lui permit de prendre tout ce qu’elle pourrait cueillir, après avoir donné l'ordre au fermier de ne l'entraver en rien et de lui offrir à manger et à boire quand il apporterait le repas des moissonneurs. Ruth[241], ayant reçu de lui de la bouillie d'orge, en garda pour sa belle-mère et elle revint au soir la lui apporter avec des épis. Noémi, de son côté, lui avait conservé sa part de quelques aliments dont l'avaient gratifiée les voisins. Ruth alors lui raconta ce que Boaz lui avait dit, et quand Noémi lui eut révélé qu'il était leur parent et que, peut-être, par pitié, il prendrait soin d'elles, elle sortit de nouveau les jours suivants pour cueillir des épis avec les servantes de Boaz.
3[242]. Boaz, étant venu lui-même quelques jours après, quand on avait déjà vanné l'orge, s'endormit dans la grange. L'ayant appris, Noémi imagina d'aller faire reposer Ruth près de lui, espérant que Boaz leur témoignerait de la bienveillance une fois qu'il aurait eu commerce avec la jeune femme, et elle l'envoie dormir à ses pieds[243]. Celle-ci, qui se faisait un devoir de ne rien opposer aux ordres de sa belle-mère, s'y rend, et, sur le moment, demeure inaperçue de Boaz, qui dormait profondément, mais, réveillé vers le milieu de la nuit et sentant une femme couchée près de lui, il demanda qui c'était. Elle ayant dit son nom et l'ayant prié de lui pardonner comme à sa servante, il garda momentanément le silence, mais à l'aube, avant que ses serviteurs ne commencent à se mettre à l'ouvrage, il la réveille et lui ordonne, après avoir pris autant d'orge qu'elle pourrait en emporter, d'aller chez sa belle-mère avant qu'on ait pu s'apercevoir qu'elle avait dormi là : car il était sage de se mettre en garde contre la calomnie dans un incident de ce genre, d'autant plus qu'il ne s'était rien passé. « Somme toute, dit-il, voici ce qu'il faudra faire : demander à celui qui t'est le plus proche parent s’il veut de toi pour femme ; s'il dit oui, tu le suivras ; s'il renonce, je t'emmènerai au nom de la loi pour vivre avec moi. »
4[244]. Quand elle eut raconté cet entretien à sa belle-mère, elles éprouvèrent un grand contentement, espérant désormais que Boaz prendrait soin d'elles. Et ce dernier[245], étant descendu vers midi dans la ville, réunit les Anciens et, ayant mandé Ruth, il appela aussi le parent ; quand celui-ci arriva, il lui dit : « Ne possèdes-tu pas les héritages d'Elimélech et de ses fils[246] ? » Comme il l'avouait, ajoutant qu'il s'en était emparé en vertu des lois et de sa parenté : « Eh bien ! dit Boaz, il ne faut pas se souvenir des lois à moitié, mais s'y conformer complètement. La femme de Mallôn vient ici ; si tu veux être propriétaire de ses champs, il faut que tu l'épouses selon les lois ». Mais lui céda l'héritage et la femme à Boaz, qui était également parent des défunts, en alléguant qu'il avait déjà femme et enfants. Boaz donc, ayant pris les Anciens à témoin, ordonna à la femme de défaire le soulier de cet homme en s'approchant conformément à la loi et de lui cracher à la face. Cela fait, Boaz épouse Ruth, et il leur naît un enfant mâle un an après. Noémi, qui le nourrit, sur le conseil des femmes l'appela Obéd(ès), parce qu'il devait être élevé pour prendre soin de sa vieillesse. Car ôbèd dans la langue des Hébreux signifie qui sert. D'Obèd naquit Jessé(os)[247], et de ce dernier David(ès), qui fut roi et laissa le pouvoir à ses fils jusqu'à la vingt et unième génération. Toute cette histoire de Ruth, j'ai été obligé de la rapporter, voulant montrer la puissance de Dieu et comme il lui est facile d'élever à un rang illustre les plus humbles, ainsi qu'il l'a fait pour David dont voilà l'origine.
Chapitre X1. Le grand-prêtre Éli ; indignité de ses fils. - 2. Éli annonce à Anna la naissance d'un fils. -3. Naissance de Samuel ; il est consacré à Dieu. - 4. Révélations faites par Dieu à Samuel.
1[248]. Les Hébreux, dont les affaires avaient décliné, portent de nouveau la guerre chez les Philistins par la raison que voici. Éli, le grand-prêtre, avait deux fils, Ophnis et Phinéès(ès). Ceux-ci, violents envers les hommes et impies envers la divinité, ne reculaient devant aucune injustice. Ils prenaient une partie des offrandes à titre d'honoraires, les autres, ils s'en emparaient comme des voleurs ; les femmes qui venaient pour le culte divin, ils les déshonoraient, en violant les unes, en séduisant les autres par des présents ; bref, leurs procédés ne différaient en rien de la tyrannie. Aussi leur père s’en montrait-il très affecté et il n'était pas loin de s'attendre à voir fondre sur eux le châtiment de Dieu à cause de leur conduite ; le peuple aussi en était fort en peine. Et lorsque Dieu dit à Éli et à Samuél(os) le prophète, qui était encore enfant, le sort qui était réservé à ses fils, alors Éli porta ouvertement le deuil de ses enfants.
2[249]. Mais je veux d'abord rapporter en détail l'histoire du prophète, et ensuite seulement dire ce qui advint aux fils d'Éli et le désastre qui accabla tout le peuple des Hébreux. Alcanès[250], un Lévite de la classe moyenne, de la tribu d'Ephraïm, qui habitait dans la ville d'Armatha[251], avait deux femmes, Anna et Phénanna[252]. De cette dernière, il eut des enfants ; quant à l'autre, encore qu'elle fût stérile, il ne cessa pas de l'aimer. Comme Alcanès était venu avec ses femmes dans la ville de Silo pour y sacrifier – car c'était là que se dressait le tabernacle de Dieu, comme nous l'avons dit précédemment -, et que pendant le festin il avait distribué successivement les parts des viandes à ses femmes et ses enfants, Anna, apercevant les enfants de l'autre femme assis autour de leur mère, fondit en larmes et se lamentait de sa stérilité et de son isolement. Son chagrin étant plus fort que les consolations de son mari, elle alla dans le tabernacle, supplia Dieu de lui donner une progéniture et de la rendre mère, promettant que son premier-né serait consacré au service de Dieu et n'aurait pas le même genre de vie que le commun. Comme elle restait longtemps en prière, Éli, le grand-prêtre, qui était assis à l'entrée du tabernacle, la prenant pour une femme ivre, lui commanda de se retirer. Celle-ci ayant répondu qu'elle n'avait bu que de l'eau, mais que, dans son chagrin d'être stérile, elle suppliait Dieu, il l'exhorta à prendre courage, lui annonçant que Dieu lui accorderait des enfants[253].
3[254]. Revenue avec ce doux espoir auprès de son mari, dans sa joie, elle prit de la nourriture et, quand ils furent de retour dans leur ville, elle se sentit enceinte. Et il leur naît un fils qu'ils appellent Samuel, ce qu’on pourrait rendre par demandé à Dieu[255] (Théétète). Ils revinrent alors offrir un sacrifice à l'occasion de la naissance de ce fils, et apportèrent aussi leurs dîmes[256]. Et la femme, se souvenant du vœu qu'elle avait formé au sujet de l'enfant, le remit à Éli, pour le consacrer à Dieu afin qu'il devînt un prophète. Aussi laissa-t-on croître sa chevelure librement et il eut pour boisson de l'eau. Samuel vécut ainsi et fût élevé dans le sanctuaire, mais Alcanès[257] eut encore d'Anna d'autres fils et trois filles[258].
4[259]. Dès que Samuel eut douze ans[260] accomplis, il commença à prophétiser. Et une nuit qu'il dormait, Dieu l'appela par son nom. Lui, croyant que c'était le grand-prêtre qui avait parlé, alla le trouver. Comme le grand-prêtre niait l'avoir appelé, Dieu recommença à trois reprises. Et Éli réveillé, lui dit : « En vérité, Samuel, moi, je me suis tu comme tout à l'heure, c'est Dieu qui l'appelle. Eh bien dis-lui : Je suis là ». Et Dieu ayant parlé encore une fois, Samuel, qui l'entendit, le pria de lui révéler ses oracles ; car il ne manquerait pas de le servir, quoi qu'il désirât. Dieu alors : « Puisque, dit-il, tu es là, apprends qu'un malheur va fondre sur les Israélites qui dépassera tout ce qu'on peut dire ou croire, que les fils d'Éli périront le même jour et que le pontificat passera dans la maison d'Eléazar[261], parce qu'à mon culte Éli a préféré ses fils, et les a chéris au détriment même de leurs intérêts ». Éli ayant contraint le prophète par serments de lui révéler tout - ce dernier ne voulant pas l'affliger en lui en parlant -, il s'attendit avec plus de certitude que jamais à la perte de ses fils. Quant à Samuel, sa renommée ne fit que s'accroître, parce qu'on voyait que toutes ses prophéties étaient véridiques.
Chapitre XILes fils du prêtre Éli périssent dans le combat contre les Philistins. Leur père ayant appris le désastre, se jette à bas de son siège et meurt. Les Philistins, ayant vaincu les Hébreux dans cette guerre, font main basse sur l’arche. Tous ceux qui ont gouverné depuis Kenez ont reçu le nom de Juges. 1. Victoire des Philistins sur les Hébreux. - 2. Arrivée de l'arche au camp des Hébreux ; défaite de ceux-ci et capture de l'arche. - 3. Mort d'Elia' la nouvelle du désastre. - 4. Naissance de Yochabès. - 5. Transmission du sacerdoce.
1[262]. Juste à cette époque, les Philistins, s'étant mis en campagne contre les Israélites, établissent leur camp près de la ville d'Aphék(a). Les Israélites, ayant été au devant d'eux peu après, on en vient aux mains le jour suivant et les Philistins remportent la victoire ; ils tuent environ 4.000 Hébreux et poursuivent la foule des autres jusqu'au campement.
2. Craignant un désastre complet, les Hébreux envoient aux Anciens et au grand-prêtre l'ordre d'apporter l'arche de Dieu, afin que, grâce à sa présence dans leurs rangs, ils triomphent de leurs ennemis, ignorant que Celui qui avait décrété leur malheur était plus puissant que l'arche, que l'on ne révérait même qu'à cause de Lui. L'arche arrive donc, ainsi que les fils du grand-prêtre, à qui leur père avait enjoint, s'ils voulaient survivre à la prise de l'arche, de ne pas reparaître devant ses yeux. Phinéès exerçait déjà alors le sacerdoce, son père le lui ayant abandonné à cause de sa vieillesse. La confiance renaît donc pleinement chez les Hébreux, qui croient que, grâce à l'arrivée de l'arche, ils l'emporteront sur leurs ennemis ; et les ennemis étaient frappés de terreur, redoutant la présence de l'arche parmi les Israélites. Mais l'événement ne fut conforme aux prévisions ni des uns ni des autres : quand le choc se produisit, la victoire, espérée par les Hébreux, fut aux Philistins ; et la défaite que ceux-ci craignaient, les Hébreux la subirent, s'apercevant qu'ils avaient vainement mis leur confiance dans l'arche ; car sitôt qu'ils en vinrent aux mains avec l'ennemi, ils furent mis en fuite et perdirent environ 30.000 hommes, au nombre desquels tombèrent aussi les fils du grand-prêtre ; et l'arche fut emportée par les ennemis,
3[263]. Quand on annonça la défaite à Silo ainsi que la prise de l'arche - ce fut un jeune Benjamite qui avait assisté à l'affaire qui apporta la nouvelle -, toute la ville fut plongée dans le deuil. Éli le grand-prêtre - qui était assis à l'une des deux portes sur un siège élevé -, entendant les gémissements, pensa qu'il était arrivé aux siens quelque désastre soudain, et ayant mandé le jeune homme, lorsqu'il connut l'issue du combat, il montra assez de résignation pour le sort de ses fils et ce qui s'était passé de l'armée parce qu'il savait d'avance par Dieu ce qui devait arriver et qu'il l'avait annoncé : on est surtout affecté des malheurs qui surviennent à l'improviste ; mais quand il apprit que l’arche elle-même avait été prise par les ennemis, douloureusement touché de l'imprévu d'une telle catastrophe, il tombe à bas de son siège et meurt, après avoir vécu[264] en tout quatre-vingt-dix-huit ans, et occupé quarante ans le pouvoir[265].
4[266]. Le même jour mourut aussi la femme de son fils Phinéès, car elle n'eut pas assez de force pour survivre au malheur de son mari. Elle était enceinte, en effet, quand on lui annonça la mort de ce dernier, et elle mit au monde un enfant de sept mois[267]. Comme il était viable, on l'appela Jochabès[268] - ce nom signifie ignominie - cause du désastre subi en ce temps par l'armée.
5[269]. Éli fut le premier qui gouverna de la maison d'Ithamar[270], le deuxième fils d'Aaron ; car c'était la maison d'Éléazar qui avait eu précédemment le sacerdoce, de père en fils on se transmettait cette charge. Éléazar la transmit[271] à Phinéès son fils. Après lui, Abiézér(ès)[272], son fils, la reçut et la laissa à son fils Bouki, de qui Ozis[273], son fils, la recueillit ; après lui ce fut Éli qui eut le sacerdoce, celui dont il a été parlé, ainsi que toute sa postérité jusqu'aux temps de la royauté de Salomon (Solomôn)[274]. Ce furent alors les descendants d'Éléazar qui le reprirent[275].
[1] Josué, I, 11. [2] Ibid., II, 1. [3] Ibid., I, 12. [4] Josèphe le déduit apparemment de la mention des « sept peuplades » qui habitaient Chanaan et qui sont énumérées dans Deutéronome, VII, 1 et Josué, III, 10. Comme l'Amorrhéen fait partie des sept, Josèphe en conclut que I'Amoritide forme la septième partie du pays entier. Voir aussi infra § 23. [5] Hébreu et LXX : 40.000 (Josué, IV, 13) [6] Cf. livre IV, VIII, 1 et note. [7] Josué, II, 1. [8] Jéricho. [9] L'Écriture emploie pour désigner Rahab le mot zona, c'est-à-dire courtisane ; les LXX comprennent de même. Josèphe suit l'exégèse palestinienne et comprend le mot de zona comme le Targoum (sur Josué, II, 1), qui emploie l'expression de poun tekita, « aubergiste », simple transcription araméenne du grec. Sur l'origine de cette interprétation, voir livre III, VIII, 2 et note. [10] Dans la Bible, il n’est pas question de ces signes. [11] A la fenêtre, d'après la Bible (Josué, II, 18). [12] Josèphe paraît avoir vu un pluriel dans le mot en hébreu (v. 21). [13] Josèphe, comme d'habitude dans le récit des faits miraculeux de l'Écriture, en atténue l'aspect surnaturel. Le fleuve ne se divise pas complètement comme dans Josué ; le débit des eaux seulement devient assez faible pour qu'on puisse traverser sans danger. [14] Josué, III, 2.
[15]
Ibid.,
III, 17 ; IV, 17. [16] Ibid., IV, 1. [17] Ibid., V, 10 [18] Ibid., VI, 1. [19] De Pâque dont il vient d'être question. Mais ni l'Écriture ni la tradition ne placent la prise de Jéricho pendant la Pâque. Josèphe a imaginé un rapport ingénieux entre les 7 jours de sonnerie mentionnés dans la Bible et la durée de la fête de Pâque. [20] Le texte est profondément altéré. Nous traduisons d'après l'Écriture. [21] Josèphe oublie de mentionner ici l'airain et le fer (Josué, VII, 12), quoique plus loin il fasse au moins mention de l'airain. [22] Josué, VI, 15. [23] Josué, VI, 26 ; cf. I Rois, XVI, 34. [24] Josèphe oubliera cependant d'en parler dans l'histoire d'Achab (livre VIII, XIII et suiv.), à moins qu'il n'y ait à cet endroit une lacune. [25] Josué, VII, 1. [26] Hébreu : Achan, fils de Kharmi, fils de Zabdi (cf. I Chroniques, II, 7 : Achar) ; au contraire des LXX, Josèphe n'a pas le nom intermédiaire. A. Mez (Die Bibel des Josephus, Bâle, 1895, p. 5 et suiv.) croit que le texte que suivait Josèphe ne portait pas ce nom du Kharmi, qui, d'ailleurs, est absent aussi au v. 18 de nos éditions des LXX. [27] Dans l'Écriture (Josué, VII, 21), il est question de 200 sicles d'argent et d'un lingot d'or du poids de 50 sicles. [28] Josué, V, 9. [29] En hébreu : Guilgal. [30] Josèphe traduit selon le sens général, mais le mot guilgal ne signifie pas « libérant », selon l'étymologie qu'en donne l'Écriture elle-même, il faut voir dans ce mot la racine « faire rouler » : « J'ai fait rouler, dit le verset, l'opprobre de l'Égypte de dessus vous ». [31] Josué, VII, 2. [32] Cette leçon diffère beaucoup de l'hébreu Aï, mais elle est confirmée par Stéphane de Byzance. [33] Le Talmud insiste également sur la valeur de ces combattants dont l'Écriture ne fait que donner le nombre. Dans Sanhédrin, 44 a, et B. Batra, 121 b, R. Yehouda et R. Néhémia (fin du IIe siècle) discutent sur le sens de l'expression : « comme 36 hommes » (Josué, VII, 5). R. Néhémia estime qu'il faut laisser à la préposition comme sa valeur comparative et qu'il s'agit dans ce passage de la mort de Yaïr ben Menasché, qui valait à lui seul la majorité du Sanhédrin, c'est-à-dire 36 hommes (ce tribunal se composant de 71 membres). [34] Josué, VII, 7. [35] Ibid., VII, 10. [36] Par ce détail, étranger au récit de la Bible, Josèphe veut montrer qu'on a appliqué exactement la loi mosaïque sur la lapidation qu'il a rapportée au livre IV, VIII, 6.. [37] Josué, VIII, 3. [38] Ibid., IX, 13. [39] En hébreu : Kiriat-Yearim. L'Écriture mentionne encore une autre ville alliée à Gabaon, celle de Beèrot. [40] Josué, IX, 16. [41] Des porteurs d'eau et des fendeurs de bois, selon l'Écriture. [42] Josué, X, 1. [43] L'Écriture donne son nom : c'est Adoni-Çédek. [44] En hébreu : Bet-Horon. [45] Josué, X, 43. [46] Ibid., XI, 1. [47] L'Écriture indique ici, non la ville de Beèrot (qui semble désignée celle de Josèphe), mais le lac Mérous. [48] Tous ces chiffres sont de fantaisie. L'Écriture se borne à dire que l'armée ennemie était nombreuse comme le sable des plages et qu'il y avait beaucoup de cavalerie et de chars. [49] Josué, XVIII, 1. [50] D'après la tradition, qui s'appuie sur Josué, XIV, 10, la conquête aurait duré sept ans.
[51]
En hébreu : Schilô. [52] L'Écriture place cet épisode après le récit de la conquête d'Aï. [53] Josué, VIII, 30. [54] Ibid., XIII, 1. [55] Ibid., XVIII, 1. [56] Ibid., XII, 1. [57] Ibid., XXII, 1. [58] Trois hommes par tribu, selon la Bible (Josué, XVIII, 4). [59] Josué, XV, 1. [60] Josèphe dans son énumération va du sud au nord, sauf pour la tribu de Dan, mentionnée a part, et abrége considérablement les énumérations de villes du livre de Josué. Il appelle longueur la dimension la plus longue de chaque lot, quelle que soit d'ailleurs son orientation. [61] Josué, XIX, 1-9 [62] Ibid., XVIII, 11. [63] Ibid., XVI, 5. [64] Hébreu : Ghézer. [65] Josué, XVII, 11. [66] Hébreu et LXX : Dor. [67] Hébreu : Bet-Schean. [68] Josué, XIX, 17. [69] Josué, XIX, 10. [70] Ibid., XIX, 24. [71] Ibid., XIX, 32. [72] Le texte paraît altéré en ce passage : on ne voit pas ce que vient faire ici la mention d'Arcé. On attendrait plutôt Panias ou Kadès. [T. R.] [73] Josué, XIX, 40 [74] Cette ville n'est pas nommée dans le livre de Josué ; on la trouve mentionnée pour la première fois dans II Chroniques, XXVI, 6. Josèphe s'inspire de la situation géographique de son temps et commet ainsi des anachronismes. C'en est un que de parler de Jamnia a l'époque de Josué. [75] Josué, XIII, 12. [76] Josèphe se réfère à la liste des fils de Kenaan (Genèse, X, 15-17 ; cf. Antiquités, livre I, VI, 2). Ces fils sont au nombre de 11, les Israélites occupent les pays de sept d'entre eux (Het, Yebousi, Emori, Ghirgasi, Hivi, Sini, Çemari) : les pays des quatre autres (Sidon, Arki, Hamathi, Arvadi) doivent correspondre à peu près aux territoires énumérés dans Josué (XIII, 4-6) ; mais la Bible parle aussi des territoires philistins parmi « ce qui restait à prendre » (v. 2 et 3) : Josèphe ne les mentionne pas. [77] Josué, XVIII, 11. [78] Ibid., XXI, 1 [79] Ibid., XX, 1. [80] Ibid., XXII, 1. [81] Ibid., XXII, 6. [82] Ibid., XXII, 10 [83] Ibid., XXII, 21. [84] Ibid., XXII, 30. [85] Ibid., XXIV, 1. [86] Ibid., XXXV, 29. [87] L'Écriture ne donne pas la durée du gouvernement de Josué. Mais le même renseignement se retrouve dans la Chronique samaritaine. Quant à la tradition rabbinique (Sèder Olam Rabba, XII), elle attribue au gouvernement de Josué une durée de 28 ans. Comme la conquête, selon la même tradition, avait duré 7 ans, l'intervalle entre l'issue de la guerre et la mort de Josué est à peu prés le même que celui que Josèphe donne plus haut (20 ans). [88] Josèphe, comme les LXX, prend le mot Gibeath, « colline », pour un nom. [89] Juges, I, 4. [90] Littéralement « mon seigneur » ; Josèphe ne tient pas compte du suffixe. [91] Soixante-dix, selon l'Écriture. [92] Cette restriction n'est pas dans la Bible. Josèphe, en l'établissant, a voulu sans doute concilier Juges, I, 8, où il est dit que les enfants de Juda prirent Jérusalem et l'incendièrent, avec le verset 21 du même chapitre, qui porte que les Jébuséens demeurèrent dans Jérusalem, passage confirmé par Juges, XIX, 10-12, et II Samuel, V, 6. [93] Juges, I, 10. [94] La Bible l'appelle ici Kéni (Juges, I, 16). [95] Juges, I, 17. [96] Josèphe est en désaccord avec la Bible, d'après laquelle (Juges, I, 18) Juda s'empara de Gaza, d'Ascalon et d'Ekron, Azôt n’étant pas nommé. Selon les LXX, Juda ne put prendre ni Gaza, ni Ascalon, ni Accaron, ni Azôtos. [97] Juges, I, 21. [98] Ibid., 27-34. [99] Ibid., 22. [100] Ibid., II, 11. [101] Il n'y a rien de pareil dans la Bible, Josèphe, s'adressant à des lecteurs païens et, de plus, aristocrates, substitue des motifs politiques aux motifs exclusivement religieux de l'Écriture [T. R.] [102] Juges, XIX, 1. [103] Josèphe a déplacé considérablement cet épisode, qui, dans la Bible, est relégué tout à la fin du livre des Juges. Son motif, comme l'explique Whiston, était peut-être de laisser à la tribu de Benjamin un temps suffisant pour se reconstituer, et prendre l'importance que nous lui voyons sous la royauté. [104] Josèphe fait ici une confusion. Dans la Bible (Juges, XXX, 2), il est question d'un séjour de quatre mois fait par la femme du Lévite chez son père, auprès duquel elle est revenue. [105] Cf. supra, chap. II, 2, et note. [106] Hébreu : Ghibea. [107] Juges, XX, 1. [108] La Bible les fait s'assembler à Miçpa (Juges, XXI, 1). [109] Cette intervention des Anciens est imaginée par Josèphe, qui veut montrer qu'on s'est conformé à la loi mosaïque (Deutéronome, XX, 10). La Bible parle seulement d'envoyés chargés de réclamer la tête des coupables avant d'engager une guerre (Juges, XX, 12-14). [110] Juges, XXI, 1. [111] Ibid., XX, 2. [112] Hébreu : 26.000 hommes, plus 700 frondeurs ; LXX 23.000 (ou 25.000) plus 700 (Juges, XX, 15). [113] Juges, XX, 29. [114] Hébreu : Yabês-Ghilead. [115] Juges, XXI, 8. [116] Ibid., XXI, 6. [117] Ibid., 13. [118] Juges, I, 34 ; Josué, XIX, 40. [119] Ibid., XVIII, 1, 2, 7, 8-10, 29. [120] Josèphe laisse tout à fait de côté l'histoire de Micha, qui est contée au ch. XVII des Juges et se mêle, dans le ch. XVIII, au récit de l'expédition des Danites. [121] Juges, III, 5.
[122]
Hébreu : Kouschan-Rischathaïm. [123] Roi d'Aram, selon la Bible. [124] Juges, III, 9. [125] Hébreu : Othniel. Othniel, d'après la Bible, est fils de Kenaz ; Josèphe a nommé le père au lieu du fils. Dans l'argument du livre V on lit même Kenaz, fils d'Athniel. [126] Juges, III, 12. [127] Dans l'Écriture, Jéricho n'est pas nommée. On trouve l'expression « ville des palmiers ». Le Targoum traduit aussi par Jéricho. Cette interprétation est remarquable, puisqu'elle semble ignorer la destruction de Jéricho par Josué. Il est vrai que Jéricho est encore mentionnée nommément sous David (II Samuel, X, 5). [128] Juges, III, 15. [129] Hébreu : Ehoud. Josèphe traduit exactement les mots benhayyemini de l’Écriture par « de Benjamin ». Les LXX font de yemini, non un adjectif, mais le nom du grand-père d'Ehoud. [130] Juges, III, 26. [131] La Bible dit simplement (Juges, III, 30) : Et le pays fut en repos pendant 80 ans. Il n'est pas question d'une judicature d'Aod (Eoud). [132] Juges, III, 31. [133] L'Écriture ne donne pas de durée pour Samgar : elle ne dit pas non plus qu'il ait été juge. [134] Juges, IV, 1. [135] Le Laurentianus seul a ici la leçon Iabimos, les autres mss. de Josèphe appellent le roi Abités ou Abitos. [136] Ou lac Mérom. [137] Ces chiffres sont à peu près les mêmes et aussi fantaisistes que plus haut (chap. I, 18). L'Écriture dit que l'ennemi possédait 900 chars de guerre. [138] Hébreu : Sisera. [139] Juges, IV, 3. [140] Dans l'Écriture, Débora est plus qu' « une certaine prophétesse », elle gouverne Israël (Juges, IV, 4) et lui rend la justice. [141] Juges, IV, 6. [142] Ibid., 13. [143] La Bible n'en parle pas ; peut-être que cette partie du récit de Josèphe lui est inspirée par un verset du Cantique de Débora (Juges, V, 20) : « Les cieux ont pris part au combat ; les étoiles dans leurs orbites ont combattu avec Sisera ». [144] Hébreu et LXX : Yaèl. [145] L'Écriture ne dit pas que le lait fût corrompu. [146] Dans la Bible, c'est à Barac seul qu'elle le montre (Juges, IV, 22). [147] Juges, IV, 9. [148] Ici les mss. de Josèphe portent Ioabinos ou Iabinos (Laurentianus : Iabimos) ; il semble que Josèphe n'ait pas reconnu l'identité de ce nom avec l'Abitos du § 1 de ce chapitre. C'est pourquoi il fait ici de Iabinos le général et non le roi des Chananéens [T. R.] [149] Juges, V, 31. La Bible dit seulement que le pays fut en repos pendant quarante ans. [150] Juges, VI, 1. [151] Ibid., 11. [152] Hébreu : Ghideôn. [153] Juges, VII, 3. [154] Josèphe ne dit rien des miracles accomplis par l'ange pour donner confiance à Gédéon, ni de l'épisode où l'on voit Gédéon renverser pendant la nuit l'autel de Baal dans la maison de son père, ce qui lui attire les colères des gens de la ville et lui vaut le surnom de Jérubbaal (Juges, VI, 17-40). Ces lacunes ont, sans doute, un caractère tendancieux : Josèphe évite volontiers de rapporter les faits trop surnaturels et, d’autre part, il prend des précautions avec le paganisme. Voir à ce sujet livre IV, VIII, 10, note. [155] Dans l'Écriture, cette armée de 10.000 hommes constitue déjà un effectif réduit, après le départ des 22.000 hommes qui eurent peur d'affronter la lutte. [156] L'interprétation que donne Josèphe du passage des Juges (VII, 4-8) est extraordinaire. Le sens naturel parait être que ceux qui se penchaient (ou plutôt s'agenouillaient pour boire) étaient des adorateurs de Baal, indignes, en conséquence, d'aller combattre avec Gédéon, tandis que ceux qui puisaient l'eau dans leurs mains hâtivement étaient les plus pressés d'aller se battre, les plus vaillants. Josèphe explique ces deux actes à l'inverse et veut sans doute donner à entendre que Dieu fait choix des plus timorés pour faire paraître la victoire plus extraordinaire. Josèphe est certainement dans le faux, puisque la première sélection des troupes de Gédéon s'est faite précisément pour éliminer ceux qui manquaient de courage : c'est même pour cette raison sans doute que Josèphe néglige d'en parler (v. note précédente). [157] Juges, VII, 9. [158] Hébreu : Phoura. [159] Le Talmud aussi considère l'orge comme une chose vile. Le sacrifice de la femme adultère était une offrande d'orge. Le Talmud (Sota, 9 a, 15 b) l'appelle « aliment de bêtes ». [160] Juges, VII, 16. [161] Au commencement de la seconde, d'après l'Écriture. [162] 15.000, d'après l'Écriture. [163] Hébreu : Zébah et Çalmouna. [164] Ce chiffre n'est pas donné dans la Bible. [165] Hébreu : Ophra. [166] Juges, VIII, 1. [167] Ibid., 22. [168] Juges, VIII, 30. [169] L'Ecriture ne donne pas le nom de cette femme. Mais on est tenté de voir dans Drouma une altération d'Arouma, nom de la résidence d'Abimélech d’après Juges, IX, 41. Reste à savoir comment ce nom de ville a pu devenir dans Josèphe le nom de la mère d'Abimélech, alors que la Bible assigne à celle-ci Sichem pour origine. D’après A. Mez (Die Bibel des Josephus, Bâle, 1895, p. 43 et suiv.), il faudrait supposer que Josèphe avait sous les yeux dans sa Bible grecque une notice, aujourd'hui perdue, qui établissait une relation entre la mère d'Abimélech et la ville d'Arouma, contredisant ainsi Juges, VIII, 31. Selon une hypothèse que nous propose M. Israël Lévi, Josèphe a peut-être trouvé le nom de Arouma dans le Livre des Jubilés, qui parait avoir embrassé toute l'histoire des Israélites et qui s'ingénie à donner aux personnages anonymes de la Bible des noms de fantaisie. [170] Juges, IX, 1. [171] On a supposé avec raison qu'il y avait ici dans le grec une lacune. D'après Juges, IX, 4, il doit manquer à peu près ceci : « Abimélech enrôla des misérables, etc. » La phrase grecque telle qu'elle nous a été transmise n'est pas même correcte. [172] Juges, IX, 7. [173] Dans l'Écriture, c'est à l'olivier que les arbres s'adressent d'abord. [174] Juges, IX, 16. [175] Ibid., 22. [176] Dans la Bible il est bien dit qu'Abimélech fut renversé après trois ans de règne, mais nullement que cet événement ait suivi de près la fête où Jôtham fit son discours. Ces deux renseignements seraient d'ailleurs contradictoires, et l'on peut supposer que les mots grecs sont interpolés [T. R.] [177] Juges, IX, 30. [178] La Bible ne donne pas de motifs à l’expulsion de Gaal. [179] La Bible parle d'une tour. [180] Mille seulement dans l'Écriture. [181] Juges, IX, 50. [182] Hébreu : Thébeç. [183] Juges, X, 3. [184] Josèphe ne parle pas du juge Thôla que la Bible place entre Abimélech et Yaïr (Juges, X, 1-2) et à qui elle attribue un gouvernement de vingt-trois ans. [185] Juges, X, 6. [186] La Pérée est la partie de la Terre Sainte située à l'orient du Jourdain : il semble donc peu probable que les Philistins, habitants de la côte, aient pris une part quelconque à la conquête de ce pays. Leur mention dans la Bible (Juges, X, 7) et dans Josèphe semble donc résulter d'une erreur [T. R.] [187] Juges, X, 17. [188] Hébreu : Yiphtah. [189] Juges, XI, 1 [190] Ibid., 11. [191] Hébreu : Miçpa. [192] Le texte est corrompu. [193] Juges, XI, 30. [194] Hébreu : Minnit. [195] La tradition flétrit, en effet, le vœu imprudent de Jephté (Gen. Rabba, LX). Cf. plus loin, chap. XI, 5, la note sur la maison d’Ithamar. [196] Juges, XII, 1. [197] Ibid., 7. [198] L'Écriture ne connaît pas ce nom. [199] Juges, XII, 8. [200] Hébreu : Ibçan. [201] La Bible n'en dit rien. [202] Juges, XII, 11. [203] Ibid., 13. [204] Les manuscrits de Josèphe donnent par erreur Abdon pour fils d'Elon [T. R.] [205] Hébreu : Pirathônite. [206] La Bible dit qu'ils avaient des ânons pour montures. [207] L'Écriture dit seulement qu'il gouverna huit ans. [208] Juges, XIII, 2. [209] Hébreu : Manôah. [210] Il n'y a rien de ces détails topographiques dans la Bible. [211] Ces détails romanesques sur la jalousie de Manoé sont absolument étrangers à la Bible. Mais le Midrash, qui s'occupe assez longuement de ce chapitre des Juges (Nombres R., X), présente aussi des traits légendaires sur les rapports de Manoé et de sa femme. Ils se reprochaient, paraît-il, mutuellement la stérilité de leur union. C'est de traditions de ce genre que Josèphe s'est lait l'écho. L'histoire de la jalousie de Manoé à l'avantage d'expliquer pourquoi l'ange fait une seconde apparition, qui dans le récit biblique paraît sans objet, puisque la femme a déjà averti son mari de ce qu'il faudrait « faire pour l'enfant » et que l'ange ne peut que réitérer les mêmes prescriptions. Dans Josèphe, l'ange se fait voir à Manoé, sur la prière de sa femme, pour dissiper ses soupçons, sans d'ailleurs y réussir. Le récit biblique est, au surplus, comme on voit par la suite, notablement altéré par Josèphe. [212] Dans l'Écriture, c'est Manoé qui supplie Dieu d'envoyer l'ange à nouveau (Juges, XIII, 8). [213] Dans la Bible, l'ange dit : « Tout ce que j'ai désigné à la femme, elle se l'interdira ». Suivent les recommandations touchant le vin, les boissons enivrantes, etc. [214] Juges, XIII, 24. [215] Hébreu : Schimschôn. L’Écriture ne donne pas l'explication de ce nom. Celle que propose Josèphe lui est inspirée non par l'étymologie du nom, qui est obscure, mais par la qualité dominante du personnage. [216] Juges, XIV, 1. [217] Hébreu : Timna. [218] Juges, XIV, 8. [219] D’après l’Écriture, trente chemises et trente vêtements (Juges, XIV, 12). [220] Juges, XV, 3. [221] Ces mots sont peu compréhensibles chez Josèphe, parce qu'il a passé sous silence l'épisode survenu entre Samson et son ex-beau-père (Juges, XV, 1-3). [222] Juges, XV, 8. [223] Hébreu et LXX : Étam. [224] Josèphe suit les LXX, qui, au lieu de reproduire le mot hébreu léhi, l'ont traduit par siagon, « mâchoire ». [225] Juges, XV, 18. [226] Bible : En-hakkoré (Juges, XV, 19), nom de la source, tandis que le lieu s'appelle Ramath Léhi. [227] Juges, XVI, 1. [228] Cf. chap. I, 2, la note sur Rahab. [229] Juges, XVI, 4. [230] Le Talmud dit aussi que cette époque de la vie de Samson fut le commencement de sa perte (Sota, 9 b). [231] Hébreu : Delila. [232] Sept cordes neuves, selon la Bible. [233] Ce détail, qui suppose que Samson a enfreint son vœu de nazir, n’est pas dans la Bible [T. R.] [234] Juges, XVI, 22. [235] Hébreu : Çoréa. [236] Ruth, I, 1. [237] La Bible ne précise pas à quel époque se place l'épisode de Ruth ; elle dit simplement (Ruth, I, 1) « du temps des Juges ». Josèphe a fixé la date d'après le compte des générations entre Boaz et David [T. R.] [238] Nous traduisons par à peu près : le texte parait corrompu. [239] Ruth, I, 19. [240] Ce détail n'est pas dans la Bible et ne s'accorde pas avec la suite du récit. [241] Ruth, II, 2. [242] Ruth, III, 1. [243] Josèphe souligne brutalement ce qui est très discrètement indiqué dans l'Écriture, à supposer même que l'idée d'un commerce charnel soit impliquée dans les paroles de Noémi (Ruth, III, 4). Le mot grec employé par Josèphe ne comporte pas ici une interprétation platonique [T. R.] [244] Ruth, III, 16. [245] Ruth, IV, 1. [246] La Bible n'en dit rien. [247] Hébreu : Yischaï.
[248]
I
Samuel, II,
12. [249] Ibid., I, 1. [250] Hébreu et LXX : Elkana. Son origine lévitique ressort de I Chroniques, IV, 27. [251] Hébreu : Ramathaïm-Çophim. [252] Hébreu : Peninna. [253] Selon l'Écriture, Éli dit seulement : « Que Dieu t'accorde ce que tu as demandé ! » Mais la tradition explique qu'Éli a parlé ici prophétiquement, le mot hébreu pouvant se traduire par le simple futur. C'est pourquoi le Sèder Olam compte Éli parmi les prophètes.
[254]
I
Samuel, I, 18. [255] Dans le grec : « Parce que je l'ai demande au Seigneur Dieu ». [256] La Bible dit qu’Anna offrit trois taureaux, un êpha de farine et une outre de vin (I Samuel, I, 24).
[257]
I
Samuel, II,
21. [258] Trois fils et deux filles, d'après la Bible.
[259]
I
Samuel, III,
1. [260] L'Écriture ne donne pas son âge. [261] Josèphe interprète conformément à la tradition rabbinique la prophétie contenue dans I Samuel, II, 30.36, accomplie plus tard sous Salomon, selon I Rois, II, 27, 35 (remplacement d'Ébiathar, de la souche d'Ithamar, par Zadok, de la souche d'Eléazar).
[262]
I
Samuel, IV, 1. [263] Ibid., 12. [264] Ibid., 15. [265] Conforme à l'hébreu ; les LXX ne lui attribuent que vingt ans de gouvernement.
[266]
I
Samuel, IV,
19. [267] Détail étranger à la Bible.
[268]
Hébreu : I-Khabôd. [269] Cf. I Chroniques, XXIV, 3. [270] La Bible n'en dit rien ; mais la tradition établit qu'en effet c’est la maison d'Ithamar qui a fourni les grands-prêtres depuis la disgrâce de Pinehas, fils d'Eléazar, jusqu'à l'époque de Salomon. Le seul indice de cette disgrâce qu'on trouve dans l'Écriture, c'est le verset I Chroniques, IX, 20, où il est dit que l'« Éternel était autrefois avec Pinehas », donc il ne l'était plus actuellement. On lit dans Gen. Rabba, LX et dans le Tanna debè Elihaou diverses légendes sur les faits qui amenèrent cette disgrâce : la tradition croit que la maison de Pinehas a été frappée de déchéance à raison du rôle insuffisamment pacifique joué par ce grand-prêtre dans l'épisode de la concubine de Ghibea (Juges, XX, 28 et suiv.) ou encore à cause de sa non-intervention dans l'affaire du vœu téméraire de Jephté qu'il aurait pu et dû annuler. [271] I Chroniques, V, 30 (I Paralip., VI, 4). [272] Hébreu : Abischoua. [273] Hébreu : Ouzzi. [274] Hébreu : Schelômô.
[275]
I
Rois, II, 27.
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