LE LIVRE DES MARTYRS

 

par John Foxe

 

mise en page par Jean leDuc

 

publié à Montréal en 1896

 

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TABLE DES MATIÈRES

 

AVANT-PROPOS

 

AVERTISSEMENT

 

PRÉFACE

 

LA VIE DE JOHN FOXE

 

CHAPITRE I.

CONTENANT UNE HISTOIRE DES DIX PREMIÈRES PERSÉCUTIONS DEPUIS

L'ANNÉE DE NOTRE SEIGNEUR 67, JUSQU'AU TEMPS DE CONSTANTIN LE GRAND.

La Première Persécution, commençant l'année 67, sous le règne de l'Empereur Néron.

Seconde Persécution sous Domitien.

Troisième Persécution sous les Empereurs Romains.

Quatrième Persécution sous l'Empire Romain, qui commença A.D. 162.

Cinquième Persécution sous l'Empire Romain A.D. 202.

Sixième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.

Septième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.

Huitième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.

Neuvième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.

Dixième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.

Constantin le Grand.

 

CHAPITRE II

CONTENANT UN RÉCIT DES PERSÉCUTIONS SOUS JULIEN L'APOSTAT.

 

CHAPITRE III

LA PERSÉCUTION DES VAUDOIS ET DES ALBIGEOIS.

La Persécution des Albigeois.

 

CHAPITRE IV

LES PERSÉCUTIONS EN ESPAGNE, PORTUGAL, ITALIE, ETC.

L'Origine, les Progrès et les Cruautés de l'Inquisition.

La première application de la torture.

Seconde application de la torture.

Troisième application de la torture.

 

CHAPITRE V

DE NOUVEAUX DÉTAILS DES PERSÉCUTIONS DES PROTESTANTS

DANS DES PAYS ÉTRANGERS,

DURANT LE 16ÈME ET 17ÈME SIÈCLES.

Horrible Massacre en France, anno, 1572.

Robert Oguier, sa femme et leurs fils qui furent brûlés à Lisle.

Massacre des Huguenots à Vassy, en Champagne.

 

CHAPITRE VI

RÉCITS DES PERSÉCUTIONS DANS D'AUTRES CONTRÉES.

Persécutions dans la Bohême et l'Allemagne.

Vie, Souffrance et Martyre de Jean Huss.

 

CHAPITRE VII

LÀ VIE, LES SOUFFRANCES ET LE MARTYRE DE JÉRÔME DE PRAGUE;

PERSÉCUTIONS DANS LES PAYS-BAS.

Persécution dans les Pays-Bas.

Assassinassion du Prince d'Orange.

 

CHAPITRE VIII

PERSÉCUTION DES PROTESTANTS DANS DIFFÉRENTS PAYS.

Récit des Persécutions dans les Vallées du Piémont.

Persécution à Venise et à Rome.

Autres détails des Persécutions dans les Vallées du Piémont au dix-septième siècle.

 

CHAPITRE IX

CONTENANT L'HISTOIRE DE LA RÉFORMATION ET LES CIRCONSTANCES QUI LA PRÉCÉDÈRENT.

Histoire de la martyrologie et de la réformation avec un récit de Wickliffe et de ses doctrines.

Récit historique du progrès de la Réformation sous le règne du roi Henry VIII.

Martyre de Thomas Bilney.

Histoire et martyre de Frith.

Martyre de Jean Lambert.

Souffrances et martyre du Dr. Robert Barnes.

Martyr de Patrick Hamilton.

Testwood et ses compagnons.

Martyre de Adam Damlip.

Martyre de George Wishart.

Martyre de Kerby et de Roger Clarke.

Martyre de Anne Askew.

Vie et Martyre de William Tyndal.

Martyre de Thomas Benet.

Martyre de six personnes en Écosse.

 

CHAPITRE X

ACCESSION DE LA REINE MARIE ET LES PERSÉCUTIONS PENDANT SON RÈGNE.

Rébellion de Wyatt - Conduite de Lady Jane Grey et son Exécution.

Martyre de John Rogers et de Laurence Saunders.

Martyre de Jean Hooper, évêque de Worcester et Gloucester.

Souffrances et Martyre du Dr. Rowland Taylor.

Martyre de plusieurs personnes dans diverses parties de l'Angleterre.

Martyre du Rév. George Marsh.

Martyre de William Flower.

Martyre du Révd. John Bradford and John Leafe.

Martyre de Margaret Polley.

Martyre de John Launder et de Dirick Carver.

Martyre de John Denley, John Newman, et Patrick Packingham.

 

CHAPITRE XI

LES SOUFFRANCES ET MARTYRE DE HUGH LATIMER, ÉVÊQUE DE WORCESTER;

NICHOLAS RIDLEY, ÉVÊQUE DE LONDRES; ET AUTRES.

Martyre de Ridley et de Latimer.

Les souffrances et martyre de Thomas Cranmer, Archevêque de Canterbury.

Martyre de William Bongeor, Thomas Benhote, William Purchase, Agnes Silverside, Helen Ewring, Elisabeth Folk, William Muni, John Johnson, Alice Muni and Rose Allen, at Colchester.

La mort de la reine Marie - L'heureuse accession de Lady Élisabeth au trône d'Angleterre.

 


 

AVANT-PROPOS

Le livre des Martyrs par John Foxe est grandement connu par les chrétiens de langue anglaise depuis le temps de la Réforme. Mais ce n'est pas le cas parmi les chrétiens de langues française qui ignorent généralement presque tout des trésors historiques à cause de leur prétendue autosuffisance intellectuelle, vaniteuse et présomptueuse, croyant que le monde tourne autour de leur nombril. Cette édition de la traduction de cette œuvre remarquable est extrêmement rare et presque inconnue, et c'est un privilège et une joie de vous la présenter ici. Vous deviendrez ainsi conscient de toutes les épreuves et souffrances qui accompagnent souvent la foi de Christ que nous recevons à la croix, et qui furent le lot de plusieurs de nos frères et sœurs à travers l'histoire pour la gloire de son nom.

 

Vous remarquerez toutefois que tous ceux qui ont souffert les persécutions inhumaines et monstrueuses de la part de l'empire romain et de la papauté, n'étaient pas nécessairement tous de vrais chrétiens. Le Diable lui-même confesse être chrétiens et tous les démons proclament la repentance et la nouvelle naissance par le moyen de la foi. Plusieurs avaient la foi en Christ mais non de Christ, leur foi était plutôt une croyance traditionnelle qui provenait d'un christianisme formaliste et institutionnalisé qui fut transmise de génération en génération. Il s'agissait en fait d'une religion morcelée en différentes factions et en compétition l'une avec l'autre. Beaucoup moururent pour la foi en une religion, plutôt que pour la pure foi de Christ qui était attribuée à ses élus (Ac. 13:48; Phil. 1:29). D'autres furent des imitateurs, c'est à dire des faussaires, des gens mentalement malades qui suivaient les délires de leurs consciences déréglées, s'imaginant dans leurs folles illusions qu'en donnant leur vie pour une cause aussi noble, qu'ils mériteraient ainsi le salut éternel. Et enfin, pour d'autres, découragé de la vie en ce monde et de ses misères, le martyre était une forme de suicide, un échappatoire et une fausse justification qui leur donnait l'espoir d'un monde meilleur illusoire.

 

Néanmoins un grand nombre de chrétiens authentiques qui se trouvèrent dans de nombreuses communautés persécutées, ont aussi souffert atrocement durant cette période infernale, scellant leur foi par leur sang et entrèrent dans la gloire éternelle. Plusieurs aussi s'isolèrent dans des déserts, des forêts, et des montagnes, pour vivre leur croyance en paix, s'imaginant être à l'épreuve des conflits qui ne tardèrent pas à les rejoindre. La manipulation et la séduction des fausses doctrines firent leurs ravages, même devant une résistance courageuse dans laquelle plusieurs périrent volontairement. On ne peut se sauver et se cacher de la corruption de notre propre nature et des influences d'une société dans laquelle nous vivons, malgré toutes les bonnes intentions que l'on puisse avoir. Dans chaque jardin il y a toujours un serpent, comme dans chaque groupe il y a toujours un traître, si ce n'est le groupe lui-même qui trahit la vérité et que le fidèle est l'exception.

 

Les persécutions étaient généralement occasionnées par des conflits entre la religion dite chrétienne et la politique du temps. La soif du pouvoir, l'avidité de la richesse, les aspirations de la gloire personnelle, l'ambition insatiable de dominer sur la foi et les consciences, étaient tous des facteurs déterminants qui animèrent les cruautés les plus horribles de l'homme contre son prochain. Puisque l'histoire se répète, nous ne devons pas nous attendre mieux dans nos temps modernes, les persécutions ont simplement prit une différente forme, une apparence plus subtile et plus raffinée. L'ennemi est devenu plus sophistiqué et plus habile, il a corrigé son tir. En général il ne s'agit plus de s'attaquer physiquement à des personnes, mais à la foi même qu'ils détiennent et à la Bible qui en est la source, la déformant ingénieusement et la présentant comme la vérité même. Une telle stratégie diabolique est beaucoup plus efficace que toutes les tortures inimaginables entreprises par des tyrans à travers l'histoire.

 

Pour votre édification et l'enrichissement des bénédictions de la grâce, nous vous suggérons de lire ce livre avec une conscience éveillée qui garde en mémoire la grande vérité que Dieu est Souverain absolu sur toutes choses.

 

Jean leDuc

2013

 

AVERTISSEMENT

Pour ne pas grossir démesurément ce livre, on n'a pas indiqué les sources où l'auteur a puisé les faits qu'il raconte. Aux personnes désireuses de les connaître, nous recommandons les ouvrages suivante, écrits en français, accessibles à tous, choisis entre beaucoup d'autres, et qui suffisent à les renseigner pleinement:

 

B. Aubes: Histoire des persécutions de l'Église jusqu'à la fin des Antonins.

Ed. de Pressensé: Histoire des trois premiers siècles de l'Église chrétienne, volume II.

Em. de Bonnechose: Les Réformateurs avant la Réforme.

Merle d'Aubigné: Histoire de la Réformation.

Jean Crespin (XVIe. siècle): Histoire des Martyrs (édition de Toulouse).

Voir aussi les Histoires de France par Michelet, Henri Martin: etc.

 

PRÉFACE

L'assemblée du clergé anglais a agi sagement, quand, aux jours de Elizabeth, elle décida que chaque église de paroisse dans le pays devait avoir une copie du Livre des Martyrs par Foxe. Car - enchaîné, par crainte qu'il ne fut enlevé, mais aussi dégrafé pour que tous pussent le lire - cette chronique conservait bien dans le souvenir du peuple la mémoire du vrai caractère de l'apostasie tyrannique dont ils avaient été si miséricordieusement délivrés à la Réformation. Sur ces pages Rome a son portrait tracé par ses propres actes - ses facta et non ses verba. Et quand elle a été mise au creuset on ne put mettre en question l'assertion qu'elle était en effet cette Babylone dont il est écrit, "Sortez de son sein, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous ne receviez point de ses plaies." (Révélation, XVIII. 4). Car notre auteur ne prouve-t-il pas que Rome est, et a toujours été " enivrée du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus ? " Et n'est-ce pas une marque distinctive de la Babylone apocalyptique ? (Révélation, XVII. 6).

 

La "Book Society" agit sagement, quand aux jours de Victoria, elle s'efforce de surpasser les Réformateurs du seizième siècle, car elle désire placer une copie du livre des Martyrs non seulement dans chaque église, mais dans chaque maison, même, dans toutes les mains. Et n'y a-t-il pas une raison ? Rome travaille, avec des efforts redoublés, pour subjuguer la Grande Bretagne. Elle nous attaque ouvertement du dehors, tandis qu'il y a dans son sein des traîtres prêts à ouvrir nos portes. Et le peuple a oublié que c'est une sirène qui enchante pour détruire. Il est temps que le masque soit déchiré de devant son visage et qu'elle soit reconnue une fois de plus comme "Mystère, la grande Babylone, la mère des impudicités et des abominations de la terre." (Révélation, XVII. 5).

 

Heureux, trois foie heureux, le fils de toute mère qui refuse de boire de la coupe de l'enchanteresse. Heureux, trois fois heureux le fils de toute mère qui ne reçoit pas la marque de la Bête, soit visiblement sur le front, par une soumission déclarée à Rome, ou cachée dans sa main en adoptant les dogmes et en faisant l'œuvre de Rome, même en protestant nominalement contre ses usurpations. Car ceux-là sont sur le côté du conquérant; et quoique la lutte soit sévère et longue la bataille, ils porteront un jour la couronne du conquérant, quand les voutes du Ciel répéteront le chant du conquérant "Alléluia ! Le salut, la gloire, l'honneur et la puissance appartiennent au Seigneur notre Dieu; car ses jugements sont véritables et justes parce qu'il a fait justice de la grande prostituée, qui a corrompu la terre par son impudicité; et qu'il a vengé le sang de ses serviteurs versé par sa main." (Révélation, XIX. 1, 2).

SAMUEL CARLISLE.

 

LA VIE DE JOHN FOXE

JOHN FOXE naquit dans le Lincolnshire, on l'an 1517. A l'Age de seize ans il alla au Collège Brazenose, Oxford, où il prit le degré de M. A. Pendant qu'il était à l'université, et encore quelque temps après il fut un papiste zélé et très moral dans sa vie. Étant conduit à lire l'histoire de l'église, et aussi à étudier la Bible, il put se convaincre des erreurs de l'Église Romaine. Les bigots catholiques découvrirent bientôt le changement dans ses opinions et le fixent chasser de l'université. Opprimé et oublié, il était dans le besoin quand Sir Thomas Lucy, de Warwickshire, le protégea et l'engagea comme précepteur dans sa famille.

 

Après être resté quelque temps à Coventry, il se transporta à Londres; étant étranger et sans argent, il fut bientôt réduit à la misère. Il en fut délivré de la manière suivante bien extraordinaire. Assis un jour dans l'Église St. Paul et ayant l'apparence d'un spectre, mourant presque de faim, un étranger, qu'il ne se souvenait pas d'avoir jamais vu auparavant, s'assit près de lui et lui mettant une grosse somme d'argent entre les mains, l'exhorta à avoir bon courage, car Dieu lui donnerait, en quelques jours, des moyens de subsistance plus certains. La prophétie fut réalisée, car, dans l'espace de trois jours, il fut choisi par la duchesse de Richmond comme précepteur dans la famille de son neveu.

 

Mais Marie était maintenant sur le trône, et la persécution faite aux protestants fut portée si loin que Foxe fut obligé de quitter l'Angleterre. Il se rendit à Bâle en Suisse; et c'est dans cette ville, renommée pour ses imprimeries qu'il commença son travail bien connu sur les martyrs. Quand Elizabeth monta sur le trône il retourna en Angleterre. Le Duc de Norfolk, un de ses anciens élèves le reçut chez lui et lui laissa, à sa mort, une pension à Foxe. Il s'établit à Salisbury, où il révisa et compléta son livre des martyrs.

 

Après une longue vie de piété et de dévouement, il mourut 18 Avril, 1587, il fut enterré dans le cancel de l'Église St. Giles, Cripplegate, paroisse dont il avait été le vicaire pendant quelque temps, pendant le règne d'Elizabeth. Une tablette, portant une inscription latine, fut érigée en Sa mémoire par son fils.

 

CHAPITRE I.

CONTENANT UNE HISTOIRE DES DIX PREMIÈRES PERSÉCUTIONS DEPUIS L'ANNÉE DE NOTRE SEIGNEUR 67,

JUSQU'AU TEMPS DE CONSTANTIN LE GRAND.

 

Les affreux martyres que nous allons décrire provinrent de la persécution des Chrétiens par la rage païenne, dans les premiers siècles de l'Église, et pendant trois cents ans, jusqu'au temps de Constantin le Grand.

 

Le premier martyr de notre sainte religion fut son saint fondateur lui-même, qui fut trahi par Judas Iscariot, condamné sous Ponce-Pilate et crucifié sur le calvaire.

 

Etienne, un diacre de la première église chrétienne fut son second martyr. Il fut lapidé. Alors suivit Jacques, le frère de Jean, qui l'échappa belle et vécut à un âge très avancé, tous les autres apôtres semblent avoir été appelés à donner leur vie pour l'amour du Christ.

 

La Première Persécution, commençant l'année 67, sous le règne de l'Empereur Néron. 

La première persécution des premiers siècles de l'Église fut sous Néron Domitius, le sixième empereur de Rome, A.D. 67. Ce monarque régna cinq ans avec modération; mais ensuite il s'adonna aux plus grandes extravagances de caractère et aux plus atroces cruautés. Parmi ses autres persécutions diaboliques, il commanda de mettre la ville de Rome en feu, ce que firent ses officiers, ses gardes et ses serviteurs. Pendant que la, ville était en flamme, il se rendit à la tour de Maecenas, joua de la harpe, chanta le chant de l'incendie de Troie, et déclara, "Qu'il désirait la ruine de toutes choses avant sa mort." Cette terrible conflagration dura neuf jours.

 

Néron accusa les Chrétiens de ce forfait, à la fois pour s'en servir comme d'excuse pour lui-même et ensuite pour avoir une occasion de persécuter. Les cruautés infligées furent telles qu'elles excitèrent la sympathie des Romains eux-mêmes. Néron inventa des raffinements de cruautés et inventa toutes sortes de châtiments pour ses victimes. Il en fit coudre dans des peaux de bêtes sauvages et ensuite les faisaient dévorer par les chiens jusqu'à ce qu'ils mourussent; et d'autres couverts de chemises induites de cire attachés à des pieux et mis en feu dans son jardin. Cette persécution fut générale dans tout l'empire romain; mais elle accrut l'esprit du christianisme au lieu de le diminuer.

 

Seconde Persécution sous Domitien.  

L'empereur Domitien, d'une disposition naturellement cruelle, souleva une seconde persécution contre les Chrétiens. Parmi les nombreux martyrs qui souffrirent sous son règne, se trouva Siméon, évêque de Jérusalem, qui fut crucifié. Flavie, la fille d'un sénateur Romain, fut bannie du Pont; et on passa une cruelle loi, "Qu'aucun Chrétien, une fois cité devant un tribunal, ne pouvait échapper au châtiment sans renoncer à sa religion."

 

Troisième Persécution sous les Empereurs Romains.  

Quand Nerva succéda à Domitien, il donna du repos aux Chrétiens; mais, ne régnant que treize mois, son successeur Trajan, en l'an 108, commença la troisième persécution. Pendant que cette persécution faisait des ravages, Pline Second, un philosophe païen, écrivit à l'empereur en faveur des Chrétiens. A son épître Trajan fit cette réponse indécise: " Que l'on ne devait pas rechercher les Chrétiens, mais que quand ils étaient cités devant le magistrat on devait les punir." Choqué d'une telle réponse, Tertullien s'écria: "Ô arrêt confus ! il ne voudrait pas qu'on les recherche comme personnes innocentes, et cependant on voudrait les punir comme coupables."

 

Adrien succéda à L'empereur Trajan qui continua la persécution avec la plus grande vigueur. Phocas, évêque du Pont, refusant de sacrifier à Neptune, fut, par son ordre immédiat, jeté d'abord dans un fourneau à chaux ardent et ensuite étant tiré de là fut jeté dans un bain bouillant où il expira.

 

Ignace, évêque d'Antioche, défendit hardiment la doctrine du Christ devant l'empereur, et sur cela, il fut jeté en prison et cruellement tourmenté; car, après avoir été fouetté, il fut forcé de tenir du feu dans ses mains, tandis que des papiers trempés dans l'huile furent mis à ses côtés et allumés ! Sa chair fut alors déchirée avec des tenailles chauffées, et enfin il fut déchiré par les bêtes sauvages.

 

Pendant le martyre de Faustin et de Jovite, frères et citoyens de Bressia, leurs tourments furent si considérables et leur patience si ferme, que Calocerius, un païen, en les regardant fut rempli d'admiration, et s'écria avec ravissement, " Grand est le Dieu des Chrétiens !" pour cela il fut arrêté et mis à mort.

 

Antonin le Pieux succéda à Adrien, monarque si aimable, que son peuple lui donna le titre de "Le Père des Vertus". Immédiatement après son accession il publia un édit défendant de persécuter davantage les Chrétiens, et le termina par ces mots; "Si quelqu'un ci-après, moleste ou dérange les Chrétiens, n'ayant nulle autre cause que le fait qu'ils sont tels, que les accusés soient relâchés et que les accusateurs soient punis."

 

Quatrième Persécution sous l'Empire Romain, qui commença A.D. 162.  

Marcus Aurelius Antoninus Verus succéda à Antoninus Pius, qui commença la quatrième persécution dans laquelle plusieurs Chrétiens furent martyrisés, surtout en Asie et en France. Les plus grandes cruautés furent pratiquées dans cette persécution. Quelques-uns des martyrs furent obligés de passer, leurs pieds déjà blessés, sur des épines, des clous et des coquillages aigus, etc.; et, après avoir enduré les plus cruelles tortures, ils furent détruits par une mort des plus cruelles.

 

Germanicus, un jeune Chrétien, étant livré aux bêtes féroces, se conduisit avec un courage si merveilleux, que plusieurs païens se convertirent à une foi qui inspirait un tel courage.

 

Polycarpe apprenant que des personnes le cherchaient pour l'arrêter, s'échappa, mais fut découvert par un enfant. Il fut mené devant le proconsul, condamné, et mis à mort sur la place du marché. Douze Chrétiens, qui avaient été intimes avec lui, furent bientôt après martyrisés.

 

Justin, célèbre philosophe, et l'auteur d'une apologie du Christianisme, mourut comme martyr dans cette persécution. Ayant été pris, avec six de ses compagnons, on leur commanda de renier leur foi, et de sacrifier aux idoles païennes. Ils refusèrent, et furent en conséquence condamnés à être fouettés d'abord et ensuite décapités.

 

Certaines circonstances firent cesser la persécution pour un temps, au moins dans les provinces sous l'inspection immédiate de l'empereur; mais elle se ralluma bientôt en France, particulièrement à Lyon, où les tortures auxquelles plusieurs Chrétiens furent soumis dépassent toutes descriptions (voir l'Épître des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d'Asie). Les martyrs de Lyon étaient au nombre de quarante-huit. Ils moururent tous avec beaucoup de courage, glorifiant Dieu et leur Rédempteur. C'est dans ce règne que Apollonius, sénateur romain, devint martyr, Eusebius Vincentius, Potentianus, pour avoir refusé d'adorer Commode comme Hercules, furent également mis à mort. Julius, sénateur romain, reçut ordre de l'empereur de lui sacrifier comme à Hercules. Julius refusa de s'y conformer et professa publiquement qu'il était Chrétien. Pour cette raison, après être retenu en prison pendant un temps considérable il fut mis à mort à coups de bâton.

 

Cinquième Persécution sous l'Empire Romain A.D. 202.  

Irénée, évêque de Lyon, naquit en Grèce et y reçut une éducation chrétienne. Il s'opposa avec zèle aux hérésies en général, et écrivit un traité contre l'hérésie, qui eut une grande influence à cette époque. Ceci le signala comme un objet de ressentiment à l'empereur; il fut en conséquence décapité en A.D. 202.

 

Les persécutions se répandirent à cette époque en Afrique, et plusieurs y furent martyrisés; la principale de ceux-là fut Perpétue, femme mariée de vingt-six ans avec son enfant à la mamelle. Elle fut arrêtée parce qu'elle était Chrétienne. Son père, qui l'aimait tendrement, essaya de la porter à renoncer au Christianisme, Perpétue, toutefois, résista à toutes ses prières. Étant menée devrait le proconsul Minutius, on lui commanda de sacrifier aux idoles; sur son refus, elle fut mise dans un cachot obscur et privée de son enfant. Perpétue donna la plus forte preuve de courage et de force de caractère à son procès. Le juge la pria de considérer les larmes de son père, l'abandon de son enfant, et sa propre vie; mais triomphant sur tous les sentiments de la nature, elle oublia la crainte de la souffrance dans la perspective de cette immortalité offerte par le Christ. Elle fut d'abord déchirée par les bêtes sauvages, et ensuite tuée par l'épée.

 

Calixte, évêque de Rome, souffrit le martyre en 224; et en 232, Urbain, un de ses successeurs subit le même sort. Agapet, un garçon de Préneste, en Italie, qui n'avait que quinze ans pour avoir refusé de sacrifier aux idoles, fut sévèrement fouetté et pendu par les pieds, et on versa sur lui de l'eau bouillante. Il fut ensuite déchiré par les bêtes sauvages, et enfin décapité.

 

Sixième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.  

Maxime, qui devint empereur dans l'année 235, commença à persécuter les Chrétiens; et dans le Cappadoce, le président Sémiramus fit de grands efforts pour les exterminer de son royaume. Un soldat romain, qui refusa de porter une couronne de laurier offert par l'empereur et qui se confessa Chrétien, fut fouetté et mis à mort. Pontien, évêque de Rome, pour avoir prêché contre l'idolâtrie, fut banni de Sardaigne, et y fut mie à mort. Anteros, un grec, qui succéda à cet évêque au siège de Rome, déplut tellement au gouvernement en faisant un recueil des actes des martyrs, qu'il souffrit lui-même le martyre, après avoir joui de sa dignité seulement quarante jours. Pammachius, sénateur romain, avec sa famille et d'autres Chrétiens, au nombre de quarante-deux, furent tous décapités en un jour, et leurs têtes clouées aux portes de la ville. Hippolyte, prélat Chrétien, fut attaché à un cheval sauvage, et traîné à travers les champ., les terrains pierreux et les épines jusqu'à ce qu'il fut mort.

 

Pendant que cette persécution sévissait beaucoup de Chrétiens furent tués sans procès et furent enterrée par monceaux; quelquefois cinquante ou soixante étant jetés ensemble dans le même trou.

 

Maxime mourut en A.D. 238; et Gordien lui succéda, durant son règne et celui de son successeur Philippe, l'église fut exempte de persécution pendant plus de dix ans; mais en l'année 249 une violente persécution s'éleva à Alexandrie. La fureur du peuple étant grandement excitée contre les Chrétiens, ils enfoncèrent leurs maisons, volèrent leurs meilleurs effets, détruisirent le reste et massacrèrent les propriétaires; le cri universel était, "Brulez-les, brûlez-les ! tuez-les !" Les noms des martyrs, et les détails de l'émeute n'ont pas, toutefois, été conservés.

 

Septième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.  

En l'an 249, Décius étant empereur de Rome, une terrible persécution fut commencée contre les Chrétiens; Fabien, évêque a, 14   Histoire des Martyrs, par Foxe. Rome, fut la première personne de distinction qui sentit sa sévérité. L'empereur Philippe étant mort après avoir confié son trésor au soin de cet excellent homme; mais Décius, n'y trouvant pas autant d'argent qu'il s'y attendait, détermina de se venger sur lui. On le saisit donc et on le décapita. Abdon et Semen, deux Perses, furent pris comme étrangers; étant reconnus comme Chrétiens ils furent mis à mort. Moïse, un prêtre, fut décapité pour la même raison. Julien, natif de la Cilicie, fut arrêté parce qu'il était Chrétien. On le tortura fréquemment, mais il demeura inflexible; et, quoique souvent mené hors de la prison pour être exécuté, il y était ramené pour souffrir de plus grandes cruautés. Il fut, enfin, mis dans un sac de cuir, avec un certain nombre de serpents et de scorpions, puis jeté dans la mer. Pierre, un jeune homme à Lampsaque, ayant reçu ordre de Optimus, le proconsul de sacrifier à Vénus, dit : "Je suis étonné que vous désiriez que je sacrifie à une femme infâme, dont vos historiens même racontent les débauches, et dont la vie consiste en actions telles que vos lois les punissent. Non ! J'offrirai au vrai Dieu le sacrifice de louanges et d'adoration." Optimus, en entendant ceci, ordonna qu'on lui broya les membres sur la roue; mais les tourments lui inspirèrent seulement un nouveau courage; il ria même devant ses persécuteurs. Il fut enfin décapité.

 

Dans l'île de Crète la persécution sévit aveu une extrême furie, le gouverneur étant excessivement actif à exécuter les décrets impériaux.

 

L'empereur Décius, ayant érigé un temple païen à Éphèse, en l'an 251, commanda à tous ceux qui étaient dans cette ville de sacrifier aux idoles. Cet ordre fut noblement refusé par sept de ses propres soldats. L'empereur voulant les épargner, leur donna du répit jusqu'à son retour d'un voyage. En son absence ils se sauvèrent et se cachèrent dans une caverne; mais il en fut informé à son retour, l'ouverture de la caverne fut close, et ils y furent affamés ou étouffés à mort.

 

Après que la persécution eut sévie en Cappadoce, en Phrygie et dans d'autres districts et quand Gallus eut conclu ses guerres, une peste éclata dans l'empire; l'empereur ordonna de faire des sacrifices aux déités païennes pour apaiser leur colère. Les Chrétiens refusant de se conformer à leurs rites, furent accusés d'être les auteurs de la calamité; ainsi la, persécution s'étendit de l'intérieur aux extrémités de l'empire et plusieurs tombèrent martyre ayant encourus la fureur de la populace aussi bien que le mauvais vouloir des magistrats. Enfin l'empereur, ayant été mis à mort par son général Amélien, une paix profonde régna dans tout l'empire et la persécution cessa graduellement.

 

Huitième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.  

Après la mort de Gallus, Valérien fut choisi empereur. Durant l'espace de quatre ans il gouverna avec modération, et traita les Chrétiens avec une douceur remarquable; mais en l'an 287, un Égyptien, nommé Macriamus prit sur lui un grand ascendant et lui persuada de persécuter les Chrétiens. On publia à cet effet des édits et la persécution, qui commença au mois d'Avril continua durant trois ans et six mois.

 

Parmi les martyrs qui périrent dans cette persécution se trouvèrent Rufina et Secunda, deux dames belles et distinguées, filles d'un homme éminent à Rome. Elles furent décapitées en l'an 257. Dans la même année, Etienne, évêque de Rome, fut décapité, et environ ce temps-là Saturnin, évêque de Toulouse, fut attaqué et saisi par la populace de la ville, pour avoir empêché, prétendaient-ils, leur oracle de parler. Sur son refus de sacrifier aux idoles, il fut traité avec une indignité révoltante, et ensuite attaché à la queue d'un taureau. A un signal donné l'animal, en furie, fut conduit en bas les gradins du temple où la cervelle du martyr fut brisée. Etienne eut pour successeur comme évêque de Rome Sextus. Marcianus, qui avait la direction du gouvernement romain dans l'année 258 obtint un ordre de l'empereur Valérien pour mettre à mort tout le clergé chrétien à Rome et Sextus fut l'un des premiers qui sentit la sévérité de l'édit. Il fut décapité le 6 Août, 258, et six de ses diacres souffrirent avec lui.

 

Laurent, communément appelé St. Laurent, le principal des diacres qui enseignèrent et prêchèrent sous Sextus, le suivit au lieu de l'exécution, quand Sextus lui prédit qu'il le rencontrerait dans le ciel trois jours après. Laurent considérant cette prédiction comme une indication certaine de son propre martyre prochain rassembla à son retour tous les pauvres Chrétiens et distribua parmi eux tous les trésors de l'église. Ayant reçu ordre d'en rendre compte à l'empereur, il assembla un grand nombre de pauvres vieillards, de manchots, d'impotente, et se rendit au magistrat lui disant, "Voici les vrais trésors de l'église." Provoqué par ce désappointement, le gouverneur commanda qu'il fut fouetté, et lui fit disloquer les jambes. Il endura ces tortures avec un tel courage et une telle patience que l'on commanda qu'il fut attaché à un gril ayant un petit feu allumé en dessous, afin que sa mort fut plus lente. Mais sa constance étonnante et la sévérité de sa contenance dans des tourmentes si atroces, donnèrent, aux spectateurs, une idée si exaltée de la dignité et de la vérité de la religion chrétienne que plusieurs d'entre eux s'y convertirent.

 

Parmi ceux-là se trouvait un soldat nommé Romanus. II se déclara Chrétien immédiatement après la mort de Laurent, et le suivit bientôt dans un martyre moins long et moins atroce pour se rendre au séjour des esprits bienheureux, dans le ciel. Sur sa confession de foi comme Chrétien il fut fouetté et décapité.

 

Quatorze ans avant ces faits, la persécution sévissait en Afrique aven une grande violence et plusieurs mille personnes reçurent la couronne du martyre, parmi lesquelles se trouvait Cyprien, évêque de Carthage, éminent prélat et un ornement distingué de l'Église. Avant son baptême, il étudia les Écritures avec soin, et frappé de l'excellence de leur contenu, il se décida à pratiquer les vertus qu'elles recommandent. Il vendit son bien, en distribua l'argent parmi les pauvres, s'habilla en vêtements unis et commença une vis d'austérité et de solitude. En l'an 257 il fut amené devant le proconsul Aspasius Paternus. Quand on lui commanda de se conformer à la religion de l'empire, il confessa hardiment sa foi. Il fut en conséquence exilé dans une petite ville sur la mer Libyenne. A la mort du proconsul, il retourna à Carthage, mais il fut bientôt après arrêté et amené devant le nouveau gouverneur, qui le condamna à être décapité; et le quatorze de Septembre, 258, cette sentence fut exécutée.

 

Peut-être que l'un des plus terribles événements dans l'histoire des martyrs fut ce qui arriva à Utica, où 300 Chrétiens furent, par l'ordre du proconsul, placés autour d'un fourneau à chaux en combustion. Un vaisseau de charbon et d'encens ayant été préparé, on leur ordonna de sacrifier à Jupiter ou d'être jeté dans le fourneau. Refusant unanimement ils sautèrent bravement dans l'ouverture où ils furent suffoqués immédiatement.

 

Neuvième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.  

En l'an 274, l'empereur Aurélien commença à persécuter les Chrétiens; la principale victime fut Félix, évêque de Rome, qui fut promu au siège de Rome en 274, et fut décapité la même année. Dioclétien, monta sur le trône impérial en 284; d'abord il favorisa beaucoup les Chrétiens. En l'an 286, il s'associa Maxime pour gouverner l'empire; alors Félicien et Primes, deux frère% chrétiens, furent mis à mort avant qu'aucune persécution générale ne survint. Ils furent arrêtés par ordre de la cour impériale et, au confessant Chrétiens ils furent fouettés, torturés et finalement décapités, Marcus et Marcellianus, jumeaux, natifs de Rome et de famille noble, furent aussi arrêtés, torturés et condamnés à mort. Un répit d'un mois fut obtenu par eux pour que leurs parents et leur parenté pussent essayer de les ramener au paganisme, mais ce fut en vain. Enfin leur constance gagna ceux qui voulaient les ramener, et toute la famille se convertit.

 

Tranquillinus, le père, fut requis par le préfet, et alors il confessa que loin d'avoir été capable de convaincre ses fils à abandonner le Christianisme il était lui-même devenu Chrétien. En rendant compte du changement, il se servit d'arguments si puissants qu'il convertit le préfet, qui bientôt après vendit son patrimoine, résigna son commandement, et passa le reste de ses jours dans une pieuse retraite.

 

Tibertius, natif de Rome, étant d'une famille de rang et de distinction. Étant accusé d'être Chrétien, on lui commanda de sacrifier aux idoles, ou de marcher sur des charbons brûlants. Il choisit ce dernier, et l'on rapporte qu'il marcha dessus sans souffrir, quand Fabian le condamna à être décapité.

 

Une affaire remarquable arriva en l'an 286. Une légion de soldats, comprenant 6,666 hommes ne contenait que des Chrétiens. Elle était appelée la légion thébéenne, parce que les soldats avaient été recrutés dans la Thébaïde, ils joignirent enfin l'empereur en Gaule. Environ ce temps-là, Maximien donna ordre d'offrir un sacrifice général, auquel toute l'armée devait assister; en même temps les soldats devaient jurer de lui aider à extirper le Christianisme de la Gaule. Tous les soldats dans cette noble légion refusèrent de prendre part à cette cruelle entreprise, et sur leur refus furent tous mis à mort.

 

Alban - d'où St. Alban reçoit son nom - fut le premier martyr anglais. Il était d'abord païen, mais étant d'une disposition très humaine, il donna à couvert à un ecclésiastique, nommé Amphibalus, que quelques officiers poursuivaient à cause de sa religion. Le pieux exemple et les discours édifiants du réfugié firent une profonde impression sur l'esprit de Alban, et il devint Chrétien. Les ennemis de Amphibalus apprenant où il était caché, vinrent à la maison de Alban pour le prendre. Son noble hôte, désirant sauver son protégé, changea d'habits avec lui. Il fut mené devant l'empereur qui se décida à satisfaire sur lui sa vengeance; dans ce but, il lui commanda de s'avancer à l'autel et de sacrifier aux déités païennes. Le brave Alban confessa hardiment qu'il était Chrétien. Le gouverneur commanda, en conséquence, qu'il fut d'abord fouetté et ensuite décapité. Le vénérable Bède raconte que dans cette occasion le bourreau se convertit subitement au christianisme, et demanda de mourir pour Alban ou avec lui. Obtenant la dernière requête, ils furent décapités par un soldat le 22 Juin, 287, à Verulam, près de St. Alban, où une magnifique église fut érigée à la mémoire de Alban vers le temps de Constantin le Grand.

 

Dixième Persécution Générale sous les Empereurs Romains.  

Malgré les efforts des païens pour exterminer les Chrétiens, ils augmentèrent tant qu'ils devinrent formidables par leur nombre: Galère, le fils adoptif de Dioclétien, poussé par sa mère, persuada à l'empereur de commencer une autre persécution. Elle commença le 23 Février, 303, et s'ouvrit d'abord à, Nicomédie. Le prélat de la ville alla un matin à l'église des Chrétiens, que ses officiers eurent ordre d'ouvrir de force, et alors il livra aux flammes les livres sacrés. Dioclétien et Galère, qui étaient présents, commandèrent à leurs gens de raser l'église jusqu'en terre. Ceci fut suivi d'un cruel édit, ordonnant la destruction de toutes les autres églises et de leurs livres; et un ordre lui succéda bientôt après, ayant pour but de proscrire les Chrétiens, et de les rendre en conséquence incapables d'occuper aucune place de confiance, de profit ou de dignité, ou de recevoir aucune protection des institutions légales du royaume. Un martyre immédiat fut le résultat de cet édit; car un hardi Chrétien, non-seulement le déchira mais blâma l'empereur pour son injustice et sa cruauté; il fut en conséquence arrêté, torturé et brûlé vif. Les prélats chrétiens furent également pris et emprisonnés; et Galère donna privément ordre de mettre le feu au palais impérial pour que l'on put accuser les Chrétiens d'en être les incendiaires et avoir un prétexte plausible pour continuer la persécution avec sévérité. On commanda aussi un sacrifice général ce qui causa plusieurs martyrs. Entre autres, un Chrétien nommé Pierre, fut mis à la torture et brûlé ensuite; plusieurs diacres et anciens furent saisis et exécutés, et l'évêque de Nicomédie fut lui-même décapité. Si grande était la persécution qu'il ne fut fait aucune distinction quant à l'âge ou le sexe. Plusieurs maisons furent mises à feu, et des familles chrétiennes entières périrent dans les flammes; d'autres eurent des pierres attachées au cou et jetés dans la mer. La persécution devint générale dans toutes les provinces romaines, mais particulièrement dans l'Est et dura dix ans.

 

Dans ce temps-là les Chrétiens pensaient qu'il n'était pas permis de porter les armes sous un empereur païen. Maximilien, le fils de Tabius Victor, reçue ordre de Dion, le proconsul, de se faire mesurer pour se faire enrôler. Lui, toutefois, se déclara Chrétien, et refusa de remplir les devoirs militaires. Étant trouvé de grandeur convenable, Dion ordonna qu'il fut marqué comme soldat. Il dit à Dion qu'il ne lui était pas possible de s'engager dans le service. Le proconsul lui répondit instantanément qu'il devait soit servir comme soldat, ou mourir de désobéissance. "Faites comme il vous plaira avec moi," répondit Maximilien: "décapitez-moi si vous le trouvez bon." "Je suis déjà un soldat de Christ, et ne puis servir aucun autre pouvoir." Le proconsul prononça alors cette sentence sur lui, " que pour avoir refusé de porter les armes, et professer la foi chrétienne, il serait décapité." Il écouta cette sentence avec une si grande intrépidité, qu'il s'écria, " que Dieu soit loué." A la place de l'exécution il exhorta ceux qui étaient Chrétiens de le demeurer: et ceux qui ne l'étaient pas d'embrasser une foi qui les menait au salut éternel. Il reçut alors le coup fatal.

 

Enfin les empereurs Dioclétien et Maximien se démirent du diadème impérial, et furent remplacé par Constantin et Galère; le premier un prince d'une disposition des plus douces et humaines, et le dernier remarquable par sa tyrannie et sa cruauté. Ceux-ci divisèrent l'empire en deux gouvernements égaux: Galère gouverneur dans l'Est et Constantin dans l'Ouest. Le peuple sentit les effets des différentes dispositions des empereurs; car ceux de l'Ouest furent gouvernée de la manière la plus douce, mais ceux qui demeurèrent dans l'Est sentirent toutes les misères de la cruauté et de l'oppression.

 

Comme Galère entretenait une haine implacable aux Chrétiens, nous apprenons "qu'il ne les condamnait pas seulement à la torture, mais à être brûlés à petit feu. On les enchaînait d'abord à un poteau, et l'on entretenait un petit feu à la plante de leurs pieds. Ensuite des flambeaux à peine éteints étaient appliquée à toutes les parties du corps, pour les torturer par tout le corps; et l'on prenait soin de les tenir en vie, en leur jetant de l'eau froide à la figure et en leur en donnant pour se laver la bouche, de peur que leurs gorges ne se desséchassent par la soif et qu'ils n'étouffassent. Ainsi leurs souffrances se prolongeaient jusqu'à ce qu'enfin leur peau étant consumée, et tout près d'expirer on les jetasse dans un grand feu et eussent leurs corps brûlés en cendre, après quoi leurs cendres furent jetées dans quelques rivières."

 

Constantin le Grand.  

Constantin le Grand, adorateur du dieu Mithra, se décida enfin de redresser les griefs des Chrétiens. Dans ce but il leva une armée de 30,000 fantassins et de 8,000 cavaliers avec lesquels il marcha vers Rome contre l'empereur Maxentius. Il considéra que tandis que son père n'adorait qu'un seul Dieu il prospérait continuellement; il rejeta donc les idoles et implora l'assistance du Tout-Puissant, qui écoutait ses prières, et lui répondait d'une manière si surprenante, que Eusèbe dit qu'il n'aurait pu le croire s'il ne l'avait entendu de la propre bouche de l'empereur qui en confirma publiquement et solennellement la vérité. Ce récit extraordinaire est comme suit: "L'armée arrivant près de Rome, l'empereur était occupé dans des exercices de dévotion le 27 Octobre, environ vers les trois heures de l'après-midi, quand, sur le déclin du soleil, il lui apparut soudainement une colonne de lumière dans le ciel, sous forme d'une croix, avec cette inscription distincte - In hoc signo vinces: Par ce signe tu vaincras (Apoc. 13:7). Constantin fut grandement surpris de cette étonnante apparition, qui fut aussi visible à toute l'armée, qui en fut aussi étonnée que lui. Les officiers et les commandants, poussés par les augures et les devins la considérèrent comme un augure défavorable présageant une malheureuse expédition. L'empereur lui-même ne la comprenait pas, jusqu'à ce qu'enfin le Christ lui apparut dans une vision, avec une croix à la main, lui commandant d'en faire un étendard royal, et de le faire porter continuellement devant non armée comme une enseigne de victoire ainsi que de sûreté. De bonne heure le matin suivant, Constantin informa ses amis et ses officiera de ce qu'il avait vu durant la nuit, et envoyant quérir des ouvriers experts leur décrivit la forme de l'étendard qu'il leur commanda de faire avec le plus grand art et magnificence. Ils le firent ainsi: une longue lance, plaquée d'or, avec une traverse au haut en forme de croix, à laquelle ils attachèrent une bannière de pourpre taillée en carré, brodée d'or, et montée en pierres précieuses qui brillaient d'un éclat merveilleux; vers la pointe était dépeint l'empereur entre ses deux fils; au-dessus de la croix était placé une couronne couverte d'or et de bijoux, dans laquelle le symbole sacré - à savoir les deux premières lettres du Christ en Grec, X et P, l'une mise sur l'autre en croix. Il porta cette devise ci-après, non seulement sur son bouclier, mais aussi sur ses pièces de monnaie dont il existe encore plusieurs (Cette devise était aussi celle du dieu Apollo adoré par les soldats romains et qu'ils surent reconnaitre).

 

Dans la bataille qui suivit Constantin défit Maxentius, et il rentra à Rome en triomphe. Une copie fut alors publiée en faveur des Chrétiens et une copie en fut envoyée à Maxime dans l'Est.

 

Nous ne pouvons clore le récit de ces persécutions sous les empereurs romains, sans attirer l'attention sur la colère évidente que le Tout-Puissant manifesta envers les persécuteurs. L'histoire montre que nulle nation ou individu ne peut prospérer où le Christ, le fils de Dieu est méprisé. Pendant ces événements, les Romains ne souffrirent pas seulement des pestes et ne furent pas seulement détruits par leurs propres empereurs, mais aussi par les guerres civiles dont trois arrivèrent en deux ans à Rome après la mort de Néron. Dans les jours de Tibérius 5,000 Romains furent blessés ou tués en une fois par la chute d'un théâtre. Des Juifs, environ ce temps-là, il fut détruit par Titus et Vespasien 11,000, outre ceux que Vespasien tua en soumettant la Galilée, et ceux qui furent envoyés en Égypte et autres provinces en esclavage au nombre de 17,000. Deux mille furent amenés avec Titus en triomphe; plusieurs d'entre eux il livra pour être dévorés par les bêtes féroces, tandis que le reste fut mis à mort cruellement. Par ceci, toutes les nations peuvent voir ce qu'il en coûte de rejeter la révélation de Dieu, et encore plus de persécuter ceux que Dieu envoient pour leur salut.

 

CHAPITRE II

CONTENANT UN RÉCIT DES PERSÉCUTIONS SOUS JULIEN L'APOSTAT.  

Julien, l'apostat était le neveu de Constantin le Grand. Constantin mourut dans l'année 361 et alors Julien lui succéda; mais il n'eut pas plus tôt obtenu la dignité impériale qu'il renonça au christianisme pour le paganisme. Il rétablit le culte idolâtre, rouvrit les temples qui avaient été fermés, rebâtit ceux qui avaient été détruits et ordonna aux magistrats et au peuple de suivre son exemple; mais il ne promulgua aucun édit contre le Christianisme. Il rappela tous les païens bannis, permit à toutes les sectes le libre exercice de leur religion, mais il priva tous les Chrétiens d'emploi à la cour, dans la magistrature ou dans l'armée. Il était chaste, tempérant, vigilant, laborieux et pieux en apparence; de sorte que par ses prétendus vertus il fit, pour un temps, plus de mal au Christianisme que le plus dissolu de ses prédécesseurs.

 

Le plus célèbre martyr pendant son règne fut Basile, qui par son opposition à l'arianisme s'était fait connaître au loin. Ceci lui attira la vengeance de l'évêque Arien de Constantinople, qui publia une ordonnance pour l'empêcher de prêcher. Il continua, cependant, à remplir son office à Ancyre, la capitale de Galatie, jusqu'à ce que ses ennemis l'accusassent d'être un incendiaire et un perturbateur de la paix publique.

 

Un jour, rencontrant un nombre de païens allant en procession à un sacrifice, il exprima hardiment son horreur de leurs procédés idolâtres. Ce qui provoqua les gens à le saisir et à le mener devant le gouverneur, qui, le trouvant un Chrétien zélé, commanda d'abord de le mettre à la torture et ensuite à l'emprisonner. Basile, non-seulement continua ferme, mais avec un esprit prophétique prédit la mort de l'empereur et ses tourments dans l'autre monde. Julien dit alors à Basile en grande colère, que quoiqu'il fut enclin d'abord à lui pardonner, sa conduite l'en avait rendu incapable. Il commanda alors que le corps de Basile fut déchiré chaque jour à sept différentes places jusqu'à ce que la peau et les chairs fussent entièrement écorchées. Cette sentence barbare fut exécutée avec rigueur, et le martyr expira sous la peine le 28 Juin, 362.

 

Urbanus, Menidemus, Theodorus et quatre-vingts autres membres du clergé à Constantinople, pétitionnèrent l'empereur de les garantir de l'oppression et des cruautés des Ariens. Mais le tyran, au lieu de cela, commanda de les embarquer sur un vaisseau que l'on devait mettre en feu. Cet ordre ayant été exécuté, ils périrent tous dans les flammes.

 

CHAPITRE III

LA PERSÉCUTION DES VAUDOIS ET DES ALBIGEOIS.  

Bérenger, environ l'an 1,000, prêcha hardiment la vérité évangélique suivant sa simplicité primitive. Plusieurs embrassèrent par conviction sa doctrine et furent, pour cette raison, appelés Berengariens. Il fut succédé par Pierre Bruis qui prêcha à Toulouse, sous la protection du comte Hildephonsecs; et les doctrines des réformateurs, avec les raisons de leur séparation de l'église de Rome, furent publiées dans un livre écrit par Bruis, sous le titre de l'Ante-Christ. Dans l'année 1140, le nombre des réformés était si grand que le pape s'en alarma et il écrivit à plusieurs princes de les bannir de leur royaume et il employa des savants à écrire contre eux. Pierre Valdo, natif de Lyon, devint à cette époque un adversaire actif de la papauté; et de lui les réformés reçurent le nom de Valdoyson Vaudois (Ceci n'est pas l'indication de l'origine des Vaudois dont la source provient de l'église Italique fondée par Corneille et ceux de sa maison - Ac. 10:1). Quand le pape Alexandre Trois fut informé de ces faits, il excommunia Valdo et ses adhérents, et commanda à l'évêque de Lyon de les exterminer. Ainsi commença les persécutions papales contre les Vaudois.

 

Valdo demeura trois ans caché à Lyon, quoique l'on fisse des recherches soignées pour l'arrêter mais enfin il échappa aux montagnes du Dauphine. Il trouva bientôt le moyen de propager ses doctrines dans le Dauphiné et la Picardie, ce qui exaspéra tellement Philippe, roi de France, qu'il mit cette dernière province sous le régime militaire; détruisant les châteaux de 300 gentils hommes, rasant des villes emmuraillées, brûlant plusieurs des réformés et en chassant d'autres dans la Normandie et l'Allemagne.

 

Malgré ces persécutions la religion réformée continua à fleurir, et les Vaudois devinrent plus nombreux que jamais. Enfin le pape les accusa d'hérésie, et se servit de tous les moyens possibles pour les extirper; tel que excommunications, anathèmes, canons, constitutions, décrets, etc., par lesquels on les rendait impropres de tenir des places de confiance, d'honneur ou de profit; leurs terres furent confisquées, leurs marchandises saisies et on ne permettait pas de les enterrer en terre bénite.

 

Les ministres réformés continuèrent à prêcher hardiment contre la religion romaine; et Pierre Valdo en particulier, partout où il allait, affirmait que le pape était l'antéchrist; que la messe était une abomination, que l'hostie était une idole et que le purgatoire était une fable. Ces procédés firent naître l'inquisition, car le pape Innocent III. nomma certains moines inquisiteurs, pour découvrir et livrer les réformés au pouvoir séculier. Ces moines, sur le moindre soupçon ou information livraient les réformés au magistrat et le magistrat les délivrait au bourreau. Le procédé était court, puisqu'une accusation était considérée suffisante pour établir le crime et qu'un procès impartial n'était jamais accordé à l'accusé.

 

En l'an 1380, un moine inquisiteur, nommé Francis Boralli reçut du pape Clément VII. une commission pour rechercher et punir les Vaudois en différents endroits. Il alla à Ambrone, et somma les habitants de paraître devant lui : ceux de la religion réformée furent livrés au bras séculier et brûlés; et ceux qui ne se présentèrent pas furent excommuniés, et eurent leurs biens confisqués. Dans la distribution de ces biens, le clergé eut la part du lion, plus des deux tiers lui échurent.

 

En l'an 1400, les Vaudois demeurant dans la Vallée de Pragela furent soudainement attaqués par un corps de troupes, qui pillèrent leurs maisons, assassinèrent les habitants ou les chassèrent dans les Alpes où un grand nombre furent gelés à mort, car c'était au fort de l'hiver. En 1460, une persécution fut commencée dans le Dauphiné par l'archevêque d'Ambrone, qui employait un moine, nommé Jean Vayleti qui procéda avec une telle violence, que non-seulement les Vaudois mais même plusieurs papistes en furent les victimes; car si quelqu'un d'entre eux exprimait de la compassion ou de la piété pour ce peuple inoffensif, il était sûr d'être accusé de partialité pour les hérétiques et de partager leur sort. Enfin les actes de Vayleti devinrent si intolérables, qu'un grand nombre de papistes signèrent une représentation contre lui à Louis XI., roi de France, qui envoya un ordre au gouverneur du Dauphiné d'arrêter la persécution. Vayleti, toutefois, par ordre de l'archevêque la continua; car pronant avantage de la dernière clause de l'édit, il prétendit qu'il ne faisait rien de contraire à l'ordre du roi qui avait ordonné de punir ceux qui affirmaient quelque chose contre la foi catholique. Cette persécution fut enfin terminée par la mort de l'archevêque en 1487.

 

En 1487, le pape Innocent VIII. détermina de persécuter les Vaudois, et demanda l'aide du roi de France qui envoya son lieutenant dans la vallée de Loyse dans le but de les exterminer. Les Vaudois se sauvèrent dans des antres et des cavernes et autres retraites; mais leurs cruels ennemis placèrent des fagots à leurs ouvertures et y mirent le feu, on compute que 3,000 furent suffoqués de cette manière barbare.

 

Vers la fin du quinzième siècle les chefs des familles de Merindol furent sommés de se présenter devant une cour ecclésiastique. Quand ils se reconnurent comme Vaudois, on ordonna qu'ils fussent brûlés, leurs familles proscrites, leurs habitations dévastées et les bois qui entouraient la ville abattus, de sorte que l'ensemble parût désolé. Le roi, toutefois, étant informé de ce décret barbare, en contremanda l'exécution; mais son ordre fut supprimé par le cardinal Tournon, et les plus grandes cruautés furent commises sans impunité.

 

Le président de Opède envoya des soldats pour brûler quelques villages occupés par les protestants. Ils n'exécutèrent cette commission que trop fidèlement, l'excédant même en traitant brutalement ses habitants, n'épargnant ni l'enfance, ni l'âge ni le sexe. Il défendit à tous de donner assistance ou nourriture aux persécutés. Il marcha ensuite contre Cabrières, et commença à la battre à coups de canon. Alors il n'y avait pas au-delà de soixante pauvres paysans avec leurs familles dans la ville; et ils lui envoyèrent dire qu'il n'avait pas besoin de dépenser de la poudre et du plomb sur la place puisqu'ils étaient disposés à ouvrir les portes et de se rendre, pourvu qu'on leur permit de se retirer sans être inquiétés à Genève ou en Allemagne. On le leur promit; mais les portes n'étaient pas plutôt ouvertes que le président ordonna de tailler les hommes en pièces, ce qui fut immédiatement exécuté. Plusieurs femmes et enfants furent conduit dans une grande grange qui fut mise en feu et ils périrent tous dans les flammes.

 

Enfin, le jugement de Dieu atteignit ce monstre de cruauté; il fut frappé d'une maladie affreuse et cruelle. Étant à l'extrémité il envoya chercher un chirurgien à Arles, qui lui dit, après avoir examiné sa maladie, qu'elle était d'une nature particulière, et pire que celle qu'il avait jamais rencontré chez mille autre personnes. Il le réprimanda pour ses cruautés, et lui dit qu'à moins qu'il ne se repentit, il pouvait s'attendre que la main du ciel s'appesantirait davantage sur lui. En entendant cela, le président s'emporta, et commanda à ses gens de saisir le chirurgien; mais il trouva le moyen d'échapper, et bientôt après la maladie du président s'accrut terriblement. Comme il avait obtenu du soulagement de l'opération chirurgical, il envoya chercher le médecin; son message était accompagné d'une apologie pour sa conduite précédente, et une promesse de sécurité. Le chirurgien, oubliant le passé, alla à lui, mais trop tard pour lui être d'aucun service; car il trouva le tyran se conduisant comme un aliéné et s'écriant qu'il avait un feu au dedans de lui. Après avoir blasphémé quelque temps, il expira dans une affreuse agonie; et son corps au bout de quelques heures devint si repoussant que personne ne pouvait résister auprès de lui.

 

La Persécution des Albigeois.  

Les Albigeois appartenaient à la religion réformée, qui habitaient la campagne de Albi. Ils furent condamnés dans le concile de Latran, par ordre du pape Alexandre III.; mais ils crurent si rapidement, que plusieurs villes furent habitées exclusivement par des personnes de leur foi, et plusieurs nobles éminents embrassèrent leurs doctrines. Parmi ceux-ci furent le comte de Toulouse et de Foix. Le pape prétendit qu'il désirait les attirer à foi romaine par le raisonnement et la persuasion, et, dans ce but il ordonna une conférence générale dans laquelle les docteurs papistes furent vaincus par les arguments de Arnold un ministre réformé.

 

Un moine, nominé Pierre, ayant été assassiné dans le domaine du comte de Toulouse, le pape fit de ce meurtre un prétexte pour persécuter ce noble et ses sujets. Le comte, en apprenant cela, écrivit au pape, l'assurant qu'il n'avait pas prêté la main en aucune manière à la mort de Pierre; parce que ce moine avait été tué par un noble qui s'était immédiatement après enfui de son territoire. Mais le pape ayant déterminé sa destruction, une armée formidable, avec plusieurs nobles et prélats en tête, commencèrent leur marche contre les Albigeois. Le légat du pape étant à Valence, le comte s'y rendit, et lui dit, qu'il était surpris que des hommes armés fussent envoyés contre lui avant d'avoir produit aucune preuve de sa culpabilité. Il se rendit donc volontairement lui-même, fort du témoignage d'une bonne conscience, espérant que les troupes seraient ainsi empêchées de piller ses sujets innocents. Le légat répondit qu'il ne pourrait contremander les ordres donnés aux troupes, à moins qu'il ne lui livra sept de ses châteaux fortifiés comme sécurités. Le comte s'aperçut de son erreur en se soumettant, mais il était trop tard; il envoya donc les ordres de livrer les châteaux. Le légat du pape n'eut pas plus tôt mis garnison dans ces places, qu'il ordonna aux gouverneurs de se présenter devant lui. Quand ils vinrent, il dit, "Que le comte de Toulouse, ayant livré ses châteaux au pape, ils devaient se considérer maintenant comme sujets du pape, et non du comte; et qu'ils devaient en conséquence agir suivant leur nouvelle allégeance." Les gouverneurs furent étonnés de voir leur Seigneur en captivité, et eux-mêmes forcés dans une nouvelle allégeance. Mais ce qui les affligea encore plus furent les affronts que l'on accumula sur le comte; car il fut dépouillé, conduit neuf fois autour du tombeau du moine Pierre, et sévèrement fouetté devant le peuple. L'armée commença à assiéger Béziers; et le comte de Béziers, pensant qu'il était impossible de défendre la place, sortit, et implora miséricorde pour les habitants; faisant entendre qu'il y avait autant de catholiques romains que de Vaudois dans la ville. Le légat répondit que les excuses étaient inutiles; que la place devait se rendre à discrétion ou que les plus affreuses conséquences s'en suivraient.

 

Le comte de Béziers, retournant à la ville, dit aux habitants qu'ils ne pourraient obtenir aucune faveur, à moins que les Albigeois n'abjurassent leur religion et ne se conformassent à l'église de Rome. Les catholiques romains pressèrent les Albigeois à céder; mais les Albigeois répondirent noblement, qu'ils n'abandonneraient pas leur religion pour le prix méprisable d'une vie fragile; que Dieu pouvait, s'il lui plaisait, les défendre; mais s'il voulait être glorifié par la confession de leur foi jusqu'à la mort, ce serait un honneur pour eux de mourir pour lui.

 

Leurs ennemis, trouvant inutile de les presser, envoyèrent leur évêque au légat, le suppliant de ne pas les inclure dans le châtiment des Albigeois; et le pressant d'essayer de gagner ces derniers par la douceur et non par la rigueur. En attendant ceci le légat se mit en colère, et déclara que "si toute la ville ne reconnaissait pas leur faute ils tomberaient tous sous la même malédiction, sans distinction de religion, de sexe on d'âge." Les habitants refusant de céder à de telles conditions, la place fut prise par assaut, et toutes espèces de cruautés employées; on n'entendait que les gémissements d'hommes baignant dans leur sang; les lamentations des mères, qui, étant maltraitées par les troupes voyaient leurs enfants arrachés de leurs bras et mis en pièces devant leurs yeux. La ville étant mise en feu dans différentes parties, ceux qui se cachaient dans leurs demeures étaient forcés d'y rester et de périr dans les flammes, ou d'en sortir et de tomber sous l'épée des soldats. Le légat sanguinaire, pendant ces actes infernaux, jouissait du carnage et criait même aux troupes, "Tuez-les, tuez-les tous; tuez hommes, femmes et enfants; tuez les Catholiques aussi biens que les Albigeois, car quand ils seront morts le Seigneur saura choisir les siens." Ainsi, la belle ville de Béziers fut réduite en un monceau de ruine; et soixante mille personnes de différents âges et des deux sexes furent tuées.

 

Le comte et quelques autres échappèrent à Carcassonne qu'ils mirent en excellent état de défense. Le légat, ne désirant pas perdre une occasion de répandre le sang pendant, les quarante jours que les troupes devaient servir, les conduisit immédiatement contre Carcassonne. Un furieux assaut fut fait, mais les assiégeants furent repoussés avec un grand carnage; et dans cette occasion le comte donna la plus grande preuve de son courage, encourageant les assiégés et leur criant, "Il vaut mieux que nous mourrions en combat, tant que de tomber dans les mains d'ennemis aussi bigots et sanguinaires." A deux milles de Carcassonne se trouvait une petite ville du même nom que les Albigeois avaient également fortifiée. Le légat, enragé de l'échec qu'il venait de recevoir, se décida à se venger sur cette ville; le matin suivant il fit un assaut, et quoique la place fût bravement défendue, il la prit à l'assaut et la fit passer au fil de l'épée. Il se détermina alors à s'emparer du comte de Béziers; et par de solennelles promesses de sécurité personnelle il réussit à accomplir son dessein. Le comte crut ce légat parjure, mais il fut saisi et jeté en prison, où bientôt après il mourut. Le légat assembla les prélats et les seigneurs de son armée, leur disant qu'il était nécessaire qu'il y eut un général séculier, sage, vaillant, pour commander leurs affaires. La charge fut acceptée par Simon, comte de Monfort. Quatre mille hommes furent laissés en garnison à Carcassonne; et le comte de Béziers décédé fut remplacé par le comte Simon, un bigot catholique romain qui menaça de punir les Albigeois s'ils ne se conformaient pas. Mais le roi d'Arragon, qui, dans le cœur, était de la religion réformée, encouragea secrètement les Albigeois et leur donna l'espérance que, s'ils agissaient avec prudence, ils pourraient secouer le joug de Simon. Ils prirent son conseil, et pendant que Simon était allé à Montpellier, surprirent plusieurs de ses forteresses et furent heureux dans plusieurs expéditions contre ses, officiers.

 

Cette conduite exaspéra tellement le comte que, revenant de Montpellier, il réunit ses forces et marcha contre les Albigeois et commanda de brûler immédiatement tous les prisonniers qu'il prendrait. Recevant de nouvelle aide, il attaqua le château de Béron, et n'en rendant maître, il ordonna que la garnison fût cruellement mutilée et privée de la vue - une seule personne exceptée, et elle ne fut qu'en partie rendue aveugle afin de pouvoir conduire le reste à Cabaret. Simon entreprit alors le siège de Menerbe, qui, à cause du manque d'eau, fut obligée de céder à ses forces. Le seigneur de Termes, le gouverneur, fut mis en prison où il mourut: sa femme, sa sœur, et sa fille furent brûlées et 180 personnes furent livrées aux flammes. Plusieurs autres châteaux se rendirent à lui; dont les habitants furent tués de la manière la plus barbare.

 

Bientôt après, le légat du pape convoqua un conseil à Montpellier pour renouveler ses opérations militaires contre les Albigeois, et pour honorer convenablement le comte Simon. A l'assemblée du conseil, le légat fit beaucoup de compliments au comte, et déclara qu'il devrait être prince de tous les pays qu'il pourrait, dans le futur, prendre aux Albigeois; en même temps, par ordre du pontife, il l'appela le soldat actif et habile de Jésus-Christ et le défenseur invincible de la foi catholique. Au moment où le comte allait lui offrir des remerciements, un messager lui apporta, la nouvelle que le peuple avait appris que le comte Simon était au conseil, et qu'ils avaient pris les armes et s'en venaient pour le détruire. Cette nouvelle jeta la confusion dans le conseil; et Simon, quoique nommé une minute auparavant le défenseur invincible de la foi, fut content de sauter hors de la fenêtre et de se sauver loin de la ville. L'affaire devenant sérieuse, le pape convoqua un concile à Latran dans lequel de grands pouvoirs furent accordés aux inquisiteurs catholiques romains, et plusieurs Albigeois furent mis à mort. Ce concile confirma aussi les honneurs qu'on lui avait décernés et l'autorisèrent à lever une nouvelle armée. Il se rendit immédiatement à la cour, reçut l'investiture du roi de France, et commença à lever des troupes. Ayant maintenant des forces considérables il forma la projet, si possible, d'exterminer les Albigeois, quand il reçut avis que sa comtesse était assiégée dans Narbonne par le comte de Toulouse. Il courut à son secours; les Albigeois le rencontrèrent, lui livrèrent bataille, et le défirent; mais il trouva moyen de se sauver dans le château de Narbonne. Après cela, Toulouse fut reprise par les Albigeois; mais le pape épousant la cause du comte de Simon, il fut une fois de plus capable d'entreprendre le siège de cette ville. Le comte attaqua la place avec véhémence, mais il fut repoussé avec une grande perte. D'après l'avis du légat, toutefois, il attaqua de nouveau, et il fut encore repoussé. Pour comble de malheur, avant que les troupes aient pu revenir de leur confusion, le comte de Foix se présenta à la tête d'une armée formidable attaqua ses troupes déjà démoralisées et les mit en déroute. Le comte faillit se noyer dans la Garonne, dans laquelle il s'était plongé à la hâte pour éviter d'être pris. Ce revers lui brisa presque le cœur; mais le légat du pape continua à l'encourager et lui offrit de lever une autre armée, promesse qu'il mit enfin à exécution, après un délai de trois ans et ce comte bigot put encore prendre les armes. Dans cette occasion il dirigea toutes ses forces contre Toulouse qu'il assiégea pendant neuf mois, quand, dans une des sorties faites par les assiégés son cheval fut blessé. L'animal à cause de sa grande souffrance se sauva avec lui et l'emporta directement sous les remparts de la ville, lorsqu'un archer le blessa à la cuisse avec une flèche; et une femme lui jeta une grosse pierre de la muraille qui le frappa sur la tête et le tua. Le siège fut levé; mais le légat, enragé de ce désappointement, engagea le roi de France à la cause; il envoya son fils assiéger la ville. Le prince français, avec quelques troupes choisies les attaqua tête baissée; mais étant sévèrement repoussé, il abandonna Toulouse pour assiéger Miromand. Il prit cette place d'assaut et passa tous ses habitants au fil de l'épée, qui consistait en 5,000 hommes, femmes et enfants.

 

La persécution contre les Albigeois, fut renouvelée en 1620. Dans une gille nommée Tell, pendant que le ministre prêchait à une congrégation de réformés, les papistes attaquèrent et tuèrent un certain nombre de gens. Une dame distinguée qu'on exhortait à changer de religion, si ce n'était pour elle-même au moins pour l'amour de son enfant, dit: "Je n'ai pas quitté l'Italie, mon pays natif, ni laissé mes biens que j'y possédais pour l'amour de Jésus-Christ, pour le renoncer ici. Quant à mon enfant, pourquoi ne pas le livrer à la mort puisque Dieu donna son fils pour mourir pour moi." Ils lui enlevèrent son enfant et le remirent à une nourrice papiste pour l'élever et tuèrent la mère. Dominico Berto, un jeune homme de seize ans, refusant de se faire papiste, fut mis sur un âne la tête tournée vers la queue qu'il était forcé de tenir dans sa main. Dans cette condition il fut conduit au marché, aux acclamations de la populace; après quoi il fut mutilé et brûlé, jusqu'à ce qu'enfin il expirât dans les souffrances. Une jeune dame, de famille noble, fut saisie et promenée par les rues avec une mitre en papier sur la tête. Après s'en être moquée et l'avoir battue, la cruelle multitude lui dit d'invoquer les saints; elle leur répondit: "Ma confiance et mon salut sont en Christ seulement; car la Vierge Marie, sans les mérites de son fils n'aurait pu être sauvée." Sur cela la multitude se jeta sur elle et la fit mourir.

 

CHAPITRE IV

LES PERSÉCUTIONS EN ESPAGNE, PORTUGAL, ITALIE, ETC.  

L'Origine, les Progrès et les Cruautés de l'Inquisition.  

Au temps du pape Innocent III., la religion réformée avait fait tant de bruit dans toute l'Europe, que les catholiques commencèrent à craindre que leur église était en danger, et le pape institua en conséquence un certain nombre d'inquisiteurs - des personnes qui devaient rechercher les hérétiques, les arrêter et les punir. En tête de ceux-là se trouvait Dominique qui avait été canonisé. Lui et les autres inquisiteurs se dispersèrent dans les divers pays catholiques, et traitèrent les protestants avec la dernière rigueur. Enfin le pape, ne les trouvant pas aussi utiles qu'il l'espérait, résolurent d'établir des cours fixes et régulières de l'inquisition; la première de celles-là se tint à Toulouse dont Dominique devint l'inquisiteur général.

 

Ces cours furent érigées dans d'autres pays, mais l'inquisition espagnol devint la plus puissante et terrible de toutes. Les dominicains (chiens de Dieu) et les franciscains étant les plus zélés des moines, le pape les investit du droit exclusif de présider et d'administrer ces cours. Les moines de ces deux ordres furent toujours choisis de la lie même du peuple, et furent, conséquemment, peu troublés par les scrupules de conscience; ils furent obligés, toutefois, par les règles de leurs ordres de mener une vie très austère, qui leur donnait des manières insociables, et les qualifiait mieux pour leur travail.

 

Le pape donna aux inquisiteurs un pouvoir illimité, comme juges délégués par lui et représentants immédiats de sa personne; on leur permit d'excommunier ou de condamner à mort, comme ils le trouvaient convenable, toute personne accusée d'hérésie; il leur fut permis de publier des croisades contre tous ceux qu'ils jugeaient hérétiques et de faire une ligue avec les princes régnant pour joindre ces croisades avec leurs forces. Environ l'an 1244, leur pouvoir fut de nouveau accru par l'empereur Frédéric II., qui se déclara lui-même le protecteur et l'ami des inquisiteurs, et publia deux cruels édits; que les hérétiques qui continuaient obstinés seraient brûlés, et que ceux qui se repentaient seraient emprisonnés pour la vie.

 

Les officiers de l'inquisition sont - trois inquisiteurs ou juges, un procureur fiscal, deux secrétaires, un magistrat, un messager, un receveur, un geôlier, un agent de possessions confisquées, et plusieurs évaluateurs, conseillers, exécuteurs, médecins, chirurgiens, portiers, familiers et visiteurs qui sont tous sous serment de garder le secret. Leur principale accusation contre ceux qui sont soumis à ce tribunal est l'hérésie qui comprend tout ce qui est dit ou écrit contre la confession de foi ou les traditions de l'église romaine. Les autres articles d'accusation sont: renoncer à la foi catholique et croire que les personnes d'aucune autre religion ne peuvent être sauvées, ou même d'admettre que les dogmes de nulle autre excepté ceux des papistes soient scripturaires ou rationnelles. Deux autres choses aussi encourent le plus sévère châtiment; de désapprouver toute action faite par l'inquisition ou douter de la vérité de quelque chose affirmé par les inquisiteurs.

 

Quand les inquisiteurs ont pris ombrage contre une personne, tous les expédients sont employés pour faciliter sa condamnation; faux serments et témoignages sont employés pour trouver l'accusé coupable et toutes les lois et institutions sont sacrifiées pour assouvir la vengeance la plus bigote. Si une personne accusée est arrêtée et emprisonnée son traitement est déplorable. Le geôlier peut commencer par le fouiller pour livres et papiers qui peuvent faciliter sa conviction, ou pour des instruments qui pourraient servir à son suicide ou à sa fuite; et avec ce prétexte il le vole souvent d'objets de valeur, et même de son habillement. Il est alors jeté en prison. L'innocence, dans une telle occasion, n'est qu'un faible roseau; rien n'était plus aisé que de ruiner une personne innocente. La sentence la plus douce est l'emprisonnement pour la vie; cependant les inquisiteurs procèdent par degrés à la fois subtiles, lents et cruels. Le geôlier s'insinue dans la faveur du prisonnier en prétendant lui donner de bons conseils; et parmi d'autres fausses insinuations il lui dit de demander une audition. Quand il est amené devant le consistoire, la première demande est: "Quelle est votre requête ?" A ceci le prisonnier répond naturellement qu'il aimerait à être entendu. A ceci les inquisiteurs répondent, "Votre audition est - confessez la vérité, ne cachez rien, et reposez-vous-en sur notre bon vouloir." Si le prisonnier fait quelque confession triviale, ils trouvent immédiatement là-dessus un acte d'accusation; s'il est muet, il l'enferme sans lumière ou sans nourriture si ce n'est une petite provision de pain et d'eau jusqu'à ce qu'il soumette son entêtement, comme ils l'appellent; s'il se déclare innocent ils le tourmentent jusqu'à ce qu'il meure de souffrances ou se confesse lui-même coupable.

 

Sur le second examen de ceux qui confessent, ils disent continuellement. "Vous n'avez pas été sincère; vous ne dites pas tout; vous cachez plusieurs choses, et devez être renvoyés dans votre cachot." Quand ceux qui ont été silencieux sont appelés pour un second examen, s'ils continuent à rester muets on les soumet à de telles tortures, soit pour les faire parler ou les tuer; et quand ceux qui se proclament innocents sont examinés de nouveau, un crucifix leur est présenté et ils sont solennellement exhortés d'assermenter leur confession de foi. Cela les met à l'épreuve; il leur faut soit jurer qu'ils sont catholiques romains, ou reconnaître qu'ils ne le sont pas. S'ils reconnaissent qu'ils ne le sont pas, on les poursuit comme hérétiques; s'ils reconnaissent qu'ils le sont, une série d'accusations est mise à leur charge auxquelles ils sont obligés de répondre sur le champ, sans avoir le temps d'arranger leurs pensées. Après avoir répondu verbalement, on leur apportait une plume, de l'encre et du papier pour préparer une réponse par écrit, qui devait coïncider sous tous les rapports avec le verbal. Si les réponses différaient, les prisonniers étaient accusés de prévarication; si l'un contenait plus que l'autre, ils étaient accusés de vouloir user de dissimulation; s'ils s'accordaient tous deux, ils étaient accusés d'artifice prémédité.

 

Après qu'une personne dénoncée est condamnée, elle est sévèrement fouettée, torturée violemment, envoyée aux galères ou condamnée à mort; dans les deux cas les biens étaient confisqués. Après le jugement, une procession est arrangée à la place de l'exécution et la cérémonie est appelé un auto da fé, ou acte de foi. Ce qui suit est un récit exact de l'une de ces farces solennelles, jouées Madrid en l'an 1682: -

 

Les officiers de l'inquisition, précédés de trompettes, de timbales et de leur bannière défilèrent en cavalcade le 20 de Mai au palais du grand carré, où ils déclarèrent par proclamation, que le 30 de Juin la sentence des prisonniers serait exécutée. Il n'y avait pas eu de spectacle de cette espèce à Madrid depuis plusieurs années et pour cette raison les habitants l'attendaient avec beaucoup d'impatience. Quand le jour arriva une foule prodigieuse parut habillée aussi gaîment que leurs moyens le leur permettaient. Sur la place était élevé un échafaud; et là, depuis sept heures du matin jusqu'au soir, furent amenés des criminels des deux sexes: toutes les inquisitions du royaume envoyant leurs prisonniers à Madrid. Vingt hommes et femmes, avec un Mahométan renégat furent condamnés à être brûlés; cinquante Juifs et Juives furent condamnés à un long emprisonnement et à porter un bonnet jaune; dix autres, accusés de bigamie, de sorcellerie et autres crimes, furent condamnés à être fouettés et ensuite envoyés aux galères; ces derniers portaient de grands bonnets de carton, avec une inscription dessus, ayant une corde autour du cou et torche en mains. Dans cette occasion toute la cour d'Espagne était présente. Le fauteuil du grand Inquisiteur fut placé sur une sorte de tribunal plus élevé que celui du roi. Les nobles jouèrent la part des officiers du shérif en Angleterre, conduisant les criminels qui devaient être brûlés et les tenant quoique attachés avec de fortes cordes; le reste des victimes étaient conduites par les familiers de l'inquisition. Il y avait parmi elles une jeune Juive d'une exquise beauté n'ayant que dix-sept ans. Étant sur le même côté de l'échafaud sur lequel la reine était assise, elle s'adressa à elle dans l'espérance d'obtenir son pardon, dans le discours pathétique suivant: - "Grande reine ! votre présence royale ne me sera-t-il pas de quelque service dans ma misérable condition ? Ayez égard à ma jeunesse; ah, hélas ! considérez que je suis sur le point de mourir pour professer une religion inculquée dès ma plus tendre enfance ! " Sa majesté sembla la prendre en pitié, mais elle se détourna, n'osant pas dire un mot pour quelqu'un déclaré hérétique par l'inquisition. La messe commença maintenant et vers son milieu le prêtre sorti d'un autel placé près de l'échafaud, et s'assit sur un fauteuil préparé dans ce but. Alors l'inquisiteur en chef descendit de l'amphithéâtre habillé de sa chape et ayant une mitre sur la tête. Après s'être agenouillé à l'autel, il s'avança vers le balcon du roi, suivi de quelques officiers portant une croix et les évangiles, avec un livre contenant les serments par lesquels les rois d'Espagne s'obligent de protéger la foi catholique, d'exterminer les hérétiques, et de supporter de tout leur pouvoir les décrets des inquisitions. A l'approche de l'inquisiteur, présentant son livre au roi, sa majesté se leva tête nue et jura de maintenir son serment; après quoi le roi continua à rester debout jusqu'à ce que l'inquisiteur fût retourné à sa place et alors le secrétaire du saint office monta sur une chaire et administra un serment pareil à toute l'assemblée. La messe commença environ midi et ne finit qu'à neuf heures, étant prolongée par une proclamation des sentences de plusieurs criminels. Vint ensuite le brûlement de vingt-et-un hommes et femmes, dont le courage fut vraiment étonnant; quelques-uns mirent leurs mains et leurs pieds dans les flammes avec la plus indomptable bravoure; tandis que tous agirent avec une telle résolution que plusieurs des spectateurs étonnés déploraient que des âmes aussi héroïques n'aient pas été plus éclairées. Le roi était si près des criminels, que leurs derniers gémissements furent entendus par lui; son serment de couronnement l'obligeait de sanctionner par sa présence tous les actes du tribunal.

 

L'inquisition établie en Portugal est sur le même plan que celui de l'Espagne, ayant été instituée environ en même temps et régie d'après les mêmes règlements. La maison ou plutôt le palais est un bel édifice. Il contient quatre cours, chacune d'environ quarante pieds carrés autour desquelles il y a environ 300 cachots ou cellules. Les cachots sur le rez-de-chaussée sont pour la plus basse classe de prisonniers, et ceux du second étage pour le rang supérieur. Les galeries sont bâties en pierre de taille, et cachées à la vue dedans et dehors par une double muraille d'environ cinquante pieds de haut. Si vaste est toute la prison qui contient tant de détours que personne ne peut trouver son chemin que ceux qui y sont habitués. Les appartements de l'inquisiteur en chef sont vastes et élégants; l'entrée se fait par une grande barrière qui conduit dans une cour autour de laquelle il y a plusieurs chambres et de grands salons pour le roi, la famille royale et le reste de la cour pour s'y tenir et observer les exécutions.

 

Un teston, qui vaut quinze sous, est alloué à chaque prisonnier tous les jours; et le geôlier en chef, accompagné de deux autres officiers, visite chaque prisonnier tous les mois pour savoir comment il veut disposer de sa ration. Des sentinelles parcourent continuellement l'enceinte pour écouter, et si le moindre bruit est entendu d'avertir et de menacer le prisonnier; si le bruit est répété, on le bat sans merci. Ce qui suit est un fait reconnu: - Un prisonnier ayant une mauvaise toux, un des gardes vint lui ordonner de ne pas faire de bruit; il répondit que ce n'était pas en son pouvoir de l'empêcher. La toux augmentant, le garde alla à la cellule, mis à nu le patient et le battit si fort qu'il en mourut bientôt après.

 

Quelques fois un prisonnier passait des mois sans savoir ce dont on l'accusait, ou sans avoir la moindre idée quand son procès devait avoir lieu. Le geôlier enfin l'informait qu'il lui fallait faire une demande pour instruire son procès. L'ayant fait il était conduit tête nue pour son examen. A la porte du tribunal le geôlier frappe trois fois pour donner avis aux juges de son approche. Une cloche est alors sommée par l'un des juges et un assistant ouvre la porte, admet le prisonnier et lui fournit un siège. Le prisonnier reçoit  l'ordre du président de s'agenouiller, et de mettre sa main droite sur un livre qui lui est présenté tout fermé. Ceci étant fait, la question suivante lui est faite: "Voulez-vous promettre de cacher les secrets du Saint-Office, et dire la vérité." S'il répond dans la négative, il est reconduit à sa cellule et là traité cruellement. S'il répond dans l'affirmative, il reçoit l'ordre de s'asseoir de nouveau, et l'examen procède; le président lui demande une foule de questions, et le commis les inscrit ainsi que les réponses. Quand l'examen est clos, la cloche est sonnée de nouveau le geôlier paraît, et le prisonnier reçoit l'ordre de se retirer avec cette exhortation: "Taxez votre mémoire, rappelez-vous tous les péchés que vous avez commis, et quand vous serez ramené ici, faites en part au Saint-Office." Le geôlier et ses assistants ayant appris que le prisonnier a fait une confession ingénue, et répondu volontiers à toutes les questions, lui font une profonde révérence et le traite avec une bonté affectée. Il est amené quelques jours après à un second examen, avec les mêmes formalités qu'avant. Les inquisiteurs trompent souvent leurs prisonniers en leur promettant la plus grande indulgence et même de leur rendre leur liberté, s'ils veulent s'accuser eux-mêmes; les malheureuses personnes qui sont en leur pouvoir tombent fréquemment dans ce piège et sont sacrifiées à leur propre simplicité.

 

Un autre artifice est employé par les inquisiteurs quand un prisonnier a trop de résolution pour s'accuser lui-même et trop de prévoyance pour être attrapé par leur artifice. Une copie d'un acte d'accusation lui est remise, dans laquelle, parmi plusieurs accusations triviales, il est accusé des crimes les plus atroces. Ceci excite sa colère et il se récrit contre de telles faussetés. On lui demande alors quels crimes il peut nier. Il mentionne naturellement les plus énormes et en exprime son horreur; alors l'acte d'accusation lui est arraché des mains et le président s'écrie; "En reniant seulement ces crimes que vous mentionnez vous confessez implicitement le reste; nous procéderons donc en conséquence."

 

Quoique les inquisiteurs ne permettent d'employer la torture que trois fois, elle est si cruelle toutefois que le prisonnier meurt sous la peine, ou continue d'être ci-après un estropié. Ce qui suit est une description des tourments atroces occasionnés par la torture, d'après le récit d'une personne qui l'a souffert trois fois, mais heureusement survécut à ses cruautés.

 

La première application de la torture.  

Un prisonnier, en refusant de se soumettre à la demande inique des inquisiteurs, en confessant les crimes dont on l'accuse, fut conduit immédiatement à la salle des tortures, où il n'y avait d'autre lumière que celle de deux chandelles. Pour que les cris des martyrisés ne fussent pas entendus, la salle était doublée d'une espèce de couverture piquée, couvrant toutes les fentes pour amortir le son. L'horreur du prisonnier était extrême en entrant dans cette place infernale quand soudain il est entouré de six misérables, qui, après avoir préparé les tortures, le dépouillèrent de tout à part son caleçon. Il fut alors mis sur le dos sur un banc élevé de quelques pieds au-dessus du plancher. Ils commencèrent à lui mettre au cou un collier en fer, et un anneau à chaque pied qui le retenait au banc. Ses membres étant ainsi étendus ils entortillèrent deux cordes autour de chaque bras et de chaque cuisse; celles-ci, étant passées sous l'échafaud, étaient bandées en même temps par quatre hommes. La souffrance qui en résultait aussitôt était intolérable; les cordes, qui n'étaient pas grosses, coupaient la chair du prisonnier jusqu'à l'os, faisant jaillir le sang. Comme il persistait à ne pas confesser ce que les inquisiteurs exigeaient, les cordes étaient tirées de la même manière quatre fois de suite. Un médecin et un chirurgien assistaient et lui tâtaient les temples pour juger du danger; par ce moyen ses tortures étaient pour un petit moment suspendues; mais seulement pour qu'il pût se remettre pour endurer plus de torture. Pendant cette extrémité d'angoisse, pendant que la fragile charpente se brisait pour ainsi dire en pièces, tandis que chaque pore éprouvait la douleur la plus aiguë et l'âme agonisante était sur le point de sortir de sa malheureuse demeure, les ministres de l'inquisition regardaient sans émotion et conseillaient froidement à la pauvre victime de confesser sa faute pour obtenir le pardon et recevoir l'absolution. Tout ceci, toutefois, n'eut aucun effet sur le prisonnier dont l'esprit était fortifié par la douce conviction de son innocence et la divine consolation de la religion. Au milieu de ses souffrances corporelles, le médecin et le chirurgien étaient assez barbares pour déclarer, que s'il mourait sous les tortures, il serait coupable par son entêtement, de suicide. La dernière fois que les cordes furent bandées il devint si excessivement faible, par l'arrêt de la circulation du sang, et les souffrances qu'il endurait, qu'il s'évanouit: alors il fut détaché et ramené à son cachot.

 

Seconde application de la torture.  

Les misérables scélérats, trouvant que les tortures qu'ils infligeaient au lieu d'arracher une confession au prisonnier, ne servaient qu'à exciter ses prières au ciel pour obtenir la patience et la force de persévérer dans la vérité et l'intégrité, furent assez inhumains, six semaines après, pour le faire passer par une autre espèce de torture, plus sévère, si possible, que la première; la manière de l'infliger était comme suit: - ils lui forçaient les bras, en arrière, de sorte que les paumes de ses mains étaient tournées en dehors derrière lui; alors, par le moyen d'une corde qui les attachait ensemble aux poignets et qui était remontée par un mécanisme, ils les rapprochaient par degré l'un vers l'autre, de telle sorte que le derrière de chaque main se touchaient et était parallèle l'une avec l'autre. Les deux épaules étaient ainsi disloquées, et une quantité considérable de sang sortait de sa bouche. Cette torture était répétée trois fois; après quoi il était de nouveau reconduit au cachot et remis au médecin et au chirurgien, qui, en remettant les os disloqués, le faisait souffrir des tourments affreux.

 

Troisième application de la torture.  

Environ deux mois après la seconde torture, le prisonnier, étant rétabli, fut de nouveau amené à la salle des tortures; et là, pour la dernière fois, dut endurer une autre espèce de punition qui lui fut infligée deux fois sans intermission. Les exécuteurs attachèrent une grosse chaîne de fer autour de son corps, qui, croisant sur son estomac se terminait à ses poignets. Ils le placèrent alors le dos contre une planche épaisse aux deux extrémités de laquelle se trouvait une poulie, par laquelle passait une corde qui reliait les bouts de la chaîne à ses poignets. Alors l'exécuteur, bandant le bout de la corde par le moyen d'un rouleau placé à distance derrière lui pressait et meurtrissait l'estomac à mesure que les bouts de la chaîne étaient bandés plus fort. Ils le torturèrent de cette manière à un tel degré que les poignets aussi bien que les épaules furent disloqués. Les chirurgiens les remirent, toutefois, bientôt après; mais les barbares, n'étant pas satisfaits, lui firent immédiatement souffrir la torture une seconde fois, qu'il endura avec un égal courage et constance. Il fut alors renvoyé à son cachot, soigné par le chirurgien qui pensait ses blessures et remettait les parties disloquées; et où il continuait jusqu'à ce que sa sortie du cachot le rappelât à une misérable liberté dans ce monde ou son auto da fé l'emportât un monde meilleur.

 

On peut voir d'après ce rapport quelle terrible agonie la victime a dû souffrir en étant si fréquemment mise à la torture. La plupart des membres furent disloqués; tellement meurtri et épuisé qu'il était incapable, pendant des semaines de se porter la main à la bouche: et son corps enfla beaucoup à cause de l'inflammation causée par les fréquentes dislocations. Après sa décharge il sentit l'effet de cette cruauté pour le reste de sa vie, étant fréquemment saisi de douleurs aiguës et torturantes, auxquelles il n'avait jamais été sujet auparavant. Les malheureuses femmes qui tombent dans les mains des inquisiteurs n'obtiennent aucune faveur à cause de leur sexe; mais sont torturées avec autant de sévérité que les autres prisonniers.

 

Si le prisonnier continue à refuser de se confesser il est renvoyé à son cachot; mais on se sert d'un stratagème pour tirer de lui ce que la torture ne peut faire. Un compagnon lui était donné pour le servir; cette personne s'insinuait dans les bonnes grâces du prisonnier, sympathisait avec lui, et prenant avantage des expressions hâtives que lui arrachait la souffrance, s'efforçait de saisir ses secrets. Ce compagnon quelquefois prétendait être un prisonnier comme lui-même pour pousser la malheureuse personne à trahir ses sentiments privés.

 

Francis Romanus, un natif d'Espagne, était employé par les marchands de Anvers à faire des affaires pour eux à Brème. Il avait été instruit dans la foi romaine, mais allant un jour dans une église protestante, il fut frappé des vérités qu'il avait entendues et en sondant les Écritures et les écrits de quelques théologiens protestants, il s'aperçut de la fausseté des principes qu'il avait naguère professés. Résolu de ne penser qu'à son salut éternel, il résigna son agence aux marchands de Anvers, leur donnant avis de sa conversion; et alors dans le but de gagner ses parents à se convertir, il retourna sans tarder en Espagne. Mais les marchands de Anvers écrivant aux inquisiteurs, il fut saisi, emprisonné pour un temps et alors condamné aux flammes comme hérétique. Il fut conduit à la place d'exécution dans un vêtement peint de figures du diable et avec une mitre en papier mis sur la tête, par moquerie. Comme il passait devant une croix de bois, un des prêtres lui ordonna de s'agenouiller devant; mais il refusa absolument de le faire, disant, "ce n'est pas au chrétien à adorer le bois." Ayant été placé sur un tas de fagots, le feu l'atteignit bientôt, alors il leva la tête subitement, les prêtres pensant qu'il avait l'intention d'abjurer, commandèrent de le descendre. Trouvant, toutefois, qu'ils s'étaient trompés, et qu'il demeurait constant dans sa foi, il fut placé de nouveau sur la pile, où aussi longtemps qu'il conserva sa voix et sa vie, il ne cessa de répéter ces versets du septième psaume - "Eternel, mon Dieu ! je me suis retiré vers toi; que la malice des méchants prenne fin et affermis l'homme juste. Je célébrerai l'Eternel à cause de sa justice et je psalmodierai au nom de Dieu très-haut."

 

A St. Lucar, en Espagne, demeurait un sculpteur nommé Rochus, dont la principale occupation était de faire des images des saints et autres, idoles papistes. Devenant, toutefois, convaincu des erreurs de Rome, il embrassa la foi protestante, cessa de tailler des images, et pour subsister s'occupa seulement à graver des seaux. Mais il avait retenu une image de la Vierge Marie comme enseigne; un inquisiteur venant à passer par là lui demanda s'il la vendrait. Rochus mentionna un prix; l'inquisiteur y fit objection et lui offrit la moitié de la somme. Rochus lui répondit, "Je la casserais plutôt en morceaux que d'accepter une telle bagatelle," cassez-la en pièces ! dit l'inquisiteur; "cassez-la en pièces si vous osez !" Rochus, étant provoqué par cette expression, prit un ciseau et enleva le nez de l'image. Cela suffisait; l'inquisiteur s'en alla enragé et bientôt après l'envoya arrêter. En vain plaida-t-il que ce qu'il avait défiguré était sa propriété; et que s'il n'était pas convenable de faire ce qu'il voulait de ce qui était sien, il ne convenait pas à l'inquisiteur de marchander l'image de la manière qu'il avait fait. Tout cela, cependant, ne lui servit de rien; son sort était décidé; il fut condamné à être brûlé, et la sentence fut exécutée sans délai.

 

Un catholique romain espagnol, nommé Juliano, en voyageant en Allemagne, se convertit à la religion protestante et entreprit de faire parvenir dans son pays une grande quantité de bibles cachées dans des tonneaux, et empaquetées comme vin du Rhin. Il réussit à distribuer les livres. Un prétendu protestant, toutefois, qui avait acheté une des bibles, le trahit. Juliano fut arrêté, et des moyens ayant été pris pour trouver les acheteurs des bibles, 800 personnes furent arrêtées. Juliano fut brûlé, vingt furent rôties à la broche, plusieurs emprisonnés pour la vie, quelques-uns furent fouettés publiquement, plusieurs envoyés aux galères, et une très petite quantité furent acquittés.

 

Une demoiselle, nommée Maria de Coccicao, fut prise par les inquisiteurs, et condamné à la torture. Les tourments qu'elle endurait lui firent avouer certaines accusations portées contre elle. Les cordes furent relâchées et elle fut reconduite à sa cellule où elle demeura jusqu'à ce qu'elle eut recouvert l'usage de ses membres; elle fut alors ramenée devant le tribunal et reçut ordre de ratifier sa confession. Ce qu'elle refusa absolument de faire leur disant, que ce qu'elle avait dit lui était arraché par les douleurs extrêmes qu'elle endurait. Les inquisiteurs, exaspérés de cette réponse, commandèrent qu'elle fut encore mise à la torture, quand la faiblesse de la nature prévalut encore une fois, et elle répéta sa première confession. Elle fut immédiatement reconduite à sa cellule; et ramenée une troisième fois devant les inquisiteurs, ils lui ordonnèrent de liguer sa première et sa seconde confession. Elle répondit comme avant, mais ajouta, "J'ai deux fois succombé aux faiblesses de la chair, et peut-être que, soumise à la torture, serai-je assez faible pour le faire encore; mais soyez certain que, si vous me torturez cent fois, aussitôt que je serai relâchée je renierai la confession qui m'aura été extorquée par la souffrance." Les inquisiteurs ordonnèrent alors qu'elle fût mise à la torture une troisième fois; et durant cette dernière épreuve elle endura les tourments avec le plus grand courage et ne put être persuadée de répondre à aucune des questions qui lui furent posées. Comme son courage et sa constance croissaient, les inquisiteurs au lieu de la mettre à mort la condamnèrent à être fouettée en parcourant les rues publiques et la bannirent pour dix ans.

 

Une dame d'une noble famille de Séville, nommée Jeanne Bohorquia fut arrêtée sur information donnée par sa sœur, qui avait été torturée et brûlée pour professer la religion protestante. Mise à la torture elle confessa avoir fréquemment conversée avec sa sœur sur le protestantisme; et sur cette confession forcée Jeanne fut saisie, et mise à la torture qui fut si sévère qu'elle expira, une semaine après, des blessures et des meurtrissures reçues.

 

Isaac Orobio, un savant médecin, ayant battu un domestique moresque pour vol, fut accusé par lui de professer le judaïsme et l'inquisiteur arrêta le maitre sur cette accusation. Il fut détenu trois mois en prison avant de recevoir la moindre information de ce dont il aurait à souffrir et alors il fut exposé aux modes de torture suivants: Un habit grossier lui fut mis et tellement bandé que la circulation du sang fut presque arrêtée et le souffle presque sorti de son corps. Après cela les cordes furent soudainement relâchées, et l'air se frayant un chemin subitement dans l'estomac, et le sang se précipitant dans les veines il souffrit la douleur la plus aiguë. Il fut mis sur un banc le dos contre la muraille où des poulies en fer étaient fixées. Des cordes, étaient attachées à plusieurs parties de son corps et de ses membres, furent passées dans les poulies et étant soudainement tirées avec force, tout son corps fut réduit en une masse informe. Après avoir souffert pendant un temps considérable les douleurs de sa position, le siège fut tout à coup ôté et il resta suspendu contre la muraille. Le bourreau alors attacha des cordes autour de ses poignets et il les tira autour de son corps. Le mettant sur le dos, les pieds appuyés sur la muraille ils tirèrent avec une extrême violence jusqu'à ce que les cordes eussent pénétré jusqu'aux os. Il endura cette dernière torture trois fois, et il demeura soixante-dix jours avant que ses plaies ne fussent guéries. Il fut ensuite banni et dans son exil il écrivit le récit de ses souffrance.

 

Il est étonnant que la superstition ait, surtout concernant l'inquisition, toujours étouffé le bon sens et la coutume opposé la raison. Un prince, en vérité, - Don Carlos, l'aimable fils de Philippe II, roi d'Espagne, et le petit fils du célèbre empereur Charles V. - avait l'intention d'abolir cette cour cruelle mais il perdit la vie avant d'avoir pu accomplir ce dessein miséricordieux. Il possédait toutes les bonnes qualités de son grand père sans avoir les mauvaises de son père. Il avait assez de bon sens pour voir les erreurs du papisme et détestait le nom même de l'inquisition. Il blâmait publiquement la cour, ridiculisait la piété affectée des inquisiteurs, et déclarait que s'il parvenait à porter la couronne, il abolirait l'inquisition et en exterminerait les agents. Ceci irrita les inquisiteurs contre lui, et ils déterminèrent en conséquence de le détruire. Ils employèrent leurs émissaires pour répandre les insinuations perfides contre le prince, et enfin créèrent un tel esprit de mécontentement parmi le peuple que le roi fut obligé d'éloigner Don Carlos de la cour.

 

Peu de temps après, le prince ayant montré beaucoup de faveur aux protestants des Pays-Bas, l'inquisition déclara hautement, que comme les personnes en question étaient hérétiques le prince lui-même devait en être un, puisqu'il les recevait. De cette manière ils obtinrent une telle influence sur l'esprit du roi, qu'il sacrifia le sentiments naturels à la puissance de la bigoterie et passa sentence de mort sur son fils unique. Le prince obtint ce qu'on appelle une indulgence - c'est-à-dire qu'on lui laissa le choix du mode de sa mort. Il choisit la saignée et le bain chaud. Un jour de bonne heure tout fut préparé comme il le désirait, alors on ouvrit les veines de ses bras et de ses jambes et il s'affaiblit graduellement jusqu'à la mort sans souffrance apparente, devenant un martyr à la malice inquisitoriale étrangement sanctionnée par la bigoterie de ses parents.

 

CHAPITRE V

DE NOUVEAUX DÉTAILS DES PERSÉCUTIONS DES PROTESTANTS DANS DES PAYS ÉTRANGERS, DURANT LE 16ÈME ET 17ÈME SIÈCLES.  

Horrible Massacre en France, anno, 1572.  

Après une longue série de trouble en France, les papistes, voyant que rien d'efficace ne pourrait être fait contre les protestants à main armée, commencèrent à machiner comment ils pourraient les attraper par la ruse, et cela de deux manières: la première par une prétendue commission envoyée dans les Pays-Bas, que le prince de Navarre et Condé devaient commander. Ceci était seulement pour apprendre quelle puissance et quelle force l'amiral avait à ses ordres, qui ils étaient et quels étaient leurs noms. La seconde était par un mariage entre le prince de Navarre et la sœur du roi; auquel devaient être invités tous les chefs protestants de France. Par conséquent, il commencèrent avec la reine de Navarre, mère du prince qui devait épouser la sœur du roi. Attirée par de belles promesses, elle consentit à venir à Paris. Bientôt après elle tomba malade, et mourut dans l'espace de cinq jours non sans exciter le soupçon d'empoisonnement.

 

Malgré cela le mariage se continua. L'amiral, prince de Navarre et Condé, et plusieurs autres chefs protestants furent induits par les lettres du roi et ses promesses à se rendre à Paris et y furent reçus avec une grande pompe. Le mariage eut lieu le 18 Août, 1572, et fut célébré par le cardinal de Bourbonne. Après cela ils se rendirent au palais de l'évêque pour dîner. Le soir ils furent conduits au palais au centre de la ville pour souper. Quatre jours après, l'amiral, venant de l'assemblée du conseil, fut tiré avec un pistolet chargé de trois balles et blessé dans les deux bras. Des soldats furent appointés à différentes places de la ville pour être prêts à l'ordre du roi; et après que la consigne fut donnée ils s'élancèrent au massacre des protestants, commençant par l'amiral lui-même, qui, étant blessé, fut jeté par la fenêtre dans la rue, où sa tête étant coupée fut embaumée et envoyée au pape. La populace barbare lui coupa les bras et traîna son corps meurtri trois jours dans les rues de Paris, après quoi ils le menèrent à la place de l'exécution et le pendirent par les talons exposé à la moquerie de la populace.

 

Le martyre de cet homme vertueux n'eut pas plutôt eut lieu que les troupes coururent avec rage pour tuer tous les protestants qu'ils connaissaient ou purent trouver dans l'enceinte de la ville. Ceci continua plusieurs jours; mais le plus grand carnage eut lieu les trois premiers jours pendant lesquels on dit que 10,000 hommes et femmes, jeunes et vieux, de toutes sortes et conditions furent assassinés. Les corps des morts furent portés en voiture et jetés à la rivière, qui avec d'autres courants d'eau de la ville furent rougis du sang des personnes tuées. Au nombre des hommes éminents qui tombèrent dans ce terrible carnage furent Petrus Ramus, Lambines, Plateanus, Lomenius, Chapesius, et autres.

 

Les brutalités de cette période ne furent pas limitées par les murailles de Paris, mais se répétèrent dans d'autres villes et autres parties du royaume, surtout à Lyon, Orléans, Toulouse et Rouen çà les cruautés furent, si possible, même plus grandes que dans la capitale Dans l'espace d'un mois 30,000 protestants, dit-on, furent mis à mort. Quand on reçut à Rome la nouvelle du massacre les plus grandes réjouissances éclatèrent. Le pape et les cardinaux allèrent en procession à l'église St. Marc pour remercier Dieu; une médaille fut frappée en commémoration de cet évènement. On publia un jubilé et les canons tirèrent du château St. Angelo. A la personne qui apporta la nouvelle, le cardinal de Lorraine donna 1000 écus. De pareilles réjouissances eurent lieu dans toute la France sur la destruction apparente des fidèles.

 

Les ennemis de la vérité, rassasiés de massacre, commencèrent à triompher partout dans leur fausse opinion qu'ils étaient les seuls maîtres de la conscience des hommes; et vraiment, il pouvait paraître à la raison humaine que, par la destruction de son peuple, Dieu avait abandonné la terre aux ravages de l'ennemi. Mais il en avait décrété autrement et des milliers qui n'avaient pas plié le genou devant Baal furent appelés à la gloire et à la vertu.

 

L'année suivante Charles IX. mourut, le tyran qui avait été la cause de ces calamités. Il n'était que dans sa 28ème année et sa mort fut remarquable et terrible. Quand il était couché sur son lit de mort le sang jaillit des différentes parties de son corps. Enfin, après de violentes convulsions, et avoir proféré les plus horribles blasphèmes, il en jaillit une telle quantité de sa bouche, qu'il expira.

 

Robert Oguier, sa femme et leurs fils qui furent brûlés à Lisle.  

Samedi, le 6 Mars, 1556, environ vers les dix heures de la nuit le prévôt de   la ville avec ses sergents, fut chercher les protestants rassemblés dans les maisons; mais il n'y avait pas d'assemblée. Ils vinrent donc à la maison de Robert Oguier, qui était une petite église, où le riche et le pauvre étaient familièrement instruits dans les Écritures-Saintes. Étant entrés, ils trouvèrent des livres qu'ils, emportèrent. Mais celui qu'ils cherchaient surtout n'était pas présent, à savoir Baudicon, le fils de Oguier qui était sorti pour aller parler de la Parole de Dieu avec quelques-uns des frères. A son retour il frappa, quand Martin son plus jeune frère lui dit de s'en aller; mais Baudicon, pensant qu'il le méprenait pour quelqu'un d'autre, dit: "C'est moi, ouvre la porte:" sur cela, les sergents ouvrirent disant: "Ah, monsieur, nous sommes heureux de vous rencontrer." Il leur répondit: "Je vous remercie mes amis; vous êtes aussi les bienvenus ici." Alors le prévôt dit: "Je vous arrête tous au nom de l'empereur:" et sur cela il fit lier et mettre en prison le mari, sa femme et leurs deux fils, laissant leurs deux filles pour garder la maison. Quelques jours après, les prisonniers furent amenés devant les magistrats qui les examinèrent. Ils adressèrent la parole à Robert Oguier comme suit: "On nous informe que vous ne venez jamais à la messe et que même vous en dissuadez les autres. On nous apprend de plus que vous entretenez des assemblées dans votre maison où l'on prêche des doctrines erronées et contraire à l'enseignement de votre sainte mère l'église.

 

Il reconnut la première accusation, et justifia sa conduite en montrant, d'après les Écritures, que de dire la messe était contraire à l'enseignement de Jésus-Christ; et il défendit les assemblées religieuses dans sa maison en montrant qu'elles étaient ordonnées par notre divin Sauveur lui-même.

 

Un des magistrats demanda ce qu'ils faisaient quand ils étaient réunis. Baudicon lui répandit, "S'il vous est agréable j'ouvrirai la séance comme en public." Les shérifs lui répondirent, "Eh bien, nous écoutons." Baudicon, levant les yeux au ciel commença ainsi: "Quand nous nous assemblons au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, nous nous agenouillons tout d'abord devant Dieu, et dans l'humilité de notre esprit nous faisons confession de nos péchés devant la Majesté Divine. Alors nous prions que la parole de Dieu nous soit convenablement administrée et purement prêchée: nous prions aussi pour notre souverain seigneur l'empereur, et pour ses honorables conseillers, pour que l'empire soit paisiblement gouverné à la gloire de Dieu: même nous ne vous oublions pas vous que nous considérons nos supérieurs, priant Dieu peur vous et pour cette ville afin que vous la mainteniez en toute tranquillité. Je vous ai ainsi raconté exactement ce que nous faisons: considérez maintenant si nous sommes grandement coupables en ce qui concerne nos rassemblements.

 

Chacun d'eux fit une confession publique de sa foi; et étant renvoyés en prison ils furent mis à la torture pour les forcer à confesser quels étaient ceux qui fréquentaient leur maison; mais ils ne voulurent dévoiler personne excepté ceux qui étaient bien connus des juges, ou qui étaient absents dans ce temps-là. Quatre ou cinq jours après il furent rassemblés encore devant leurs juges, et on leur demanda s'ils se soumettraient à la volonté des magistrats. Robert Oguier et Baudicon son fils, dirent, "Oui, nous le ferons." Alors, demandant la même chose à Martin, le plus jeune frère, il répondit qu'il accompagnerait sa mère; ainsi il fut renvoyé en prison, tandis que le père et le fils furent condamnés à être brûlés vifs. Un des juges dit, après que la sentence fut prononcée: "Aujourd'hui vous irez demeurer avec tous les démons dans le feu de l'enfer." Ayant reçu une sentence de mort, ils retournèrent en prison, joyeux que le Seigneur leur fit l'honneur de les enrôler parmi ses martyrs.

 

Comme ils étaient sur le point de séparer Baudicon de son père, il dit, "Laissez mon père tranquille et ne le dérangez pas; il est vieux et a un corps infirme; ne l'empêchez pas, je vous prie, de recevoir la couronne du martyre." Baudicon fut alors conduit à une chambre à part, et là dépouillé de ses habits et préparé à être sacrifié. Pendant que quelqu'un lui apportait de la poudre pour la mettre sur sa poitrine, un compagnon se tenant auprès dit, "Si tu étais mon frère, je vendrais tout ce que j'ai pour acheter des fagots pour te brûler - tu obtiens trop de faveur." Le jeune homme pondit, "Bien, monsieur, le Seigneur te montre plus de miséricorde." Tandis qu'ils parlaient ainsi à Baudicon, quelques-uns des moines entouraient le vieillard, le pressant de prendre un crucifix dans ses mains, de peur que le peuple ne murmurât contre lui: ajoutant de plus qu'il pourrait par ce moyen élever son cœur à Dieu. Alors, ils l'attachèrent entre ses mains; mais aussitôt que Baudicon descendit et vit ce qu'ils avaient fait, il dit, "Hélas ? mon père que faites-vous maintenant ? allez-vous devenir idolâtre à votre dernière heure ?" Et alors, arrachant l'idole de ses mains qu'ils y avaient fixée, il la jeta loin disant, "Quelle cause a le peuple d'être offensé contre nous pour ne pas recevoir un Christ de bois ? Nous portons sur nos cœurs la croix de Christ, le Fils de Dieu toujours vivant."

 

Une bande de soldats étaient présents à l'exécution. Étant venus à la place, ils montèrent sur l'échafaud; Baudicon demanda alors aux shérifs de confesser sa foi devant le peuple; on lui répondit qu'il devait s'adresser à son père confesseur et se confesser à lui. Il fut alors amené au bûcher où il commença à chanter le 16ème psaume. Le moine s'écria, "N'entendez-vous pas, mon maître quelles dangereuses erreurs ces hérétiques chantent pour tromper le peuple !" Baudicon l'entendant, répondit, "Appelles-tu les psaumes de David des erreurs ? Ce n'est pas étonnant, car vous êtes ainsi accoutumés à blasphémer contre l'Esprit de Dieu." Alors, tournant les yeux vers son père, qui était sur le point d'être enchaîné au bûcher, il dit, "Soyez de bon courage, mon père; le pire sera bientôt passé." Il répéta souvent ces courtes aspirations: "Ô Dieu, Père éternel, accepte le sacrifice de nos corps pour l'amour de Jésus ton fils bien aimé." Un des moines lui cria: "Hérétique tu mens; il n'est pas ton père; le diable est ton père." Pendant cette lutte, il leva les yeux en haut et parlant à son père, il dit: Voici, je vois les cieux ouverts et des millions d'anges prêts à nous recevoir se réjouissant de nous voir rendre témoignage à la vérité devant le monde. Mon père soyons contents et réjouissons-nous car les joies du ciel descendent sur nous. On mit sur le champ le feu à la paille et au bois, qui brûlait dessous, tandis qu'eux ne fuyant pas la souffrance se parlaient l'un à l'autre; Baudicon répétant souvent ceci aux oreilles de son père. "Ne faiblissez pas, mon père, et ne soyez point effrayé; encore un petit moment et nous entrerons dans les demeures célestes." A la fin le feu devenant intense sur eux, les derniers mots qu'on leur entendit dire furent ceux-ci: "Jésus-Christ, toi le fils de Dieu dans ta main nous remettons nos esprit." Et ainsi ces deux là s'endormirent tranquillement dans le Seigneur.

 

Huit jours après, Jane la mère et Martin son fils furent exécutés dans la même ville. On essaya à plusieurs reprises à les faire chanceler dans leur foi; et la mère pendant quelque temps montra de la faiblesse, mais, par les efforts de Martin elle regagna sa première fermeté. Peu de temps après, les émissaires de Satan revinrent supposant la trouver dans la disposition où ils l'avait laissée quand elle dit: "Arrière de moi Satan, car ci-après tu n'as ni part ni portion en moi, je vais, par l'aide de Dieu, rester ferme à ma première confession; et si je ne puis la signer avec de l'encre, je la scellerai de mon sang." Et depuis lors ce frêle vaisseau devint de plus en plus fort.

 

Bientôt après Martin et sa mère furent liés et menés à la place de leur martyre. Sa mère, montant l'échafaud, cria à Martin. "Monte, monte, mon fils." Comme il parlait au peuple, elle dit: "Parle fort, Martin pourqu'il paraisse à tous que nous mourons pour la vérité." Martin aurait fait une confession de sa foi mais on ne lui permit pas de parler. Sa mère étant attachée au poteau dit pour être entendue des spectateurs. "Nous sommes chrétiens et ce que nous souffrons maintenant n'est pas pour meurtre ou pour vol, mais parce que nous croyons ce que la parole de Dieu nous enseigne; nous nous réjouissons tous les deux que nous sommes comptés dignes de souffrir pour cette cause. Le feu fut allumé mais sa grande chaleur n'affecta en rien leur zèle; ils demeurèrent fermes dans leur foi et les mains levées vers le ciel dirent, "Seigneur Jésus nous remettons nos esprit dans tes mains." Et ainsi ils s'endormirent en paix dans le Seigneur.

 

Massacre des Huguenots à Vassy, en Champagne.  

Le duc de Guise, à son arrivée à Joinville, demanda si ceux de Vassy avaient des sermons de prêchés régulièrement par leur ministre. On lui répondit que oui et que le nombre croissait tous les jours. En entendant cela il fut remplit de colère; et, samedi le dernier jour de Février, 1562, il partit de Joinville, et logea dans le village de Damartin éloigné d'environ deux milles et demi. Le jour suivant ayant assisté à la messe le matin, il alla à Vassy accompagné de 200 hommes armés. On commanda à ceux qui étaient papistes de se retirer au monastère, sinon qu'ils s'exposeraient à perdre leur vie. Le duc marcha alors vers l'endroit où l'on faisait le sermon, c'était une grange à 100 pas du monastère. A cette heure-là M. Léonard Mord, le ministre, après la première prière, avait commencé son sermon devant ses auditeurs, qui comprenaient environ 1,200 hommes, femmes et enfants. Les cavaliers approchèrent les premiers de la grange, tirèrent deux arquebuses sur ceux qui étaient dans les galleries près des fenêtres. Les gens voyant leur danger, essayèrent de fermer la porte, mais ils en furent empêchés par les scélérats s'élançant sur eux en tirant leurs épées et criant, "Punition de Dieu ! tuez, tuez ces Huguenots." Le duc de Guise, avec sa compagnie entra précipitamment, abattant les pauvres gens avec leurs épées, poignards et coutelas, n'épargnant ni âge, ni sexe; toute l'assemblée fut si étonnée qu'ils ne savaient pas quel chemin prendre, mais courant ça et là se sauvant comme des brebis devant des loups ravissants. Quelques-uns des meurtriers tirèrent leurs carabines contre ceux qui étaient dans les galleries; d'autres taillèrent en pièces ceux qui se trouvaient en bas; les uns eurent leurs têtes fendues en deux, les bras et les mains coupées; de sorte que plusieurs d'entre eux moururent instantanément sur les lieux. Les murailles et les galleries de l'endroit furent teintes du sang de ceux qui furent massacrés; et telle était la furie des meurtriers, qu'une partie des gens au-dedans furent obligés de briser les toits des maisons dans l'espérance de se sauver sur le faîte. Y étant montés, et craignant de tomber encore entre les mains de ces tigres cruels quelques-uns sautèrent sur les murailles de la ville qui étaient très hautes se sauvant blessés dans les bois et parmi les vignes. Le duc donna ordre aux soldats de tuer surtout les jeunes hommes. Poursuivant ceux qui montèrent sur les toits ils leurs criaient, "Descendez, vils chiens, descendez !" se servant de paroles cruelles à leur égard. La cause pour laquelle quelques femmes échappèrent, d'après le rapport, fut dû à la duchesse, sa femme, qui passant auprès des murailles de la ville et entendant des cris hideux avec le bruit des carabines et des pistolets que l'on déchargeait continuellement, envoya en hâte quelqu'un au duc le priant de cesser sa persécution.

 

Le ministre cessa d'abord de prêcher jusqu'à ce quelqu'un déchargeât son fusil contre la chaire où il se tenait; après cela, tombant à, genoux il pria le Seigneur d'avoir pitié de lui et aussi de son troupeau. Ayant prié, il laissa sa robe derrière lui pensant par là de rester inconnu; mais comme il approchait de la porte il trébucha sur un corps mort, où il reçut un coup d'épée sur l'épaule droite. Se relevant et voulant aller en avant, il fut immédiatement arrêté et grièvement blessé sur la tête avec une épée; tombant par terre et se croyant mortellement blessé, il s'écria, "Seigneur, je remets mon esprit en tes mains car tu m'as racheté, toi Dieu de vérité." Pendant qu'il priait ainsi, un de la bande sanguinaire courut sur lui ayant l'intention de le blesser, mais il plût à Dieu que son épée se rompit à la poignée. Deux messieurs le remarquant dirent: "c'est le ministre, menez-le à mon seigneur le duc." Le conduisant par les bras, ils l'amenèrent levant les portes du monastère, d'où le duc et le cardinal son frère sortant lui demandèrent: "Es-tu le ministre de ce lieu ? Qui t'a rendu assez hardi pour séduire ainsi ce peuple?" " Monsieur," dit le ministre, "Je ne suis pas un séducteur, je leur ai prêché l'Évangile de Jésus-Christ." Le duc apercevant que cette réponse condamnait ses cruels outrages commença à maudire et à jurer, disant, "Mort de Dieu, est-ce que l'Évangile prêche la sédition? Prévôt, va et prépare la potence et pend cet individu." A ces mots, le ministre fut livré entre les mains de deux pages qui le maltraitèrent. Les femmes de la ville étant des papistes ignorantes ramassèrent de la boue pour lui jeter à la figure et lui criant. "Tuez-le; tuez-le varlet qui a été la cause de la mort de tant de gens.

 

Ce massacre continua toute une heure, les trompettes du duc se faisant entendre à plusieurs reprises pendant ce temps. Quand quelques-unes des victimes désiraient d'obtenir leur grâce pour l'amour de Jésus-Christ, les meurtriers leur disaient, en dérision: "Vous vous servez du nom de Christ, mais où est votre Christ maintenant." Il mourut dans ce massacre, dans l'espace de quelques jours, cinquante ou soixante personnes: outre ceux-ci, ii y avait environ 250 hommes et femmes qui furent blessés, dont quelques-unes moururent, une perdant une jambe, une autre un bras, une troisième ses doigts. Le tronc qui était retenu à la porte de l'église par deux crochets en fer contenant $60 fut enlevé et jamais rapporté. Le ministre fut emprisonné et souvent menacé d'être enfermé dans un sac et noyé. Il fut, toutefois, le 8 mai, 1563, mis en liberté à l'instante sollicitation du prince Portien.

 

CHAPITRE VI

RÉCITS DES PERSÉCUTIONS DANS D'AUTRES CONTRÉES.  

Persécutions dans la Bohême et l'Allemagne.  

La rigueur exercée par les catholiques romains sur les églises des Bohémiens, les poussa à envoyer deux ministres et quatre laïques à Rome, en l'an 977 pour obtenir du soulagement du pape. Après quelque retard leur requête leur fut accordée, et leurs griefs redressés. Deux choses en particulier leur furent permises - à savoir, d'avoir le service divin dans leur propre langue et de donner la coupe dans le sacrement aux laïques. Les papes suivants, toutefois, exercèrent tout leur pouvoir pour encourager leurs préjugés sur l'esprit des Bohémiens, tandis que ces derniers avec une grande persévérance s'efforcèrent de préserver leur liberté religieuse. Quelques amis, zélés pour l'évangile, s'adressèrent à Charles, roi de Bohême, en 1375, pour convoquer un concile pour s'enquérir des abus qui s'étaient introduits dans l'Église, et pour en faire une réformation complète. Charles envoya demander au pape son avis; celui-ci lui répondit seulement: "Punissez sévèrement ces hérétiques présomptueux." Le roi banni en conséquence ceux qui avaient fait la demande et imposèrent de nouvelles restrictions sur les libertés religieuses du pays.

 

Le martyre de John Hues et de Jérome de Prague - deux grands hommes amenés à la vérité par les écrits de notre concitoyen, John Wickliffe, l'étoile du matin de la réformation - créa un grand mouvement en faveur de la cause. Ces deux réformateurs éminents furent condamnés par le Concile de Constance, mais cinquante-huit nobles bohémiens interposèrent en leur faveur. Cependant ils furent brûlés; et le pape, avec le Concile de Constance, commanda au clergé romain d'excommunier tous ceux qui adoptaient leurs opinions ou s'apitoyaient sur leur sort. De là s'élevèrent de grandes contentions contre les papistes et les Bohémiens réformés, qui produisirent une violente persécution contre ceux-ci. A Prague elle fut extrêmement violente. Enfin les réformés, poussés au désespoir, s'armèrent, attaquèrent le sénat et jetèrent douze de ses membres avec l'orateur par la fenêtre. Le pape, entendant cela vint à Florence et excommunia publiquement les Bohémiens réformés, excitant l'empereur d'Allemagne et d'autres rois, princes, ducs, etc., à prendre les armes pour les exterminer, promettant la rémission complète des péchés à toute personne qui tuerait un Bohémien protestant. Le résultat de cela fut une guerre sanglante; car plusieurs princes papistes entreprirent la destruction, ou au moins l'expulsion du peuple proscrit; tandis que les Bohémiens, s'armant eux-mêmes, se préparèrent à repousser vigoureusement l'assaut. L'armée papiste vainquit les troupes protestantes à la bataille de Cuttenburgh; ils menèrent leurs prisonniers à trois mines profondes près de la ville, et en jetèrent plusieurs centaines dans chacune où ils périrent misérablement.

 

Un magistrat papiste bigot, nommé Pichel, saisit vingt-quatre protestants, parmi lesquels se trouvait le mari de sa fille. Sur leur profession d'appartenir à la religion réformée, il les condamna à être noyés dans la rivière Abbis. Le jour de l'exécution une grande assemblée s'y rassembla dans laquelle se trouvait la fille de Pichel. Voyant son mari préparé pour la mort, elle se jeta aux pieds de son père, les inonda de larmes et implora le pardon de son mari. Le magistrat insensible lui répondit durement: ".N'intercède pas pour lui mon enfant; c'est un hérétique - un vil hérétique ! " Voici la noble réponse qu'elle lui fit: "Quelques soient ses fautes, ou quoique ses opinions puissent différer des vôtres, il est toujours mon mari," Pichel se fâchat et dit: " Tu es folle ! Ne peux-tu pas, après sa mort, trouver un mari bien plus digne que lui ? "Non, monsieur," répondit-elle," mes affections sont fixés sur lui, et la mort seule peut dissoudre mon vœu du mariage." Pichel continua à se montrer inflexible et commanda que les prisonniers fussent liés pieds et mains derrière le dos et jetés dans la rivière. Ceci étant accompli, la jeune femme sauta au milieu des flots et embrassant le corps de son mari, ils enfoncèrent ensemble.

 

L'empereur Ferdinand, qui haïssait amèrement les protestants institua une haute cour, sur le plan de l'inquisition, avec cette différence, que la nouvelle cour devait se transporter de lieu en lieu, suivie d'un corps de troupe. La plus grande partie de cette cour consistait de Jésuites dont les décisions n'avaient point d'appel. Ce tribunal sanguinaire, suivi de sa garde cruelle fit le tour de la Bohême. Le premier qui en fut la victime était un vieux ministre, qu'ils tuèrent quand il était couché et malade au lit. Le jour suivant ils en volèrent et tuèrent un autre, et bientôt après ils tirèrent sur un troisième pendant qu'il prêchait. Ils attachèrent un ministre et sa femme dos à dos et les brûlèrent. Un autre ministre fut pendu à une traverse et ayant fait du feu au-dessous ils le firent griller. Ils hachèrent un gentilhomme en petit morceaux; ils remplirent la bouche d'un jeune homme de poudre à canon et lui firent sauter la tête. Leur plus grande animosité fut dirigée contre le clergé. Ils saisirent un pieux ministre protestant qu'ils torturèrent tous les jours pendant un mois. Ils le raillèrent et s'en moquèrent; le traquèrent comme une bête fauve jusqu'à ce qu'il fut sur le point d'expirer de fatigue; ils le firent passer par les baguettes chacun le frappant avec leurs poings ou avec des cordes; ils le fouettèrent avec des fils de fer; ils l'attachèrent par les talons jusqu'à ce que le sang lui partit du nez et de la bouche; ils le pendirent par les bras jusqu'à ce qu'ils fussent disloqués, et les lui remirent de nouveau. Des papiers en feu, trempés dans l'huile furent placés sous ses pieds; sa chair fut déchirée avec des tenailles chauffées à blanc; il fut torturé et mutilé cruellement. Du plomb fondu répandu sur ses pieds; et, enfin, une corde nouée fut tordue autour de son front de manière à en faire sortir les yeux. Au sein de toutes ces cruautés, on prit un soin particulier que ses blessures ne se gangrènent pas et que ses souffrances n'en fussent pas raccourcies jusqu'au dernier jour où en lui faisant sortir les yeux il expira. Enfin, l'hiver étant bien avancé la haute cour des juges avec leur bande militaire de brigands retournèrent à Prague; mais sur leur chemin rencontrant un pasteur protestant, ils le mirent à nu et le couvrirent tour à tour de glace et de charbons brûlants. La malheureuse victime expira dans les tourments au grand plaisir apparent de ses persécuteurs inhumains.

 

Vie, Souffrance et Martyre de Jean Huss.  

Jean Huss était un Bohémien, et naquit environ l'an 1380. Ses parents le firent instruire à une école privée; il fut alors renvoyé à l'Université de Prague, où il se distingua bientôt. Le réformateur anglais, Wickliffe, avait tellement allumé le flambeau de la réformation, qu'il commença à illuminer même la Bohème. Ses doctrines furent reçues avec avidité par une grande quantité de personnes; surtout par Jean Huss et ses amis et Jérôme de Prague martyr comme lui. Les réformés croissant chaque jour, l'archevêque de Prague promulgua un décret pour supprimer les écrits de Wickliffe. Ceci, toutefois, eut pour effet de stimuler davantage le zèle des convertis et enfin presque toute l'université s'unit pour les avancer. Dans cette institution l'influence de Huss était très grande, non seulement à cause de son savoir, son éloquence et sa vie exemplaire, mais aussi à cause des privilèges précieux qu'il avait obtenus du roi en faveur des Bohémiens.

 

Fortement attaché aux doctrines de Wickliffe, Huss s'opposa fortement au décret de l'archevêque, qui, cependant obtint une bulle du pape pour empêcher la publication des écrits de Wickliffe dans sa province. Le Dr. Huss protesta contre ces procédés avec d'autres membres de l'université et en appela du jugement de l'archevêque. Le pape n'eut pas plutôt appris ceci, qu'il accorda une commission au cardinal Colunno pour citer Jean Hues à paraître à la cour de Rome. Le Dr. Huss désira être excusé de cette tâche, et il était tellement favorisé en Bohême que le roi Winceslaus, la reine, la noblesse et l'université, désirèrent que le pape se dispensât de le faire paraître; comme aussi il ne voulait pas que le royaume de Bohème fut placé sous l'accusation d'hérésie, mais qu'il permit à tous de prêcher l'Évangile avec liberté, suivant leurs honnêtes convictions.

 

Trois procureurs parurent pour Jean Huss devant le cardinal Colonno. Ils plaidèrent pour excuser son absence, et dirent qu'ils étaient prêts à répondre à sa place. Mais le cardinal le déclara contumax et l'excommunia. Alors les procureurs en appelèrent au pape qui appointa quatre cardinaux pour examiner le procès; les commissaires confirmèrent la sentence et étendirent l'excommunication aux amis et aux adhérents de Huss. De cette injuste sentence Huss en appela à un futur concile, mais sans succès; et étant banni de son église à Prague, il se retira à Hussenitz, sa place natale où il continua à promulguer la vérité dans ses écrits aussi bien que dans son ministère public.

 

Il fut alors sommé de comparaître devant le concile de Constance; et pour dissiper toute crainte de danger, l'empereur lui envoya une passeport, lui promettant sûreté. Il dit à la personne qui le délivra. qu'il n'y avait rien qu'il désirât davantage que de se justifier de l'imputation d'hérésie; et qu'il se sentait heureux d'avoir l'occasion de le faire devant le concile.

 

A la fin de novembre il partit pour Constance, accompagné de deux nobles Bohémiens, éminents parmi ses disciples, qui le suivirent par respect et par affection. Il fit mettre des placards sur les portes des églises à Prague, et il déclara dans les villes où il passait, qu'il allait se justifier à Constance et il invitait ses adversaires à être présents. Sur le chemin il reçut toutes les marques d'affection et de respect de gens de toute espèce.

 

Arrivant à Constance, il se logea dans une partie éloignée de la ville. Bientôt après, il vint à lui un certain Etienne Paletz, qui était engagé par le clergé de Prague à conduire la prosécution. Paletz fut après joint à Michel de Cassis de la part de la cour de Rome. Ces deux préparèrent des articles contre lui qu'ils présentèrent au pape et aux prélats du concile. Malgré la promesse de l'empereur de lui donner un sauf conduit d'aller et retour de Constance, suivant la maxime du concile que "L'on ne doit pas tenir ses promesses aux hérétiques," quand il fut su qu'il était dans la ville, il fut immédiatement arrêté et fait prisonnier dans l'une des chambres du palais. Sur cela, un des amis de Huss fit mention du sauf-conduit; mais le pape répondit qu'il n'en avait pas accordé un, et n'était pas lié par celui de l'empereur.

 

La noblesse de Bohême et de Pologne firent valoir toute leur influence en faveur de Huss; et prévalurent assez pour empêcher qu'il fut condamné sans être entendu, chose que les commissaires semblaient avoir résolu. Avant le procès, un moine franciscain fut employé pour le surprendre dans ses paroles et paraître ensuite contre lui. Cet homme vint à lui en idiot et avec un semblant de sincérité et de zèle, demandant d'être instruit de ses doctrines. Mais Huss découvrit bientôt l'imposture, lui dit que quoique sa manière avait l'apparence de la simplicité, ses questions dévoilaient une profondeur et un but hors de la portée d'un idiot. Il trouva ci-après que ce prétendu fou était Didace, un des plus profonds logiciens de la Lombardie.

 

Enfin, Huss fut amené devant le concile, et les articles contre lui furent lus; il y en avait au-delà de quarante, et extraits surtout de ses écrits. L'extrait suivant, formant le huitième article d'accusation, fournira un exemple de la preuve sur laquelle cet infâme procès fût conduit. "Un méchant pape n'est pas le successeur de Pierre, mais de Judas." "Réponse. J'ai écrit ceci dans mon traité; Si le pape est humble et doux, méprisant l'honneur et le lucre du monde; s'il est berger, nourrissant le troupeau de Dieu avec la parole et un vertueux exemple, et travaille diligemment et soigneusement pour l'église, alors il est sans doute le vrai vicaire de Christ. Mais s'il marche contrairement à ces vertus, d'autant qu'il n'y a pas de rapport entre Christ et Belial, et Christ lui-même, dit, ¨Celui qui n'est pas avec moi est contre moi,¨ comment est-il alors le vrai vicaire de Christ ou de Pierre, et non pas plutôt le vicaire de l'antechrist ? Christ appela Pierre lui-même, Satan, quand il l'opposa seulement pour un mot. Alors, pourquoi, un autre étant plus opposé à Christ, ne serait-il pas appelé Satan, et par conséquent antechrist, ou au moins le principal ministre ou vicaire de l'ante-christ. Des témoignages sans nombre à cet effet se trouvent dans St. Augustin, St. Jérôme, Cyprien, Chrysostôme, Bernard, Grégoire, Remigius, Ambroise, et tous les saints pères de l'église chrétienne,"

 

Après son examen une résolution fut passée par le concile, de le brûler comme hérétique à moins qu'il ne se rétractât. Il fut alors envoyé à une prison malpropre, où le jour il était si chargé de chaînes qu'il pouvait à peine se mouvoir; et chaque nuit il était attaché par les mains à un anneau contre la muraille. Il demeura quelques jours dans cette situation, pendant que plusieurs nobles de Bohême intercédaient en sa faveur. Ils préparèrent une pétition pour son élargissement qui fut présentée au concile par plusieurs des hommes les plus illustres du pays: mais on n'y fit pas attention. Peu de temps après, quatre évêques et deux seigneurs furent envoyés par l'empereur à la prison, pour engager Huss à se rétracter. Mais il prit Dieu en témoin, avec des larmes aux yeux, qu'il n'avait pas conscience d'avoir prêché ou écrit quelque chose contre la vérité ou la croyance de la vraie église. Les députés alors lui représentèrent la grande sagesse et l'autorité du concile: à quoi Huss répondit, "Qu'ils m'envoient la moindre personne du concile qui pourra me convaincre par argument de la parole de Dieu, et je lui soumettrai mon jugement." Cette digne réponse n'eut pas d'effet, et les députés, trouvant qu'ils ne pouvaient faire aucune impression sur lui, partirent, étonnés de sa résolution.

 

Le 4 juillet, il fut, pour la dernière fois, amené devant le concile. Après un examen on lui demanda d'abjurer, ce qu'il refusa de faire sans aucune hésitation. L'évêque Lodi prêcha alors un sermon de persécuteurs violents, choisissant pour texte, "Que ce corps de péché soit détruit." Le sermon fut le prologue ordinaire d'un cruel martyre; son sort était maintenant scellé, sa défense rejetée et le jugement prononcé. Le concile le censura d'être obstiné et incorrigible et commanda qu'il fut dégradé de la prêtrise, ses livres brûlés publiquement, et lui-même livré au pouvoir séculier. Il reçut la sentence sans la moindre émotion: et à la fin de sa lecture il s'agenouilla et avec toute la magnanimité d'un martyr primitif il s'écria: "Que ta miséricorde infinie, O mon Dieu ! pardonne cette injustice de mes ennemis. Tu connais la fausseté de ces accusations: combien chargé de crimes j'ai été représenté; combien j'ai été opprimé par des témoins sans caractère et une fausse condamnation: cependant, O mon Dieu ! que ta grande miséricorde qu'aucune langue ne peut exprimer, prévale auprès de toi pour que tu ne venges pas mes torts."

 

Ces excellentes paroles furent reçues comme autant d'expressions de trahison, et ne tendirent qu'à exciter ses adversaires. En conséquence, les évêques appointés par le concile le dépouillèrent de ses habits sacerdotaux, le dégradèrent et mirent une mitre de papier sur sa tête sur lequel étaient peints des diables avec cette inscription, - "Un chef des Hérétiques." Cette moquerie fut reçut par le martyr héroïque avec un air d'insouciance, et paraissait lui donner de la dignité au lieu de la disgrâce. Une sérénité paraissait sur ses traits, qui indiquait que son âme avait passé par plusieurs étapes d'un voyage fatiguant pour se rendre au royaume du bonheur éternel.

 

La cérémonie de dégradation passé, les évêques le livrèrent à l'empereur, qui le mit sous les soins du duc de Bavière. Ses livres furent consumés aux portes de l'église; et le 6 Juillet, il fut conduit aux faubourg de Constance pour être brûlé vif. Quand il atteignit l'endroit il se mit à genoux, chanta plusieurs portions des psaumes, éleva les yeux fixement vers le ciel, et dit: "Dans tes mains, Ô Seigneur ! je remets mon esprit; tu m'as racheté, Ô Dieu, tout bon et tout fidèle !" Aussitôt que la chaîne fut mise autour de lui au bûcher, il dit, avec un visage souriant, "Jésus-Christ mon Seigneur a été attaché avec une chaîne plus pesante que celle-ci pour moi; pourquoi alors aurai-je honte de cette vieille toute rouillée ?" Quand les fagots furent amoncelés autour de lui, le duc de Bavière fut assez officieux pour lui demander d'abjurer. Sa noble réponse fut, "Non, je n'ai jamais prêché aucune doctrine d'une mauvaise tendance; et ce que j'ai enseigné de mes lèvres je scelle de mon sang." Il dit alors à l'exécuteur, "Vous allez maintenant brûler une oie (le nom de Huss signifiant une oie dans la langue Bohémienne), mais dans un siècle vous aurez un cygne que vous ne pourrez ni rôtir ni bouillir." Si cela a été dit en prophétie, il a voulu dire Martin Luther, qui brilla cent ans après, et qui avait un cygne pour ses armes - soit que ce fut suggéré par cette circonstance ou à cause de l'extraction ou armoiries de famille, cela n'est pas connu. Aussitôt que les fagots furent allumés, le martyr héroïque chanta une hymne d'une voix si forte et si gaie qu'il fut entendu au milieu du craquement du combustible et le bruit de la multitude. Enfin sa voix fut interrompue par les flammes qui mirent bientôt un terme à sa vie mortelle et porta son esprit immortel que nul feu sur terre ne pouvait réduire ou toucher, au séjour de la gloire éternelle.

 

CHAPITRE VII

LÀ VIE, LES SOUFFRANCES ET LE MARTYRE DE JÉRÔME DE PRAGUE - PERSÉCUTIONS DANS LES PAYS-BAS.  

Ce héros de la cause de la vérité naquit à Prague et fut instruit à son université, où il se distingua bientôt par son savoir et son éloquence. Ayant complété ses études, il parcourut une grande partie de l'Europe, et visita plusieurs centres de savoir, particulièrement les universités de Paris, Heidelburg, Cologne and Oxford. A cette dernière il trouva les œuvres de Wickliffe, et étant une personne de grande application, il en traduisit plusieurs dans sa propre langue.

 

Le 4 avril, 1415, Jérôme de Prague vint à Constance. C'était environ trois mois avant la mort de Huss. Il entra la ville privément et consultant quelques-uns des chefs de son parti, fut convaincu qu'il ne pourrait rendre aucun service à son ami. S'apercevant que son arrivée à Constance était connue et que le concile avait l'intention de le saisir, il alla à Iberling, ville impériale à peu de distance. Pendant qu'il y était il écrivit à l'empereur et lui annonça qu'il était prêt à paraître devant le concile, s'il voulait lui donner un sauf-conduit; ceci, toutefois, lui fut refusé. Il s'adressa au concile, mais reçut une réponse aussi peu favorable. Après cela, il fit placer des papiers dans tous les lieux publics de Constance, particulièrement à la porte du palais du cardinal. Il y professait sa disposition de paraître à Constance pour la défense de son caractère et de sa doctrine. Il déclara de plus, que si l'on prouvait qu'il était en quelque erreur, il la rétracterait, désirant seulement que le concile engagea sa parole pour sa sécurité.

 

Ne recevant pas de réponse, il partit pour s'en retourner en Bohême, prenant un certificat signé par plusieurs nobles bohémiens alors à Constance, affirmant qu'il s'était servi de tous les moyens convenables de se procurer une audience. Malgré cela il fut arrêté sur sa route par un officier qui espérait ainsi de recevoir des éloges du concile. Le concile demanda qu'on l'envoya immédiatement à Constance. En conséquence on l'y conduisit dans les chaînes et en chemin il fut rencontré par l'électeur palatin qui fit mettre une longue chaîne autour de Jérôme, avec laquelle il fut même au cloître comme une bête sauvage, où après des insultes et examens, il fut conduit à une tour et attaché à un billot avec les jambes dans des ceps. De la sorte il resta onze jours et nuits, jusqu'à ce qu'enfin tombant dangereusement malade, eux, afin de satisfaire leur malice davantage le sortirent de cette pénible position. Il demeura enfermé jusqu'au martyre de son ami Huss; après quoi on le fit sortir et menacer de tourments et de la mort s'il demeurait obstiné. Dans un moment de faiblesse il oublia sa fermeté et sa résolution, abjura ses doctrines, et confessa que Huss méritait son sort et que lui et Wickliffe étaient hérétiques. En conséquence ses chaînes furent ôtées et on cessa de le maltraiter. Il fut, toutefois, gardé en prison, avec des promesses quotidiennes de libération. Mais ses ennemis soupçonnant sa sincérité, une autre forme de rétraction fut préparée et lui fut présentée. Lui, cependant, refusa de répondre à celle-ci, excepté en public, et il fut amené devant le concile, quand, à l'étonnement de ses auditeurs et à la gloire de la vérité, il renonça à sa rétraction et demanda permission de plaider sa propre cause; ce qui lui fut refusé.

 

On procéda avec les accusations qui furent réduites à cinq articles: - Qu'il était un railleur de la dignité papale, un adversaire du pape lui-même, un ennemi des cardinaux, un persécuteur des évêques et un opposant du christianisme ! A ces accusations Jérôme répondit avec une force étonnante d'éloquence et une puissante argumentation: "Maintenant vers qui me tournerai-je? Vers mes accusateurs? Mes accusateurs sont aussi sourds que des vipères. Vers vous, mes juges? Vous êtes tous prévenus par les artifices de mes accusateurs." Après ce discours il fut reconduit à la prison. Le troisième jour son procès fut appelé et des témoins examinés pour supporter l'accusation. Le prisonnier était prêt pour sa défense ce quii paraît presque incroyable, quand on considère qu'il avait été presque une année enfermé dans un cachot dégoûtant privé de lumière et presque mourant de faim. Mais son esprit s'éleva au-dessus de ces désavantages.

 

Les plus bigots de l'assemblée ne voulaient pas qu'il fut entendu, craignant les effets de son éloquence en faveur de la vérité. Elle était de nature à exciter l'envie des plus grands hommes de son temps. "Jérôme," dit Gerson, le chancelier de Paris, à son accusation, "quand tu étais à Paris tu étais, par le moyen de ton éloquence, un ange, et tu troublais toute l'université." Enfin il fut décidé par la majorité qu'il aurait la liberté de parler en sa défense qu'il commença sur un ton si élevé et qu'il continua avec un tel torrent d'élocution que le cœur le plus endurci fut touché et l'esprit de superstition sembla admettre un rayon de lumière et de conviction. Il commença par montrer par l'histoire le nombre de grands hommes vertueux qui avaient, dans leur temps, été condamnés et punis comme de mauvais sujets, mais que les générations suivantes avaient reconnus avoir mérités l'honneur et la récompense. Il mit devant l'assemblée tout l'exposé de sa vie et de sa conduite. Il remarqua que les plus grands et les plus saints hommes avaient été reconnus comme ayant différé sur des points de spéculation avec l'intention de distinguer la vérité et non de la tenir cachée. Il procéda à défendre les doctrines de Wickliffe, et il termina par observer qu'il était loin de vouloir avancer quelque chose contre l'église de Dieu; qu'il ne se plaignait que des abus du clergé; et qu'il était certainement injuste que le patrimoine de l'église, qui était à l'origine gardé par la charité et la bienfaisance fut prostitué à "la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux et à l'orgueil de la vie," que l'apôtre déclare "n'être pas du Père, mais du monde."

 

Le procès étant fini, Jérôme reçut la même sentence qu'on avait passée sur son compatriote fait martyr et fut, d'après le style de duplicité papiste, remis au pouvoir séculier; mais étant laïc il n'eut pas à passer par la cérémonie de la dégradation. Ses persécuteurs, toutefois, préparèrent pour lui une casquette de papier, peinte de diables rouges qui étant sur sa tête, il dit, "Notre Seigneur Jésus-Christ, quand il a souffert la mort pour moi, misérable pécheur, porta une couronne d'épine sur sa tête, et moi, pour amour pour lui, je vais porter cet ornement de dérision et de blasphème." Pendant deux jours ils remirent l'exécution dans l'espérance qu'il se rétracterait; cependant le cardinal de Florence fit tout en son pouvoir pour le gagner, mais tous ses efforts furent inutiles; Jérôme était décidé de celer sa foi de son sang.

 

Sur le chemin au lieu de l'exécution il chanta plusieurs cantiques; et en arrivant sur la place, la même où Huss avait souffert, il s'agenouilla et pria avec ferveur. Il embrassa le bûcher avec gaieté et courage; et quand l'exécuteur alla derrière lui pour mettre le feu aux fagots, il dit, "Viens ici et allume-le devant mes yeux; car si j'en avais eu peur, je ne serais pas venu ici, ayant eu tant d'occasions de m'échapper." Quand les flammes commencèrent à l'envelopper, il chanta une autre hymne; et les derniers mots qu'on lui entendit dire étaient " C'est à toi, 0 Christ, que dans les flammes j'offre cette âme !" Il était d'une belle et virile taille et possédait une forte et saine constitution, qui servirent à rendre sa mort extrêmement pénible, car on remarqua qu'il vivait un temps inaccoutumé dans les flammes. Lui, toutefois, chanta jusqu'à ce que son âme prit son essor, comme dans un chariot de feu, de la terre au ciel.

 

Persécution dans les Pays-Bas.  

La lumière de l'Évangile se répandant sur le continent et en chassant la nuit obscure de l'ignorance, accrut l'alarme du pape qui poussa l'empereur à persécuter les protestants; plusieurs mille périrent comme martyrs, parmi lesquels se trouvaient les suivants: - Une veuve protestante et pieuse, appelée Wendelinuta, étant arrêtée, plusieurs moines essayèrent de la persuader de se rétracter. Leurs essais, toutefois, n'aboutissant à rien, une dame catholique de sa connaissance désira être admise dans son cachot, promettant de travailler à induire la prisonnière à abjurer sa religion. En étant admise, elle fit tout en son pouvoir pour accomplir sa tâche: mais trouvant ses efforts inutiles, elle dit, "chère Wendelinuta, si vous ne voulez pas embrasser notre foi, au moins gardez ces choses secrètes, et essayez de prolonger votre vie." A ceci la veuve répondit, "madame, vous ne savez ce que vous dites; car avec le cœur on croit à la justice, mais avec la langue confession est faite à salut." Gardant sa foi, ses effets furent confisqués et elle fut condamnée à être brûlée. Au lieu de l'exécution un moine lui présenta une croix; elle répondit, "Je n'adore aucun dieu de bois, mais le Dieu qui est dans le ciel." Elle fut alors exécutée en étant étranglée avant que les fagots fussent allumés.

 

A Colen, deux ministres protestants furent brûlés; un commerçant d'Anvers nommé Nicholas, fut attaché dans un sac, jeté à la rivière et noyé; et Pistorius, un grand savant, fut brûlé sur le marché d'une ville hollandaise.

 

On commanda à un ministre de l'église réformée d'être présent à l'exécution de seize protestants par décapitation. Ce monsieur s'acquitta de ce triste office avec un grand décorum, les exhorta à la repentance, et leur donna des consolations s'appuyant sur les miséricordes de leur Rédempteur. Aussitôt qu'ils furent décapités le magistrat cria à l'exécuteur, "Il vous faut décapiter le ministre; il ne peut jamais mieux mourir qu'avec de si excellents préceptes dans sa bouche et d'exemples aussi louables devant lui." Il fut, en conséquence, décapité quoique plusieurs romains catholiques désapprouvèrent cet acte de barbarie.

 

George Scherter, un ministre à Saltzburg, fut envoyé en prison pour avoir instruit son troupeau dans la vérité de l'Évangile. Pendant qu'il était en prison il écrivit une confession de sa foi: bientôt après il fut décapité, et ensuite brûlé en cendres. Percival, un homme instruit de Louviana, fut assassiné en prison: et Justtu Insparg fut décapité pour avoir eu en sa possession les sermons de Luther. Giles Tolleman, un coutelier de Bruxelles, fut arrêté comme protestant, et les moines essayèrent à maintes reprises de l'induire à se rétracter. Une fois il eut une bonne chance de s'échapper de prison, mais il n'en profita pas. Quand on lui eu demanda la raison, il répondit, "Je ne voudrais pas faire un tel tort à mes gardiens; puisqu'ils devraient répondre de mon absence." Quand il fut condamné à être brûlé, il remercia Dieu avec ferveur de lui avoir permis, par le martyre de glorifier son nom. Remarquant à la place de l'exécution une grande quantité de fagots, il désira que la plus grande partie fût donné aux pauvres, disant, "Une petite quantité suffira à me consumer." L'exécuteur offrit de l'étrangler avant que le feu ne fût allumé, niais il ne voulut point y consentir, lui disant qu'il défiait les flammes; et, à la vérité, il mourut avec un tel calme qu'il semblait à peine en souffrir.

 

En Flandre, environ l'an 1543 et 1544 la persécution devint très violente et furieuse. Bon nombre furent condamnés à un emprisonnement perpétuel; mais la plupart furent mis à mort étant pendus, noyés, brûlés, par la torture ou brûlés vifs. Jean de Boscane fut arrêté dans la cité de Anvers. A son procès il déclara courageusement qu'il appartenait à la religion réformée et sur cela il fut immédiatement condamné. Le magistrat, toutefois, avait peur d'exécuter la sentence publiquement, parce qu'il était universellement respecté pour sa vie inoffensive et sa piété exemplaire, On donna ordre, en conséquence, qu'il fût noyé dans la prison. L'exécuteur, le jeta dans une grande cuve, mais Boscane se débattant et levant la tête au-dessus de l'eau, l'exécuteur le poignarda à différentes places jusqu'à ce qu'il mourût. Jean de Buisons fut, environ en même temps, arrêté secrètement. Dans cette ville le nombre de protestants étant grand, et le prisonnier bien respecté, les magistrats, craignant une insurrection, le firent décapiter en prison.

 

En 1568 on arrêta à Anvers Scoblant, Hues et Coomans. Scoblant fut le premier à subir son procès, persistant dans sa foi il reçut une sentence de mort. A son retour à la prison, il demanda au geôlier de ne permettre à aucun moine de l'approcher; disant, "Ils ne peuvent me faire aucun bien, mais peuvent me déranger beaucoup. J'espère que mon salut est déjà scellé au ciel et que le sang de Christ, auquel je me confie fermement, m'a lavé de mes iniquités. Je vais maintenant ôter ce manteau d'argile pour être revêtu d'une robe de gloire éternelle. J'espère que je serai le dernier martyr de la tyrannie papale, et que le sang déjà versé sera suffisant pour étancher sa soif de cruauté; que l'église de Christ aura du repos ici, comme ses serviteurs en auront ci-après.". Le jour de l'exécution il prit congé de ses compagnons prisonniers d'une manière touchante. Au bûcher il répéta avec ferveur la prière dominicale et chanta le 40ème psaume; alors recommandant son âme à Dieu il termina bientôt son existence terrestre dans les flammes.

 

Peu de temps après, Hues mourut en prison; et à cette occasion Cooman donna expression à ses sentiments devant ses amis ainsi: "Je suis maintenant privé de mes amis et de mes compagnons; Scoblant est mort martyr, Hues est mort par le doigt de Dieu; cependant je ne suis point seul, j'ai avec moi le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; il est ma consolation et il sera ma récompense." Quand il passa son procès Hues confessa hardiment qu'il était de la religion réformée et il répondit avec une fermeté courageuse à toutes les accusations portées contre lui. "Mais," dit le juge, mourrez-vous pour la foi que vous professez?" "Je ne suis pas seulement disposé à mourir," répondit Coomans, "mais aussi à souffrir ce que la cruauté la plus raffinée peut inventer: après quoi mon âme recevra sa confirmation de Dieu lui-même dans l'éternelle gloire." Étant condamné, il alla joyeusement au lieu de l'exécution et mourut avec une résignation et un courage chrétiens.

 

Assassinassion du Prince d'Orange.  

Belthazar Gerad, un bigot catholique romain, pensant avancer sa propre fortune et la cause papale, résolut d'assassiner le prince d'Orange. S'étant pourvu d'arme à feu, il guetta le prince comme il passait dans le grand corridor de son palais a dîner et lui demanda un passeport. La princesse d'Orange, observant dans sa voix et sa manière quelque chose de confus et de singulier, demanda qui il était. Le prince lui dit qu'il désirait avoir un passeport qu'il lui donnerait sur le fait. Après dîner, au retour du prince et de la princesse dans le corridor, l'assassin, caché derrière l'un des piliers, tira sur le prince; la balle entra par le côté gauche et passa à travers le droit, blessa l'estomac et les parties vitales. Le prince n'eut que le temps de dire, "Mon Dieu ayez pitié de mon âme et de ce pauvre peuple !” et il expira immédiatement. La mort de ce prince vertueux créa un chagrin universel dans toutes les Provinces Unies. L'assassin fut immédiatement arrêté et condamné à mort: tel était, toutefois, son enthousiasme et son aveuglement qu'il dit froidement; "Si j'étais libre je ferais la chose de nouveau." Dans les différentes parties de Flandre des quantités tombèrent victimes de la jalousie papiste et de sa cruauté. Dans la ville de Valence, en particulier, cinquante-sept des principaux habitants furent égorgés dans un seul jour, pour avoir refusé d'embrasser les superstitions romaines, outre ceux-là un grand nombre souffrirent dans les prisons jusqu'à ce qu'ils périssent.

 

CHAPITRE VIII

PERSÉCUTION DES PROTESTANTS DANS DIFFÉRENTS PAYS.  

Vers le 14ème siècle, plusieurs Vaudois de Pragela et de Dauphiné émigrèrent en Calabre, où ayant obtenu la permission de s'établir, ils changèrent, par une culture soignée, plusieurs endroits sauvages et stériles en terrains fertiles et magnifiques. Les nobles de Calabre en furent bien satisfaits les trouvant honnêtes, paisibles et industrieux. Les choses allèrent tranquillement pendant quelques années pendant lesquelles les Vaudois se formèrent en deux villes incorporées, annexant plusieurs villages à leur juridiction. Enfin, ils envoyèrent à Genève chercher deux ministres, un pour desservir chaque ville. On en porta la nouvelle au pape Pie quatre qui forma le dessein de les exterminer de la Calabre. Le cardinal Alexandrino, un homme d'un caractère violent et un bigot zélé, fut en conséquence envoyé en Calabre avec deux moines, qui devaient agir comme inquisiteurs. Ces personnes vinrent à St. Xist, l'une des villes bâties par les Vaudois, où ayant assemblé le peuple leur dirent qu'il ne leur seraient fait aucun mal s'ils voulaient accepter des prédicateurs appointés par le pape; mais que sils refusaient ils seraient privés de leurs propriétés et de leurs vies; et que pour les éprouver, la messe serait dite publiquement cette après-midi à laquelle ils devraient assister.

 

Les habitants de St. Xist, au lieu d'obéir, s'enfuirent dans les bois, et désappointèrent ainsi le cardinal. II se rendit alors à La Garde, l'autre ville appartenant aux Vaudois où pour éviter un pareil dilemme, il ordonna que les portes fussent fermées et toutes les avenues gardées. On leur fit alors les mêmes propositions, mais avec l'artifice suivant: le cardinal dit que les habitants de St. Xie avaient immédiatent accédé à sa proposition, que le pape les appointait prédicateurs. Cette fausseté réussit; car les habitants de La Garde pensant que ce que le cardinal disait était la vérité, consentirent à suivre l'exemple de leurs frère de St. Xist.

 

Ayant gagné ce point par fausseté, il envoya des troupes pour massacrer les gens de St. Xist. Il commanda aux soldats de les chasser dans les bois comme des bêtes sauvages, et de n'épargner ni l'âge ni le sexe. Les troupes entrèrent dans les bois et plusieurs pauvres Xistiens devinrent la proie de leur férocité, avant que les Vaudois eussent découvert leur dessein. Enfin, toutefois, ils décidèrent de vendre leur vie aussi cher que possible, et il y eut plusieurs combats dans lesquels les Vaudois à demi-armés firent des prodiges de valeur, et plusieurs furent tués des deux côtés. Enfin, la plus grande partie des troupes étant tuées dans leur différentes rencontres, le reste fut forcé de retraiter, ce qui fâcha tellement le cardinal qu'il écrivit au vice-roi de Naples pour obtenir du renfort.

 

Le vice-roi proclama que dans tout le territoire Napolitain les proscrits, les déserteurs et autres individus condamnés seraient volontiers pardonnés, à condition de faire une campagne contre les habitants de St. Xist et continueraient sous les armes jusqu'à ce qu'ils fussent détruits. Sur cela plusieurs personnes de fortune désespérée vinrent et étant formées en compagnies légères, furent envoyées pour battre les bois et mettre à mort tous ceux qu'ils pourraient rencontrer appartenant à la religion réformée. Le vice-roi lui-même joignit le cardinal, à la tête de forces régulières, et réunis ils essayèrent d'accomplir leur projet sanguinaire. Ils en attrapèrent quelques-uns et les suspendant aux arbres, ils coupèrent les branches et les brûlèrent ou laissèrent leurs corps pour être dévorés par les bêtes ou les oiseaux de proie. Ils en tuèrent plusieurs à distance; mais ils chassèrent et tuèrent le plus grand nombre par amusement. Quelques-uns s'échappèrent dans des cavernes où la famine les fit périr dans leur retraite. Cette cruelle poursuite fut continuée jusqu'à la destruction de ces malheureux.

 

Les habitants de St. Xist étant exterminés, ceux de La Garde attirèrent leur attention. La plus complète protection leur fut offerte, s'ils voulaient embrasser la foi catholique. S'ils refusaient cette offre, on les pousseraient aux dernières extrémités. Les Vaudois, toutefois, refusèrent unanimement de renoncer à leur religion ou d'embrasser les erreurs du papisme. Le cardinal et le vice-roi furent tellement enragés de cela qu'ils ordonnèrent que trente d'entre eux fussent mis immédiatement à la torture pour effrayer le reste. Plusieurs d'entre eux moururent à la torture; un, nommé Charlin, en particulier, fut si cruellement traité que son corps éclata, et il expira au sein de la plus grande agonie. Ces cruautés ne produisirent pas les résultats qu'on attendait; ceux qui survécurent à la torture, et ceux qui ne l'avaient pas éprouvée demeurèrent fermes à leur foi, déclarant que rien ne les indurait à renoncer à Dieu ou à s'agenouiller devant les idoles. En entendant cela ce cardinal endurci commanda que plusieurs d'entre eux fussent dépouillés de leurs habits, et fouettés à mort avec des verges de fer; quelques-uns furent hachés avec des épées; d'autres furent jetés du haut d'une tour élevée; et enfin d'autres couverts de goudron et brûlés vifs.

 

Le vice-roi ayant à retourner à Naples, et le cardinal à Rome, le marquis de Butiane reçu la commission de compléter ce qu'ils avaient commencé, ce qu'il effectua enfin, de sorte qu'il ne resta pas une seule personne de la religion protestante dans la Calabre.

 

Récit des Persécutions dans les Vallées du Piémont.  

Les Vaudois, à cause des persécutions qu'ils endurèrent en France, se sauvèrent, entre autres endroits, aux vallées du Piémont où ils crûrent et fleurirent pendant un temps. Malgré leur conduite inoffensive, toutefois, et leur paiement régulier des dîmes au clergé romain, ce dernier se plaignit à l'archevêque de Turin qu'ils étaient des hérétiques.

 

A Turin, un des réformés eut les entrailles arrachées et placées devant son visage jusqu'à ce qu'il expira. A Revel, Catelin Girard étant sur le bûcher, désira que l'exécuteur lui donnât une pierre; alors Girard la regardant attentivement dit: "Quand il sera du pouvoir d'un homme de digérer cette pierre, la religion pour laquelle je souffre aura une fin et pas avant." Il jeta alors, la pierre par terre et se laissa joyeusement consumer par les flammes. Un plus grand nombre fut opprimé et mis à mort, jusqu'à ce que fatigués de leurs souffrances les Vaudois coururent enfin aux armes.

 

Philippe VII était alors duc de Savoie et seigneur suprême du Piémont. Il se détermina enfin d'arrêter ces guerres sanglantes. Ne voulant pas offenser le pape ou l'archevêque, il envoya leur dire qu'il ne pouvait plus longtemps voir ses domaines envahis par des troupes commandées par des prélats au lieu de généraux; et qu'il ne souffrirait pas que son pays fut dépeuplé.

 

Pendant son règne les Vaudois jouirent de repos; mais à sa mort la scène changea, car son successeur était un papiste bigot. Environ ce temps-là les Vaudois proposèrent que leur clergé prêchât en public, pour que chacun connût la pureté de leurs doctrines; car jusqu'ici ils n'avaient prêché qu'eu particulier et aux personnes de la religion réformée. Jusqu'à présent ils ne possédaient que le Nouveau Testament et quelques livres du Vieux dans leur propre langue. Désireux d'avoir le tout, ils employèrent un imprimeur suisse pour leur en fournir une édition complète pour 1,500 écus d'or (Ce fut la première édition de la Bible d'Olivétan).

 

Quand la nouvelle de cela parvint au nouveau duc, il fut très en colère et envoya un fort détachement de troupes dans la vallée, jurant que si le peuple ne voulait pas se conformer il les ferait écorcher vifs. Le commandant trouva bientôt qu'il ne pouvait conquérir avec le nombre de soldats à ses ordres, il envoya donc dire au duc que l'idée de subjuguer les Vaudois avec une aussi petite force était ridicule; qu'ils étaient familiers avec le pays, s'étaient emparés des défilés, étaient bien armés et déterminés à se défendre; et quant à les écorcher vivants, que chaque peau qu'il arracherait lui coûterait une douzaine de vies. Alarmé de ceci, le duc rappela ses troupes, se déterminant à agir par stratagème. Il offrit donc des récompenses pour tout Vaudois qui serait pris et ceux-là furent soit écorchés vivants ou brûlés.

 

Paul III., un bigot enragé, en montant sur le trône pontifical sollicita le parlement de Turin de persécuter les Vaudois comme étant les hérétiques les plus dangereux. Le parlement y consentit et plusieurs furent saisis et brûlés par son ordre. Parmi ceux-là fut Barthélemy Hector, libraire et papetier de Turin. Il fut élevé comme catholique romain, mais des traités par quelque membre du clergé réformé étant tombés entre ses mains, il fut convaincu des erreurs de l'église de Rome; son esprit fut en suspens pendant quelque temps entre la peur et le devoir. Enfin il embrassa pleinement la religion réformée; il fut pris et brûlé.

 

Une consultation étant de nouveau tenue par le parlement de Turin, il fut convenu que des députés seraient envoyés aux vallées du Piémont avec les propositions suivantes. Que si les Vaudois voulaient retourner à l'église de Rome ils jouiraient de la possession de leurs maisons et de leurs terres et y vivraient sans vexation. Que pour prouver leur obéissance, ils devraient envoyer douze des principales personnes avec tous leurs ministres et instituteurs à Turin, pour y être traités à discrétion. Que le pape, le roi de France et le duc de Savoie approuvaient et autorisaient ces propositions. Que si les Vaudois les rejetaient, la persécution et la mort seraient leur récompense.

 

Les Vaudois firent la noble réponse suivante: Qu'aucune considération ne les ferait renoncer à leur religion. Qu'ils ne consentiraient jamais à confier leurs meilleurs et leurs plus estimables amis à la discrétion de leurs pires ennemies. Qu'ils estimaient l'approbation du Roi des rois plus que celle de toute autorité temporelle. Que leurs âmes étaient plus précieuses que leurs corps et recevraient leur plus grand soin et considération.

 

Ces réponses hardies exaspérèrent le parlement de Turin, qui continua plus ardemment que jamais à s'emparer des Vaudois, qui tombaient dans leurs mains et les mit à mort de la façon la plus cruelle. Parmi ceux-ci se trouva Jeffrey Varnagle, ministre de Angrogne qu'ils firent périr par les flammes. Ils demandèrent bientôt auprès du roi de France un corps de troupes pour les exterminer des vallées du Piémont; mais justement comme les troupes étaient sur le point de se mettre en marche les princes allemands interposèrent et menacèrent d'assister les Vaudois. Sur cela le roi de France envoya dire au parlement de Turin qu'il ne pouvait se passer de troupes et les envoyer en Piémont. Ces sénateurs sanguinaires furent ainsi désappointés, et les persécutions cessèrent graduellement, puisque maintenant ils ne pouvaient mettre à mort que quelques-uns qu'ils attrapaient par hasard.

 

Après quelques années de tranquillité, ils furent encore dérangés. Le nonce du pape venant à Turin, dit au duc de Savoie qu'il était étonné que les Vaudois n'étaient pas encore chassés des vallées du Piémont, ou forcés de rentrer dans l'église; que sa négligence éveillait des soupçons; et qu'il rapporterai l'affaire au pape. Craignant d'être représenté au pape sous de fausses couleurs, le duc, pour prouver son zèle, résolut de déchaîner toute sa cruauté sur les Vaudois inoffensifs. Il leur envoya des ordres d'aller à la messe régulièrement sous peine de mort. Ils refusèrent de s'y soumettre, et sur ce refus il entra dans leurs vallées avec un grand corps de troupes et commença une des plus cruelles persécutions pendant laquelle plusieurs furent pendus, noyés, attachés aux arbres ou percés de fourches, jetés au bas de précipices, brûlés, poignardés, mis à la torture, déchirés par les chiens et crucifiés avec la tête en bas. Ceux qui s'enfuirent eurent leurs maisons brûlées. Quand un ministre ou un instituteur était pris il lui faisait souffrir les plus grandes tortures. Si quelques-uns chancelaient dans leur foi, ils les envoyaient aux galères pour les convertir à force de duretés.

 

Le duc de Savoie, n'étant pas aussi heureux qu'il le désirait, accrut ses forces en y joignant des scélérats relâchés des prisons, à la condition de leur aider à exterminer les Vaudois. Ces derniers n'eurent pas plutôt été informés de cela qu'ils se saisirent d'autant de biens qu'ils purent et quittant leurs vallées, se retirèrent dans les bois et dans les cavernes des Alpes. Les troupes, en atteignant leur pays, commencèrent à piller et à brûler les villes et les villages; mais ils ne purent forcer les défilés dans les Alpes, galamment défendus par les Vaudois, qui dans ces tentatives repoussaient toujours leurs ennemis; mais si quelqu'un tombait dans leurs mains ils le traitaient impitoyablement. Un soldat en ayant pris un d'entre eux lui coupa l'oreille droite disant, "Je vais porter ce membre de ce méchant hérétique avec moi dans mon pays et le conserver comme une rareté." Il poignarda alors l'homme et le jeta dans un fossé.

 

Une fois un parti de troupes trouva un homme vénérable âgé de plus de 100 ans, avec sa petite fille, une fille d'environ dix-huit ans dans une caverne. Ils tuèrent le vieillard d'une manière atroce et auraient cruellement abusé la fille si elle n'était échappée. Trouvant qu'elle était poursuivie, elle se jeta en bas d'un précipice et se tua. Décidés, si possible, à chasser les envahisseurs, les Vaudois formèrent une ligue avec les puissances protestantes en Allemagne et avec les réformés en Dauphiné et Pragela. Ceux-ci devaient fournir des troupes; et les Vaudois résolurent, quand ils seraient renforcés, de quitter les Alpes, où comme l'hiver approchait, ils auraient bientôt péri, et de chasser l'armée du duc de leurs vallées natives.

 

Le duc lui-même, toutefois, était fatigué de la guerre. Elle avait été beaucoup plus ennuyeuse et sanguinaire qu'il l'avait espéré, aussi bien que plus conteuse; il avait espéré que le pillage aurait couvert les dépenses mais le nonce du pape, les évêques; les moines et autres ecclésiastiques qui suivaient son armée sous divers prétextes, prirent la plus grande partie des dépouilles pour eux-mêmes. Pour ces raisons-ci et d'autres et craignant que les Vaudois, par les traités qu'ils avaient faits, deviendraient trop puissants pour lui, se décida à faire la paix avec eux. Ce qu'il fit contre le gré des ecclésiastiques qui par la guerre assouvissaient leur avarice et leur vengeance. Avant que les articles pussent être ratifiés le duc mourut; mais sur son lit de mort il commanda à son fils de faire ce qu'il avait promis et d'être aussi favorable que possible aux Vaudois. Charles Emmanuel, le fils du duc, ratifia la paix au complet, les prêtres essayant en vain de l'en dissuader.

 

Persécution à Venise et à Rome.  

Avant que les terreurs de l'inquisition ne fussent connues à Venise, plusieurs protestants s'y étaient établis, et plusieurs furent convertis par la pureté de leurs doctrines et l'innocence de leurs vies. Quand le pape apprit cela, en l'an 1542, il envoya des inquisiteurs à Venise pour s'en informer, et arrêter ceux qu'ils pensaient coupables. Ainsi une sévère persécution commença et plusieurs furent martyrisés pour avoir servi Dieu avec sincérité. Aussitôt que la sentence était rendue le prisonnier avait une chaîne en fer à laquelle une grosse pierre était attachée, passé autour du corps; il était alors mis sur une planche avec le visage en haut et attaché à deux bateaux on le menai en mer; les bateaux alors se séparaient et par le poids de la pierre, il calait.

 

Si quelqu'un refusait de reconnaître la juridiction des inquisiteurs à Venise, ils étaient conduits à Rome, où, étant enfermés dans des prisons humides et nauséabondes il s'en suivait une mort des plus misérables. Un citoyen de Venise, nommé Antoine Ricetti, étant arrêté, fut condamné à être noyé de la manière ci-dessus décrite. Quelques jours avant son exécution son fils le supplia de se rétracter. Son père répondit, "Un bon chrétien est forcé d'abandonner non seulement ses biens et ses enfants, mais la vie elle-même pour la gloire du Rédempteur." Les nobles de Venise lui envoyèrent dire, que s'il voulait embrasser la religion catholique romaine, qu'ils ne lui épargneraient pas seulement la vie, mais rachèteraient pour lui un bien-fonds considérable qu'il avait hypothéqué. Il refusa, toutefois, d'accepter cette proposition. Ils commandèrent donc l'exécution de sa sentence, et il mourut en recommandant ardemment son âme à son Rédempteur. Francis Séga, un autre vénitien, persista fermement dans sa foi et fut exécuté quelques jours après Ricetti, de la même manière.

 

Francis Spinola, un gentilhomme protestant très savant, fut arrêté et amené devant leur tribunal. Un traité sur la communion lui fut mis en main et on lui demanda s'il en connaissait l'auteur. Voici sa réponse, "Je m'en confesse l'auteur; et il affirma solennellement qu'il n'y a pas une ligne qui ne soit autorisée et par les Saintes Écritures et ne soit en rapport avec elles." Sur cette confession il fut envoyé en prison. Quelques jours après il fut amené à un second examen et il les accusa d'être des barbares inhumains, et il représenta la superstition et l'idolâtrie de l'église de Rome de telle sorte, que, incapables de réfuter ses arguments, ils le renvoyèrent à sa prison. Étant ramené une troisième fois, ils lui demandèrent s'il rétracterait ses erreurs; à quoi il répondit que ses doctrine étaient les mêmes que celles que le Christ et ses apôtres avaient enseignées et qui étaient conservées dans le volume sacré. Il fut alors noyé de la manière déjà décrite.

 

L'incident suivant très remarquable arriva à Rome. Un jeune Anglais passait un jour devant une église quand une procession portant l'hostie en sortait. Un évêque portait l'hostie; ce que le jeune homme ayant vu, il la lui arracha, la jeta par terre et la foulant aux pieds s'écria, "Misérables idolâtres que vous êtes qui négligez le vrai Dieu pour adorer un morceau de pain !" Le peuple l'aurait déchiré en morceaux sur les lieux; mais les prêtres leur persuadèrent de s'en remettre à la décision du pape.

 

Le pape commanda qu'il fut brûlé immédiatement: mais un cardinal, plus raffiné en cruauté, l'en dissuada, disant qu'il valait mieux le torturer et trouver ainsi s'il avait été poussé par quelqu'un pour commettre un acte aussi atroce. Il fut donc torturé avec une sévérité inaccoutumée; mais ils ne purent obtenir de lui que ces mots, "C'était la volonté de Dieu que je fisse ce que j'ai fait." Le pape le condamna donc à être conduit, nu jusqu'au milieu du corps, par les rues de Rome, par l'exécuteur, à porter l'image du diable sur sa tète - d'avoir ses culottes peintes en rouge - d'avoir la main droite coupée et après avoir été mené en procession, d'être brûlé.

 

En entendant cette sentence, il implora Dieu de lui donner de la force. Comme il passait à travers les rues, le peuple se moqua de lui, sur quoi il fit des remarques très sévères concernant la superstition romaine. Mais un cardinal ayant saisi quelques mots commanda qu'il fut bâillonné. Quand il vint à la porte de l'église où il avait foulé l'hostie, le bourreau lui coupa la main droite et la fixa sur une perche. Alors, deux bourreaux, avec des torches enflammées, lui brûlèrent la chair le reste du chemin. A la place de l'exécution il baisa les chaînes qui devaient le lier. Un moine lui présentant la figure d'un saint, il la jeta loin et étant attaché au bûcher, les fagots furent allumés et il fut brûlé en cendres.

 

Autres détails des Persécutions dans les Vallées du Piémont au dix-septième siècle.  

Le pape Clément huit envoya des missionnaires dans les vallées du Piémont, pour induire les protestants à renoncer à leur religion. Ces missionnaires, érigeant des monastères, devinrent bientôt si gênants aux réformés, qu'ils envoyèrent une pétition au duc de Savoie pour obtenir protection. Mais, au lieu de cela, le duc publia un décret, qu'un témoin serait suffisant en cour civile contre un protestant, et qu'un témoin qui ferait convaincre un protestant de crime recevrait cent écus de récompense. En conséquence de cela plusieurs protestants devinrent martyrs du parjure et de l'avarice; car il y avait des papistes qui pouvaient jurer n'importe quoi pour l'amour d'une récompense, et aller en suite à leurs prêtres pour l'absolution.

 

Parmi les victimes de ces persécutions furent les suivantes: - Peter Simonds, un protestant, d'environ quatre-vingts ans, fut attaché et ensuite jeté au bas d'un précipice. Dans sa chute la branche d'un arbre se prit dans les cordes qui l'attachaient et le suspendirent à moitié chemin, de sorte qu'il languit pendant plusieurs jours avant de périr de faim. Une femme, nommée Armand, eut les membres séparés les uns des autres, les parties furent alors pendues sur une haie. Plusieurs hommes, femmes et enfants furent jetés du haut des rochers et mis en pièces. Parmi celles-là se trouvait Madeleine Bertino, une protestante de La Torre, qui fut liée et jetée à bas des précipices. Marie Ramondet, de la même ville, eut la chair déchirée jusqu'à ce qu'elle expira. Madeleine Pilot, de Villaro fut mise en pièces dans la caverne de Castolus. Anne Charbonière eut un bout de pièce enfoncé dans son corps et l'autre étant fixé en terre elle mourut de langueur. Jacob Perin un ancien de l'église Villaro, avec David son frère, furent écorchés vifs.

 

Giovanni, André Michialin, un habitant de La Torre, avec quatre de ses enfants furent arrêtés; trois d'entre eux furent tués sous ses yeux, les soldats lui demandant à la mort de chacun d'eux s'il voulait se rétracter, ce qu'il refusa. Un des soldats alors prit le plus jeune par les jambes, et faisant la même question au père, qui répondit comme auparavant, la brute sans cœur brisa la cervelle de l'enfant. Le père toutefois, au même instant, s'échappa d'eux et se sauva; les soldats tirèrent mais le manquèrent; il se sauva dans les Alpes. Giovanni Pelanchion, refusant d'abjurer sa foi, fut attaché à la queue d'une mule et traîné à travers les rues de Lucerne, au milieu des acclamations de la foule, qui continua à le lapider et à crier, "Il est possédé du diable." Ils le menèrent alors au bord de la rivière, lui tranchèrent la tête et le laissèrent avec son corps sans sépulture sur le bord.

 

Pierre Fontaine avait une belle enfant, de dix ans, nommée Madeleine, qui fut abusée et tuée par les soldats. Une autre fille,

d'environ le même âge, ils rôtirent vivante à Villa Nova; et une pauvre femme, entendant les soldats venir vers sa maison enleva le berceau dans lequel son enfant dormait, et se sauva vers les bois. Les soldats la poursuivant, elle mit le berceau et l'enfant par terre; les soldats tuèrent l'enfant et continuant leur poursuite égorgèrent la mère dans une caverne. Jacobo Michelino, principal ancien de l'église de Bobbio, et plusieurs autres protestants, furent suspendus par des crochets plantés dans leurs corps et abandonnés ainsi jusqu'à la mort. Géovanni Rostagnal, un vénérable protestant de plus de quatre-vingts ans eut les traits déchiquetés et fut autrement mutilé avec des armes tranchantes jusqu'à ce qu'il saignât à mort. Daniel Saleagio et sa femme Géovanni Durant, Lodwich Durant, Barthélémy Durant, Daniel Ravel, et Paul Reynaud eurent leurs bouches remplies de poudre à canon, et leurs têtes réduites en atomes.

 

Jacob Bîrone, un instituteur de Rocata, refusant de changer de religion, eut les ongles de ses pieds et de ses doigts arrachés avec des pincettes rougies et des trous percés à travers les mains avec la pointe d'un poignard. Il eut ensuite une corde attachée au milieu du corps et conduit dans les rues avec un soldat de chaque côté de lui. A chaque coin de rue le soldat à sa droite coupait une entaille dans sa chair et le soldat à sa gauche le frappait avec un assommoir, les deux disant, "Irez-vous à la messe ? ", "Irez-vous à la messe ?" Il répondait dans la négative et étant enfin mené au pont, ils lui coupèrent la tête sur la balustrade et ils la jetèrent avec son corps dans la rivière. Paul Garnier, aimé pour sa piété eut les yeux crevés, fut ensuite écorché vivant et divisé en quatre parties qui furent placées sur les principales maisons de Lucerne. Il supporta ses souffrances avec une patience exemplaire, louant Dieu aussi longtemps qu'il put parler. Daniel Cardfen, de Rocappiata, étant

arrêté par des soldats eut la tête tranchée. Deux vieilles femmes pauvres et aveugles, du St. Giovanni, furent brûlées vivantes. Une veuve de La Torre, avec sa fille furent conduites dans la rivière et là lapidée à mort. Paul Giles, essayant de se sauver, fut tiré dans le cou; ils le mutilèrent et le poignardèrent, et donnèrent sa carcasse aux chiens.

 

Une jeune femme, nommée Sousanna Ciacquin, étant assaillie par un soldat, elle fit une vive résistance, et dans la lutte le poussa dans un précipice où il fut mis en pièces dans sa chute. Ses camarades se jetèrent sur elle avec leurs épées et la mirent en pièces. Le marquis de Pianessa donna l'ordre d'exécuter Giovanni Pullius auprès d'un couvent. Quand il fut amené à la potence, plusieurs moines étaient présents voulant le persuader de renoncer à sa religion. Mais il leur dit qu'il était heureux d'être compté digne de souffrir pour le nom de Christ. Ils lui représentèrent alors tout ce que sa femme et ses enfants qui dépendaient de son travail, auraient à souffrir après sa mort; voici sa réponse, "Je désire que ma femme et mes enfants ainsi que moi-même, considèrent leurs âmes plus que leurs corps, et le monde à venir avant celui-ci; et par rapport au besoin dans lequel je puis les laisser, Dieu est miséricordieux et pourvoira à leurs besoins." Le trouvant inflexible, les moines commandèrent à l'exécuteur de faire sa besogne et il envoya le martyr dans le séjour de gloire.

 

Daniel Rambaut, de Villaro, fut saisi et avec plusieurs autres, enfermé dans les cachots de Paysana. Ici il fut visité par plusieurs prêtres, qui essayèrent de le persuader à devenir papiste; mais il refusa de le faire; les prêtres alors, prétendant prendre en pitié sa nombreuse famille, lui dirent qu'il aurait la vie sauve, s'il voulait souscrire aux articles suivants: - La présence réelle dans l'hostie - la transsubstantiation - le purgatoire - L'infaillibilité du pape - Que les messes dites pour les morts font sortir les âmes du purgatoire - Que les prières aux saints procurent la rémission des péchés. Rambaut répondit que ni sa religion, son intelligence ni sa conscience ne lui permettraient de souscrire à ces articles. Remplis de rage à sa réponse, les prêtres essayèrent d'ébranler sa résolution par des tortures journalières; ils le privèrent d'un membre après l'autre graduellement et pour lui causer la plus grande agonie; trouvant qu'il endurait ses souffrances avec un courage indomptable, ils le poignardèrent au cœur et donnèrent son corps à être dévoré par les chiens.

 

CHAPITRE IX

CONTENANT L'HISTOIRE DE LA RÉFORMATION ET LES CIRCONSTANCES QUI LA PRÉCÉDÈRENT.  

Histoire de la martyrologie et de la réformation avec un récit de Wickliffe et de ses doctrines.  

Le premier essai sérieux fait en Angleterre tendant à la réformation de l'église eut lieu sous le ceigne de Édouard III., environ l'année 1350, quand l'étoile du matin de cette ère glorieuse se leva en Jean Wickliffe. Il était un conférencier de divinité à l'université d'Oxford, et bien versé dans la théologie et toutes sortes de philosophie. Cela était reconnu par ses adversaires. A sa naissance les plus grandes ténèbres couvraient l'église. Il ne restait guère que le nom de Christ parmi les chrétiens, tandis que sa doctrine vraie et vivante était aussi inconnue à la plus grande partie que son nom était commun à tous les hommes.

 

Wickliffe publia hardiment sa croyance par rapport à plusieurs articles de religion, dans laquelle il différait de la doctrine communément reçue. Le pape Grégoire XI., apprenant cela, condamna quelques-uns de ses dogmes et commanda à l'archevêque de Canterbury, et à l'évêque de Londres, de l'obliger de souscrire à leur condamnation; et en cas de refus de le sommer à Rome. Cette commission ne pouvait pas être aisément exécutée, Wickliffe ayant de puissants amis, le principal était Jean de Gaunt, duc de Lancaster qui avait beaucoup de pouvoir et était résolu de le protéger. L'archevêque tenant un synode à St. Paul, Wickliffe parut, accompagné du duc de Lancaster et du seigneur Perey, maréchal d'Angleterre; alors une dispute s'étant élevée pour savoir si Wickliffe répondrait se tenant debout ou assis, le duc de Lancaster en vint aux menaces et dit des paroles dures à l'évêque. Les gens qui étaient présents, croyant l'évêque en danger, se rangèrent de son côté, de sorte que le duc et le grand maréchal pensèrent prudent de se retirer et d'amener Wickliffe avec eux.

 

Une circonstance se présenta bientôt après, qui contribua à aide la cause de la vérité. Après la mort du pape Grégoire XI. qui désirait écraser Wickliffe et ses doctrines, le grand schisme eut lieu. Urbain VI., qui succéda à la chaire papale, était si orgueilleux et insolent, qu'un nombre de cardinaux et de courtisans élevèrent un autre pape contre lui, nommé Clément, qui régna onze ans. Après lui, Benedict XIII. fut élu qui régna vingt-six ans. Sur le côté opposé, Urbain VI. succéda à Boniface IX. Innocent VIII., Grégoire XII., Alexandre V., et Jean XIII. Concernant ce misérable schisme, il faudrait une autre Iliade pour en raconter en ordre les diverses circonstances et les évènements tragiques.

 

Wickliffe, qui considérait moins les injonctions des évêques que son devoir envers Dieu, continua à promulguer ses doctrines et à dévoiler la vérité aux yeux des hommes. Il écrivit plusieurs ouvrages qui causèrent une grande alarme au clergé et l'offensa; mais la protection du duc de Lancastre le mit à couvert de leur malice. Il traduisit la Bible en anglais, qui, dans l'ignorance du temps, eut l'effet du soleil se levant dans une nuit obscure. A cette Bible il ajouta une préface hardie dans laquelle il critiqua la vie déréglée du clergé et condamna le culte des saints, des images et la présence réelle de Christ dans le sacrement; mais ce qui offensa le plus ses ennemis fut son exhortation au peuple de lire les Écritures-Saintes pour eux-mêmes.

 

A peu près dans le même temps il s'éleva une dissension en Angleterre entre le peuple et la noblesse qui ne contribua pas peu à porter le trouble dans l'État. Dans ce tumulte Simon de Sudbury, archevêque fut pris par le peuple et décapité. William Courtnay lui succéda qui ne fut pas moins diligent à faire tout en son pouvoir pour détruire les hérétiques. Malgré cela les partisans de Wickliffe s'accrurent, et augmentèrent en nombre tous les jours, jusqu'à ce que Barton, vice-chancelier d'Oxford, rassemblant huit docteurs monastiques et quatre autres avec le consentement du reste, mit le sceau ordinaire de l'université à un édit, menaçant d'une amende sévère quiconque ci-après s'associerait avec aucun des adhérents de Wickliffe. Il menaça Wickliffe lui-même de l'excommunication majeure et d'emprisonnement à moins que sous trois jours il ne se repentît et s'amendât; ce que Wickliffe ayant compris, oubliant le pape et tout le clergé, il pensa en appeler au roi, mais le duc de Lancaster s'interposant, le lui défendit; c'est pourquoi, étant obsédé de troubles et de vexations, il fut de nouveau forcé de faire une confession de sa doctrine. En conséquence de la traduction de la Bible par Wickliffe et de sa préface, ses adhérents se multiplièrent beaucoup. Plusieurs d'entre eux, en vérité, étaient des hommes instruits; mais étant convaincus par un raisonnement solide ils se rangèrent de son côté. En peu de temps ses doctrines firent de glands progrès étant épousées non seulement par un grand nombre des étudiants d'Oxford, mais aussi par les grands hommes à la cour, particulièrement par le duc de Lancaster et lord Percy, ainsi que par plusieurs jeunes gentilshommes. Ainsi Wickliffe peut être considéré comme le grand fondateur de la réformation de ce royaume. Il était du Collège Merton à Oxford, où il prit son degré de docteur et devint si éminent par son beau génie et son grand savoir, que Simon Islip, archevêque de Canterbury - ayant fondé le Collège de Canterbury, maintenant Christ Church à Oxford - le nomma recteur, emploi qu'il remplit avec l'approbation universelle jusqu'à la mort de l'archevêque. Langhalm successeur de Islip, désireux de favoriser les moines et de les introduire au collège, essaya de renvoyer Wickliffe et de mettre un moine nommé Woodhall, sa place. Mais les agrégés du collège refusant d'y consentir, l'affaire fut portée à Rome et Wickliffe dépouillé en faveur de Woodhall. Toutefois, ceci ne diminua en rien sa réputation. Bientôt après on lui présenta la cure de Lutterworth, dans le comté de Leicester, et il publia, dans des sermons et des écrits, ses opinions qui se répandirent dans tout le pays. Ses ennemis les plus acharnés ne l'accusèrent jamais d'immoralité. Ce grand homme fut laissé en repos à Lutterworth jusqu'à sa mort, qui arriva le 31 décembre 1385. Mais après que son corps eut reposé en terre quarante-et-un- ans, ses os furent déterrés par un décret du synode de Constance, brûlés publiquement et jeté à la rivière près de la ville. Cette condamnation de sa doctrine n'empêcha pas sa dissémination dans tout le royaume et avec un tel succès que, suivant Spelman, on pouvait à peine trouver deux hommes ensemble dont l'un n'était pas un Lollard ou un Wickliffite.

 

Wickliffe écrivit plusieurs ouvrages, dont les copies, en l'an 1410, furent brûlées à Oxford. Et, non seulement en Angleterre, mais également en Bohème, ses livres furent brûlés, l'archevêque de Prague en ayant fait une recherche diligente.

 

Dans le concile de Latran on fit un décret qui exigea de tous les magistrats d'extirper les hérétiques sous peine d'être déposés. Les canons du concile étant reçus en Angleterre. la prosécution des hérétiques devint une partie du droit coutumier; et une ordonnance, intitulée de heretico comburendo, fut passé sous Henri IV. pour les brûler sur condamnation après quoi des statuts spéciaux furent faits dans le même but. Le premier fut approuvé seulement des lords et du roi. Les communes ne s'y prêtèrent pas. Cependant la plus grande portée de sa sévérité était que les lois de l'église devraient être supportées par des ordonnances. Il paraît que les hérétiques étaient alors très nombreux; qu'ils portaient un habillement particulier, prêchaient dans les églises et autres endroits contre la croyance reçue et refusaient de respecter les censures ecclésiastiques.

 

Quand Henri IV. parvint au trône, en 1399, il passa un édit contre tous ceux qui présumaient de prêcher sans la licence de l'évêque. Tous les transgresseurs de cette espèce devaient être emprisonnés et amenés en jugement dans l'espace de trois mois. S'ils offraient d'abjurer, sur condamnation, et ne retombaient pas, ils devaient être emprisonnés et forcés de payer une amende, mais s'ils refusaient d'abjurer ou retombaient, ils devaient être livrés an bras séculier pour être brûlés dans un endroit public. Dans ce temps-là un nommé William Sautre, curé de St. Osith, à Londres, étant condamné comme récidive et dégradé par Arundel, archevêque Canterbury, une ordonnance fut émise, dans laquelle le bûcher est appelé la punition ordinaire et citant aussi les coutumes des autres nations. Ceci fut le premier exemple de cette cruelle punition dans le royaume.

 

Le clergé, craignant que les doctrines de Wickliffe ne gagnassent du terrain, firent tous leurs efforts pour les réprimer. Sous le règne de Richard II. les évêques obtinrent une autorisation générale pour emprisonner les hérétiques sans un ordre spécial de la cour; ce que, toutefois, la Chambre des Communes révoqua. Mais comme la peur d'emprisonnement ne pouvait arrêter le mal, Henry IV., qui désirait obtenir le bon vouloir du clergé, recommanda avec ferveur les intérêts de l'église au parlement. Quoique la Chambre des Communes fût peu disposée à poursuivre les Lollards, le clergé obtint enfin une des plus détestables mesures pour brûler les hérétiques qui ne fut révoquée qu'en 1677. Ce fut immédiatement après la passation de cet acte que la cour ecclésiastique condamna William Sautre au bûcher.

 

Malgré l'opposition du clergé la doctrine de Wickliffe se répandit sous le règne de Henri IV. à un tel degré que la majorité de la Chambre des Communes était en sa faveur; en conséquence ils présentèrent deux pétitions au roi, une contre le clergé et l'autre contre les Lollards. La première représentait que le clergé faisait un mauvais usage de son bien et le dépensait d'une manière toute différente de l'intention des donateurs; que ses revenus étaient excessifs et devraient être diminués. Dans la seconde pétition ils demandaient que le statut passé contre les Lollards fût annulé ou restreint. Comme il était de l'intérêt du roi de plaire au clergé il répondit aux Communes sévèrement refusant de consentir à leurs pétitions. Quant aux Lollards, il déclara qu'il désirait qu'ils fussent chassés du pays. Pour en prouver la vérité, il signa un mandat pour brûler un homme d'une humble position, mais d'une grande résolution et d'une profonde piété, du nom de Thomas Badly, tailleur de son état. Il fut condamné pour hérésie, en l'an 1409, devant l'évêque de Worcester. Dans son examen il dit, qu'il était impossible qu'un prêtre fît le corps de Christ sacramentalement, et qu'il ne le croirait pas à moins de le voir se manifester sur l'autel; qu'il était ridicule d'imaginer, qu'au souper, Christ vint tenir dans sa propre main son propre corps et le diviser à ses disciples et tout en restant intact. "Je crois," dit-il, "Au Dieu Tout-Puissant dans la Trinité;" mais si chaque hostie consacrée à l'autel est le corps de Christ, il doit y avoir alors en Angleterre pas moins de 20,000 dieux. Après cela il fut examiné devant l'archevêque de Canterbury, et de nouveau en présence d'un grand nombre d'évêques, du duc de York et de plusieurs personnes de la noblesse. On fit de grands efforts pour le faire rétracter mais il resta fidèle. Sur ce fait l'archevêque de Canterbury ratifia la sentence de l'évêque de Worcester. Quand le roi eut signé son arrêt de mort, il fut amené à Smithfield, et là, étant mis dans une cuvette, il fut attaché avec des chaînes à un bûcher et du bois sec mis autour de lui. Avant que le bois ne fût allumé, le fils aîné du roi vint près du lieu, et agissant en bon Samaritain, il essaya de sauver la vie de celui que les lévites hypocrites essayaient de mettre à mort. Il lui conseilla de sortir de ces dangereux labyrinthes d'opinions, y ajoutant des menaces qui auraient intimidé n'importe quel homme. Courtney aussi, alors chancelier d'Oxford, fit valoir auprès de lui la croyance de l'église.

 

Cependant le prieur de St. Barthélemy, à Smithfield, apporta le sacrement du corps de Christ, avec douze torches portées en avant, au pauvre homme sur le bûcher. Il lui demanda ce qu'il croyait que c'était; il répondit que c'était du pain bénit, mais non pas le corps de Christ. Le feu étant alors appliqué, il s'écria, "Miséricorde" s'adressant en même temps à Dieu; alors le prince commanda d'ôter la tonne et d'éteindre le feu. Il lui demanda alors s'il abandonnerait son hérésie; que s'il le voulait, il aurait assez de bien et aussi une pension annuelle du trésor du roi. Mais ce vaillant champion de Christ refusa l'offre, plus enflammé de l'esprit de Dieu que du désir des biens terrestres. Le prince, en conséquence, commanda qu'on le remit dans la tonne. Comme on ne pouvait le séduire par une récompense on ne put l'abattre par les tourments; mais comme un vaillant soldat de Christ, il persévéra jusqu'à ce que son corps fût réduit en cendres et son âme triomphante s'élevât vers Dieu d'où elle venait.

 

Sous le règne de Henri V., en 1413, on dit qu'on avait découvert une prétendue conspiration, évidemment l'œuvre des prêtres, dans laquelle Sir John Oldcastle et d'autres adhérents de Wickliffe furent impliqués. Plusieurs de ceux-ci furent condamnés pour haute trahison et hérésie; ils furent d'abord pendus et ensuite brûlés. Une loi fut alors faite que tous les Lollards perdraient toutes leurs possessions de condition féodale avec leurs biens meubles; et tous les shérifs et les magistrats furent requis de faire serment de les détruire et leurs hérésies. Le clergé fit un mauvais usage de cette loi, et mit en prison quiconque les offensait; mais les juges interposèrent en leur faveur, prenant sur eux de déclarer quelles opinions étaient des hérésies d'après la loi et quelles ne l'étaient pas. Ainsi le peuple fut plus protégé par les avocats que par ceux qui auraient dû être les pasteurs de leurs âmes.

 

Les persécutions des Lollards sous le règne de Henry V. furent causées par le clergé, puisque ce monarque était naturellement opposé à la cruauté: On suppose que la principale cause de l'inimitié du clergé à leur égard provenait de ce qu'ils voulaient les priver d'une partie de leurs revenus. Quoiqu'il en soit, ils pensèrent que la manière la plus effective d'enrayer leurs progrès serait d'en attaquer le principal protecteur, Sir John Oldcastle, baron de Cobham; et de persuader au roi que les Lollards conspiraient pour renverser le trône. On rapporta même qu'ils avaient l'intention de tuer le roi avec les princes, et la plupart des lords spirituels et temporels, dans l'espérance que la confusion qui en résulterait serait favorable à leur religion. Une fausse rumeur fut répandue, que Sir John Oldcastle avait rassemblé vingt mille hommes à St. Giles-in-the-Fields, un endroit couvert de buissons. Le roi s'y rendit lui-même à minuit et n'y trouvant pas plus de quatre-vingt à cent personnes qui y étaient rassemblées pour un culte, il tomba sur eux et en tua plusieurs avant de savoir le but de leur assemblée. Quelques-uns d'entre eux étant ensuite examinés furent gagnés par des promesses ou des menaces à confesser tout ce que leurs ennemis désiraient; et ceux-ci accusèrent Sir John Oldcastle.

 

Le roi sur cela le pensa coupable; et mis sa tête à prix de mille marques, avec promesse d'exemption perpétuelle de taxe pour toute personne qui l'arrêterait. Sir John fut pris et emprisonné dans la Tour; mais il s'échappa et s'enfuit dans le pays de Galles où il se cacha longtemps. Mais étant arrêté ci-après à Powisland, au nord du même pays par Lord Powis, il fut amené à Londres, à la grande satisfaction du clergé, qui était résolu de le sacrifier pour porter la terreur chez le reste des Lollards. Sir John était d'une bonne famille; avait été shérif de Hertfordshire sous Henri IV. et fut appelé au parlement parmi les barons du royaume sous ce règne. Il avait été envoyé au-delà de la mer sous le comte de Arundel pour faire la guerre aux Français. C'était un homme d'un grand mérite et malgré cela il fut pendu par le milieu du corps avec une chaîne et brûlé vivant. Cette sentence barbare fut exécutée au milieu des malédictions des prêtres et des moines, qui firent leurs plus grands efforts pour empêcher le peuple de prier pour lui. Telle fut la fin tragique de Sir John Oldcastle, baron de Cobham, qui quitta le monde avec une résolution qui répondait parfaitement au courage qu'il avait montré dans la cause de la vérité et de Dieu. Ce fut le premier sang noble répandu par la cruauté papale en Angleterre.

 

Récit historique du progrès de la Réformation sous le règne du roi Henry VIII.  

Le lecteur suivra, sans doute, avec un intérêt tant particulier les faits rapportés sous ce règne. Ce fut alors que Dieu, par le moyen du roi, délivra notre pays du joug papal. Les guerres entre la maisons de York et Lancaster avaient produit un tel trouble que la nation salua avec joie l'accession de Henri VII. au trône qui était descendu de la maison Lancastre, par son mariage avec l'héritière de la maison de York, les débarrassèrent de la crainte de nouvelles guerres par de nouveaux prétendants. Mais son avarice, la sévérité de ses ministres, sa mauvaise conduite dans l'affaire de Bretagne, et sa jalousie de la maison de York le rendirent si odieux à son peuple que sa vie était peu respectée et sa mort aussi peu lamentée. Henri VIII. lui succéda avec tous les avantages. Sa restitution de l'argent lui avait été exigé du peuple sous le couvert de la prérogative du roi fit coulure à la nation qu'elle allait vivre en sûreté sous un tel prince et que de violents remèdes contre le mal ne seraient plus nécessaires. Soit par la magnificence de son propre caractère ou par avoir vu les mauvais effets de la parsimonie de son frère, le nouveau roi distribua ses récompenses avec une bonté démesurée; il épuisa ainsi les deux millions que son père avait amassés et vida le coffre le plus plein de la chrétienté. Il avait été instruit avec un soin exceptionnel: son père ayant ordonné que lui et son frère aîné fussent bien instruits; son frère le prince Arthur mourant à l'âge de onze ans, il devint héritier de la couronne.

 

Un des hommes les plus proéminents de ce siècle fut le cardinal Wolsey. Il était de basse origine, mais il était doué de grands talents et possédait une adresse étonnante à s'insinuer chez les grands. Il n'y avait pas longtemps qu'il avait été introduit au roi avant d'obtenir sur lui un entier ascendant; pendant quinze ans il continua à être le plus grand favori jamais connu en Angleterre. Il vit que Henri était un grand amateur du plaisir et avait une grande aversion pour les affaires, aussi il entreprit de le débarrasser de la peine de gouverner et lui donner le loisir de suivre ses goûts. Cela fut la cause principale de l'influence sans borne que Wolsey acquit bientôt sur un souverain tout aussi ambitieux que lui.

 

Wolsey devint bientôt maître de tous les offices du pays et des traités à l'étranger, de sorte que les affaires allaient comme il le voulait. Il devint bientôt odieux aux parlements, et, en conséquence, il n'en essaya qu'un, quand les subsides accordés furent si modiques, qu'après cela il préféra se procurer de l'argent par le moyen d'emprunts et de bienveillances. Après un temps, il porta scandale par sa mauvaise vie, et fut une disgrâce à sa profession; car il ne servit pas seulement le roi, mais il prit aussi part à ses plaisirs, et devint une proie aux maladies qui résultent d'une vie sensuelle. Il fut d'abord fait évêque de Tournay en Flandre, ensuite de Lincoln, après cela il fut promu au siège de York, et avait à la fois l'abbaye de St. Alban et l'évêché de Bath et de Wells en commande; ce dernier il échangea après pour Durham; à la mort de Fox il quitta Durham pour prendre Winchester; et outre tout cela, le roi, par un don spécial, lui accorda le pouvoir de disposer de toutes les promotions ecclésiastiques en Angleterre. Il avait toutes les qualités requises pour un grand ministre et tous les vices communs à un grand favori.

 

L'immunité des ecclésiastiques pour crimes, jusqu'à ce qu'ils fussent dégradés par le pouvoir spirituel, causa la seule lutte qui arriva au commencement de ce règne entre les cours séculières et ecclésiastiques. Henry VII. avait passé une loi que les clercs trouvés coupables devaient être marqués au fer chaud dans la main. L'abbé de Winchelsea prêcha sévèrement contre cela, comme étant contraire aux lois de Dieu et aux libertés de l'église. Après cela il publia un livre pour prouver que tous clercs, même des bas ordres, étant sacrés ne pouvaient être jugés par les cours temporelles. Les lords temporels et les communes désiraient, en conséquence, que le roi réprimât l'insolence du clergé. Dans ce but on appointa une audience devant sa majesté et les juges. Le docteur Standish, un Franciscain, parla contre l'immunité, et prouva que de tout temps les clercs avaient été jugés par les cours en Angleterre; et qu'il était nécessaire, pour la paix et la sûreté du guerre humain, que tous les criminels périssent. L'abbé maintint l'autre côté et dit que cela était contraire à un décret de l'église et un péché en soi. Standish répondit que tous les décrets n'étaient pas observés; car, malgré le décret sur résidence, les évêques ne demeuraient pas aux cathédrales. Après avoir discuté le cas, les laïques furent d'opinion que le moine avait le dessus et ils poussèrent le roi et les évêques à ordonner au moine de prêcher un sermon de rétractation. Mais ils refusèrent, disant qu'ils étaient liés par serment de maintenir ses opinions. Standish fut à cause de cela détesté du clergé, mais l'affaire en resta là, le clergé l'emportant.

 

Peu de temps après cela Richard Hunne, marchand de Londres étant poursuivi par son curé dans la cour du légat, fut conseillé par ses amis de poursuivre le prêtre dans la cour civile pour citer un sujet du roi devant une barre étrangère et illégale. Cela exaspéra tellement le clergé qu'il trama sa destruction. C'est pourquoi, apprenant qu'il avait la bible de Wickliffe dans sa maison, il fut mis dans la prison de l'évêque pour hérésie; mais étant examiné sur divers articles il confessa certaines choses et se recommanda à leur merci. Sur cela ils devaient, suivant la loi, lui avoir imposé pénitence et l'avoir déchargé; mais ils ne purent le convaincre d'abandonner sa cause dans la cour civile; une bonne nuit on lui cassa le cou avec une chaîne et il fut blessé dans d'autres parties du corps et puis on rapporta qu'il s'était pendu, mais l'enquête du procureur, en examinant le corps et par d'autres preuves surtout par la confession de l'huissier, donna comme verdict, qu'il avait été mis a mort par le chancelier de l'évêque, le Dr. Horsey et le sonneur de cloche. La cour spirituelle procéda contre le corps, et accusa Hunne de l'hérésie contenue dans la préface de Wickliffe à la Bible parce qu'elle avait été en sa possession; il fut ainsi condamné comme hérétique et son corps fut brûlé.

 

L'indignation du peuple fut portée au plus haut degré par ces procédés dans lesquels tout le clergé fut impliqué et qu'ils ne regardaient plus comme leurs pasteurs mais comme des meurtriers barbares. Leur colère fut portée si loin que l'évêque de Londres se plaignit qu'il n'était pas sûr dans sa propre maison. Les évêques, le chancelier et le sergent furent mis en accusation comme chefs dans le meurtre. Au parlement on passa un acte pour rétablir les enfants de Hunne; mais un bill envoyé par les communes concernant le meurtre fut rejeté par les lords où le clergé était en majorité. Le clergé regarda l'opposition faite par Standish comme ce qui avait causé la première poursuite contre Hunne; et la convocation le cita pour répondre de sa conduite; mais il réclama la protection du roi puisqu'il n'avait rien fait si ce n'est qu'il avait plaidé au nom du roi. Le clergé prétendit qu'il ne le poursuivait pas pour son plaidoyer, mais pour quelques-unes de ses conférences de théologie qui étaient contraires à la liberté de l'église que le roi était obligé de maintenir par son serment lors de son couronnement; mais les lords temporels, les juges et les communes prièrent aussi le roi de maintenir les lois suivant son serment de couronnement et d'accorder à Standish sa protection. Le roi, étant en grande perplexité, demanda à Versey, ci-après évêque de Exeter, de déclarer sur sa conscience la vérité à ce sujet. Son opinion fut contre l'immunité; ainsi une autre audience étant appointée, Standish fut accusé d'enseigner que - les ordres inférieurs n'étaient pas sacrés; que leur exemption n'était pas fondée sur un droit divin, mais que les laïques pouvaient les punir; que les canons de l'église ne les liaient pas jusqu'à leur consécration; et que l'étude du droit canon était inutile. De ces opinions, il en nia quelques-unes et justifia les autres. Veney étant requis de donner son opinion, allégua que les lois de l'église n'obligeaient que où elles étaient reçues; ainsi l'exemption des clercs n'étant pas reçue n'était pas obligatoire en Angleterre. Les juges donnèrent comme leur opinion que ceux qui poursuivaient Standish avaient tort. Ainsi la cour fut dissoute. Mais dans une autre audience, en présence du parlement, le cardinal dit, au nom du clergé, que quoiqu'ils ne comptaient rien faire contre les prérogatives du roi, cependant faire le procès des clercs semblait contraire à la liberté de l'église, qu'ils étaient tenus par leurs serments de maintenir. Ainsi ils demandèrent que l'affaire fut référée au pape.

 

Le roi répondit qu'il croyait que Standish leur avait répondu suffisamment; l'évêque de Winchester répondit qu'il ne voudrait pas se ranger à son opinion, à son risque. Standish demanda sur cela "Qu'est-ce qu'un pauvre moine peut faire contre le clergé d'Angleterre." L'archevêque de Canterbury répondit, "Quelques-uns des pères de l'église ont souffert le martyre à ce sujet;" mais le juge en chef répondit, "plusieurs saints rois ont maintenu cette loi, et plusieurs saints évêques lui ont obéi." En conclusion, le roi déclara qu'il maintiendrait ses droits et ne les soumettrait pas aux décrets de l'église, autrement que n'avaient fait ses ancêtres. Horsey fut assigné de paraître dans son procès pour le meurtre de Hunne; et comme il plaida non coupable, aucun témoin ne fut amené et il fut déchargé. Le mécontentement du peuple s'accrut par cela, et beaucoup de choses les préparèrent à renverser la tyrannie ecclésiastique.

 

Ce fut le premier trouble dans ce règne jusqu'à ce que le procès pour le divorce commença. Dans tous les autres points il était constamment dans les bonnes grâces du pape, qui lui envoya les compliments ordinaires des roses et telle autre bagatelle par lesquelles ce siècle traita les princes si longtemps comme des enfants. Mais aucune faveur ne flatta davantage la vanité du roi comme le titre de "défenseur de la foi" que lui envoya le pape Léon pour le livre qu'il avait écrit contre Luther. Ce livre, outre le titre ci-dessus, attira sur le roi tout ce que la flatterie pouvait inventer pour l'exalter; tandis que Luther, nullement intimidé pas un tel antagoniste, y répondit et traita Henri avec aussi peu de respect dû à un roi que ses flatteurs en avaient trop montré. La traduction du Nouveau Testament par Tyndal, avec notes, attira sur elle une sévère condamnation du clergé, qui désirait cacher ce livre au peuple. Cela montre l'état des affaires dans l'église et dans l'État, quand le procès du divorce du roi fut d'abord commencé. De cet évènement commença la fortune de Cramner et la chute de Wolsey. Le grand sceau fut ôté à celui-ci et donné à Sir Thomas More; et il fut poursuivi pour avoir tenu des cours de légat par une autorité étrangère aux lois d'Angleterre. Wolsey se reconnut coupable de l'acte d'accusation et se soumit au bon vouloir du roi; ainsi on passa jugement sur lui, et son magnifique palais et ses meubles furent saisis pour l'usage du roi. Toutefois le roi lui remit les revenus temporels des sièges de York et de Winchester, et plus de £6000 en vaisselle et autres objets; ce qui le transporta tellement que l'on dit qu'il tomba à genoux dans un chenil devant le messager qui lui apporta les nouvelles. Des chefs d'accusations furent portés contre lui dans la chambre des lords pour obtenir un bill pour haute trahison, où il n'avait que peu d'amis; dans la chambre des communes, Cromwell, qui avait été son secrétaire, conduisit si bien l'affaire, qu'il se réduisit à rien. Cela ayant échoué, ses ennemis le firent envoyer à, Yorshire; il y alla en grande pompe avec 162 chevaux et 72 voitures dans sa suite et il y demeura quelque temps. Mais le roi étant informé qu'il concertait avec le pape et l'empereur, il envoya le comte de Northumberland pour l'arrêter pour haute trahison et l'amener à Londres. En chemin il tomba, malade et mourut à Leicester, faisant de grandes protestations de constante fidélité au roi, particulièrement dans l'affaire du divorce; et désirant d'avoir servi Dieu aussi fidèlement qu'il avait servi le roi, car alors il ne l'aurait pas rejeté dans sa vieillesse; mots sur lesquels les favoris en baisse ont coutume de réfléchir dans l'adversité, quoique rarement ils s'en souviennent au comble de leur bonne fortune.

 

L'archevêché de Canterbury étant devenu vacant par le décès de Warham, Cramner qui était alors en Allemagne, fut choisi par le roi pour son successeur; il lui envoya donc un mot pour lui faire hâter son retour. Mais une telle promotion n'eut pas sur lui son effet ordinaire; il avait une juste appréciation d'une si grande charge, et, au lieu d'y aspirer, il en avait peur; il s'en revint donc bien lentement en Angleterre, et essaya d'être excusé de la promotion. On envoya chercher des bulles à Rome pour sa consécration que le pape accorda. Le 13 mars, Cramner fut consacré par les évêques de Lincoln, Exeter et St. Asaph. Le serment fait au pape était difficile à digérer à quelqu'un "presque persuadé" d'être protestant; il fit donc une protestation avant de le prêter disant qu'il ne se considérait pas lié par là, en quelque chose contraire à son devoir envers Dieu, son roi ou son pays; et il répéta cela en le prenant.

 

La convocation avait à cette époque deux questions devant elle; la première concernant la légalité du mariage du roi, et la validité de la dispense du pape; l'autre était une curieuse question de fait, savoir si le prince Arthur avait consommé le mariage. Pour la première, le jugement de dix-neuf universités fut lu; et après un long débat car il n'y avait que vingt-trois membres dans la chambre basse, dont quatorze étaient contre le mariage, sept en sa faveur et deux douteux. Dans la chambre haute, Stokesly, évêque de Londres et Fisher, évêque de Rochester maintinrent le débat longtemps, l'un pour l'affirmatif et l'autre pour le négatif. Enfin elle fut emportée sans opposition contre le mariage, 216 étant présents. L'autre question fut référée au canonistes; et tous, excepté cinq ou six, rapportèrent que les présomptions étaient bien fortes; et celles-ci dans une affaire où il n'y avait pas de preuves claires furent toujours reçues comme légalement conclusives.

 

La convocation ayant donné son jugement sur la question, la cérémonie de prononcer le divorce juridiquement étant la seule chose qui manquait. On rapporta que la nouvelle reine était dans une condition avantageuse pour la monarchie future. La veille de Pâques elle fut déclarée reine d'Angleterre et bientôt après Cramner avec Gardiner qui avait succédé à Wolsey comme évêque de Winchester, et les évêques de Londres, Lincoln, Bath et Wells avec plusieurs théologiens et canonistes se rendirent à Dunstable; la reine Catherine demeurant près de là à Ampthill. Le roi et la reine furent cités; il parut par procuration, mais la reine refusa de faire aucun cas de la cour; ainsi, après trois citations, elle fut déclarée contumace et tous les mérites de la cause mentionnés auparavant furent examinés. Enfin, le 23 mai, la sentence fut rendue, déclarant le mariage avoir été nul depuis le commencement.

 

A Rome les cardinaux de la faction impériale se plaignirent de l'effort fait contre le pouvoir papal et le prièrent d'appliquer la censure. Mais il n'y eut que la sentence de donnée, annulant tout ce que l'archevêque de Canterbury avait fait; et le roi fut requis, sous peine d'excommunication de placer les choses comme elles l'étaient autrefois; ce décret fut apporté à Dunkirk pour publication. Le roi envoya une grande ambassade au monarque français qui était alors à se préparer pour aller rencontrer le pape; ils devaient le détourner de son voyage, à moins que le pape ne donnât satisfaction au roi. François dit qu'il était engagé en honneur de continuer, mais il leur assura qu'il s'occuperait des intérêts du roi avec autant de zèle que si c'était les siennes. Dans le mois de septembre la reine mis au monde une fille, la célèbre Élisabeth; et le roi ayant déjà déclaré Lady Mary princesse de Galles, fit la même chose pour l'infante; quoique après un fils pût l'en exclure, elle ne pouvait pas être héritière nécessaire mais seulement héritière présomptive de la couronne. Le moment mémorable approchait quand un incident aurait lieu qui causerait la séparation de l'Angleterre de l'église de Rome.

 

Il y avait une entente secrète entre le pape et François que si Henri voulait remettre sa cause au consistoire, exceptant seulement les cardinaux de la faction impériale, comme partiale et en toutes autres choses se soumettre au siège de Rome, le jugement serait rendu en sa faveur. Quand François retourna à Paris, il envoya l'évêque de cette ville au roi pour lui dire ce qu'il avait obtenu du pape en sa faveur et les conditions sur lesquelles c'était promis. Cela toucha tellement le roi qu'il y consentit; sur cela l'évêque de Paris quoiqu'on fut au milieu de l'hiver, alla à Rome avec les bonnes nouvelles. A son arrivée, l'affaire parut arrangée; car il était promis que quand le roi enverrait son consentement, de sa main, de remettre les choses dans leur premier état et se faisant représenter par procuration, des juges seraient envoyés à Cambray pour instruire le procès et que la sentence serait passée. Sur avis donné de cela et d'un jour qui était fixé à l'avance pour le retour du courrier, le roi l'expédia avec toute diligence possible; et maintenant l'affaire paraissait terminée. Mais le courrier avait la mer et les Alpes à passer, et en hiver il n'était pas facile d'observer un jour limité si exactement. Le jour fixé arriva, et le courrier n'arriva pas; sur cela les impérialistes déclarèrent que le roi abusait de la bonté du pape et le pressèrent beaucoup de procéder à donner sentence, l'évêque de Paris demandant seulement un délai de six jours. Le but des impérialistes était d'empêcher une réconciliation; car si le roi avait été mis en bon terme avec le pape il y aurait eu une si puissante ligne de formée contre l'empereur qui aurait frustré toutes ses mesures et il était donc nécessaire pour sa politique de les brouiller. Séduit par l'artifice de ce prince intrigant le pape, sans consulter sa prudence ordinaire, amena l'affaire devant le consistoire; et là les impérialistes étant en majorité, elle fut poussée avant tant de précipitation, qu'ils firent en un jour ce que, suivant la forme, aurait dû se prolonger au moins trois.

 

Ils passèrent la sentence finale, déclarèrent le mariage du roi avec la reine Catherine valide et l'obligèrent à vivre avec elle comme sa femme, autrement ils procéderait aux censures. Deux jours après cela, le courrier vint avec la soumission du roi en forme voulue; il apporta aussi des lettres pressantes de François en faveur du roi. Cela affecta les cardinaux indifférents aussi bien que ceux de la faction française de sorte qu'ils prièrent le pape de révoquer ce qui avait été fait. On appela un nouveau consistoire, mais les impérialistes déclarèrent, avec une plus grande véhémence que jamais qu'ils ne causeraient pas un tel scandale au monde que de révoquer une sentence définitive de la validité d'un mariage, et donner aux hérétiques un tel avantage par leur inconstance; il fut donc décidé que la sentence première serait maintenue, et que l'exécution en serait remise à l'empereur. Quand ceci fut connu en Angleterre le roi se détermina de secouer le joug du pape, résolution dans laquelle il avait fait de si grands progrès que le parlement avait passé tous les actes y concernant avant de recevoir la nouvelle de Rome; car il jugeait que la meilleure manière de s'assurer son cas était de montrer à Rome son pouvoir, et avec quelle vigueur il pouvait faire la guerre. Tout le reste du monde regardait avec étonnement la cour de Rome rejeter l'Angleterre, comme si elle eut été fatiguée de son obéissance et des profits d'un si grand royaume.

 

Plusieurs sièges, comme Ravenne, Milan, Aquilée prétendaient d'être affranchis de l'autorité papale. Plusieurs évêques anglais avaient affirmé que les papes n'avaient pas d'autorité contre les canons et jusqu'à ce jour aucun canon fait par le pape n'était en force jusqu'à ce qu'il fut reçu, ce qui montrait que l'autorité du pape n'était pas acceptée comme fondée sur l'autorité divine; et comme les lois leur avaient donné quelque pouvoir et que les princes avaient été forcés dans les siècles d'ignorance de se soumettre à leurs usurpations, ainsi ils pouvaient, quand ils en avaient cause, changer ces lois et reprendre leurs droits.

 

Le point suivant examiné fut l'autorité qu'ont les rois en matière de religion et de l'église. Dans le Nouveau Testament, Christ lui-même était sujet au pouvoir civil et commanda à ses disciples de ne pas s'arroger de pouvoir temporel. Les apôtres écrivirent aussi aux églises d'être soumises aux pouvoirs supérieurs, et de les appeler suprêmes; ils commandèrent à toute personne de leur être soumise. Dans l'Écriture le roi est appelé la tête et suprême, et toute âme et toute personne lui est dit-on soumise, ce qui joint aux autres parties de leur sage argument, amenèrent les personnes sensées d'alors à la conclusion qu'il est le chef suprême sur toutes personnes. Dans l'église primitive les évêques ne faisaient que des règlements ou des canons, mais ne prétendaient à aucune autorité coercitive que celle qui provenait du magistrat civil. Dans l'ensemble, ils conclurent que le roi avait un pouvoir complet sur tous ses sujets, qui s'étendait au règlement des affaires ecclésiastique. Ces questions étant discutées au long dans plusieurs débats et publiées dans plusieurs livres, tous les évêques, abbés et moines d'Angleterre, à l'exception de Fisher, en furent suffisamment satisfaits qu'ils résolurent de se soumettre aux changements, que le roi avait décidé de faire.

 

A l'assemblée suivante du parlement il n'y avait que sept évêques et douze abbés de présents; le reste, parait-il, ne voulurent pas concourir à faire le changement, quoiqu'ils s'y soumissent quand il fut fait. Tous les dimanches pendant la session un évêque prêcha à St. Paul, et déclara que le pape n'avait aucune autorité en Angleterre; avant cela, ils avaient seulement dit qu'un concile général était au-dessus de lui, et que les exactions de cette cour et les appels à elle, étaient défendus; mais maintenant ils firent un pas de plus pour préparer le peuple à recevoir les mesures agitées. Le 9 de Mars les communes commencèrent le bill pour retrancher le pouvoir du pape, et l'envoyèrent aux lords le 14, qui le passèrent le 20 sans aucune opposition. Ils y montrèrent l'exaction de la cour de Rome établie sur le pouvoir d'exemption du pape; et que comme personne ne pouvait se soustraire aux lois de Dieu, ainsi le roi et le parlement seuls avaient l'autorité de se soustraire aux lois du pays; c'est pourquoi, de telles licences comme celles dont on se servait autrefois devraient pour le futur être accordées par les deux archevêques et confirmées par le grand sceau. Il fut, de plus, décidé que ci-après tout commerce avec Rome devrait cesser. Ils déclarèrent aussi qu'ils n'avaient pas l'intention de changer aucun article de foi catholique de la chrétienté, ou de ce qui était déclaré nécessaire au salut dans les Écritures. Ils confirmèrent toutes les exemptions accordées aux monastères par les papes, mais les soumirent à la visite du roi, et donnèrent au roi et à son conseil le pouvoir d'examiner et de réformer toute indulgence et privilège accordés par le pape. Cet acte soumettait les monastères complètement à l'autorité du roi. Ceux qui aimaient la reforme se réjouissaient de voir le pouvoir du pape déraciné et les Écritures établies comme règle de foi.

 

Après cet acte, un autre fut passé dans les deux chambres dans l'espace de six jours, sans aucune opposition, établissant la succession de la couronne, confirmant la sentence du divorce, et le mariage du roi avec la reine Anne; et déclarant tous les mariages compris dans les degrés prohibés par Moïse être illicites; tous ceux qui avaient été mariés dans ces degrés devaient être dévoués et les enfants rendus illégitimes; et la succession à la couronne fut établie sur les enfants du roi par la présente reine, ou à défaut de cela à l'héritier direct du roi à toujours. Tous furent requis de maintenir le contenu de cet acte; et s'ils refusaient le serment ou disaient quelque chose pour calomnier le mariage du roi, ils devaient être jugés coupable de trahison et punis en conséquence.

 

La convocation envoya en même temps une soumission par laquelle ils reconnaissaient que toutes convocations devraient être assemblées par une ordonnance du roi; et promirent, sur leur parole de prêtres, de ne jamais faire ou exécuter aucun canon sans le consentement du roi. Ils désiraient aussi, que, puisque plusieurs des canons reçus étaient contraires à la prérogative du roi et aux lois du pays, il y eut un comité de nommé par le roi de trente-deux, dont la moitié fut formée des chambres du parlement, et l'autre du clergé ayant le pouvoir de les abroger ou de les régler comme ils le jugeraient à propos. Ceci fut confirmé en parlement et l'acte contre l'appel à Rome fut renouvelé; un appel fut aussi permis de l'archevêque au roi, par lequel le grand chancelier devait accorder une commission pour une cour de délégués.

 

Un autre acte fut passé pour régler l'élection et la consécration des évêques; condamnant toute bulle de Rome et décidant que, quand une place devient vacante, le roi accorde une licence pour une élection, et devrait par une lettre missive, désigner la personne qu'il désire être choisie; et dans l'espace de douze jours après avoir été délivrée le doyen et son chapitre ou le prieur et son couvent étaient requis de rapporter l'élection de la personne nommée par le roi portant leur sceau. Là-dessus l'évêque élu devait jurer fidélité et une ordonnance devait être émise pour sa consécration de la manière habituelle; après cela il devait rendre hommage au roi, après quoi les revenus temporels et spirituels lui étaient remis et les évêques pouvaient exercer leur juridiction comme ils l'avaient fait auparavant. Un acte privé fut aussi passé privant le cardinal Campeggio et Jérôme de Gainuccii des évêchés de Salisbury et de Worcester; la raison donnée était qu'ils ne demeuraient pas dans leurs diocèses mais vivaient à la cour de Rome et retiraient £3000 par année du royaume.

 

En hiver le parlement siégea encore, et le premier acte passé déclara le roi le chef suprême de l'église d'Angleterre sur la terre, ce qui fut ordonné de préfixer à ses autres titres; et il fut arrêté que lui et ses successeurs auraient plein pouvoir de réformer toutes les hérésies et abus dans la juridiction spirituelle. Par un autre acte, le parlement confirma le serment de succession. Ils donnèrent aussi au roi les annates et les dîmes des bénéfices ecclésiastiques, étant le chef suprême de l'église; car le roi étant mis à la place du pape, on pensa raisonnable de lui donner ce que les papes avaient exigé autrefois. Un autre acte fut passé déclarant certaines choses trahison; une d'entre elles était de refuser au roi aucun de ses titres ou l'appeler un hérétique, schismatique ou usurpateur de la couronne. Par un autre acte, on pourvut à nommer vingt-six évêques suffragants en Angleterre pour l'administration plus expéditive des sacrements et un meilleur service divin. Le suprême diocésain devait présenter deux noms au roi, et sur la déclaration de son choix, l'archevêque devait consacrer la personne, et alors l'évêque devait déléguer telles parties de sa charge à ses soins comme il le trouvait à propos et qui devait continuer à son bon plaisir. La grande étendue des diocèses d'Angleterre faisait qu'il était difficile à un seul évêque de les gouverner; ceux-ci furent donc, appointés pour les assister.

 

Mais maintenant commença une nouvelle scène; avant d'y entrer il est nécessaire de raconter les progrès que les nouvelles opinions avaient faits en Angleterre pendant le procès du roi pour divorce. Pendant que Wolsey était ministre, les prédicateurs réformés furent traités avec douceur; et il est probable que le roi, quand le pape commença à le maltraiter, ordonna aux évêques de cesser de s'en occuper, car le progrès de l'hérésie fut toujours regardé à Rome comme parmi les maux qui résulteraient du rejet de la demande du roi. Mais Sir Thomas More venant en faveur, pensa que le roi agissant sévèrement contre les hérétiques cela serait si méritoire à Rome qu'il serait plus efficace que tout ce que ses menaces avaient fait. Là-dessus on fit une sévère proclamation contre leurs livres et leurs personnes, commandant que toutes les lois contre eux fussent mises à exécution. Tyndal et d'autres à Anvers traduisaient ou écrivaient des livres chaque année contre quelques-unes des erreurs reçues et les envoyaient en Angleterre; mais sa traduction du Nouveau Testament causa la plus grande plaie et le clergé s'en plaignit beaucoup comme remplie de fautes. Tonstal, alors évêque de Londres, étant un homme de grand savoir, revenant du traité de Cambray, comme il passait à Anvers contacta avec un marchand anglais qui était secrètement un ami de Tyndal, pour lui procurer autant de ses Testaments qu'il pourrait en avoir pour de l'argent.

 

Tyndal apprit cela avec plaisir; car étant occupé à une édition plus correcte il trouva qu'il pourrait plus facilement procéder si les copies de la vieille étaient vendues; il donna donc au marchand tout ce qu'il avait et Tonstal après eu avoir payé le prix les apporta en Angleterre et les brûla à Cheapside. Ceci fut appelé brûler la parole de Dieu; et l'on dit que le clergé avait raison de se venger sur elle car elle leur avait fait plus de mal que n'importe quel autre livre. Mais une année après, la seconde édition étant finie, un grand nombre fut envoyé en Angleterre quand il arriva que Constantin, un des associés de Tyndal, fut pris; croyant que quelques-uns des marchands de Londres leur fournissaient de l'argent, on lui promit sa liberté s'il voulait découvrir qui ils étaient; quand il leur dit que l'évêque de Londres avait fait plus que tout le monde ensemble car il avait acheté la plus grande partie de l'édition défectueuse. Le clergé en condamnant la traduction de Tyndal en promit une nouvelle; mais un an après ils dirent qu'il était inutile de publier l'Écriture en Anglais, et que le roi faisait bien de ne pas l'entreprendre.

 

La plume étant un moyeu trop doux, le clergé se mit à la persécution. Plusieurs furent emprisonnés pour enseigner à leurs enfants la Prière Dominicale en anglais, pour recevoir les prédicateurs et pour parler contre la corruption dans le culte ou les vices du clergé; mais ceux-ci abjuraient ordinairement et se sauvaient de la mort. D'autres, plus fidèles furent honorés par le martyre. Un Hinton, autrefois curé, qui s'était rangé du côté de Tyndal fut arrêté en revenant avec des livres qu'il apportait en Angleterre et fut condamné par l'archevêque Warham. Il fut gardé longtemps en prison; mais demeurant ferme à sa cause, il fut brûlé à Maidstone.

 

Martyre de Thomas Bilney.  

Mais le plus remarquable martyr de ce jour fut Thomas Bilney qui fut élevé à Cambridge depuis son enfance et devint un hardi et inflexible réformateur. En laissant l'université, il alla dans plusieurs endroits et prêcha; et dans ses sermons parla. avec une grande hardiesse contre l'orgueil et l'insolence du clergé. Ceci eut lieu pendant le ministère de Wolsey qui le fut arrêter et emprisonner. Surmonté par la peur, Bilney abjura, fut pardonné et retourna à Cambridge en l'an 1530. Ici, il fut saisi d'une profonde horreur parce qu'il avait renié la vérité. Il eut honte de lui-même, se repentit amèrement de son péché et devenant plus fort dans la foi, il résolut de faire une expiation par un aveu public de son apostasie et une confession de ses sentiments. Pour se préparer lui-même pour sa tâche, il étudia les Écritures avec une grande attention pendant deux ans; à l'expiration de ce temps il quitta de nouveau l'université et se rendit à Norfolk où il était né et il prêcha dans tout ce pays contre l'idolâtrie et la superstition; exhortant le peuple à se bien conduire, à donner l'aumône, à croire en Christ et à lui offrir leurs âmes et leurs volontés dans le sacrement. Il confessa ouvertement son péché d'avoir renié sa foi; et ne prenant aucune précaution quand il voyageait, fut bientôt pris par les officiers de l'évêque, condamné comme récidif et dégradé. Sir Thomas Moro non seulement envoya un mandat d'arrêt pour le brûler, mais pour le faire souffrir d'une autre manière affirma qu'il avait abjuré; mais aucun papier signé par lui ne fut jamais montré et l'on ne saurait croire les prêtres qui rapportèrent qu'il le fit de bouche. Parker, devenu après archevêque, fut un témoin oculaire de ses souffrances. Il supporta toutes ses privations avec un grand courage et résignation, et continua à être joyeux après sa sentence. Il mangea les pauvres provisions qui lui furent apportées avec appétit, disant qu'il lui fallait garder avec soin la cabane en ruine jusqu'à ce qu'elle tombât. Il avait les paroles d'Ésaïe souvent à la bouche. "Quand tu marcheras par le feu, tu ne seras pas brûlé;" et en se brûlant le doigt à la chandelle, il se préparait pour le feu et il disait qu'il ne consumerait que l'enveloppe de son corps, tandis qu'il purifierait son âme et la transporterait plus vite à la région où Élisée fut porté par un autre chariot de feu.

 

Le 10 novembre il fut amené au bûcher où il répéta sa confession de foi, comme preuve qu'il était un vrai chrétien. Il offrit alors d'une manière touchante cette prière-ci; "N'entre pas en jugement avec ton serviteur, Ô Eternel, car aucune chair vivante ne saurait être justifiée devant tes yeux." Le docteur Warner l'embrassa, répandant beaucoup de larmes, et souhaitant de mourir dans une aussi bonne disposition qu'était celle de Bilney. Les moines le prièrent d'informer le peuple qu'ils n'étaient pas les instruments de sa mort; ce qu'il fit, de sorte que le dernier acte de sa vie fut plein de charité, même pour ceux qui le mirent à mort.

 

Les officiers placèrent alors les roseaux et les fagots autour de son corps et mirent le feu à ceux-là qui firent une grande flamme et lui défigurèrent le visage; il leva les mains et se frappa la poitrine, s'écriant parfois, "Jésus" parfois, " Creda!" Mais la flamme fut emportée loin de lui à plusieurs reprises, le vent étant très grand, jusqu'à ce qu'enfin le bois prenant feu la flamme s'agrandit et il rendit son esprit à Dieu qui le donna.

 

Comme son corps se rapetissait il se plia sur sa chaîne jusqu'à ce qu'un des officiers fit sauter la crampe de la chaîne derrière lui avec sa, hallebarde et alors il tomba au milieu du feu et ils pilèrent du bois sur lui et le consumèrent. Les souffrances, la confession, et la mort héroïque de ce martyr inspirèrent et animèrent d'autres personnes à montrer un égal courage.

 

Histoire et martyre de Frith.  

Frith était un jeune homme renommé pour son éducation, et le premier en Angleterre qui écrivit contre la présence corporelle dans le sacrement. Sir Thomas More répondit à son livre; mais Frith ne vit jamais sa publication jusqu'à ce qu'il fut en prison; et alors, quoique chargé de chaînes et privé de livres il y répondit.

 

Pour ces offenses il fut saisi en mai, 1533, et accusé de ne pas croire au purgatoire et à la transsubstantiation. Il donna les raisons qui l'avaient déterminé à considérer ni l'un ni l'autre comme articles de foi. Les évêques semblaient peu désireux de prononcer la sentence, mais lui continuant résolu, Stokesley la prononça et le livra au pouvoir séculier, désirant en même temps que sa punition fut modérée; recommandation hypocrite qui ne trompa personne. Frith avec un compagnon martyr nommé Hewitt, fut mené au bûcher à Smithfield le 4 juillet, 1533. En y arrivant il exprima une grande joie et même il embrassa les fagots. Un prêtre nommé Cook, qui se tenait près, dit au peuple de ne pas plus prier pour eux que pour un chien. En entendant cela, Frith souria et dit, "Que Dieu te pardonne." Le feu fut allumé, et les martyrs réduits en cendres.

 

Martyre de Jean Lambert.  

Jean Lambert, maître de langues à Londres, qui avait préparé dix arguments contre les dogmes du Dr. Taylor sur le sujet ci-dessus, tels qu'annoncés dans un sermon fait à l'église St. Pierre et les présenta au docteur, fut amené devant la cour de l'archevêque pour défendre ses écrits. En ayant appelé au roi, le théologien royal, qui était fier de montrer ses talents et son savoir, résolut de l'entendre en personne. Il publia donc une commission, commandant à la noblesse et aux évêques de se rendre à Londres pour l'assister contre les hérétiques.

 

Un jour fut appointé pour la controverse, quand un grand nombre de personnes de tous rangs s'assembla et Lambert fut tiré de sa prison par un garde et placé directement vis-à-vis du roi. Henri étant assis sur son trône, regarda le prisonnier avec un visage sévère et commanda alors à Day, évêque de Chichester d'expliquer la raison de la présente assemblée. L'évêque fit un long discours, disant que quoique le roi avait aboli l'autorité papale en Angleterre, on ne devait pas supposer qu'il permettrait aux hérétiques de déranger et troubler, sans impunité, l'église dont il était le chef. Il avait donc déterminé de punir tous les schismatiques et voulant avoir l'avis de ses évêques et de ses conseillers dans une si grande occasion, il les avaient assemblés pour entendre les divers arguments dans le cas actuel.

 

Le discours étant terminé, le roi ordonna à Lambert de déclarer son opinion quant au sacrement de la cène du Seigneur; ce qu'il fit en niant que c'était le corps de Christ. Le roi commanda alors à Cramner de réfuter son assertion, ce qu'il essaya de faire; mais il fut interrompu par Gardiner qui s'interposa avec véhémence et étant incapable d'avancer un argument en sa faveur, essaya par des abus virulents de renverser son antagoniste. Tonstal et Stokesly les suivirent de la même façon; et Lambert commençant à leur répondre, fut commandé de se taire par le roi. Les autres évêques firent chacun un discours en réfutation d'un des arguments de Lambert, jusqu'à ce que tous les dix eussent répondu ou plutôt raillé; car il ne lui fut pas permis de les défendre quoique faussement représentés.

 

Enfin, quand le jour fut passé, et que les torches commencèrent à être allumées, le roi désireux de terminer cette prétendue controverse dit à Lambert, "Que dis-tu maintenant, après ces grands travaux que tu as pris sur toi et toutes les raisons et l'enseignement de ces savants ? N'es-tu pas satisfait ? Veux-tu vivre ou mourir ? Qu'en dis-tu ? Tu as encore le libre choix."

 

Lambert répondit, "Je me soumets entièrement à la volonté de votre majesté." Alors, dit le roi, " remets-toi entre les mains de Dieu et non entre les miennes.

 

Lambert répondit, "Je remets mon âme entre les mains de Dieu, mais mon corps je remets et soumets à votre clémence." Le roi lui répondit, "Si tu t'en remets à mon jugement tu dois mourir car je ne saurais être le patron des hérétiques;" et se tournant vers Cromwell, et dit, "Lis la sentence de sa condamnation" ce qu'il fit.

 

Le jour fixé pour que le saint martyr souffrit, il fut amené de la prison à huit heures du matin à la maison de Cromwell, où, dit-on, Cromwell désirait son pardon pour ce qu'il avait fait. Lambert étant enfin averti que l'heure de sa mort approchait, et étant amené dans la salle, salua les messieurs présents et s'assit pour déjeuner avec eux ne montrant ni tristesse ni crainte. Quand le déjeuner fut fini, il fut mené directement au lieu de l'exécution à Smithfield.

 

Le mode de son supplice fut terrible; car après que ses jambes furent brûlés jusqu'aux moignons, et qu'un petit feu fut laissé sous lui, deux monstres barbares qui se tenaient à chaque côté de lui, le percèrent avec leurs hallebardes, et le soulevèrent aussi haut que la chaîne pouvait aller; tandis que lui, élevant ses mains à demi consumées cria au peuple ces mots : "Nul autre que Christ, nul autre que Christ !" et ainsi, leurs hallebardes étant retirées, il tomba dans le feu et y termina sa vie.

 

Le parti papal triompha grandement à cet évènement, et essaya d'en profiter. Ils persuadèrent au roi que cela aurait un bon effet sur son peuple, qui y verrait son zèle pour la foi; et ils n'oublièrent pas de magnifier tout ce qu'il avait dit comme paroles d'oracles ce qui le montrait être le "Défenseur de la foi et le chef suprême de l'Église. Tout ceci affecta tellement le roi qu'il résolut de rassembler le parlement dans le but contradictoire de supprimer les monastères qui restaient et de supprimer les nouvelles opinions."

 

Souffrances et martyre du Dr. Robert Barnes.  

Le Dr. Barnes fut instruit à l'université de Louvain, en Brabant. A son retour en Angleterre il alla à Cambridge où il fut fait prieur de l'ordre des Augustins et intendant de leur collège. L'ignorance la plus profonde régnait dans l'université, excepté dans le cas de quelques personnes dont le savoir était inconnu au reste. Le Dr. Barnes, désireux d'augmenter la science et de répandre la vérité, commença bientôt à instruire les étudiants dans les langues classiques et avec l'aide de Parnel, il fit bientôt fleurir le savoir et l'université présenta un différent aspect. Ces bases étant posées, il commença à expliquer publiquement les épîtres de St. Paul, et à enseigner la doctrine de Christ en plus grande pureté. Il prêcha et discuta avec ardeur contre le luxe du haut clergé, particulièrement contre le cardinal Wolsey, et la lamentable hypocrisie du temps. Mais cependant il demeura ignorant de la grande cause de ces maux, à savoir, l'idolâtrie et la superstition de l'église; et pendant qu'il décriait le courant il but à la source et la fit couler pour d'autres. Enfin, ayant fait connaissance avec Bilney, il fut converti à Christ. Dans le premier sermon réformé qu'il prêcha il commenta l'évangile du jour, suivant l'Écriture et l'exposition de Luther. Pour ce sermon il fut accusé d'hérésie par deux agrégés du King's Hall. Le Dr. Nottoris, un ennemi acharné de Christ lui proposa de se rétracter; mais il refusa comme cela paraît dans son livre qu'il écrivit au roi Henri réfutant le jugement du Cardinal Wolsey et le reste des évêques romains. Ils continuèrent à Cambridge, l'un prêchant contre l'autre jusqu'à six jours avant le carnaval, quand soudainement, un sergent fut envoyé pour l'arrêter. Le mercredi il arriva à Londres et logea à la maison de Parnel. Le jour suivant il fut mené devant le Cardinal Wolsey à Westminster, et causa avec lui dans sa, chambre d'État se tenant à genoux.

 

"Quoi, M. le docteur," lui dit Wolsey," n'avez-vous pas assez de place dans les Écritures pour enseigner le peuple sans que mes souliers en or, mes haches d'armes, mes colonnes, mes coussins, mes croix vous offensent et que vous me rendiez ridicule parmi le peuple qui aujourd'hui se moque de nous. Vraiment c'était un sermon plus convenable à prêcher sur le théâtre que dans la chaire; car à la fin vous avez dit que je porte une paire de gants rouges, je devrais dire des gants ensanglantés disiez-vous pour que je n'ai pas froid dans mes cérémonies." A cette moquerie le Dr. Barnes répondit, "Je ne dis rien que la vérité tirée des Écritures, suivant ma conscience et suivant les anciens docteurs." Il lui remit alors six feuilles de papier écrites, pour corroborer ses assertions.

 

Le cardinal les reçut en riant, disant. "Nous apercevons que vous avez l'intention de maintenir vos articles et de montrer votre savoir." Barnes lui répondit, oui, j'en ai l'intention, avec la grâce de Dieu et la permission de votre grandeur." Le cardinal se fâcha et dit, "Des gens tels que vous sont peu disposés à notre égard et encore moins envers l'église catholique. Je vous demanderai si vous pensez plus nécessaire que j'aie toute cette royauté, parce que je représente la majesté du roi dans toutes les hautes cours de ce royaume ou d'être aussi simple que vous le désirez, de vendre toutes ces choses et les donner aux pauvres qui bientôt après les jetteraient dans la boue; et de faire disparaître cette dignité princière qui est en terreur au méchant et suivre votre conseil ?"

 

"Je crois," dit Barnes, qu'on doit les vendre et les donner aux pauvre'. Tout ceci ne convient pas à votre état; et la majesté du roi n'est pas maintenu par votre pompe et vos haches d'armes, mais par Dieu qui dit "Les rois règnent par moi." Se tournant vers ceux de sa suite le cardinal dit satiriquement: "Voyez maîtres docteurs, il est l'homme instruit et sage que vous m'avez dit !" Alors ils s'agenouillèrent et dirent, "Nous désirons que votre grâce soit charitable à son égard, car il se réformera." Le cardinal dit avec douceur, "Levez-vous; pour l'amour de vous et de l'université nous lui serons favorable." Se tournant vers Barnes, il ajouta, "Qu'en dites-vous, maître docteur; ne savez-vous pas que je suis capable de décider en toutes matières qui concerne la religion dans ce royaume, comme le pape lui-même ? " Barnes répondit candidement, "Je sais qu'il en est ainsi.." Le cardinal lui demanda alors, "Vous laissez-vous conduire par nous? et nous ferons tout pour votre avantage et celui de l'université." Barnes répondit, "Je remercie votre grâce de votre bonne volonté; je vais m'attacher aux Saintes-Écritures, comme étant le livre de Dieu,' suivant le simple talent que Dieu m'a donné." Le cardinal termina le dialogue en disant, "Eh bien, tu auras ton savoir essayé jusqu'au bout et tu auras la loi."

 

Le lendemain matin il fut amené par le sergent dans le lieu du chapitre, devant les évêques, et Islip, l'abbé de Westminster. Ceux-ci demandèrent au sergent quel était son message. Il dit qu'il avait amené le Dr. Barnes accusé d'hérésie, et il présenta à la fois ses articles et ses accusateurs. On demanda au Dr. Rames s'il voulait souscrire à ses articles ? Il y souscrivit volontiers, et il fut envoyé avec le jeune Parnel à la prison Fleet.

 

Le samedi suivant il fut de nouveau amené devant eux dans le lieu du chapitre. Après une longue contestation, ils lui demandèrent s'il voulait abjurer ou être brûlé. Il fut bien agité et se sentit plutôt incliné à brûler qu'à abjurer. Mais il eut encore le conseil de Gardiner et Fox qui le persuadèrent d'abjurer, parce que, disaient-ils, il pourrait pour le futur garder le silence; donnant d'autres raisons pour sauver sa vie et arrêter son hérésie. Sur cela, s'agenouillant, il consentit à abjurer; cependant ils consentirent à peine de le recevoir dans le sein de l'église, comme il l'appelait. Alors il lui firent prêter serment et lui ordonnèrent d'accomplir tout ce qu'ils lui commandaient; ce qu'il promit.

 

Sur cela ils commandèrent au gardien de la Fleet de le garder en prison close, et le matin de procurer cinq fagots pour le Dr. Barnes et quatre autres personnes accusées d'hérésie, le cinquième homme devait avoir un cierge du poids de cinq livres préparé pour lui, pour l'offrir à la croix de Northen à l'église St. Paul, et d'avoir ces choses prêtes à huit heures le matin suivant; et que lui avec tout ce qu'il pourrait faire avec des bills et des glaives et le maréchal du palais avec toutes les baguettes qu'il pourrait faire, devrait les apporter à l'église St. Paul et les conduire de nouveau à la maison. En conséquence, le matin ils étaient tous prêts à l'heure appointée à l'église St. Paul, qui était comble. Le cardinal avait un échafaud sur le haut de l'escalier pour lui-même avec trente-six abbés, prieurs mitrés et évêques, et sur son trône dans toute sa pompe se trouvaient ses chapelains et ses docteurs spirituels en robe de damas et de satin, et lui-même en pourpre. Il y avait aussi une nouvelle chaire érigée sur le haut de l'escalier pour l'évêque de Rochester pour prêcher, contre Luther et Barnes; et de grands paniers de livres placés devant eux en dedans de la balustrade, que l'on commanda de brûler, après que le feu fut fait devant la croix de Northen et ces hérétiques devaient après le sermon faire trois fois le tour du feu et y jeter leurs fagots.

 

Pendant le sermon le Dr. Barnes et les hommes furent obligés de s'agenouiller et de demander pardon à Dieu et à l'église catholique et la grâce du cardinal; après le sermon on lui commanda de déclarer qu'il était traité plus charitablement qu'il ne méritait, ses hérésies étant si horribles et exécrables; il s'agenouilla de nouveau demandant au peuple de lui pardonner et de prier pour lui. Cette farce étant terminée, le cardinal partit dans son baldaquin, avec ses hommes mitrés avec lui jusqu'à ce qu'il vint à la seconde porte de l'église St. Paul, alors i! monta une mule et les hommes mitrés revinrent de nouveau. Alors les prisonniers ayant reçu ordre de descendre de la plateforme sur laquelle les balayeurs avaient coutume de se tenir quand ils balayaient l'église, les évêques les y placèrent encore et commandèrent au maréchal du palais et au gardien de la Fleet, avec leur compagnie, de les mener autour du feu; ils furent alors amenés aux évêques et s'agenouillèrent pour l'absolution. L'évêque de Rochester se tenant debout, déclara au peuple combien de jours de pardon et de rémission ils avaient pour avoir été présents à ce sermon, et le Dr. Barnes avec les autres furent reçus de nouveau dans l'église. Ceci fait, ils furent menés de nouveau à la prison devant y rester jusqu'à ce que le bon plaisir du cardinal fut connu.

 

Le Dr. Barnes y étant resté six mois fut relâché pour devenir un prisonnier sur parole chez les religieux Austin à Londres. Mais y étant veillé on fit de nouvelles plaintes à son sujet au cardinal et pour cela on le transporta chez les religieux Austin de Northampton, pour y être brûlé; intention dont, toutefois, il était ignorant. Enfin M. Horne qui était son intime ami, ayant eu connaissance du mandat d'arrêt qu'on devait sous peu lancer contre lui, lui conseilla de feindre, d'être dans un état de désespoir et d'écrire une lettre au cardinal et de la laisser sur sa table où il demeurait avec un papier déclarant où il était allé pour se noyer et de laisser ses habits au même endroit; et une autre lettre devait être laissée au maire de la ville de le chercher dans l'eau, parce qu'il avait une lettre écrite sur du parchemin autour du cou cachetée en cire pour le cardinal qui avertirait toute le monde de se méfier de lui. Ce plan il mit à exécution et ils le cherchèrent pendant sept jours; mais cependant il était conduit à Londres couvert d'habits de pauvres gens d'où il s'embarqua et alla à Anvers où il trouva Luther.

 

Le Dr. Barnes devint savant dans la parole de Dieu et fort en Christ et bien estimé de tous les hommes dont l'estime était un honneur, particulièrement Luther, Melanchton, le duc de Saxe, et roi de Danemark ce dernier, dans le temps de More, l'envoya avec les Lubecks comme ambassadeurs au roi Henri huit. Sir Thomas More qui succéda à Wolsey comme chancelier aurait bien voulu l'attraper; mais le roi ne voulut pas le permettre et Cromwell était son grand ami. Avant de partir, les Lubecks et lui discutèrent avec les évêques d'Angleterre en défense de la vérité et on lui permit de partir sans empêchement. Après avoir été à Wittemberg, chez le duc de Saxe et Luther, il resta là pour faire imprimer ses ouvrages qu'il avait commencés, après quoi il revint de nouveau au commencement de la reine Anne, comme d'autres le firent, et il continua à être un fidèle prédicateur à Londres, étant pendant tout son règne bien vu et promu. Après cela il fut envoyé comme ambassadeur par Henri au duc de Clèves pour l'affaire du mariage de lady Anne de Clèves et du roi. Il donna une grande satisfaction dans toutes les tâches qui lui furent confiées.

 

Peu de temps après ceci, le Dr. Barnes, avec ses frères furent pris et menés devant le roi à la Cour Hampton. Le roi désirant d'amener un accord entre lui et Gardiner, à la demande de ce dernier lui permit d'aller chez lui avec l'évêque pour s'entretenir avec lui. Mais ne s'accordant pas, Gardiner et ses associés essayèrent d'induire Barnes et ses amis dans un plus grand danger qui peu de temps après fut préparé. A cause de certaines plaintes faites au roi à leur égard on leur commanda de prêcher trois sermons à Pâques à l'hôpital; à ces sermons, outre les autres rapporteurs qui y furent envoyés, Gardiner était présent, assis avec le maire, l'un ou l'autre pour rendre témoignage de leur rétractation, ou bien, comme les Pharisiens vinrent à Christ, pour les surprendre dans leurs discours, s'ils disaient quelque chose de mal. Barnes prêcha le premier, et à la conclusion de son sermon pria Gardiner, s'il pensait qu'il avait dit quelque chose de contraire à la vérité, de lever la main en face de tous ceux qui étaient présents, sur quoi Gardiner leva immédiatement le doigt. Malgré cela, ils furent tous les trois, par le moyen des rapporteurs, envoyés à la Cour Hampton, d'où ils furent conduits à la tour où ils restèrent jusqu'à ce qu'ils furent mis à mort.

 

M. Garret était un curé de Londres. Vers l'année 1526, il vint à Oxford et apporta avec lui des livres en latin, traitant des Écritures et la première traduction du Nouveau Testament en anglais qu'il rendit aux gens de lettres à Oxford. Après en avoir disposé ou reçut la nouvelle de Londres qu'on le cherchait dans toute la ville, comme hérétique et pour avoir vendu des publications hérétiques, comme on les appelait. Il n'était pas inconnu au cardinal Wolsey à l'évêque de Londres et à d'autres que M. Garret avait un grand nombre de ces livres et qu'il était allé à Oxford pour les vendre. C'est pourquoi ils déterminèrent de faire une recherche secrète dans tout Oxford, pour brûler ses livres et lui aussi s'ils le pouvaient. Mais heureusement un des procureurs du collège Magdalen, M. Cole étant une des connaissances de M. Garret l'avertit de la recherche qu'on faisait et lui conseilla de s'éloigner d'Oxford aussi secrètement que possible.

 

Une cure lui fut procurée par Dalabar, un autre ami et M. Garret s'en alla à Dorsetshire. Jusqu'où il alla et par quelle occasion il revint bientôt après, n'est pas connu. Mais le samedi suivant il vint à la maison de Radley, où il logeait avant, et après minuit, dans une perquisition secrète qu'on fit pour l'arrêter il fut pris par les deux procureurs et le samedi matin on le livra au Dr. Cottisford, maitre du collège Lincoln qui le retint prisonnier dans sa chambre. Il y eut à ce sujet une grande réjouissance parmi les papistes et surtout de la part du Dr. London gardien du Nouveau Collège et du Dr. Higdon doyen de Frideswide qui envoya immédiatement des lettres avec toute diligence au cardinal pour l'informer de l'arrestation de cet hérétique important pour lequel ils étaient bien assurés de recevoir de grands remerciements. Mais de tout ce soudain brouhaha, Dalabar ne connaissait rien; il ne savait pas que Garret était de retour, ni son arrêt jusqu'à ce qu'il vint à sa chambre: aussitôt qu'il le vit il lui dit qu'il était fini puisqu'il était pris. Il parla ainsi imprudemment en présence d'un jeune homme. Quand le jeune homme fut parti, Dalabar lui demanda qui il était et comment il le connaissait. Il dit qu'il ne le connaissait pas; mais qu'il avait été voir un moine de ses connaissances dans ce collège et là-dessus il demanda à son domestique de le conduire à son frère. Il déclara alors comment il était revenu et pris dans la secrète perquisition.

 

Dalabar lui dit alors: "Hélas ! M. Garret, par votre venue imprudente et en parlant devant ce jeune homme, vous vous êtes découvert et m'avez complètement perdu." Il lui demanda pourquoi il n'allait pas à son frère avec ses lettres. Il lui dit qu'après s'être éloigné pendant un jour et demi, il avait si peur, que son cœur lui suggéra qu'il devait retourner à Oxford; en conséquence il vint encore le vendredi soir et fut pris. Mais maintenant, avec larmes, il priait Dalabar de l'aider à s'éloigner, et il jeta loin son capuchon et sa robe dans laquelle il vint et demanda un habit à manches disant qu'il lui serait possible de se déguiser, d'aller au Pays de Galles et de là en Allemagne. Dalabar lui mit alors un de ses habits à manches. Il aurait aussi mis une autre espèce de capuchon, mais il ne put en trouver pour lui.

 

Alors ils s'agenouillèrent tous les deux et élevèrent leurs cœurs à Dieu, le priant de l'aider dans son voyage, afin qu'il s'échappa de ses ennemis, à la gloire de son nom si c'était son bon plaisir. Ils s'embrassèrent alors et purent à peine se dire adieu à cause de leur chagrin; enfin déguisés dans les habits de son frère, il partit. Mais sa fuite fut bientôt connue, il fut poursuivi et arrêté à un endroit appelé Hinksey, un peu plus loin que Oxford et étant ramené il fut mis en prison; après cela il fut amené devant le Dr. Loudon et le Dr. Higdon à l'église de Ste. Marie, trouvé coupable d'être un hérétique et ensuite forcé de porter un fagot dans une procession publique de l'église Ste. Marie à la place d'où il venait: après cela, s'échappa de leur tyrannie, jusqu'à ce qu'il fut de nouveau arrêté avec le Dr. Barnes.

 

William Jérôme était vicaire de Stepney, et convaincu des erreurs de l'église de Rome et des conséquences qui en résultaient, il prêcha avec beaucoup de zèle les pures et simples doctrines de l'évangile au lieu des traditions des hommes. Il fut bientôt connu des ennemis de la vérité qui le veillaient avec une jalousie maligne. Il ne s'écoula guère de temps avant que, dans un sermon prêché à l'église St. Paul, dans lequel il traita de la justification par la foi, il les offensa; alors il fut cité devant le roi à Westminster étant accusé d'hérésie.

 

On l'accusa, d'avoir dit suivant St. Paul dans son épître aux Galates—Que les enfants de Sara—employés allégoriquement pour les enfants de la promesse—étaient tous nés libres; et qu'indépendamment du baptême et de la pénitence ils étaient, par la foi, faits héritiers de Dieu. Le Dr. Wilson s'opposa fortement à cette doctrine. Mais Jérôme la défendit avec toute la force de la vérité, et dit que quoique les bonnes œuvres étaient le moyen du salut, cependant elles suivaient comme conséquence de la foi dont elles étaient les fruits et qui découvraient leurs racines, comme le bon fruit fait connaître le bon arbre. Mais ses ennemis étaient si acharnés et le roi si trompé que Jérôme fut envoyé à la Tour, de compagnie avec, les deux autres bons soldats de Christ pour souffrir avec eux pour sa foi.

 

Ici ils restèrent tandis qu'on instruisait contre eux leur procès par le conseil du roi en parlement par lequel, sans avoir été entendu et sans connaissance de leur sort, il furent convaincus d'hérésie et condamnés aux flammes. Le 30 juin suivant, ils furent amenés de la Tour à Smithfield où on leur permit de parler au peuple. Le Dr. Barnes parla le premier comme suit: - Je suis venu ici pour être brûlé comme hérétique et vous allez entendre ma confession de foi par laquelle vous pourrez voir quelle opinion erronée j'entretiens. Je prends Dieu à témoin que suivant ma connaissance je n'ai jamais enseigné de doctrine erronée, mais seulement celles que l'Écriture m'enseigne; et dans mes sermons je n'ai jamais encouragé l'insurrection, mais avec toute diligence me suis-je efforcé de montrer la gloire de Dieu, l'obéissance pour notre souverain seigneur le roi et la vraie et sincère religion de Christ; et maintenant vous allez entendre ma croyance:

 

"Je crois en la sainte et bénie Trinité, trois personnes en un seul Dieu qui a créé et fait le monde, et que cette bénie Trinité à envoyé la seconde personne, Jésus-Christ, dans le sein de la Vierge Marie pure et souverainement bénie. Je crois qu'il a été conçu par le Saint-Esprit, et reçu d'elle son corps; qu'il souffrit la faim, la soif, le froid et d'autres passions de notre corps, excepté le péché, suivant ce qu'il est dit, Il fut fait en toute chose comme ses frères, excepté le péché.' Et je crois que sa mort et sa passion sont une rançon pour le péché. Et je crois que par sa mort il vainquit le péché, la mort et l'enfer et qu'il n'y a pas d'autre satisfaction auprès du Père mais seulement par sa mort et sa passion; et qu'aucune œuvre de l'homme ne mérite rien de Dieu, mais la passion seule de Christ comme nous procurant notre justification, car je sais que la meilleure œuvre que j'aie jamais faite est impure et imparfaite." Ayant dit cela il ouvrit ses mains et demanda à Dieu de lui pardonner ses offenses. "C'est pourquoi, je te prie, Ô Seigneur de ne pas entrer en jugement avec moi suivant les paroles du prophète David. C'est pourquoi je ne m'appuie sur aucune bonne œuvre que j'aie jamais faite, mais seulement sur la mort de Christ. Je n'ai aucun doute que par lui je n'hérite du royaume des cieux. Mais n'allez pas vous imaginer que je parle contre les bonnes œuvres, car on doit en faire; et véritablement ceux qui ne les font pas n'entreront pas dans le royaume de Dieu. Il nous faut les faire parce que Dieu nous le commande pour montrer et faire paraître notre profession non pas pour mériter ou être digne; car cela ne s'obtient que par la mort de Christ."

 

Quelqu'un lui demanda alors son opinion sur les prières aux saints. "Maintenant quant aux saints," dit-il, "Je crois qu'ils sont au ciel avec Dieu, et qu'ils sont dignes de tout l'honneur que l'Écriture veut qu'ils aient: mais il ne nous est pas commandé dans l'Écriture de les prier. C'est pourquoi je ne puis ni ne veux prêcher que les saints doivent être priés, car alors je vous prêcherais une doctrine de ma propre tête. Quant à savoir s'ils prient pour nous ou non, je m'en rapporte à Dieu. Si les saints prient pour nous, alors j'espère prier pour vous dans l'espace d'une demi-heure. C'est pourquoi, si les morts peuvent prier pour les vivants je prierai certainement pour vous."

 

Alors dit-il au shérif, "Avez-vous quelques raisons contre moi pour lesquelles je suis condamné ?" Le shérif répondit "Non." Alors, dit Barnes, Y a-t-il ici quelque autre personne qui connaisse pourquoi je meure, ou que, par ma prédication j'aie induit en erreur   Qu'elle parle maintenant et je lui répondrai." Mais personne ne répondit. Alors, dit-il, "Je suis condamné par la loi à mourir, et, comme je le comprends par un acte du parlement; mais pourquoi je ne saurais dire; peut-être est-ce pour hérésie car nous sommes probablement condamnés à souffrir pour cette accusation quoique cruelle. Mais quant à ceux qui en ont été l'occasion, je prie Dieu de leur pardonner comme je voudrais être pardonné moi-même. Et le Dr. Stephen, évêque de Winchester, s'il a cherché ou préparé ma mort, soit par paroles ou action, je prie Dieu de le lui pardonner, aussi cordialement, aussi librement, aussi charitablement et aussi sincèrement que Christ à pardonné à ceux qui l'ont mis à mort. Je vous prie tous de prier pour la prospérité du roi comme je l'ai fait depuis que je suis en prison et je le fais maintenant afin que Dieu puisse lui donner prospérité et qu'il puisse régner longtemps parmi vous; et après lui que le pieux prince Édouard paisse finir les choses que son père a commencées.

 

Après cet admirable discours, le Dr. Barnes, demanda que s'il avait offensé quelqu'un ou donné scandale, qu'on lui pardonnât et se corrigeât du mal qu'ils avaient reçu de lui et lui rendre témoignage qu'il détestait et abhorrait toute mauvaise opinion et doctrine contre la parole de Dieu, et qu'il mourait dans la foi en Jésus-Christ par lequel il ne doutait pas qu'il fût sauvé. Après ces paroles il leur demanda à tous de prier pour lui; il ôta alors ses habits et se prépara à la mort.

 

Jérôme leur parla comme suit: Je vous dis, mes bons frères que Christ nous a achetés non pas à vil prix, ni avec de l'or et de l'argent, ou autre chose de peu de valeur, mais aven son sang le plus précieux. Ne soyez donc pas ingrats envers lui; mais accomplissez ses commandements - c'est-à-dire, aimez vos frères. L'amour ne nuit à personne; l'amour accomplit tout. Si Dieu t'a envoyé l'abondance, aide ton prochain qui est dans le besoin. Donne-lui de bon conseil. S'il est dans la nécessité considérez que si vous étiez dans la nécessité que vous seriez contents d'être aidés. Et de plus, portez votre croix avec Christ. Considérez quel reproche, calomnie et blâme il a souffert, et comme il a enduré patiemment. Considérez que tout ce que Christ a fait était le produit de sa pure bonté et non pas pour nos mérites. Si nous pouvions mériter notre propre salut, Christ ne serait pas mort pour nous. Que les chrétiens donc ne mettent pas leur confiance en leurs œuvres mis dans le sang de Christ seul, auquel je remets mon âme vous suppliant tous de prier Dieu pour moi et pour mes frères ici présents avec moi pour que nos âmes, laissant ces misérables corps, s'en aillent dans la vraie foi en Christ."

 

Après avoir conclu, Garret parla ainsi: "Moi, aussi, je déteste toutes les erreurs et les hérésies, et si j'en ai enseigné quelques-unes, j'en suis chagrin et en demande à Dieu le pardon. Ou si j'ai été imprudent dans la prédication et que quelqu'un en ait été offensé ou reçu une mauvaise opinion, je lui en demande pardon. Toutefois, d'après ma mémoire, je n'ai jamais prêché quelque chose contre la sainte Parole de Dieu ou de contraire à la vraie foi; mais j'ai toujours essayé, avec le peu de connaissance et de sagesse que j'ai de rehausser la gloire de Dieu, la vraie obéissance à ses lois et aussi celle du, roi. Si j'avais pu mieux faire, je l'aurais fait. C'est pourquoi, Seigneur, si j'ai entrepris de faire quelque chose que je ne pouvais pas bien accomplir, je demande ton pardon pour mon hardie présomption. Et je prie Dieu de donner au roi de sages conseil à son honneur et au surcroît de vertu dans ce royaume. Et ainsi je remets mon âme au Tout-Puissant me confiant et croyant que lui, dans sa miséricorde infinie suivant sa promesse faite par le sang de son fils, Jésus-Christ, la prendra et pardonnera tous mes péchés, dont je lui demande pardon et je désire que vous priez tous avec et pour moi, que je puisse endurer patiemment cette souffrance et mourir dans la vraie foi, l'espérance et la charité."

 

Les trois martyre se prirent alors par la main et après s'être embrassés se remirent à leurs exécuteurs, qui, les attachant au bûcher, allumèrent les fagots et terminèrent leur vie mortelle et leurs soucis.

 

Martyr de Patrick Hamilton.  

Patrick Hamilton, descendait de haute famille, il fut élevé avec l'intention d'être promu dans les ordres. Il se rendit en Allemagne pour étudier et là faisant la connaissance de Luther, et de Melanchton il devint convaincu de la vérité de leurs doctrines.

 

Après avoir prêché quelque temps à ses concitoyens, il fut invité à l'église St. André pour examiner les points en question. Mais ses ennemis, se trouvant défaits par ses arguments résolurent de se venger. Hamilton fut en conséquence emprisonné. On prépara des articles contre lui et sur son refus d'abjurer, Beaton, archevêque de St. André avec l'archevêque de Glasgow, trois évêques et cinq abbés le condamnèrent comme hérétique obstiné, le livrèrent au bras séculier et ordonnèrent son exécution cette même après-midi. Quand il fut attaché au bûcher il exprima une grande joie dans ses souffrances puisqu'il entrait ainsi dans la vie éternelle. Un religieux nommé Campbell se montra très prévenant. Hamilton répondit qu'il savait qu'il n'était pas un hérétique, qu'il s'était confessé à lui privément et le chargea de répondre pour cela au trône du Dieu tout-puissant. Alors on apporta la poudre et le feu étant allumé, il mourut après avoir répété ces mots, "Seigneur Jésus, reçois mon esprit." Son persécuteur implacable, Campbell, devint fou bientôt après et mourut sans recouvrer sa raison.

 

Henri Forest, un jeune homme de Lithquon fut la victime suivante. Sa première offense fut de dire que Patrick Hamilton mourut martyr et que ses articles étaient vrais. Pour cela il fut pris et mis en prison par Beaton. Il demanda, peu de temps après, un certain religieux du nom de Walter Laing d'entendre sa confession. Quand Forest eut déclaré qu'il pensait que Hamilton était un homme bon et injustement mis à mort et que ses articles de foi étaient vrais et non pas hérétiques, le moine en informa l'évêque. Sa confession étant donnée comme preuve contre lui, il fut cité devant le clergé et les docteurs et livré par eux au bras séculier pour être mis à mort.

 

Quand le jour vint, il fut amené devant le clergé dans un champ couvert de gazon entre le château de St. André et un lieu appelé Monymaill. Aussitôt qu'il vit les visages du clergé, il cria à haute voix, "Fi ! au mensonge. fi ! aux faux moines, révélateurs de confession. Ci-après que personne ne se fie aux moines, contempteurs de la parole de Dieu et séducteurs des hommes." Après cette dégradation ils le condamnèrent comme hérétique égal à Hamilton; et il souffrit la mort pour son fidèle témoignage de la vérité en Christ.

 

Testwood et ses compagnons.  

Robert Testwood, de Londres, avait, par sa connaissance de la musique acquit un si grand nom que les musiciens au collège Windsor le pensèrent digne d'avoir une place parmi eux. Il était tant aimé pour sa voix et son habileté qu'il vint s'établir à Windsor avec sa famille et était fort estimé par le doyen et les canons. Un jour qu'il dînait avec le Dr. Rawson, un des canons, un des quatre prêtres de la chambre du roi Édouard, nommé Ely, était présent. M. Ely commença à se moquer des laïques qui se mêlaient d'étudier les Écritures et d'être mieux instruits, tout en ne connaissant que la langue anglaise, que les savants d'Oxford et de Cambridge. Testwood, s'apercevant que cela lui était adressé, dit "M. Ely, avec votre permission, je crois qu'il n'y a pas de mal à un laïque, tel que je suis, de lire et de connaître les Écritures."

 

Il s'éleva alors une dispute concernant le pape, dont la suprématie n'était pas connue être mise en question au parlement au point où elle l'était. Ely demanda à Testwood si le pape ne devait pas être la tête de l'église. Testwood répondit que, chaque roi dans son propre royaume, devrait être la tête de l'église soumise à Christ. En entendant cela Ely se leva de table dans un grand transport, appelant Testwood un hérétique. Testwood était chagrin de voir le vieillard agir de la sorte, et après dîner le trouvant marchant dans l'église, pensa de voir parler avec lui charitablement; mais Ely l'évita, disant aux autres qui marchaient auprès, "Méfiez-vous de cet homme-là car il est le plus grand hérétique qui soit jamais venu à Windsor."

 

Après cela, Testwood souffrit beaucoup de persécution; et quoique la suprématie du roi passât en parlement, cependant les ennemis de Testwood avaient résolu sa perte. Il avait peur de quitter sa maison; et une fois quand il s'aventura dans le chapitre un de ses ennemis tira un poignard et l'aurait poignardé si Ward, un juge de paix ne l'en eût empêché.

 

Antoine Pearson allait fréquemment prêcher à Windsor vers l'an 1540, et il était très estimé parmi le peuple qui courait en si grande foule à ses sermons que les prêtres du château avec d'autres papistes en ville, surtout Simons, en furent offensés. Simons, enfin, commença à prendre note de ses sermons et à noter ses auditeurs; de là résulta la mort de plusieurs honnêtes gens. Environ un an après. le Dr. Loudon, gardien du Nouveau Collège à Oxford fut admis comme l'un des prébendiers de Windsor qui, après sa première venue, commença à montrer son aversion pour la doctrine luthérienne.

 

A son premier dîner à sa résidence, toute sa conversation avec deux messieurs, étrangers à sa table, ne fut que sur les hérétiques, et quelle désolation ils causeraient au royaume si on les endurait. "Et par Ste. Marie, messieurs," dit-il, "il circule un rapport étrange de cette maison." Quelqu'un fit la remarque que c'était sans raison. "Je prie Dieu qu'il en soit ainsi. Je suis un étranger parmi vous mais j'ai entendu dire qu'il y en a ici dans cette maison qui ne veulent avoir ni prière ni jeûne."

 

Alors Testwood dit, "Sur ma parole, monsieur, je pense que cela a été dit par malice; car la prière, comme vous le savez mieux que moi, était l'une des premières leçons que le Christ nous a enseignée." "Oui, monsieur," dit-il, "mais les hérétiques ne veulent pas d'invocation des saints, que tous les pères de l'Église permettent." "Ce que les pères de l'Église permettent," dit Testwood, "Je ne puis dire; mais l'Écriture nous enseigne d'aller au Père et de lui offrir nos demandes au nom de Christ." "Alors vous ne voulez point de médiateur entre nous et Dieu," dit le docteur. "Oui, monsieur," dit Testwood, "notre médiateur est Christ, comme le dit St. Paul, Il y a un médiateur entre Dieu et les hommes savoir Jésus-Christ." " Donnez-nous de l'eau," dit le docteur en colère, comme s'il était devenu impur par la compagnie d'un hérétique. Quand l'eau fut apporté sur la table, il rendit grâce et se leva, et pendant qu'il parlait sur un autre sujet avec les étrangers, les clercs prirent congé et s'en allèrent.

 

Quand ce fier prébendier eut été un certain temps au Windsor et eut appris qui était Testwood, et quelle sorte d'hérétiques était en ville et combien ils croissaient par le moyen d'un prêtre appelé Antoine Pearson, il entretint une disposition presque infernale à leur égard. Dr. London se mit à l'œuvre au sérieux. L'évêque Gardiner était son plus puissant auxiliaire, car il persuada au roi d'avoir la loi mise en force. Bientôt après Robert Benet, Henri Filmer, Jean Marbeck et Robert Testwood furent arrêtés pour des livres et des écrits contre les six articles trouvés à leurs maisons; ils furent gardés jusqu'au lundi suivant, et amenés ensuite au conseil, excepté Testwood qui était malade de la goutte. Les trois autres furent logés en prison; Filmer et Benet au cachot de l'évêque de Londres, et Marbeck au Marshalsea. Ils furent examinés très rigoureusement, mais demeurant fermes, ils furent condamnés à mort. Marbeck par le moyen de l'évêque de Sarum fut pardonné, mais ses compagnons souffrirent comme il est dit plus haut.

 

Le samedi matin deux des canons du collège vinrent à la prison, l'un appelé le Dr. Blithe, et l'autre M. Arch qui furent envoyés comme confesseurs. M. Arch leur demanda, s'ils voulaient se confesser ? Ils dirent, "Oui." Alors il leur demanda, s'ils voulaient recevoir le sacrement? "Oui," dirent-ils "de tout notre coeur." "Je suis content," dit Arch, "de vous entendre dire cela; mais la loi est qu'il ne saurait être administré à une personne condamnée d'hérésie; toutefois, c'est assez pour vous de l'avoir désiré." Et ainsi il les fit monter au corridor pour entendre leurs confessions, parce que la prison était pleine de monde. Le Dr. Blithe prit Anthony Pearson pour le confesser et M. Arch les deux autres. Le docteur, toutefois, ne fut pas longtemps avec Anthony avant qu'il ne descendit disant, "Je ne veux plus de cette doctrine." Bientôt après l'autre descendit aussi. Alors Anthony commença à dire le "Notre Père" continuant jusqu'à ce que les officiers vinssent pour l'emmener; alors prenant congé de Marbeck, ils louèrent Dieu pour sa délivrance, lui souhaitant un surcroît de piété et de vertu et le suppliant de leur aider par ses prières, afin qu'ils fussent forts dans leurs afflictions.

 

Comme ils passaient dans les rues, ils demandèrent au peuple de prier pour eux et de demeurer fermes dans la vérité de l'évangile, sans être ébranlés par leurs afflictions, car c'était la plus heureuse chose qui pût leur arriver. Et comme le Dr. Blithe et Arch voulaient les convaincre de retourner à leur sainte mère l'église, "Allez" leur criait Anthony; allez avec votre doctrine romaine et vos vains discours car nous n'en voulons plus." Quand Filmer vint à la porte de son frère il l'appela; mais il ne put le voir parce que le Dr. London l'avait éloigné. Quand il ne vint pas, il dit, "Et ne viendra-t-il pas ? Alors que Dieu lui pardonne et le fasse devenir un bon homme." Ainsi ils vinrent au lieu de l'exécution où Anthony Pearson, avec un visage gai embrassa le poteau et le baisant dit, "Maintenant sois la bienvenue ma femme bien-aimée; car aujourd'hui toi et moi serons mariés ensemble dans l'amour et la paix de Dieu."

 

Quand ils furent tous les trois attachés au poteau, un jeune homme, une connaissance de Filmer lui demanda s'il voulait boire. " Oui,» dit Filmer, " Je vous remercie. Et maintenant, mon frère, je désire que, au nom du Seigneur, tu demeures ferme dans la vérité de l'Évangile que tu as reçue; "et alors prenant la coupe dans sa main il demanda à son frère Anthony s'il voulait boire. "Oui, frère Filmer," dit-il, "Je t'engage au nom du Seigneur."

 

Quand il eut bu, il donna la coupe à Anthony et Anthony la passa à Testwood; ce dont leurs adversaires firent une plaisanterie, disant qu'ils étaient tous ivres et ne savaient ce qu'ils disaient; quoique ils ne fussent pas plus ivres que les apôtres l'étaient, quand le peuple disait qu'ils étaient pleins de vin; car quand Anthony et Testwood eurent bu tous les deux, Filmer se réjouissant au Seigneur, dit, "Soyez réjouis, mes frères et élevez vos cœurs et vos mains vers Dieu car après cet amer déjeuner nous aurons un bon dîner dans le royaume de Christ, notre Seigneur et Rédempteur." A ces mots Testwood, élevant les mains et les yeux au ciel, demanda au Seigneur de recevoir son esprit. Anthony Pearson, tirant la paille vers lui, en mit une bonne quantité sur sa tête, disant, "Maintenant je suis vêtu comme un bon soldat de Christ, par les mérites seuls duquel j'espère aujourd'hui d'entrer dans sa joie." Ainsi ils remirent leurs âmes dans la foi en Jésus-Christ avec une telle humilité et fermeté que plusieurs qui virent leur patience dans la souffrance, confessèrent qu'ils auraient pu avec joie mourir avec eux.

 

Martyre de Adam Damlip.  

Environ en même temps Adam Damlip mourut martyr à Calais, qui appartenait alors aux Anglais. On montre encore le lieu un peu hors de la ville où lui et d'autres endurèrent l'épreuve du feu.

 

Adam Damlip, autrement dit George Bucker alla à Calais en l'an 1539. Il avait été un zélé papiste et chapelain à Fisher, évêque de Rochester. Après la mort de l'évêque il voyagea en France, en Hollande et en Italie, conférant ensemble avec les hommes instruits concernant les dogmes de la religion; et de là il procéda à Rome où il s'attendait de trouver une grande piété et une parfaite sincérité; mais au lieu de cela il y trouva, dit-il, un tel blasphème de Dieu, mépris de la vérité en Christ, un tel relâchement de conduite et une telle impureté qu'il lui fut impossible d'y rester. Le cardinal Pole désirait qu'il donnât trois conférences par semaine dans sa maison; mais il préféra retourner chez lui par la voie de Calais. Comme il attendait pour son passage en Angleterre, il fut trouvé par William et Thomas Lancaster être un homme instruit et bien disposé; et qu'après avoir été un zélé papiste il était venu à la connaissance de la vraie religion; ils le prièrent donc de rester à Calais un certain temps pour pouvoir faire du bien à la ville. Il y consentit volontiers s'il pouvait être licencié par ceux qui étaient en autorité.

 

Là-dessus Stevens l'amena à Lord Lisle, le vice-roi auquel il déclara l'entretien qui avait eu lieu entre Damlip et lui. Le vice-roi désira alors que Damlip resta pour y prêcher, disant qu'il aurait sa licence à lui et celle de Sir John Butler, son commissaire. Ayant prêché trois ou quatre fois, il plut tellement par sa connaissance, son débit et la vérité de sa doctrine que non-seulement les soldats et le commun peuple mais le lord député et une grande partie du conseil l'en louèrent beaucoup et le remercièrent. Le vice-roi lui offrit aussi une chambre dans sa propre maison et une place à sa table, un ou deux hommes pour le servir et tout ce dont il aurait besoin, si c'était possible de se le procurer avec de l'argent; il lui offrit aussi une bourse pour s'acheter des livres ou autres choses pour qu'il restât avec eux et prêchât seulement aussi longtemps qu'il le trouverait bon. Damlip refusa avec beaucoup de reconnaissance ces offres généreuses de sa seigneurie la priant d'être assez bon de le nommer à quelque endroit tranquille où il pourrait s'occuper de ses livres et qu'il y prêcherait tous les jours, le matin et l'après-midi parmi eux comme Dieu l'en rendrait capable: Sur cela le vice-roi envoya chercher William Stevens auquel il demanda de loger Damlip dans sa maison lui promettant de pourvoir à tout ce qu'il demanderait pour lui.

 

Cet homme pieux, pendant vingt jours ou plus, prêcha la vérité avec connaissance et simplicité concernant le saint sacrement du sang de Christ, s'élevant contre la transsubstantiation et le sacrifice propitiatoire de la messe.

 

Ainsi il continua quelque temps ses conférences dans le chapitre des White Friars; mais la place n'était pas assez grande il désira parler dans la chaire et il continua de là à déclarer que le monde était induit en erreur par les évêques romains qui avaient établi la doctrine de la transsubstantiation et de la présence réelle dans le sacrement. Il vint enfin à parler contre le tableau de la résurrection dans l'église St. Nicholas, déclarant que c'était de l'idolâtrie et une illusion des Français que les Anglais devaient répudier. La conséquence fut qu'il vint une commission du roi au vice-roi qu'on devrait faire une recherche peur s'assurer s'il y avait trois hosties mises sur une table de marbre aspergées de sang; et s'ils trouvaient qu'il en était ainsi, de les arracher. En cherchant, comme ils cassaient une pierre dans un coin de la tombe, ils trouvèrent soudés dans la croix de marbre placée sous le sépulcre, trois jetons blancs unis, qui avaient été peints comme des hosties et un os; tous ces colifichets Damlip montra au peuple le dimanche suivant du haut de la chaire; après quoi ils furent envoyés au roi par le député.

 

Bientôt après, toutefois, un prieur des White Friars, nommé Dore, avec Buttoll, chapelain de Lord Lisle, commencèrent à parler contre lui. Cependant après que Adam eut réfuté, dans trois ou quatre sermons la doctrine erronée de la messe, le moine sembla céder en apparence mais il le dénonça secrètement par lettres au clergé d'Angleterre. Environ huit à dix jours après, Damlip fut sommé de paraître devant l'archevêque de Canterbury, les évêques de Winchester et de Chichester et divers autres devant lesquels il défendit la doctrine qu'il avait enseignée, répondant, réfutant et résoudant les objections; de sorte que ses adversaires parmi lesquels se trouvait le savant et pieux Cranmer, s'en émerveillait et dit clairement que les Écritures ne connaissaient pas de terme comme la transsubstantiation. Alors les autres évêques commencèrent à le menacer du feu et du fagot s'il voulait rester ferme dans ce qu'il avait dit. Il répondit à ceci, qu'il livrerait le lendemain par écrit ce qu'il avait dit et qu'il y resterait ferme; et sur cela il fut renvoyé.

 

Le jour suivant, quand il le cherchait pour le prendre, il ne vint pas; car il avait reçu un secret avis de l'archevêque de Canterbury que s'il paraissait il n'échapperait pas probablement à une mort cruelle. Sur cela il leur envoya quatre feuilles de papier écrites en latin, contenant sa confession de foi. Il se sauva alors avec un peu d'argent dans la partie ouest du pays où il enseigna une école pendant un an ou deux, après quoi il fut saisi par l'inquisition pour les six articles et amené à Londres. Gardiner le recommanda à la maréchaussée et là il resta encore deux ans.

 

Pendant son emprisonnement, Jean Marbeck, fut mis dans la même prison, conversa avec lui, apprit qu'ils était ce qu'il avait été, quelles peines il avait endurées et combien de temps il avait été retenu en prison. "Et maintenant" dit Damlip, "parce que je pense qu'ils m'ont oublié, je vais présenter mon humble demande à l'évêque de Winchester, déclarant mon obéissance, mon humble soumission et mon sincère désir d'en venir à un examen. Je connais le pire; je ne puis perde que la vie, ce que je ferai de préférence que d'être empêché d'employer mon talent à la gloire de Dieu; c'est pourquoi, Dieu voulant, je vais en faire l'épreuve."

 

Damlip, pour son excellente conduite, était aimé de toute la prison; mais surtout par le gardien, dont le nom était Massy; et comme il avait la permission d'aller sur les lieux partout où il voulait, il fit beaucoup de bien par les prisonniers dissolus, blâmant le vice et le mal, les tenant par ce moyen dans un si bon ordre que le geôlier le trouvait être un grand trésor. Marbeck trouva aussi en lui une grande consolation. Car, malgré l'ordre stricte de l'évêque de Winchester, qu'il ne devait parler à personne, il trouva souvent le moyen de soulager son compagnon.

 

Quand il eut rédigé son épître, il la donna au gardien, voulant qu'il la portât à la cour de l'évêque de Winchester. Le gardien l'ayant fait, revint au logis très tard, quand les prisonniers qui avaient attendu le souper pour l'attendre, le voyant triste supposèrent que tout n'allait pas bien. Enfin, jetant les yeux sur Damlip, il dit, "Ô George, je puis te donner des nouvelles." "Qu'est-ce que c'est, maître ?" dit-il, "Lundi prochain toi et moi devons aller à Calais." "A Calais ! pourquoi faire ?" "Je ne sais pas" dit le gardien, et il tira de sa bourse un morceau de cire, avec une étiquette de parchemin qui y était attaché. Quand Damlip le vit, il dit, "Bien, maître, maintenant je sais ce qu'il y a." "Quoi," dit le gardien," J'espère qu'il n'en sera pas ainsi." "Oui, maître, c'est très vrai et je loue Dieu pour sa bonté." Ainsi le gardien avec Damlip et Marbeck, allèrent souper, étant tristes pour Sir George comme ils avaient coutume de l'appeler. Lui, toutefois, était gai; de telle sorte que quelques-uns lui dirent qu'ils s'étonnaient comment il pouvait si bien manger, sachant qu'il était si proche de la mort. "Ah, messieurs," dit-il, "pensez-vous que j'aie été prisonnier de Dieu si longtemps dans la maréchaussée et n'aie pas encore appris à mourir ? Oui, oui; et je n'ai aucun doute que Dieu m'y fortifierais.

 

Le lundi matin le gardien avec trois autres des domestiques du maréchal du palais, menèrent Adam Damlip à Calais, et le mirent dans la prison du maire Le même jour John Butler, le commissaire susdit, et Sir Daniel, le curé de St. Pierre, furent enfermés dans la même prison, et ordre donné que personne ne parlât avec Butler surtout, ni même avec le reste.

 

Le samedi suivant fut le jour de l'exécution de Damlip. Il fut accusé d'hérésie; mais par raison d'un acte du parlement, toute offense faite après un certain jour était pardonnée. Par cet acte il ne pouvait être blâmé de ce qu'il avait prêché ou enseigné auparavant; cependant pour avoir reçu un écu français du cardinal Pole pour l'assister dans ses dépenses de voyage, il fut condamné pour trahison et cruellement mis à mort, étant pendu, tiré et écartelé.

 

Le jour précédent son exécution vint le voir un M. Mote, curé de l'église de Notre Dame à Calais qui lui dit, "Vos quatre quartiers seront pendus aux quatre parties de la ville." "Et où sera ma tête ?" dit Damlip. "Sur la lanterne à la barrière," dit Mote. "Alors," répondit Damlip, "Je n'aurai pas besoin de pourvoir à mon enterrement." A sa mort, Sir R. Ellerker, le maréchal du palais ne voulut pas lui permettre soit de déclarer sa foi ou la cause de sa mort; mais il dit à l'exécuteur, "Expédie le coquin, finis-en !" Mote fut choisi pour prêcher et déclara que Damlip avait été un instigateur de doctrine séditieuse; et quoique il fut pour cela absous par un pardon général, cependant il fut condamné comme traître au roi. Quand Damlip aurait voulu lui répondre, Ellerker lui commanda d'être emmené. Ainsi ce martyr innocent souffrit la mort avec douceur, patience et joie.

 

Martyre de George Wishart.  

George Wishart était écossais de naissance, mais il reçut son éducation à Cambridge. L'année avant sa mort (en 1546) il retourna en Écosse et sur sa route prêcha à plusieurs endroits contre l'idolâtrie. Il prédit plusieurs choses extraordinaires, particulièrement ses propres souffrances et la diffusion de la réformation dans tout le pays. Il prêcha en dernier lieu à Lothian où le comte de Bothwell le prit, mais promit qu'aucun mal ne lui serait fait; toutefois il le livra au cardinal qui l'amena à St. Andrews et convoqua une assemblée des évêques pour le détruire.

 

Pendant qu'il était emprisonné dans le château, le doyen de St. Andrews fut envoyé pour le sommer de paraître devant le juge le matin suivant à cause de sa doctrine séditieuse et hérétique comme on l'appelait. Wishart répondit, "Quel besoin a mon seigneur le cardinal de me sommer de paraître quand je suis ainsi en son pouvoir et lié de chaînes ?" Il fut plusieurs fois amené devant ses ennemis, mais il maintint ses vues et ses principes religieux. A la fin, il fut condamné à être brûlé comme hérétique. Quand le feu et l'échafaud furent prêts, le cardinal craignant que Wishart ne fut délivré par ses amis, commanda aux canonniers de se tenir près de leurs canons, jusqu'au temps où il serait brûlé. Ils attachèrent alors les mains du martyr derrière lui et le conduisirent à la place de l'exécution. Quand il vint auprès du feu il répéta par trois fois ces paroles : "Ô toi Sauveur du monde aie pitié de moi, Mon Père qui es aux cieux je remets mon esprit entre tes saintes mains." Alors il se tourna vers le peuple et dit, "Je vous prie, frères et sœurs en Christ de ne pas être scandalisés de la parole de Dieu à cause de l'affliction que vous voyez qu'on prépare pour moi; mais aimez la parole de Dieu et endurez patiemment. Rappelez-vous que je souffre ce feu pour l'amour de Christ. Considérez et regardez mon visage; vous ne me verrez pas changer de couleur. Je ne crains pas ce feu hideux. Si l'on vous persécute pour l'amour du monde ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais qui n'ont aucun pouvoir de tuer l'âme. Quelques-uns ont dit que j'enseignais que l'âme de l'homme devait dormir jusqu'au dernier jour; mais je sais pour certain que je vais souper avec le Christ mon Sauveur cette nuit. Je prie le Christ de pardonner à ceux qui m'ont condamné à mourir aujourd'hui par ignorance. S'ils ne se détournent pas de leur méchante erreur la colère de Dieu viendra sur eux et ils n'échapperont pas."

 

Il prononça encore plusieurs autres paroles sincères ne s'arrêtant nullement aux cruels tourments que l'on préparait pour lui. Enfin le bourreau tomba à genoux et dit; "Je vous prie de me pardonner car je ne suis pas coupable de votre mort." Il répondit - "Viens ici à moi." Quand il fut venu, il lui embrassa la joue et dit: "Voici une preuve que je t'ai pardonné. Mon chéri, fais ton devoir," et immédiatement il fut pendu au gibet et brûlé en cendres. Le peuple contempla la sortie glorieuse de ce martyr triomphant avec des sentiments mêlés d'étonnement de chagrin et d'indignation.

 

Le clergé se réjouit de sa mort et vanta le courage du cardinal pour avoir procédé en cela contre les ordres du gouverneur. Mais le peuple regardait Wishart comme un martyr et un prophète. On dit aussi que sa mort n'était rien moins qu'un meurtre puisque aucun arrêt n'avait été obtenu pour le faire; et le clergé n'avait aucun droit de brûler quelqu'un sans un mandat du pouvoir séculier. Il fut donc conclu que le cardinal méritait la mort pour sa présomption. Son insolence l'avait rendu généralement odieux; et douze personnes formèrent un complot de le tuer privément à sa propre demeure. Le 30 mai ils s'emparèrent de la barrière de bonne heure le matin; et quoiqu'il eut cent hommes dans le château, toutefois étant tous endormis ils les attaquèrent un par un et les mirent soit dehors ou les enfermèrent. S'étant assurés de tous, ils allèrent à la chambre du cardinal qui voyant qu'ils voulaient attenter à sa vie, s'écria: "Fi ! fi ! ne me tuez pas; je suis un prêtre;" mais ne l'écoutant pas plus qu'il ne l'avait fait à Wishart, ils le tuèrent immédiatement, et mirent son corps en dehors de la même fenêtre d'où il avait regardé l'exécution de Wishart. Quelques-uns justifièrent cet acte comme étant simplement tuer un voleur et un meurtrier; mais il fut généralement condamné.

 

Martyre de Kerby et de Roger Clarke.  

Vers la fin du règne de Henri VIII. Kerby et Roger Clarke furent arrêtés à Ipswich, et amenés devant Lord Wentworth, avec d'autres commissaires choisis pour surveiller leurs examens. Kerby et Clarke étant dans la maison du geôlier dont le nom était Bird, il vint un M. Robert Wingfield, qui dit à Kerby, Rappelle-toi que le feu est chaud; prends garde à ton entreprise, pour que tu ne prennes pas plus sur toi que tu ne peux accomplir. La douleur est extrême, et la vie est douce, Il vaut mieux, parfois, s'attacher à la miséricorde que de commencer témérairement et ensuite de reculer." Kerby répondit - "Ah, Wingfield, sois à mon bûcher et tu diras, voici devant moi un soldat chrétien dans le feu; car je sais que le feu et l'eau, l'épée et toutes antres choses sont dans les mains de Dieu et il ne souffrira pas que l'on mette sur nous plus qu'il ne nous donnera la force de supporter." "Ah, Kerby," dit Wingfield, si tu en es à ce point, je te dis adieu; car je ne suis pas assez fort pour être brûlé."

 

Quand Kerby et Clarke vinrent au siège du jugement ils élevèrent leurs yeux et leurs mains au ciel priant Dieu instamment. Ceci fait, leurs articles leur furent lus, et alors on leur demanda s'ils croyaient que dans le sacrement, après les paroles prononcées par un prêtre ce n'était pas le vrai corps et sang de Christ, sa chair, son sang et ses os, comme il était né de la Vierge Marie et non plus du pain ? Ils répondirent à cette question brûlante - "Non ! nous ne le croyons pas; mais nous croyons que le sacrement que Jésus-Christ a institué n'était que pour rappeler à ses disciples le souvenir de sa mort précieuse et de son sang répandu pour la rémission des péchés." Alors avec beaucoup d'arguments, avec des moyens honnêtes et des menaces on les pressa; cependant ils restèrent fidèles, préférant de mourir que de vivre et ainsi ils continuèrent jusqu'à la fin.

 

On passa alors sur eux la sentence que Kerby serait brûlé dans la dite ville le samedi suivant, et Clark à Bury le lundi après. Le samedi, environ dix heures, Kerby fut amené à la place du marché où un bûcher de bois et de paille était préparé. Il ôta ses habits moins sa chemise et fut alors attaché au poteau avec des chaînes; il y avait sur la galerie Lord Wentworth, avec quelques-uns des juges d'où ils pouvaient voir son exécution, et aussi pour entendre ce que Kerby avait à dire; il y avait aussi un grand concours de peuple. Sur la galerie se tenait aussi le Dr. Rugham ayant un surplis et une étole sur le cou. Alors on proclama le silence et le docteur commença à s'excuser comme n'étant pas propre à expliquer les Saintes Écritures, étant peu préparé parce que le temps était si court, mais il espérait qu'avec l'aide de Dieu cela arriverait bien.

 

Pendant que les exécuteurs préparaient leurs chaînes, les fagots et la paille, le martyr sans changer de mine et de visage, mais avec un esprit humble, glorifiait Dieu. Le Dr. Rugham enfin commença le sixième chapitre de St. Jean et aussi souvent qu'il citait les Écritures et les appliquait à propos, Kerby disait au peuple que c'était vrai et leur commandait d'y croire. Mais quand il ne le faisait pas, il lui disait alors. "Vous ne dites pas la vérité; ne le croyez pas bonnes gens." Là-dessus, d'accord avec la voix du peuple, ils jugeaient que le Dr. Rugham était un faux prophète. Quand il eut fini son discours, il dit à Kerby, "Toi homme juste, ne crois-tu pas que le saint sacrement de l'autel est la chair et le sang de Christ et non pas du pain, de même qu'il était né de la Vierge Marie ? Kerby répondit - "Je ne le crois pas." "Que crois-tu ?" dit le docteur. Kerby dit: "Je crois que dans le sacrement que Jésus-Christ a institué à son dernier souper, sa mort et sa passion et son sang répandu pour la rédemption du monde doivent être commémorés; et, comme je l'ai dit avant, quoique encore du pain, et plus que du pain, car il est alors consacré pour un saint usage.

 

Le sous-shérif demanda alors à Kerby s'il avait quelque chose de plus à dire. "Oui, monsieur," dit-il, "Si vous m'en donnez la permission." "Parle donc," dit le shérif. Le martyr, rappelant tout son courage, et levant les mains, répéta la Te Deum et le crois en Dieu, avec d'autres prières dans la langue anglaise. Lord Wentworth, pendant que Kerby était ainsi occupé, se cacha derrière l'une des colonnes de la galerie et pleura, ce que firent aussi plusieurs autres. "Alors," dit Kerby, "J'ai fini: vous pouvez remplir votre office, bon shérif." Sur cela on mit le feu au bûcher et lui d'une voix forte s'adressa à Dieu, se frappant la poitrine et élevant les mains; ainsi se termina sa vie, le peuple lâchant des cris et louant Dieu pour sa fermeté.

 

Le lundi suivant, sur les dix heures, Roger Clarke de Meudlesham, fut sorti de prison et mené à pied à Southgate, à Bury. Sur le chemin la procession les rencontra; mais il ne voulut pas s'agenouiller et avec des paroles véhémentes réprimanda leur superstition. En dehors de la barrière le bûcher étant prêt et le bois placé auprès, il s'agenouilla et dit le Magnificat en langue anglaise faisant là-dessus une paraphrase, dans laquelle il déclara que la bienheureuse Vierge Marie qui pouvait aussi bien se réjouir en pureté que toute autre, s'humilia cependant devant notre Sauveur. "Et que dis-tu Jean Baptiste," dit-il, "le plus grand de tous les enfants ? "Voici l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde". De la sorte il criait au peuple, pendant qu'on l'attachait au bûcher et alors on alluma le feu. Ses souffrances furent affreuses, parce que le bois était vert et ne voulait pas brûler de sorte qu'il était étouffé par la fumée; et de plus étant mis dans un baril de goudron avec du goudron encore attaché sur les côtés il en éprouva de grandes souffrances jusqu'à ce qu'il sortit ses pieds du baril. Enfin quelqu'un près de lui prit un bâton et frappant l'anneau de fer autour de son cou et ensuite sur sa tête il s'affaissa sur un des côtés du feu et ainsi il périt.

 

La réformation parut maintenant pour un temps rétrograder au lieu d'avancer. Dans le mois de décembre suivant, le roi vint au parlement pour donner la sanction royale aux actes qui étaient passés, où après un éloquent discours que lui fit l'orateur, il lui répondit par un discours artificieux composé par lui-même.

 

Il déclara d'abord que son cœur était reconnaissant envers ses sujets pour leurs octrois et subsides qu'ils lui avaient offerts. Ensuite il les exhorta à vivre dans la concorde, la paix et l'unité; Mais s'il avait pris le bon moyen de pousser à la charité, d'aider l'innocence parmi ses sujets il aurait ôté la loi impie des six articles. Par cette loi - connue sous le nom de Statut Sanguinaire - le bûcher ou la pendaison était le châtiment reconnu pour tous ceux qui niaient que le pain et le vin du sacrement était le corps naturel et le sang du Sauveur; ou que la communion sous les deux espèces n'est pas nécessaire au salut; ou que les prêtres peuvent se marier; ou que la messe était conforme à la loi divine; ou que la confession était utile et nécessaire. Maintenant à quoi sert-il d'exhorter à la charité en parole et en même temps, de mettre une arme dans la main d'un meurtrier pour frapper son frère désarmé qui n'a pas le pouvoir de se défendre. Le mal et la souffrance produits par cette loi n'ont jamais été plus évidents que dans son exécution contre trois ou quatre martyrs de ce temps-là. Parmi ceux-là la plus mémorable fut Anne Askew dont la persécution acharnée et la mort inexorable contribuèrent à montrer l'esprit sanguinaire des temps, en même temps que la fermeté dont une femme peut faire preuve quand elle est assistée par la puissance de la religion et de la vérité.

 

Martyre de Anne Askew.  

Cette dame descendait d'une bonne famille et avait reçu une très bonne éducation. Elle fut examinée en l'année de notre Seigneur 1545 au mois de mars. Christophe Dare l'examina au Saddler's Hall. Ses réponses aux diverses questions qu'il lui fit furent telles qu'elles l'étonnèrent et le réduisirent au silence.

 

Après que le chancelier et l'évêque l'eurent examinée, sans pouvoir ébranler sa fermeté, son cousin Britain vint, avec plusieurs autres parmi lesquels était M. Hall de Gray's Inn.

 

L'évêque lui demanda quelle était sa foi et sa croyance touchant le sacrement. Elle lui répondit, " Je crois ce que les Écritures m'enseignent." Là-dessus il demanda, "Comment alors, si l'Écriture dit que c'est le corps de Christ ?" "Je crois," dit-elle, "comme l'enseigne l'Écriture." Alors il demanda de nouveau, "Comment alors si l'Écriture dit que ce n'est pas le corps de Christ ?" " Sa réponse fut encore. "Je crois tout ce que l'Écriture m'enseigne." Il s'arrêta longtemps sur cet argument pour la forcer à faire une réponse à son goût. Toutefois, elle ne le voulut pas, mais conclut ainsi avec lui, "Je crois en ceci, comme dans toutes autres choses, comme Christ et ses apôtres l'ont révélé."

 

Il y eut certains prêtres qui essayèrent fortement de connaître sa pensée. Elle leur répondit toujours ainsi: - "Ce que j'ai dit à l'évêque de Londres je l'ai dit." Alors le Dr. Standish demanda à l'évêque de lui faire dire son opinion concernant le texte de la connaissance de St. Paul, probablement pour machiner sa perte, parce que étant une femme elle interpréterait les Écritures en présence de tant d'hommes sages et instruits. L'évêque lui dit alors promptement "je sais que quelqu'un vous a demandé si vous recevriez les sacrements à Pâques et vous vous en êtes moquée." Elle répondit à ceci calmement et humblement. "Je désire que mon accusateur vienne de l'avant," ce qu'il ne voulut pas permettre. Mais il lui dit encore. "J'ai envoyé quelqu'un vous donner un bon conseil et au premier mot vous l'avez appelé papiste." "Je ne nie pas cela," dit-elle, " car je me suis aperçue qu'il n'était rien moins et je ne lui ai fait aucune autre réponse." Alors il la censura et dit qu'elle avait rapporté qu'on avait envoyé contre elle soixante prêtres à Lincoln. "Vraiment" répondit-elle, "Je l'ai dit; car mes amis m'ont dit que si je venais à Lincoln, les prêtres m'attaqueraient et me causeraient beaucoup de trouble; et quand j'ai entendu cela, j'y suis allée, n'ayant pas peur parce que je savais que mon cas était bon. Dans ce but j'y suis resté neuf jours, pour voir ce qu'on m'y dirait, et comme j'étais dans le monastère, lisant la Bible, ils vinrent à moi deux à deux et en plus grand nombre ayant l'intention de me parler et s'en allèrent leur chemin sans parler." L'évêque lui demanda s'il n'y en avait pas eu un qui lui avait parlé. Elle répondit, "Oui il y a eu un d'entre eux qui a parlé; mais ses paroles étaient de peu d'importance de sorte que je ne m'en souviens pas." Alors dit l'évêque. "Il y en a beaucoup qui lisent et connaissent l'Écriture et cependant ne la suivent pas ni ne vivent en conséquence." Elle dit encore, ''Mon Seigneur, je désirerais que tous les hommes connaîtraient ma conversation et mon genre de vie en tous points; car je suis sûre moi-même à cette heure qu'il n'y a personne capable de prouver aucun acte malhonnête contre moi.

 

Cette femme pieuse et bien douce fut, cependant, déclarée hérétique, et condamnée à endurer de nouvelles persécutions. Quelques jours après elle fut envoyée de Newgate à l'enseigne de la Couronne où M. Rich et l'évêque de Londres avec tout leur pouvoir et leurs paroles flatteuses s'efforcèrent de la détourner de Dieu; mais elle ne s'arrêta pas à leurs prétentions mensongères. Après eux vint un certain Nicholas Shaxton qui lui conseilla de se rétracter, comme d'autres avaient fait. Elle lui dit, "Il aurait été mieux que vous ne fussiez jamais né;" avec plusieurs autres paroles tirées surtout des Écritures. Elle fut alors envoyée à la Tour, où elle resta jusqu'il trois heures, quand Rich vint et un membre du conseil lui commandant de leur montrer si elle connaissait quelque homme ou femme de sa secte. Voici sa réponse, "Je ne connais personne." Alors ils l'interrogèrent concernant lady Suffolk, lady Sussex, lady Hertford, lady Denny et lady Fitzwilliam. Elle répondit à cela, "Si je disais quelque chose contre elles, je ne saurais le prouver." Alors il lui dirent. "Le roi est informé que vous pourriez nommer, si vous le vouliez, un grand nombre de votre secte." Elle répondit le roi est déçu sous ce rapport, comme il a été trompé par eux sur d'autres matières.

 

Enfin ils la mirent à la torture, parce qu'elle n'avait pas confessé connaître aucunes dames ou messieurs comme étant de son opinion et là ils la tinrent longtemps; et parce qu'elle restait tranquille ne criait pas, le grand chancelier et M. Rich prirent la peine de la torturer de leurs propres mains jusqu'à ce quelle fût à peu près morte - un exemple de cruauté inouïe même pour cette époque. Le lieutenant la fit alors détacher de l'instrument de torture et elle s'évanouit immédiatement et ensuite revint à elle. Alors elle fut apportée à une maison et mise au lit avec un corps aussi meurtri et souffrant que celui de Job, tout en continuant à remercier Dieu. Alors le grand chancelier lui envoya dire que si elle voulait abandonner sa foi on pourvoirait à ses besoins, sinon, quelle serait brûlée. Elle lui envoya. dire qu'elle préférerait mourir que de renier sa foi - demandant à Dieu de lui ouvrir les yeux.

 

Étant née d'une race et d'une parenté qui l'aurait rendu capable de vivre dans une grande aisance et prospérité si elle avait choisi de vivre plutôt pour le monde que pour Christ, elle avait maintenant été si tourmentée qu'elle ne pouvait ni vivre longtemps dans une si grande souffrance ni être laissée mourir tranquille par ses adversaires; ayant fixé le jour de son exécution elle fut apportée à Smithfield dans une chaise parce qu'elle ne pouvait marcher à cause des cruels effets de ses tourments. Quand elle fut amenée au bûcher elle y fut attachée par le milieu du corps avec une chaîne qui tenait son corps suspendu. Trois autres furent amenés pour souffrir avec elle et pour la même offense; ce furent Nicholas Belenian, un prêtre de Shropshire; Jean Adams, un tailleur; et Jean Lacel un gentilhomme de la cour et de la maison du roi Henri. Les martyrs étant enchainés au bûcher et toutes choses préparées pour le feu, le Dr. Shaxton, alors appointé pour prêcher commença son sermon. Anne Askew l'écoutant et lui répondant; quand il disait bien elle l'approuvait; quand il se trompait, exprimant fermement son dissentiment et disant, "Il parle en dehors du livre."

 

Le sermon étant fini, les martyrs, se tenant à leurs divers bûchers, commencèrent leurs prières. La multitude étant très grande, la place où ils étaient fut entourée d'un cordon pour arrêter la foule. Sur le banc, près de l'église St. Barthélemy, était assis Wriothesley, le chancelier d'Angleterre, le vieux duc de Norfolk, le vieux comte de Bedford le lord-maire avec d'autres. Avant que le feu ne fût allumé, un du parquet entendant qu'ils avaient de la poudre à fusil sur eux commença à avoir peur; mais le comte de Bedford dit que la poudre n'était pas mise sous les fagots, mais seulement autour du corps des martyrs, pour les débarrasser de leurs douleurs, de sorte qu'il n'y avait aucun danger.

 

Le lord-chancelier envoya alors à Anne Askew pour lui offrir le pardon du roi, si elle voulait se rétracter; une lettre dite écrite par le roi fut mise entre ses mains; mais elle, refusant de la regarder, répondit, "Je ne viens pas ici pour renier mon Seigneur et mon Maître." Alors il y eut des lettres offertes aux autres, qui de même refusèrent de les regarder; continuant à s'encourager et à s'exhorter l'un l'autre par l'espérance de la gloire dans laquelle ils étaient sur le point d'entrer; sur quoi le lord-maire commandant d'allumer le feu cria d'une haute voix, "Fiat justitia." Ainsi ces heureux martyrs furent entourés de flammes de feu comme de saints sacrifices à Dieu et à la vérité.

 

Vie et Martyre de William Tyndal.  

Nous allons maintenant répéter l'histoire et le martyre de William Tyndal, qui, quoiqu'il ne souffrit pas la mort en Angleterre, devrait être mis au rang des martyrs de notre pays, dont il peut, à cause de son grand zèle, de sa persévérance et de la dissémination de la vérité, être à bon titre regardé comme l'apôtre.

 

Il naquit sur les bords du pays de Galles et fut instruit à l'université de Oxford. Il se fixa ensuite à Cambridge et ensuite à Gloucestershire il fut engagé par un chevalier nommé Welch, comme précepteur à ses enfants. A la table de ce noble plusieurs abbés, doyens et autres avaient l'habitude de se rendre, avec lesquels Tyndal parlait des hommes instruits - particulièrement de Luther et d'Érasme—et de questions concernant les Écritures.

 

Après un temps il arriva que le chancelier de l'évêque tint une cour à laquelle les prêtres - Tyndal parmi eux - furent sommés de paraître. Ce dernier craignit qu'une conspiration ne fut formée contre lui; et sur son chemin, il pria Dieu avec instance de le rendre capable de porter témoignage à la vérité. Le chancelier l'injuria grièvement; mais commune rien de défini ne put être prouvé contre lui, il s'échappa de leurs mains.

 

Non loin de là vivait un docteur nommé Munmouth qui avait été une vieille connaissance de Tyndal. C'est è lui que Tyndal ouvrit son cœur. Après un temps le docteur lui dit: - "Ne savez-vous pas que le pape est l'antechrist même dont parle l'Écriture ? Mais prenez garde à ce que vous dites, car si l'on vous savait de cette opinion cela vous coûterait la vie. J'ai été un de ses officiers; mais je l'ai abandonné et je le mets au défi lui et toutes ses œuvres."

 

Peu de temps après Tyndal rencontra un certain théologien et en discutant avec lui, le poussa si loin que le docteur prononça les blasphèmes suivants: "Nous serions mieux d'être sans les lois de Dieu que celles du pape." Tyndal, plein de zèle religieux répondit, "Je mets au défi le pape et toutes ses lois:" et il ajouta que si Dieu l'épargnait qu'avant bien des années il ferait que le fils du laboureur connaîtrait plus les Écritures que lui.

 

Étant très ennuyé par les prêtres, il fut obligé de laisser le service de M. Welch. Quand il vint à Londres il fut recommandé à l'évêque Tonstall; mais Dieu, qui conduit toutes choses suivant sa propre volonté, vit que cette démarche n'était ni pour l'avantage de Tyndal ni pour celui de son église, et en conséquence ne lui fit pas trouver grâce aux yeux de l'évêque. Il demeura à Londres près d'une année, grandement affligé de la pompe, de l'orgueil et de l'ignorance du clergé, de sorte qu'il s'aperçut non seulement qu'il n'y avait pas de place dans le palais de l'évêque pour lui où il put traduire le Nouveau Testament, mais aussi qu'il n'y avait pas de place pour lui pour le faire dans toute l'Angleterre.

 

Il s'en alla donc en Allemagne, après cela dans les Pays-Bas et il demeura surtout à Anvers. Ayant fini une partie de sa traduction il fit voile pour Hambourg ayant l'intention de l'y publier quand une providence mystérieuse l'en empêcha. Dans son voyage il fit naufrage et perdit tous ses manuscrits et presque tout ce qu'il possédait. Toutefois, avec un vrai héroïsme moral il alla à Hambourg et en 1529 commença de nouveau le travail en compagnie de M. Coverdale. Quand la traduction du Nouveau Testament fut d'abord imprimée les prélats anglais furent remplis de colère et ne se donnèrent aucun repos jusqu'à ce qu'ils eussent poussé le roi à prendre des mesures sévères dans l'affaire. On publia une proclamation, sous son autorité qui la condamnait et la défendait. Mais non content de cela, on chercha les moyens d'embarrasser et de détruire l'auteur.

 

En conséquence, après quelques stratagèmes et l'emploi de la trahison, Tyndal fut trahi à Anvers par un certain Phillips et mené au château de Filford à une distance de dix-huit milles, où il demeura jusqu'à sa mort. Enfin, après le laps d'une année et demie et beaucoup de discussion inutile, il fut condamné. Quand il fut attaché au bûcher (ce fut le 6 Octobre) il s'écria à haute voix et avec instance, "Seigneur ouvre les yeux du roi d'Angleterre !" Il fut alors étouffé, et ses restes réduits en cendres. Tel était le pouvoir et l'excellence de ce vraiment excellent homme, que durant son emprisonnement il convertit son gardien avec sa fille et d'autres de ses gens. Plusieurs de ceux qui vinrent en contact avec lui, dirent que s'il n'était pas un bon chrétien ils ne sauraient à qui se fier. Cependant il fut offert par ces prêtres modernes comme une victime à l'ignorance et à la superstition.

 

Martyre de Thomas Benet.  

Thomas Benet naquit à Cambridge et reçut de l'université le titre de M.A. Plus il croissait dans la connaissance de Dieu et de la sainte parole, plus il désapprouvait l'état corrompu de la religion et, en conséquence, pensant que son propre comté n'était pas un endroit sûr pour lui, il alla à Devonshire, en l'an 1524 et demeura à Torrington, inconnu à ceux qui étaient là. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa femme, il tint une école pour les jeunes enfants. Mais cette ville ne répondant point à son attente, il se transporta à Exeter et là recommença son enseignement.

 

Mais voyant tous les jours que Dieu était tellement blasphémé, la religion idolâtre tellement encouragée et le pouvoir usurpé de l'évêque de Rome tellement exalté que son esprit en fut troublé et qu'il ne put rester tranquille. C'est pourquoi il dit à certains de ses amis qu'il ne pouvait endurer plus long temps, mais qu'il lui fallait suivre sa conscience et que, pour la défense de la vraie religion divine il s'offrirait lui-même patiemment comme Dieu lui en donnerait la grâce pour sa vie, alléguant que sa mort serait plus profitable à l'église de Dieu que ne le serait sa vie. Il donna les livres qu'il avait, et bientôt après écrivit certains rouleaux de papier qu'il afficha privément à la porte de la cathédrale de la ville, avec ces mots - "Le pape est l'antechrist; et nous ne devrions adorer que Dieu seul et non les saints."

 

Ces bills étant trouvés, il n'y eut pas peu de recherches faites pour trouver l'hérétique qui les avait affichés. On donna ordre aux docteurs de se hâter de dénoncer du haut de la chaire cette hérésie. Cependant, Benet tenant son action secrète alla le dimanche à la cathédrale pour entendre le sermons et par hasard s'assit auprès de deux hommes qui avaient été les plus actifs dans la ville à chercher les hérétiques; et eux se regardant, l'un dit à l'autre, "Certainement ce gaillard est l'hérétique qui a affiché les bals et il serait bon de l'examiner." Cependant, quand ils virent sa conduite posée et sobre, son attention au prédicateur, son recueillement dans l'église, étant toujours occupé à son livre qui était un Nouveau Testament en latin, ils n'eurent pas la force de lui parler, mais partirent le laissant à la lecture de son livre. Enfin, les prêtres trouvèrent une amulette pour le maudire, quel qu'il fut avec un livre, une cloche et une chandelle; imprécation qui dans ce temps-là était considérée des plus terribles. L'imprécation était ainsi conçue.

 

Un des prêtres, attifé en blanc, monta en chaire. La populace avec quelques-uns des moines des deux ordres et quelques moines superstitieux de St. Nicholas se tenait autour et la croix étant tenue élevée avec des bougies bénites qui y étaient attachées, il commença son sermon avec cette déclaration de Josué; - Il y a un interdit dans le camp. Là-dessus il fit une longue protestation mais pas aussi longue qu'ennuyeuse et superstitieuse; et conclut que le vil et abominable hérétique qui avait affiché le bill était pour son blasphème maudit et damné et il demandait à Dieu, Notre-Dame, St. Pierre, patron de cette église, avec toute la sainte compagnie des martyrs, confesseurs et des vierges, qu'il fut révélé quel hérétique avait fait la maudite action. Alors suivit la malédiction prononcée par le prêtre en ces mots: -

 

Par l'autorité de Dieu le Père Tout-Puissant et de la bienheureuse Vierge Marie, de St. Pierre et St. Paul et des saints, nous excommunions, nous maudissons de toute manière, remettons et délivrons au démon de l'enfer, celui ou celle quels qu'ils soient qui en dépit de Dieu et St. Pierre, dont c'est ici l'église, en dépit de tous les saints et en dépit de notre très saint père le pape, le vicaire de Dieu ici sur la terre et en dépit du révérend père en Dieu, Jean notre évêque diocésain et des vénérables chanoines, maîtres et prêtres et clercs qui servent Dieu tous les jours dans cette cathédrale, ont affichés avec de la cire un bill aussi maudit et hérétique, rempli de blasphème» sur les portes de cette et autres saintes églises dans l'enceinte de cette ville. Qu'ils soient excommuniés ouvertement, lui ou elle, avec punition ou eux et livrés au diable comme malfaiteurs et schismatiques perpétuels. Qu'ils soient maudits, lui ou elle, dans les cités et dans les villes, dans les champs dans les chemins, dans les sentiers, dans les maisons, hors des maisons et dans tout autre endroit, debout, couchés, en se levant, en courant, en marchant, en dormant, en mangeant, en buvant et n'importe ce qu'ils fassent en outre. Nous les séparons lui ou elle du seuil de l'église et de toutes ses bonnes prières de la participation à la sainte messe, de tous les sacrements, chapelles et les autels du pain bénit et de l'eau bénite, de tous les mérites des prêtres de Dieu, des personnes religieuses et de tous leurs cloîtres, de tous leurs pardons, leurs privilège; dons, immunités que tous les saints pères, les papes de Rome leur ont accordés. Nous les remettons entièrement au pouvoir du démon et abreuvons leurs âmes s'ils sont morts, cette nuit dans les tourments du feu de l'enfer, comme cette chandelle est maintenant éteinte - sur cela il éteignit une des chandelles. "Et prions Dieu, si nous vivons, que leurs yeux soient éteints comme l'est cette chandelle" - alors il éteignit l'autre chandelle; "et prions Dieu, et Notre Dame et St. Pierre et Paul et tous les saints que tous les sens de leurs corps manquent, et qu'ils n'aient aucun sentiment, comme maintenant la lumière de cette chandelle s'en est allée" - éteignant la troisième chandelle -" à moins que lui ou elle, vienne publiquement maintenant confesser leur blasphème, et par la repentance fasse amende à Dieu, Notre-Dame, St. Pierre et la dévote compagnie de cette cathédrale; et comme ce saint bâton en croix tombe maintenant, aussi puissent-ils le faire, à moins qu'ils ne se repentent et se montrent !" Ici, quelqu'un ôtant la croix le bâton tomba, et alors quel cri et bruit il se fit ! quelle terrible peur ! quel lèvement de mains au ciel après avoir entendu cette terrible dénonciation !

 

Après que cette farce eut été jouée, Benet ne put s'empêcher d'avoir un accès de rire et ne put s'arrêter: ce qui fit que le pauvre homme fut découvert. Car ceux qui étaient près de lui étonnés de la malédiction et croyant qu'il fallait qu'elle tombât sur quelqu'un demandèrent à Benet pourquoi il riait. "Mes amis," dit-il, " qui peut s'en empêcher, en entendant de pareilles niaiseries !" Immédiatement on cria "Voici l'hérétique voici l'hérétique ! Tenez-le bien !" Il fut conduit en prison.

 

Le lendemain les chanoines et les principaux de la ville commencèrent à l'examiner. Trouvant que leurs menaces et leurs arguments étaient inutiles, ils procédèrent au jugement et le condamnèrent à être brûlé; le mandat qu'ils s'étaient procuré venant de Londres, ils le livrèrent le 15 janvier, 1531, à Sir Thomas Denis, shérif de Devonshire, pour être brûlé. Le martyr se réjouissant de ce que sa fin était si près, comme la brebis devant celui qui la tond, se soumit, avec toute humilité pour endurer et souffrir la croix de la persécution. Étant amené à son exécution dans un endroit appelé Liverydole, en dehors de Exeter, il fit sa prière au Dieu Tout Puissant et demanda au peuple de faire comme lui; les exhortant tellement à chercher à honorer Dieu véritablement et aussi à le connaître comme aussi d'abandonner les inventions de l'imagination humaine, que ses auditeurs étaient dans l'admiration, tellement que la plupart confessaient qu'il était le serviteur de Dieu et un bon homme.

 

Deux écuyers, Thomas Carew et John Barnehouse, se tenant au bûcher près de lui, d'abord avec de bonnes paroles, mais enfin avec menaces exigèrent de lui qu'il révoqua ses erreurs et pria notre Dame et les saints. Il leur répondit avec toute douceur, "Non, non; c'est de Dieu seul dont nous devons invoquer le nom et nous n'avons pas d'avocat auprès de lui sinon Jésus-Christ qui est mort pour nous et maintenant est assis à la droite du Père intercédant pour nous. Par lui nous devons offrir nos prières à Dieu si nous voulons qu'elles soient entendues." Barnehouse fut si choqué de cette réponse qu'il prit une branche sur un pique et la lui lança dans le visage, disant, "Hérétique, prie la Vierge ou par les blessures de Dieu je te le ferai faire." Auquel, dans un esprit humble et doux il répondit avec beaucoup de patience. "Hélas, monsieur, ne me troublez pas." Et élevant les mains, il dit: "Père, pardonnez-leur." Là-dessus le feu fut mis au bois et au genêt et alors cet excellent homme leva les yeux et les mains au ciel, disant, "Seigneur, reçois mon esprit !" Et ainsi, continuant dans la prière, il endura le feu jusqu'à ce que sa vie fut terminée.

 

Martyre de six personnes en Écosse.  

En 1543, l'archevêque de St. André faisant la visite des diverses parties de son diocèse, plusieurs personnes furent accusées d'hérésie à Perth. Parmi celles-là les six suivantes furent condamnées à la mort: William Anderson, Robert Lamb, James Finlayson, James Hunter, James Raveleson et Helen Stark.

 

Les accusations faites contre eux étaient pour les raisons suivantes:

 

Les quatre premiers étaient accusés d'avoir suspendu l'image de St. François, clouant des cornes de bélier sur la tête et attachant une queue de vache à la croupe; mais la principale raison de leur condamnation fut de s'être régalés d'une oie la veille de la Toussaint un jour de jeûne, suivant une superstition romaine. James Raveleson fut accusé d'avoir orné sa maison avec un diadème à trois couronne de St. Pierre, taillé en bois, que l'archevêque pensa avoir été fait en moquerie de son chapeau de cardinal. Helen Stark était accusée de ne pas s'être habituée à prier la vierge Marie. Sur ces accusations ils furent trouvés coupables et reçurent sentence de mort; les quatre pour avoir mangé une oie, à être pendus; James Raveleson à être brûlé; et la femme avec son enfant qu'elle nourrissait, à être mise dans un sac et noyée. Les quatre hommes avec la femme et l'enfant, souffrirent en même temps: mais James Raveleson ne fut exécuté que quelques jours après.

 

Au jour fixé pour l'exécution des premiers, ils furent conduits sous une garde suffisante, au lieu du supplice accompagné d'un nombre prodigieux de spectateurs. Aussitôt qu'ils furent arrivés, ils prièrent avec ferveur; après quoi Robert Lamb s'adressa aux spectateurs, les exhortant de craindre Dieu et de quitter la pratique des abominations papistes. Les quatre hommes furent pendus à la même potence; et la femme avec son enfant à la mamelle furent conduits à une rivière des environs, et étant attachés dans un grand sac, y furent jetés et noyés.

 

Ils souffrirent leur sort avec courage et résignation, remettant leurs esprits qui s'envolaient à ce Rédempteur qui, espéraient-ils, les recevrait au sein du bonheur éternel. Quand nous réfléchissons à leurs souffrances nous sommes disposés à nous apitoyer sur leur sort et à verser une larme de commisération. Le fait de mettre à mort quatre hommes, pour la raison presque unique d'avoir mangé un mets fourni par la Providence dans ce but même, seulement parce que c'était un jour défendu par la bigoterie et la superstition, est vraiment monstrueux; mais le sort d'une femme inoffensive et de son enfant encore plus inoffensif nous fait trembler à la pensée de ce que peut devenir l'humanité quand elle est incitée par la bigoterie de la cruauté la plus diabolique. Outre les personnes ci-dessus mentionnées, plusieurs autres furent cruellement persécutées pendant le séjour de l'archevêque à Perth, quelques-unes étant bannies et d'autres emprisonnées dans des cachots dégoûtants. En particulier, Jean Rogers un homme pieux et instruit, fut tué en prison par ordre de l'archevêque et son corps jeté par dessus la muraille dans la rue; après quoi l'archevêque fit courir le bruit qu'il avait rencontré la mort en essayant de se sauver.

 

CHAPITRE X

ACCESSION DE LA REINE MARIE ET LES PERSÉCUTIONS PENDANT SON RÈGNE.  

Il est affirmé par des catholiques romains, "Que ceux qui ont souffert la mort, pendant le règne de Marie avaient été coupables de haute trahison en désirant la succession de Jane Grey à la couronne." Il est, toutefois, facile de prouver le contraire. Qui a jamais entendu parler de quelqu'un étant brûlé vif pour trahison ? Même en supposant que ces hommes et ces femmes des classes pauvres qui s'offrirent la torture ou la mort, avaient été coupables d'essayer de priver Marie de ses droits légaux, la punition que la loi infligeait était la pendaison ou la décapitation et non pas ces terribles tortures dont le récit, fait glacer le sang dans nos veines. S'ils étaient des traîtres, pourquoi étaient-ils menés devant les évêques pour être examinés eux qui certainement n'était pas les juges ordinaires dans de tels cas ? et si la haute trahison était leur crime, comment se fait-il qu'on n'en fit jamais mention à leurs procès ? Ayant dit ceci pour en faire une sorte d'introduction, nous procéderons à traiter des Actes et des Monuments des Martyrs anglais.

 

A la mort du roi Édouard, la couronne devait échoir légalement à sa sœur aînée Marie (connue aussi comme Marie la sanglante) qui n'était qu'à une demie journée de chemin de Londres. Elle reçut avis par le comte de Arundel, de la mort de son frère et de la lettre patente pour la succession de lady Jane. Sur cela elle se retira à Framlingham en Suffolk pour se trouver près de la mer afin de pouvoir échapper en Flandre si c'était nécessaire. Le 9 juillet elle écrivit au conseil leur disant que "elle avait appris que son frère était mort, qu'ainsi elle succédait à la couronne mais était surprise qu'elle ne recevait pas de leurs nouvelles; qu'elle comprenait bien les consultations séditieuses qu'ils entretenaient, mais qu'elle pardonnerait à tous ceux qui rentreraient sous l'obéissance et proclameraient son titre à la couronne."

 

On trouva alors que la mort du roi ne pouvait pas être gardée secrète: en conséquence quelques-uns des membres du conseil privé allèrent trouver Jane, et la reconnurent comme leur reine. La nouvelle de la mort du roi l'affligea beaucoup, et être élevée au trône accrut plutôt sa peine que de la diminuer. C'était une personne de talents, de connaissances et de vertus extraordinaires. Elle connaissait le latin et le grec et se plaisait à l'étude. Comme elle n'était pas affectée de l'humeur volage qu'on rencontre ordinairement à son âge et dans sa position, elle ne fut pas exaltée par la perspective d'une couronne et aussi peu abattue quand son palais devint une prison. La seule passion qu'elle montra fut dans le souci qu'elle exprima pour son père et son mari qui périrent avec elle et en apparence à cause d'elle; quoiqu'en réalité l'ambition de Northumberland et la faiblesse de son père causèrent sa ruine.

 

Elle rejeta la couronne quand elle lui fut d'abord offerte; elle dit, qu'elle savait qu'en justice elle appartenait aux sœurs du roi défunt, et ne pouvait en bonne conscience la porter; mais on lui dit que les juges et les conseillers privés avaient déclaré qu'elle lui était échue suivant la loi. Ceci, joint aux instances de son mari, de son père et de son beau frère, la fit accepter. Là-dessus, vingt-et-un conseillers privés signèrent une lettre adressée à Marie lui disant que la reine Jane était maintenant leur souveraine, et que comme le mariage entre son père et sa mère avait été déclaré nul, ainsi elle ne pouvait pas succéder à la couronne; ils exigèrent qu'elle se soumit aux arrangement maintenant faits, et, si elle s'y soumettait volontiers ils lui promirent de grandes faveurs. Le jour suivant ils proclamèrent Jane.

 

L'inimitié reconnue de Northumberland pour le défunt duc de Somerset et les soupçons qu'il était l'auteur de la mort prématurée d'Édouard créa au sein de la nation une grande aversion contre lui et sa famille et la disposa en faveur de Marie, qui pendant ce tempe était bien active à lever des troupes pour maintenir sa prétention. Pour attacher les protestants à sa cause, elle promit de ne rien changer à la religion réformée telle qu'établie sous son frère, et avec cette assurance un corps considérable de soldats de Suffock joignit ses étendards.

 

Northumberland était maintenant dans la perplexité, hésitant entre son désir de se mettre à la tête d'une armée levée pour s'opposer à Marie et la crainte de laisser Londres au gouvernement du conseil dont la fidélité lui inspirait des doutes sérieux. Il fut, toutefois, enfin obligé d'adopter ce dernier procédé; et avant son départ de la métropole, il adjura les membres du conseil et toutes personnes en autorité de demeurer fermes dans la cause de la reine Jane sur le succès de laquelle dépendait la durée de la religion protestante en Angleterre. Ils promirent tout ce qu'on leur demandait et il partit encouragé par leurs protestations et leur zèle apparent.

 

Le parti de Marie, cependant continuait tous les jours à croître. Hasting se rangea de son côté avec 4,000 hommes provenant de Buckinghamshire, et elle fut proclamée reine en plusieurs endroits. Enfin le conseil privé commença à voir son danger; et outre ses craintes pour son danger personnel, d'autres motifs influencèrent plusieurs de ses membres. Pour s'échapper de la Tour, où ils étaient détenus, ostensiblement pour donner dignité à la cour de la reine Jane mais réellement comme prisonniers, ils prétendirent qu'il était nécessaire de donner audience aux ambassadeurs étrangers et la maison du comte Pembroke fut choisie dans ce but.

 

Là, ils résolurent de déclarer Marie comme reine. Ils envoyèrent chercher le lord maire et les aldermen et gagnant leur adhésion, Marie fut proclamée reine le 19 juillet. Ils envoyèrent alors à la Tour exigeant que le duc de Suffolk quittât le gouvernement de cette place et que lady Jane déposât le titre de reine. Elle s'y soumit avec beaucoup de grandeur d'âme et son père avec abjection.

 

Le conseil envoya ensuite l'ordre à Northumberland de se soumettre à la reine. Là-dessus il débanda ses forces, se rendit au marché à Cambridge et proclama Marie comme reine. Le comte de Arundel fut envoyé pour l'arrêter; quand Northumberland fut amené devant lui, il tomba à ses pieds pour lui demander grâce. Il fut envoyé à la Tour avec trois de ses fils et Sir Thomas Palmer.

 

Chacun alors se rendit pour implorer la faveur de la reine, et Ridley parmi le reste, mais il aussi fut envoyé à la Tour; la reine ayant résolu de mettre Renner de nouveau dans le siège de Londres. Quelques-uns des juges et plusieurs nobles y furent aussi envoyés et parmi eux le duc de Suffolk; qui fut, toutefois trois jours après remis en liberté.

 

Marie vint à Londres le 3 août. Sur son chemin elle rencontra sa sœur Élisabeth, avec mille cavaliers qu'elle avait rassemblés pour venir à son secours. Ainsi Marie fut établie sur le trône d'Angleterre. Elle fut couronnée à Westminster dans la forme habituelle; mais les conséquences qui en résultèrent furent terribles. La première chose qu'elle fit fut de tirer vengeance de tous ceux qui avaient appuyé le titre de lady Jane Grey. Le duc de Northumberland fut décapité sur la hauteur la Tour et mourut sans être regretté. Les autres exécutions qui suivirent furent nombreuses. Le parlement fut assez docile pour accorder toutes les demandes de la reine, et il passa un acte établissant la religion papiste. C'était ce qu'elle voulait. Ayant maintenant le pouvoir en main elle se mit à l'exercer de la manière la plus arbitraire. Il parut bientôt évident qu'elle était privée de toute compassion humaine et pouvait sans aucune répugnance tyranniser les consciences.

 

Rébellion de Wyatt - Conduite de Lady Jane Grey et son Exécution.  

Le premier mois de 1554 commença par la persécution. Le Dr. Crome fut enfermé à la Fleet pour avoir prêché sans licence le jour-de Noël; et Thomas Wotton, Ecr. par rapport à la religion.

 

La publication du mariage projeté de Marie avec Philippe d'Espagne fut très bien vue du peuple et par plusieurs des nobles; et peu de temps après il s'éleva une rébellion dont Sir Thomas Watt était l'un des chefs. Il dit que la reine et le conseil amèneraient, par ce mariage sur le pays cet esclavage et despotisme civil et religieux qui est l'un des résultats de la papauté développée.

 

Aussitôt que la nouvelle fut reçue à Londres de l'insurrection dans Kent et que le duc de Suffolk avait fui dans Warwickshire et Leicestershire pour lever des troupes dans ces comtés, la reine les fit proclamer traîtres tous les deux avec Carews de Devonshire; elle envoya aussi des forces, sous Thomas, duc de Norfolk, dans Kent; mais en atteignant Rochester-Bridge il se trouva si abandonné qu'il lui fallut revenir à Londres.

 

Suffolk s'étant sauvé dans le Warwickshire, le comte de Huntingdon fut envoyé contre lui, qui, entrant dans Coventry avant le duc, déjoua ses 'desseins. Dans sa détresse, le duc se fia à l'un de ses serviteurs dans le parc Astley; mais étant trahi, il fut pris, envoyé à Londres et renfermé dans la Tour. De bonne heure en février, Wyatt s'avança vers Londres quand la reine, se rendant à Guildhall, fit un violent discours contre lui.

 

A la conclusion de son discours, Gardiner cria tout haut dans un élan d'admiration, "Oh, que nous sommes heureux nous à qui Dieu a donné une reine si sage et si instruite."

 

Le 3 février lord Cobbam fut enfermé dans la Tour. Wyatt, avec 4,000 soldats, vint à Southmark mais ne put s'emparer du pont de Londres. Il fut informé que la ville se soulèverait s'il venait à son aide; mais il ne put trouver des bateaux pour le conduire à Essex, ainsi il fut forcé d'aller au pont de Kingston. Le 4 février il s'y rendit, mais il était brisé; ses hommes le réparèrent et il atteignit Hyde Park le matin suivant. Ses troupes étaient fatiguées et découragées et ne s'élevaient pas maintenant à plus de 500; de sorte que quoique les forces de la reine auraient pu aisément les disperser, cependant elles les laissèrent avancer pour leur permettre de se jeter dans leurs mains. Wyatt marcha donc à travers le Strand et Ludgate Hill. Revenant de là, il fut opposé au Temple Bar et se rendit à Sir Clément Parson qui l'amena à la cour. Avec lui le reste de son armée fut aussi pris, environ 100 hommes ayant été tués. Un grand nombre furent pendus et Wyatt fut exécuté sur Tower Hill.

 

On résolut bientôt après de procéder contre lady Grey et son mari. Elle avait vécu six mois avec la perspective journalière de la mort, de sorte qu'elle ne fut pas beaucoup surprise de sa réalité. Fecknam, qui fut envoyé pour la préparer reconnut qu'il était étonné de sa conduite calme, de son grand savoir et de son jugement extraordinaire sur les questions religieuses. Ce qui suit cet une partie de leur conversation: -

 

Fecknam - Madame, je déplore votre cas malheureux et cependant je ne doute pas que vous supportiez ce chagrin d'un esprit constant et patient.

Jane - Vous êtes le bienvenu, monsieur, si votre visite est pour donner un exhortation chrétienne, Quant à mon malheureux cas, je remercie Dieu de le déplorer si peu que je le considère être une déclaration plus évidente de la faveur divine envers moi qu'il ne l'a jamais fait. C'est pourquoi il n'y a pas de raison pour que toute personne bien disposée envers moi soit affligée d'une chose si profitable au bien-être de mon âme.

Fecknam - Je viens à vous de la part de la reine et de son conseil pour vous instruire dans la vraie foi, quoique j'aie une si grande confiance en vous que, comme je l'espère, je n'aurai pas grand chose à y ajouter.

Jane - En vérité, je remercie cordialement son altesse royale qui ne néglige pas son humble sujet; et j'espère que vous également ne ferez pas moins votre devoir véritablement et fidèlement.

Fecknam - Qu'est-ce, alors, que l'on demande du chrétien ?

Jane - Qu'il croit en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit; trois personnes en un seul Dieu.

Fecknam - Quoi ! n'y a-t-il rien de requis pour le chrétien que de croire en lui.

Jane - Oui; nous devons l'aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit; et notre prochain comme nous-mêmes.

Fecknam - Quoi, alors la foi ne justifie pas ni ne sauve ?

Jane - Oui, vraiment; la foi, comme le dit St. Paul, seule justifie.

Fecknam - Mais St. Paul dit, "Si j'ai la foi sans les œuvres, cela n'est rien."

Jane - C'est vrai, car comment puis-je aimer celui à qui je ne puis me confier ? Ou comment puis-je me fier à celui que je n'aime pas ? La foi et l'amour vont ensemble et toutefois l'amour est compris dans la foi.

Fecknam - Combien y a-t-il de sacrements ?

Jane - Deux: l'un le sacrement du baptême, et l'autre le sacrement de la cène.

Fecknam - Il y a sept sacrements.

Jane - Dans quelle écriture trouvez-vous cela ?

Fecknam - Eh bien, nous parlerons de cela ci-après. Mais que signifie vos deux sacrements ?

Jane - Par le sacrement du baptême je suis lavée avec de l'eau, et régénérée par l'Esprit; et cette régénération est pour moi un gage que je suis enfant de Dieu. Le sacrement de la cène qui m'est offert et reçu avec foi, est un sceau et un témoignage assuré que je suis fait participante du royaume éternel par le sang de Christ qu'il répandit pour moi sur la croix.

Fecknam - Quoi, que recevez-vous dans ce sacrement ? Ne recevez-vous pas le vrai corps et le sang de Christ.

Jane - Non, assurément; je ne le crois pas. Je crois que, à la cène je ne reçois ni chair ni sang, mais le pain et le vin; que ce pain quand il est rompu et ce vin quand il est bu, me font rappeler que pour mes péchés le corps de Christ fut rompu et que son sang fut répandu sur la croix; et avec ce pain et ce vin je reçois les avantages qui proviennent de son corps rompu et de son sang versé.

Fecknam - Est-ce que Christ ne prononce pas ces mots: "Prenez et mangez, ceci est mon corps ?" Demandez-vous des mots plus clairs ? Ne dit-il pas que c'est son corps ?

Jane - Je l'admets; et il dit aussi, "Je suis la vigne," "Je suis la porte;" mais il n'est pas cependant la porte ou le vin. Est-ce que St. Paul ne dit pas. "Il appelle les choses qui ne sont pas comme si elles étaient ?" Que Dieu me garde de dire que je mange le vrai corps naturel et le sang de Christ, car alors j'annule ma rédemption ou autrement il y aurait deux corps et deux Christs. Un corps fut tourmenté sur la croix, et s'ils ont mangé un autre corps alors, il avait deux corps; ou si son corps était mangé alors il n'a pas été brisé sur la croix; ou s'il a été rompu sur la croix, il n'a pas été mangé par ses disciples.

 

C'est donc en vain qu'il s'efforça de pervertir sa foi. Ils discutèrent longtemps; mais elle, étant bâtie sur une base solide, demeura inébranlable contre ses sophismes.

 

Elle fut d'abord beaucoup affectée quand elle vit son mari, lord Guildford Dudley, mené à l'exécution, mais elle se remit quand elle considéra que bientôt elle devait le suivre; et, quand il exprima le désir de se dire adieu l'un à l'autre, elle le refusa, car elle pensa que cela accroitrait leur chagrin. Elle continua après à être si parfaitement calme que quand elle vit le corps inanimé de son mari porté à la chapelle dans la Tour elle n'en montra aucune émotion.

 

En montant sur l'échafaud elle fit l'adresse suivante aux spectateurs: "Bonnes gens, je viens ici pour mourir et par une loi j'y suis condamnée. L'action tentée contre son altesse la reine était illicite ainsi que mon consentement; mais quant à l'avoir procuré et favorisé dans mon intérêt je m'en lave aujourd'hui les mains dans l'innocence devant Dieu et en votre présence vous gens chrétiens. Je vous prie tous de me rendre témoignage que je meure en vraie femme chrétienne et que je n'espère être sauvée que par la miséricorde de Dieu par le sang de son fils unique, Jésus-Christ. Je confesse que quand je connaissais la parole de Dieu, je l'ai négligée, aimant et moi-même et le monde et en conséquence ce châtiment et cette punition me sont justement arrivés pour mes péchés. Toutefois je remercie Dieu que dans sa bonté il m'a donné le temps et le délai pour me repentir. Et maintenant mes bonnes gens pendant que je suis en vie, je vous prie de m'assister de vos prières." Alors s'agenouillant, elle se tourna vers Fecknam, disant, "Dirai-je ce psaume ?" et il lui dit, "oui."

 

Alors elle répéta le 51 psaume en anglais très dévotement. Elle se leva alors et donna à sa servante ses gants et son mouchoir et son livre à M. Burges. Après cela elle détacha sa robe, quand l'exécuteur s'avança pour l'aider, mais, elle désirant qu'il la laissât seule, se tourna vers ses deux gentils femmes qui l'aidèrent à s'en débarrasser et aussi de ses fronces, ses paafts et son fichu, lui donnant un beau mouchoir pour lui bander les yeux.

 

Alors le bourreau s'agenouilla et lui demanda pardon, ce qu'elle lui accorda volontiers. Alors il désira qu'elle se tint sur la paille, quand elle vit le billot elle lui dit, "Je vous prie de m'expédier promptement." Elle s'agenouilla alors, disant. "Voulez-vous l'ôter avant que je me baisse?" Le bourreau dit, "Non, madame." Elle attacha alors le mouchoir sur ses yeux et cherchant le billot, elle dit, "Que dois-je faire ? Où est-il ? Où est-il." Un des assistants la conduisant auprès elle mit la tête dessus et alors étendant son corps elle dit: "Seigneur, dans tes mains je remets mon esprit !" Ainsi cette noble, savante et pieuse lady finit sa vie le 12 février, 1554, à l'âge d'environ dix-sept ans.

 

Sa mort fut aussi lamentée que sa vie avait été admirée. Elle affecta le juge Morgan qui avait prononcé sa sentence tellement qu'il en devint fou et croyait qu'elle le suivait. La reine elle-même en fut troublée puis que c'était plutôt des raisons d'État qu'un ressentiment privé qui l'avait induite à ordonner cette tragédie.

 

Son père, le duc de Suffolk, fut bientôt après jugé par ses paires, condamné et exécuté. Il fut d'autant moins regretté que ce fut par son moyen que sa fille souffrit une mort prématurée.

 

Martyre de John Rogers et de Laurence Saunders.  

John Rogers, vicaire du St. Sépulcre et lecteur à l'église St. Paul, reçut son éducation à l'université de Cambridge et fut enfin choisi chapelain à la manufacture anglaise à Anvers. Là il fit la connaissance de Tyndal, qu'il assista dans sa traduction du Nouveau Testament; et avec Myles Coverdale, qui avait été expulsé d'Angleterre à cause des cinq articles vers la fin du règne de Henri VIII. En conversant avec ces intrépides et pieux serviteurs de Dieu, M. Rogers devint instruit dans les Écritures; et trouvant, d'après ces oracles sacrés, que le mariage est honorable entre tous, il entra dans cet état et il alla avec sa femme à Wittemberg en Saxe. Là en étudiant et en s'appliquant il acquit dans très peu de temps, une telle connaissance de la langue hollandaise qu'il put prendre la direction d'une congrégation chrétienne dans cette partie de l'Europe.

 

Quand Édouard monta sur le trône d'Angleterre, M. Rogers retourna dans son pays pour prêcher l'Evangile et ayant travaillé avec un grand succès le Dr. Ridley, alors évêque de Londres lui donna une prébende dans sa cathédrale de St. Paul. Il fut après cela choisit par le doyen et le chapitre comme un des lecteurs de cette église.

 

Quand Marie était dans la Tour recevant les pernicieux conseils de Gardiner, M. Rogers prêchait à Paul's Cross, confirmant ces doctrines que lui et d'autres avaient enseignées au temps du roi Édouard et exhortant le peuple à y demeurer ferme et de se méfier des fausses doctrines qu'on devait introduire. Pour ce sermon le prédicateur fut cité devant le conseil; et alors il plaida sa propre cause d'une manière si pieuse et si hardie quoique prudente qu'il détourna leur mécontentement pour cette fois. Il fut donc renvoyé. Mais après la proclamation de Marie contre les doctrines de l'église réformée, M. Rogers fut de nouveau cité devant un conseil des évêques qui lui ordonnèrent de rester prisonnier ne parlant à personne dans sa maison. Ii y demeura un temps considérable jusqu'à ce qu'à l'instigation du sanguinaire Bonner, évêque de Londres il fut transporté à Newgate et placé parmi les criminels.

 

Après que M. Rogers eut été longtemps emprisonné à Newgate parmi les voleurs, souvent examiné, traité très peu charitablement et enfin injustement et cruellement condamné par Gardiner, il fut, le 4 février soudainement averti par la femme du gardien de Newgate de se préparer à être brûlé. Elle le trouva endormi et il ne fut éveillé qu'avec difficulté. Enfin, étant réveillé, il fut conduit à Bonner pour être dégradé; ceci étant fait il lui fit une demande; celle de pouvoir dire quelques mots à sa femme avant d'être brûlé. Mais cela lui fut refusé. "Ainsi" dit-il," vous montrez ce que vaut votre charité."

 

Quand vint le temps de le mener à Smithfield, le shérif vint à lui et lui demanda s'il voulait révoquer ses abominables doctrines. M. Roger lui répondit, "Ce que j'ai prêché je le scellerai de- mon sang." Alors dit le shérif, "Tu es un hérétique." On saura cela" dit Rogers "au jour du jugement." "Eh bien" dit le shérif, "Je ne prierai jamais pour toi." "Mais je prierai pour vous" répondit Rogers. Il fut amené le même jour qui était un lundi le 4 février vers Smithfield, répétant le psaume, Miserere en chemin, le peuple se réjouissant de sa fermeté. Là, en présence de Rochester, intendant de la maison de la reine, de Sir Richard Southwell, tous deux shérifs et de bien des gens, le feu fut allumé. Quand ses jambes et ses épaules commencèrent à brûler, lui, comme quelqu'un qui ne sentait aucune douleur, il lava ses mains dans les flammes, comme si c'eut été de l'eau froide. Après avoir levé les mains au Ciel et ne les baissant pas jusqu'à ce que le feu dévorant les eut consumées, cet heureux martyr rendit très doucement l'esprit entre les mains de son Père céleste. Un peu avant de brûler on lui offrit le pardon s'il voulait se rétracter; il refusa absolument. Il fut le premier de tous les martyrs qui souffrirent sous le règne de la reine Marie; ceux qui avaient été précédemment mis à mort ayant souffert comme traitres. Sa femme et ses enfants le rencontrèrent en s'en allant à Smithfield. Mais cette triste rencontre ne l'affecta pas; il donna joyeusement sa vie en défense de l'Évangile de Christ.

 

Alors suivit le révd. Laurence Saunders. Il fut martyrisé à Coventry le mois suivant. Étant d'une bonne famille il fut placé de bonne heure à Eton, d'où, à un âge convenable, il se rendit au King's college, à Cambridge. Là il continua pendant trois ans et il acquit beaucoup de connaissances et de savoir; bientôt après il quitta l'université et d'après l'avis de ses parents devint marchand. Venant à Londres il fut engagé comme apprenti chez Sir William Chester, qui se trouva être shérif de Londres quand Saunders fut brûlé à Coventry.

 

Il arriva que le maître, étant un homme bon et en entendant Saunders se lamenter dans ses prières secrètes lui demanda la cause de sa solitude et de ses lamentations. Trouvant qu'il n'aimait pas ce genre de vie et remarquant aussi qu'il était enclin à l'étude et à la contemplation spirituelle, il écrivit à ses amis et lui remettant son contrat le laissa libre. Ainsi Saunders, étant rempli de l'amour des connaissances et surtout de la lecture de la parole de Dieu ne resta pas longtemps dans le trafic des marchandises mais revint a Cambridge où il commença à ajouter à la connaissance du latin celle de la langue grecque dans laquelle il fit de grands progrès. Il y joignit aussi l'étude de l'hébreu. Alors il se donna entièrement aux Écritures pour se préparer pour l'office de prédicateur.

 

Au commencement du règne d'Édouard il commença à prêcher et il fut tellement aimé de ceux qui étaient en autorité qu'il fut nommé pour donner une conférence au collège de Fotheringhay où, par sa doctrine et sa vie, il édifia les personnes pieuses et amena plusieurs ignorants à la connaissance de Dieu et ferma la bouche des adversaires. Il se maria vers ce temps-là et mena une vie irréprochable devant tous les hommes. Le collège de Fotheringhay étant dissous if fut appointé lecteur dans le monastère à Lichfield où il se conduisit de telle sorte dans son enseignement et dans sa vie que même ses adversaires portèrent témoignage en faveur de son savoir et de sa piété. Après un temps il entra dans un bénéfice en Leicestershire appelé Churchlanton, où il enseigna diligemment et tint une maison ouverte. De là il fut appelé à Allhallows, Breadstreet, dans la ville de Londres. Il désira alors résigner sa cure à la campagne; et après avoir pris possession de son bénéfice à Londres, il revint à Churchlanton pour s'en décharger.

 

Le dimanche 15 octobre, dans l'avant midi, il prononça un sermon, dans sa paroisse traitant ces paroles de St. Paul aux Corinthiens, "Je vous ai joints à un seul époux pour vous présenter à Christ comme une vierge chaste. Mais je crains que, comme le serpent séduisit Ève par sa ruse, vos pensées ne se corrompent aussi de la simplicité qui est en Christ." L'après midi il était prêt à donner dans son église une autre exhortation à son peuple. Mais l'évêque de Londres s'interposa et envoya un officier pour l'arrêter. Cet officier le somma sous peine de contumace de se présenter incontinent à l'évêque. Et ainsi Saunders fut amené devant Bonner qui l'accusa de trahison pour avoir enfreint la proclamation de la reine et d'hérésie et de sédition dans son sermon.

 

Après beaucoup de pourparler, l'évêque lui demanda d'écrire ce qu'il croyait de la transsubstantiation. C'est ce que fit Saunders et l'évêque garda cet écrit pour son dessein. Bonner l'envoya au grand chancelier qui, incapable de résister à ses arguments s'écria, "Emportez ce fou frénétique en prison." Saunders y demeura un an et trois mois et pendant ce temps il écrivit des lettres touchantes à Cranmer, Ridley et Latimer et aussi à sa femme et à d'autres.

 

Après son examen les officiers le conduisirent hors de la cour et restèrent pour attendre le reste de ses camarades prisonniers afin de les conduire ensemble à la prison. M. Saunders se tenait parmi les officiers, voyant une grande multitude de gens il parla librement, les avertissant des dangers qu'ils couraient en abandonnant Jésus-Christ pour l'antechrist. Cette fidèle conduite ne produisit pas, naturellement, une diminution dans la cruauté de ses adversaires ou un retard de ses souffrances mortelles. Elle ne fit qu'augmenter plutôt l'une et hâta l'autre. Presque immédiatement il fut livré au pouvoir séculier et amené par les shérifs de Londres au modérateur comme prisonnier dans sa propre paroisse de Bread-street. Il s'en réjouit grandement parce qu'il y trouva un prisonnier comme lui M. Cardmaker avec lequel il put entretenir des conversations chrétiennes et agréables; et parce que hors de prison, comme auparavant hors de la chaire il put avoir une occasion de prêcher à ses paroissiens.

 

Le 4ème jour de février Bonner vint à la prison pour le dégrader et quand il eut fini M. Saunders lui dit, "Je remercie Dieu que je ne sois pas de votre église." Le jour suivant, dans la matinée, le shérif de Londres le livra à quelques-uns des gardes de la reine qui étaient choisis pour le mener à Coventry pour y être brûlé. A son arrivée, un pauvre cordonnier qui avait habitude de le servir vint à lui et dit; "Ô mon bon maître que Dieu vous fortifie et vous console." "Bon cordonnier," reprit-il, "je désire que tu pries pour moi car je suis l'homme le moins compétent pour cet important office qu'on ait jamais choisi; mais mon Dieu qui est gracieux et mon cher Père peut me rendre assez fort. La même nuit il fut mis dans la prison commune parmi d'autres prisonniers où il dormit peu mais passa la nuit dans la prière et à instruire les autres.

 

Le jour suivant étant le 8 février il fut mené au lieu de l'exécution dans le parc, hors de la ville, vêtu d'une vieille robe et d'une chemise, nu-pieds et tombant souvent par terre pour prier. Quand il fut arrivé sur le lieu, l'officier dit à M. Saunders qu'il était l'un de ceux qui corrompaient le royaume de la reine par une fausse doctrine et l'hérésie, c'est pourquoi il méritait la mort; mais toutefois s'il voulait révoquer ses hérésies la reine lui pardonnerait; sinon, le feu qu'il voyait était préparé pour lui. M. Saunders lui répondit, "Ce n'est pas moi ni mes compagnons prédicateurs de la vérité divine qui ont fait du mal au royaume de la reine; mais c'est vous-même et de tels que vous qui ont résisté à la Sainte Parole de Dieu; c'est vous qui corrompez le royaume de la reine. Je ne maintiens aucune hérésie mais la doctrine divine, le Saint Évangile du Christ, c'est elle que je maintiens, c'est elle que je crois, c'est elle que j'enseigne et que je ne révoquerai jamais." En entendant cela son bourreau cria. "Emmenez-le." On emmena donc au bûcher M. Saunders qui se montra courageux et joyeux. Il tomba par terre encore une fois et pria; il prit alors le poteau auquel il devait être enchaîné dans ses bras, l'embrassa et dit; "Ô croix de Christ, tu es la bienvenue, toi la vie éternelle, tu es la bienvenue;" et étant attaché au bûcher et le feu y ayant été mis il s'endormit doucement au Seigneur.

 

Martyre de Jean Hooper, évêque de Worcester et Gloucester.  

Jean Hooper, étudiant et gradué de l'université d'Oxford du temps de Henri VIII. encourut le déplaisir de certains docteurs d'Oxford qui montrèrent bientôt leur inimitié contre lui jusqu'à ce qu'enfin, par le moyen du Dr. Smith, il fut forcé de quitter l'université.

 

Peu de temps après, comme la malice produit toujours du mal, on avertit, M. Hooper de prendre garde à lui, car il y avait du danger; en conséquence il partit en route pour le bord de la mer pour aller en France. M. Hooper arriva à Paris, mais il retourna bientôt en Angleterre, et il fut retenu par M. Sentlow, jusqu'à ce qu'il fut de nouveau inquiété et recherché; quand il fut forcé, sous la prétention d'être le capitaine d'un vaisseau allant en Irlande, de se mettre en mer et ainsi il échappa en traversant la France et se rendit au nord de l'Allemagne. Là, formant la connaissance d'hommes instruits, il fut reçu par eux avec cordialité soit à Bâle ou à Zurich; au dernier endroit en particulier par M. Bullinger. Il se maria là et il s'appliqua diligemment à l'étude de l'hébreu.

 

Enfin quand Dieu trouva bon de terminer cette persécution sanguinaire qui provenait des six articles et d'élever le roi Édouard pour régner sur ce royaume parmi d'autres exilés anglais qui retournèrent chez eux se trouva M. Hooper qui pensa qu'il était de son devoir d'avancer la cause du Seigneur dans sa patrie.

 

Ayant dit un adieu affectionné à M. Bullinger et à ses amis de Zurich, il retourna en Angleterre sous le règne d'Édouard VI., et venant à Londres il avait coutume de prêcher, la plupart du temps deux fois, et au moins une fois par jour. Dans ses discours, comme c'était sa coutume, il réprimandait le péché et blâmait fortement l'iniquité du monde et les abus et la corruption de l'église.

 

Il fut enfin appelé à prêcher devant le roi et bientôt après fut fait évêque de Gloucester d'après l'ordre de sa majesté. Il continua deux ans dans cet office et il s'y conduisit si bien que ses ennemis mêmes ne pouvaient trouver aucune faute en lui excepté de la manière des ennemis de Daniel, "concernant la loi de son Dieu." Après deux ans il reçut, en connexion avec Gloucester l'évêque de la ville voisine de Worcester.

 

Mais une sérieuse contention concernant la direction et la consécration des évêques et de leurs vêtements avec d'autres bagatelles commencèrent à troubler le bon commencement de cet évêque. Car, nonobstant cette sainte réformation de la religion qui se montra dans l'église d'Angleterre, outre les autres cérémonies plus prétentieuses que profitables, ou tendant à l'édification, ils avaient coutume de porter des vêtements et des parures tels que les évêques papistes avaient coutume de faire; d'abord la simarre et dessous un surplis blanc; puis un bonnet à quatre angles indiquant la division du monde en quatre parties. Ces bagatelles ne lui plaisaient pas comme favorisant plus la superstition qu'autre chose et aussi il ne put être persuadé de les porter. Pour cette raison il fit une prière désirant très humblement son altesse soit de le décharger de l'évêché ou de le dispenser de tels ordres cérémoniels: pétition que le roi accorda immédiatement, écrivant à l'archevêque en sa faveur.

 

Le comte de Warwick seconda la requête de sa majesté en adressant une autre lettre à l'archevêque le priant de dispenser M. Hooper de prêter le serment communément employé à la consécration des évêques. Mais ces lettres ne servirent de rien; les évêques se firent les sincères défenseurs des cérémonies. Cela étant le cas M. Hooper consentit enfin, que, quelquefois, il se montrerait dans ses sermons vêtu comme l'étaient les autres évêques. En conséquence, étant appointé pour prêcher devant le roi il parut vêtu des vêtements répréhensibles. Mais il souffrit patiemment ce mépris et ce reproche privés par respect pour l'avantage publie de l'église. Alors aussi ces différences disparurent bientôt au sein de la fureur de la persécution; et les nuances insignifiantes de l'opinion furent noyées dans l'unanimité des vérités essentielles, de sorte que, pendant qu'ils étaient en prison plusieurs lettres affectionnées s'échangèrent.

 

Après cette discorde et beaucoup de vexation quant aux habillements, M. Hooper enfin entrait dans son diocèse où il employa son temps, sous le règne du roi Édouard avec une telle diligence qu'il put donner l'exemple à tous les évêques. Il était si soigneux de sa cure qu'il n'épargna aucun souci, ne laissa aucun moyen de côté pour former le troupeau de Christ dans la voie du salut. Partout il maintint la religion dans une doctrine et une intégrité uniforme; de sorte que si vous entrez dans le palais de l'évêque vous supposiez être entrés dans quelque' église ou temple. Dans tous les endroits se montrait la beauté de la vertu, le bon exemple, une honnête conversation et la lecture des Écritures. On ne voyait pas dans sa maison de réjouissance bruyante ou de la paresse; aucune pourpre ou parole déshonnête ou blasphème n'y était entendu. Quant aux revenus de ses évêchés s'il en restait quelque chose, il n'épargnait rien mais le dépensait en hospitalité.

 

Après cela, dans le règne de la reine Marie la religion étant renversée et changée, ce bon évêque fut l'un des premiers qu'on envoya chercher à Londres par un poursuivant. Deux raisons furent assignées pour cette démarche. La première, pour qu'il put répondre au Dr. Health, alors renommé évêque pour ce diocèse qui en avait été privé dans les jours du roi Édouard, pour quoi il continuait dans un office auquel il n'avait pas de droit. Et ensuite de rendre compte à Bonner, l'évêque de Londres, pour quoi il avait, du temps du roi Édouard, été l'un de ses accusateurs. Quand il se présenta au conseil, Gardiner le reçut honteusement, se moquant de lui, et l'accusant de sa religion. Il répondit librement et se disculpa. Mais il fut néanmoins, envoyé en prison et on lui déclara que la cause de son emprisonnement était seulement pour certaines sommes d'argent qu'il devait à la reine et non pas pour la religion.

 

Le premier examen de l'évêque Hooper fut devant cinq évêques comme commissaires - de Londres, Durham, Winchester, Chichester, et Llandaff. En venant en leur présence, Gardiner, évêque de Winchester et grand chancelier, lui demanda s'il était marié. Cet excellent homme lui répondit en souriant, "Oui, mon lord, et je serai démarié jusqu'à ce que la mort me démarie. Et ceci n'est pas assez pour me destituer à moins que vous ne le fassiez contre la loi." Il ne fut pas question du mariage pour quelque temps; mais tous commencèrent à s'écrier et à rire et à faire des gestes qui étaient inconvenants pour la place et pour un tel sujet.

 

Après une discussion bruyante et malicieuse, ils ordonnèrent enfin aux notaires d'écrire que Hooper était marié et qu'il ne voulait pas se séparer de sa femme; et qu'il ne croyait pas à la présence réelle dans le sacrement, raisons pour lesquelles il devait être privé de son évêché.

 

Son examen suivant à Winchester house fut plus privé que le précédent, sans doute pour prévenir le grand bruit fait à cette occasion. Le 22 janvier 1555, Babington le gardien de la Fleetprison reçut ordre de l'amener devant Gardiner et quelques autres évêques; alors ce dernier pressa Hooper instamment d'abandonner la doctrine méchante et corrompue prêchée du temps du roi Édouard, de revenir à l'unité de l'église catholique et de reconnaître le pape comme chef de l'église suivant la décision du parlement; lui promettant d'ailleurs que comme ils avaient reçu avec leurs autres frères la bénédiction du pape et la faveur de la reine, de même on serait clément à son égard s'il voulait se soumettre avec eux au pape.

 

M. Hooper répondit, que puisque le pape enseignait une doctrine contraire à celle de Christ, il n'était pas digne d'être compté un membre de l'église de Christ encore moins d'en être le chef; c'est pourquoi il ne voudrait en aucune manière condescendre à une juridiction ainsi usurpée. Qu'il ne considérait pas l'église dont ils l'appelaient le chef d'être l'église catholique de Christ; car l'église n'entend que la voix de Christ son époux, et s'enfuit des étrangers. "Toutefois," dit-il, " Si sur quelque point, inconnu de moi, j'ai offensé sa majesté la reine, je me soumettrai très humblement à sa clémence, si on peut l'avoir en sûreté de conscience et sans déplaire à Dieu." On lui fit réponse que la reine n'aurait aucune merci des ennemis du pape. Là-dessus on commanda à Babington de le reconduire à, la prison. Il le fit et le transporta de sa première chambre à une autre, près de la chambre même du gardien où, il demeura six jours; et, cependant le Dr. Martin et d'autres firent des recherches dans sa première chambre pour y découvrir des écrits ou des livres que l'on pensait M. Hooper avoir faits, mais on n on trouva aucun.

 

Il se fit encore un autre examen ou plutôt un nouvel effort dans le même lieu et devant les mêmes cruels et rusés inquisiteurs. Le 28 janvier, l'évêque de Winchester et d'autres commissaires siégèrent encore en jugement à St. Mary Overy's où Hooper parut devant eux dans l'après-midi; et après beaucoup d'argumentation et de discussion les shérifs reçurent ordre, environ vers les quatres heures de le mener au Comptoir à Southwark, pour y rester jusqu'au jour suivant, à neuf heures pour voir s'il reviendrait à l'église catholique.

 

En route, le shérif dit à M. Hooper, "Je m'étonne que vous ayez été si vif et emporté avec my lord le chancelier et n'ayez pas été plus patient." Il répondit; "Monsieur le shérif, je n'ai pas été du tout impatient quoique je fusse occupé de la cause du Maitre au sérieux; et il en est ainsi pour moi, car il y va de la vie ou de la mort, non seulement de la vie et de la mort présente mais aussi du monde à venir." Alors il fut remis entre les mains du gardien du Comptoir.

 

Le jour suivant le 29 janvier, à l'heure fixée, il fut amené de nouveau par le shérif devant Gardiner et les commissaires dans l'église. Après une conversation longue et sérieuse quand ils s'aperçurent que Hooper ne voulait nullement leur céder, ils le condamnèrent à être dégradé et lui lurent sa condamnation. Il fut alors livré au bras séculier, les deux shérifs de Londres reçurent ordre de le conduire à la Clink, prison à peu de distance de la maison de l'évêque de Winchester et d'y rester jusqu'à la nuit. Quand il fit obscur Hooper fut conduit par l'un des shérifs avec plusieurs papiers et des armes à travers la maison de l'évêque de Winchester et sur le pont de Londres, à travers la ville jusqu'à Newgate et sur le chemin quelques-uns des sergents furent envoyés en avant pour éteindre les chandelles des marchands de pommes, qui avaient coutume de s'asseoir avec des lumières dans la rue; soit par crainte que le peuple s'efforcerait de l'enlever par la force s'ils l'avaient vu aller à cette prison, ou autrement étant troublés par, une mauvaise conscience, ils crussent que les ténèbres étaient le temps propice pour une telle action. Mais malgré cet expédient, le peuple eut vent de sa venue et plusieurs vinrent à leurs portes avec des lumières et le saluèrent, louant Dieu pour sa fermeté dans la vraie doctrine qu'il leur avait enseignée et demandant à Dieu de l'y fortifier jusqu'à la fin. L'évêque pria le peuple d'offrir leurs ferventes prières à Dieu pour lui; et ainsi il passa à travers Cheapside à la place choisie et fut livré comme prisonnier, et gardé de près par le gardien de Newgate où il demeura six jours, personne n'étant permis de venir à lui excepté ses gardiens et telles personnes choisies à cet effet.

 

Pendant ce temps, Bonner, évêque de Londres et d'autres personnes choisies par lui, tels que Fecknam, Chedsey et Harpsfield allèrent plusieurs fois le trouver pour essayer de le gagner à devenir un membre de leur église. Tous les moyens qu'ils purent imaginer ils les essayèrent; car outre les discussions et les allégations des témoignages des Écritures et des anciens écrivains tordus dans un mauvais sens suivant leur manière habituelle ils se servaient aussi de toute la bienveillance et des signes extérieurs de l'amitié avec des promesses de biens terrestres, n'omettant pas, en même temps, les plus terribles menaces s'ils ne prévalaient pas par la douceur; mais ils le trouvèrent toujours le même, ferme et inébranlable.

 

Le lundi suivant, Bonner vint à Newgate et là il dégrada l'évêque Hooper. Le même lundi dans la nuit son gardien donna à entendre qu'il serait envoyé à Gloucester pour y souffrir la mort; ce dont il se réjouit beaucoup levant les yeux et les mains au ciel et louant Dieu qu'il trouvât bon de l'envoyer parmi le peuple sur lequel il était pasteur pour y confirmer par sa mort la vérité qu'il leur avait enseignée ne doutant pas que le Seigneur lui donnerait la force de l'accomplir pour sa gloire: et il envoya immédiatement chercher ses bottes chez son domestique ainsi que ses éperons et son manteau pour qu'il fût prêt à partir quand on l'appellerait.

 

Le jour suivant, sur les quatre heures du matin, le gardien vint avec d'autres le fouillèrent et le lit sur lequel il couchait pour voir s'il avait écrit quelque chose; après quoi, il fut conduit par les shérifs de Londres et leurs officiers de Newgate à un endroit non loin de l'église St. Dunstan dans la rue Fleet, d'où six des gardes de la reine devaient le conduire à Gloucester, pour y être livré aux mains du shérif qui, avec lord Chandos, M. Wicks et d'autres commissaires devaient s'occuper de voir à l'exécution. Les gardes l'amenèrent à l'Ange où il déjeuna avec eux mangeant sa viande alors plus copieusement qu'il ne l'avait fait depuis longtemps. Au point du jour il monta, joyeusement à cheval ayant une capuce sur la tête sous son chapeau, pour qu'il ne fut pas connu et ainsi il se dirigea vers Gloucester. En chemin les gardes lui demandèrent où il avait coutume de s'arrêter pour manger et loger; mais il le menaient cependant à une autre auberge que celle qu'il mentionnait.

 

Le jeudi suivant il vint à Cirencester, quinze milles de Gloucester. et là il dîna à la maison d'une femme qui avait toujours détesté la vérité et dit tout le mal possible de lui. Cette femme, s'apercevant de la cause de sa venue, lui montra tout l'amitié qu'elle put et déplora son malheur avec larmes, confessant qu'elle avait souvent répété que, s'il était mis à l'épreuve, il ne maintiendrait pas ses doctrines. Après dîner il reprit sa route et arriva à Gloucester à cinq heures.

 

Sir Anthony Kingston, autrefois un bon ami de Hopper, fut choisi par ordre de la reine pour se charger de l'exécution. Aussitôt qu'il vit l'évêque il fondit en larmes. Hooper ne l'aperçut pas d'abord; le chevalier alors s'adressant à lui, dit, "Comment, my lord, ne me connaissez-vous pas - un de vos anciens amis Anthony Kingston?" "Oui," répondit Hooper, "Sir Anthony Kingston, je vous connais bien, et je suis content de vous voir en santé et en rends grâce à Dieu."Mais je suis chagriné de vous voir, my lord, dans cette condition," répondit Kingston, "car, comme je comprends, vous êtes venu ici pour mourir. Mais, hélas ! considérez que la vie est douce et la mort amère. C'est pourquoi, voyant que l'on peut avoir la vie, désirez de vivre; car la vie ci-après peut faire du bien." "'Vraiment, c'est vrai, Sir Anthony, je suis venu ici pour finir cette vie et pour souffrir la mort parce que je ne contredirai pas la vérité que j'ai jusqu'ici enseigné parmi vous dans ce diocèse et ailleurs; et je vous remercie pour votre conseil amical quoiqu'il ne soit pas comme je pourrais le désirer. Il est vrai que la mort est amère et la vie est douce; mais la mort à venir est plus amère et la vie à venir est plus douce."

 

Après ces paroles-là et d'autres ils se s'apurèrent avec larmes. A son départ l'évêque lui dit que tout le dérangement qu'il avait eu en prison ne l'avait jamais causé tant de peine. Alors l'évêque fut remis par les gardes au soin du shérif de Gloucester.

 

Les deux shérifs s'éloignèrent pour se consulter et l'auraient placé dans la prison commune de la ville, appelé Northgate si les gardes n'avaient pas intercédé fortement en sa faveur; déclarant combien il se conduisait tranquillement, doucement et patiemment en chemin; ajoutant encore qu'un enfant pouvait bien en prendre soin et qu'eux-mêmes préféreraient plutôt prendre la peine de veiller avec lui que de l'envoyer à la prison commune. Il fut en conséquence décidé qu'il resterait dans la maison de Robert Ingram; et les shérifs, les sergents et les autres officiers consentirent à veiller eux-mêmes avec lui cette nuit-là. Son désir était d'aller se coucher de bonne heure, disant qu'il avait plusieurs choses à se rappeler; en conséquence il se coucha à cinq heures et dormit un somme profondément, et passa le reste de la nuit en prière. Après cela il se leva le matin et demanda que personne ne vint dans sa chambre pour qu'il fut seul jusqu'à l'heure de l'exécution.

 

A huit heures sr John Bridges, lord Chandos avec une grande bande d'hommes, sir Anthony Kingston, sir Edmund Bridges et d'autres commissaires choisis vinrent pour voir l'exécution. A neuf heures, Hooper s'était préparé, le temps étant maintenant arrivé. II fut immédiatement descendu de sa chambre par les shérifs qui étaient accompagnés de leurs bills et autres armes. Quand il vit les armes il dit au shérif, "Je ne suis pas un traître et vous n'aviez pas besoin d'avoir fait de telle préparation pour m'amener à la place où je dois souffrir; car si vous me l'eussiez permis je serais allé seul au bâcher et n'aurais dérangé personne." Après, regardant vers la multitude de gens qui étaient assemblés, environ 7000, il parla à ceux qui étaient autour de lui, disant, "hélas, pourquoi ces gens se sont-ils réunis ? Par hasard pensent-ils entendre quelque chose de ma bouche comme ils l'ont fait par le passé; mais hélas on m'empêche de parler. Cependant, la cause de ma mort leur est bien connue. Quand je fus nommé leur pasteur je leur ai prêché une doctrine vraie et basée sur la parole de Dieu; et parce que je ne veux pas la reconnaître comme étant de l'hérésie et de la fausseté on me réserve cette espèce de mort." Ayant dit cela, il s'avança, conduit entre les deux shérifs dans une robe de son hôte, son chapeau sur la tête et un bâton a la main pour se soutenir; car la douleur de la sciatique qu'il avait pris en prison le faisait boiter. Sur la route ayant reçu l'ordre formel de ne pas parler, on ne s'aperçut pas qu'il ait une fois ouvert la bouche; mais regardant le peuple qui déplorait son sort il élevait quelquefois les yeux vers le ciel et regardait avec plaisir ceux qu'il connaissait. On ne se rappelait pas que durant le temps de son séjour parmi eux de l'avoir vu si heureux et d'un visage si rubicond qu'alors.

 

Quand il vint à l'endroit, il vit en souriant le bûcher qui était près du grand orme s'élevant contre le collège des prêtres où il avait coutume de prêcher. Les maisons entourant la place et les branches des arbres étaient remplies de spectateurs; et dans la salle au-dessus de la barrière se tenaient les prêtres du collège. Alors il s'agenouilla (comme on le lui permit pas de parler au peuple) pour prier et il fit signe six ou sept fois à quelqu'un qu'il connaissait pour qu'il entende sa prière et pour qu'il la rapporte fidèlement. Quand cette personne vint à l'évêque il versa des larmes sur ses épaules et dans son sein et il continua sa prière pendant une demi-heure, prière qu'il tira de toute la confession de foi. Pendant qu'il priait une boite fut apportée et mise devant lui sur un tabouret, avec son pardon de la reine s'il voulait se rétracter. A la vue de cela il s'écria; "Si vous aimez mon âme emportez cela." La boite étant enlevée, lord Chandos dit; "Voyant qu'il n'y a pas de remède, expédiez-le promptement." Hooper répondit, "Bien, my lord, j'espère que votre seigneurie me permettra de terminer mes prières. Quand il eut terminé ses dernières dévotions dans ce monde il se prépara pour le bûcher. Il ôta la robe de son hôte et la délivra aux shérifs exigeant qu'ils vissent à ce qu'elle fut remise à son propriétaire et il ôta le reste de ses vêtements et les mis dans son pourpoint et son haut-de-chausse dans lequel il devait être brûlé. Mais les shérifs ne le permirent pas, il se soumit volontiers à leur désir; et son pourpoint, son haut-de-chausse et son gilet lui furent ôtés. Ainsi étant en chemise il prit une épingle de son haut-de-chausse et attacha sa chemise entre ses jambes où il avait une livre de poudre à fusil dans une vessie et sous chaque bras une égale quantité remise à lui par les gardes.

 

On commanda que le feu fut alors allumé. Mais parce qu'il n'y avait pas moins de deux charges de fagots verts qui furent apportés, le feu ne s'alluma pas promptement et un certain temps s'écoula avant d'atteindre les roseaux sur les fagots. Enfin le feu prit autour de lui; mais le vent soufflant avec force dans cet endroit et comme c'était un matin froid il éloignait la flamme loin de lui de sorte qu'il n'était de cette façon que touché par le feu. On essaya alors d'augmenter les flammes et les vessies de poudre firent explosion mais cela ne lui fit guère de bien à cause de leur position et le vent ayant un telle force. Il pria tout haut au milieu du feu disant; "Seigneur Jésus aie pitié de moi ! Seigneur Jésus aie pitié de moi ! Seigneur Jésus reçois mon esprit !" Et ce furent les derniers mots qu'on lui entendit prononcer. Cependant il se frappait la poitrine avec les mains, jusqu'à ce que en renouvelant le feu sa force disparut et ses mains se joignirent en frappant le fer sur sa poitrine. Ainsi immédiatement, en se baissant en avant il rendit l'esprit. Ainsi ses dernières souffrances furent languissantes. Il fut près de trois-quarts d'heure ou plus dans le feu, comme un agneau, souffrant patiemment jusqu'à la fin ne s'avançant ni en avant, ni en arrière, ni sur les côtés; mais il mourut aussi tranquillement qu'un enfant dans son lit.

 

Souffrances et Martyre du Dr. Rowland Taylor.  

La ville de Hadley fut l'une des premières qui reçut la parole de Dieu en Angleterre à la prédication de Thomas Bilnoy. Le Dr. Rowland Taylor était le vicaire de cette paroisse étant docteur en droit civil et en droit canon, Outre son éminent savoir son attachement bien connue aux pures principes du christianisme le recommanda à la faveur et à l'amitié de Cranmer avec lequel il vécut jusqu'à ce que, par son influence, il obtint le vicariat de Hadley.

 

Le Dr. Taylor travailla dans l'intérêt du grand Rédempteur et de celui des âmes à la fois, par sa prédication et son exemple sous le règne du roi Édouard; mais à sa mort et par la succession de Marie au trône, il ne put échapper à l'orage qui éclata sur le parti protestant. Deux de ses paroissiens, Foster un avocat, et Clark un commerçant, par un zèle aveugle résolurent de faire célébrer la messe dans toute sa forme superstitieuse dans l'église paroissiale de Hadley, le lundi avant Pâques. Taylor, étant occupé dans son étude, fut alarmé par le son des cloches à une heure inaccoutumée et alla à l'église pour s'informer de la cause. Il trouva les grandes portes fermées mais levant le loquet du sanctuaire il entra et fut surpris de voir un prêtre revêtu de ses habits et préparé à célébrer la messe et gardé par un corps d'hommes armés pour empêcher toute interruption.

 

Étant curé de la paroisse il demanda au prêtre la cause de tels procédés sans sa connaissance et sans son consentement, et comment il osait profaner le temple de Dieu avec de telles idolâtries. Foster, l'avocat, répondit insolemment, "Toi traître, comment oses-tu intercepter l'exécution des ordres de la reine ?" Mais le docteur nia courageusement l'accusation de traître et affirma sa mission comme ministre de Jésus-Christ à cette portion de son troupeau, commandant au prêtre, comme à un loup en habit de brebis, de partir et de ne pas infecter la pure église de Dieu de son idolâtrie papiste. Il s'ensuivit une violente contestation entre Foster et le Dr. Taylor, le premier soutenant la prérogative de la reine et le second l'autorité du droit canon qui commandait que la messe ne fut dite que sur un autel consacré. Cependant le prêtre intimidé par la conduite intrépide du ministre protestant serait parti sans dire la messe mais Clark lui dit, "Ne crains rien vous avez un super altare;" qui est une pierre consacré d'environ un pied carré, que les prêtres papistes portent au lieu d'un autel quand ils disent la messe dans les maisons des gentilshommes. Clark lui commanda de s'acquitter de son devoir. Ils mirent alors le docteur hors de l'église, célébrèrent la messe et informèrent immédiatement l'évêque de Winchester qui le somma d'avoir à répondre des plaintes portées contre lui.

 

Le Dr. Taylor, en recevant la sommation se prépara joyeusement à y obéir. Sur l'avis de ses amis lui conseillant de se sauver au-delà de la mer pour éviter la cruauté de ses ennemis, il leur dit qu'il était décidé d'aller à l'évêque. Il se rendit en conséquence à Londres et alla le trouver.

 

Gardiner l'injuria de la manière la plus grossière, l'appelant traître et hérétique; mais notre pieux martyr endura tout cela patiemment. Dans l'opinion de Gardiner il aurait pu être un hérétique, mais suivant la loi il ne pouvait être un traître. Le Dr. Taylor répondit à son accusation avec une fermeté convenable; il lui dit qu'il était le persécuteur du peuple de Dieu et que lui-même s'était attaché à notre Sauveur et à sa parole; il rappela à l'évêque. le serment qu'il avait prêté au commencement du règne d'Édouard de maintenir la religion protestante et d'opposer la suprématie papale; mais Gardiner répondit que le serment lui avait été extorqué de sorte qu'il n'était pas obligé de s'y conformer, Le Dr. Taylor se défendit si hardiment que Gardiner en fut grandement exaspéré, et enfin appela ses hommes et dit, "Menez cet individu au Banc du roi et voyez à ce qu'il soit strictement gardé." Alors Taylor s'agenouilla et levant les deux mains il dit, "Seigneur, je te remercie ! et de la tyrannie de l'évêque de Rome et de toutes ses détestables erreurs et abominations, Dieu bon, délivre nous ! et que Dieu soit loué pour le bon roi Édouard." Ils le menèrent à la prison au Banc du roi où il fut enfermé pendant presque deux ans.

 

En janvier, 1555, le Dr. Taylor, M. Bradford et M. Saunders furent encore cités devant les évêques de Winchester, Norwich, London, Salisbury et Durham et étant de nouveau accusés d'hérésie et de schisme on exigea d'eux une réponse décisive pour savoir s'ils se soumettraient à l'évêque de Rome et abjureraient leurs erreurs ou entendraient leur condamnation. Le Dr. Taylor et ses compagnons répondirent hardiment qu'ils ne se départiraient pas de la vérité qu'ils avaient prêchée du temps du roi Édouard, et qu'ils ne se soumettraient pas non plus à l'antechrist romain; mais ils remerciaient Dieu pour une aussi grande miséricorde que de les compter dignes de souffrir pour sa parole. Quand les évêques les virent si irrévocablement résolus à suivre la vérité, ils lurent la sentence de mort; et quand ils l'eurent entendue, ils rendirent grâce à Dieu avec joie et dirent aux évêques, "Nous ne doutons pas que Dieu, le juste juge ne redemande notre sang de vos mains; et que les plus fiers d'entre vous auront à se repentir d'avoir reçu de nouveau l'antechrist et tyrannisé le troupeau de Christ.

 

Quand le Dr. Taylor eut demeuré dans la prison environ une semaine, le 14 février 1555, l'évêque Bonner avec d'autres vinrent pour le dégrader, apportant avec eux des ornements qui appartenaient à leur momerie de la messe. Il demanda que Taylor fut amené; l'évêque étant alors dans la chambre où était le gardien de la prison et sa femme. Le Dr. Taylor fut donc amené à Bonner, "Je désire que vous pensiez à vous et vous tourniez à votre sainte mère l'église afin de prospérer et j'implorerai votre pardon," dit Bonnot. Le Dr. Taylor répondit, "Je désire que vous et vos associés retournent à Christ. Quant à moi, je ne retournerai pas à l'antechrist." L'évêque dit alors, "Je suis venu pour vous dégrader; c'est pourquoi mettez ces vêtements." Le Dr. Taylor répondit résolument, "Je ne les mettrai pas." "Tu ne veux pas ?" Je te les ferai mettre avant que je parte," répondit Bonner. "Vous ne le ferez pas, par la grâce de Dieu," dit Taylor. Bonner le pressa de nouveau à se soumettre à son ordre mais il ne voulut pas. Là-dessus il commanda à un autre de les mettre sur son dos; et quand il en fut complètement revêtu il se mit les mains sur les côtés et marchant ça et là il dit, "Qu'en dites-vous, my lord, ne suis-je pas un beau fou ? Qu'en dites-vous mes maîtres; si j'étais à Cheapside ne ferais-je pas rire les garçons de voir ces jouets et friperies ridicules?" Bonner fut si enragé à ces paroles qu'il aurait donné un coup au Dr. Taylor sur la poitrine avec sa crosse si son chapelain ne lui eut dit, my lord, ne le frappez pas car il frappera certainement lui aussi. L'évêque lui donna sa malédiction mais ne le frappa pas. Le Dr. Taylor dit, "Quoique vous me maudissiez, cependant Dieu me bénit."

 

La nuit après sa déposition, sa femme, son fils et son domestique vinrent à lui et eurent la permission des gardiens de souper avec lui; à leur arrivée ils s'agenouillèrent et prièrent. Après le souper, marchant ça et là, il remercia Dieu pour la faveur de l'avoir appelé ainsi et lui avoir donné la force de s'en tenir à sa sainte parole.

 

Le lendemain matin le shérif de Londres, avec ses officiers, vinrent vers les deux heures le firent sortir et, sans lumière, le conduisirent à Woolpack, une auberge en dehors de Aldgate. Mme. Taylor, soupçonnant que son mari serait enlevé cette nuit-là, veilla dans le porche de l'église de St. Botolph, en dehors de Aldgate, ayant ses deux enfants - l'une nommée Élisabeth, une orpheline que le docteur avait adoptée à l'âge de trois ans; l'autre Marie, sa propre fille. Quand le shérif et sa compagnie vinrent vers l'église St. Botolph, la petite Elizabeth reconnaissante s'écria, "Ô mon cher père ! Ma mère, ma mère voici qu'on emmène mon père !" "Rowland" dit sa femme, "Où es-tu ?" car c'était un matin si obscur qu'il était impossible de se reconnaître. "Ma chère femme, je suis ici," dit le docteur et il s'arrêta. Les hommes du shérif l'auraient poussé en avant, mais dit le shérif, "Arrêtez un peu, je vous prie, et qu'il parle à sa femme."

 

Elle vint alors à lui et il prit sa fille Marie dans ses bras pendant que lui, sa femme et Élisabeth s'agenouillèrent et prièrent. A cette vue le shérif pleura beaucoup comme aussi plusieurs de sa compagnie. La prière finie, Taylor se leva et embrassa sa femme et lui serrant la main, dit - "Adieu, ma chère femme; prenez courage car j'ai la conscience tranquille. Dieu suscitera un père à mes enfants." Et alors il embrassa sa fille Marie et dit- "Que Dieu te bénisse et fasse de toi sa servante;" et embrassant Élisabeth, il dit, "Que Dieu te bénisse. Je vous prie tous de demeurer fermes dans votre foi en Christ et en sa parole et gardez-vous d'idolâtrie." Alors sa femme lui dit, "Que Dieu soit avec toi, mon cher Rowland; Je vais avec la grâce de Dieu te rencontrer à Hadley."

 

Il fut conduit en avant pendant que sa femme le suivait. Aussitôt qu'il vint à Woolpack, il fut mis dans sa chambre, où il fut gardé par quatre yeomen de la garde et par les hommes du shérif. Aussitôt qu'il entra dans la salle, il tomba à genoux et se donna, entièrement à la prière. Le shérif voyant alors là Mme Taylor ne voulut nullement lui permettre de parler davantage à son mari mais la pria d'aller chez lui et d'y être comme chez elle lui promettant qu'elle ne manquerait de rien et envoyant deux officiers pour l'y conduire. Malgré cela, elle demanda d'aller chez sa mère où les officiers la conduisirent et donnèrent ordre à la mère de la garder jusqu'à ce qu'ils revinssent. Cependant le voyage à Hadley fut retardé. Le Dr. Taylor fut enfermé au Woolpack par le shérif et sa compagnie jusqu'à onze heures, temps auquel le shérif d'Essex fut prêt à le recevoir; alors ils le mirent à cheval dans l'enceinte de l'auberge, les barrières étant fermées.

 

En sortant des barrières son domestique John Hull se tenait auprès avec le jeune Taylor. Quand le docteur les vit, il les appela, disant - "Viens ici, mon fils Thomas." John Hull leva l'enfant et le mit à cheval devant son père qui ôta alors son chapeau et dit au peuple - "Bonnes gens voici mon propre fils, issu d'un mariage légal; que Dieu soit béni pour le mariage légal." Alors il leva les yeux vers le ciel et pria pour son enfant lui plaçant son chapeau sur la tête. Après l'avoir béni, il le livra à son fidèle domestique qu'il prit par la main et dit - "Adieu John Hull, le plus fidèle des serviteurs qu'un homme ait jamais eu." Après cela ils s'éloignèrent, le shérif d'Essex et quatre yeomen des gardes et les hommes du shérif les conduisant.

 

Sur toute la route le Dr. Taylor fut joyeux et gai, comme le serait quelqu'un qui irait à un agréable banquet ou à des noces. Il dit plusieurs choses remarquables au shérif et aux yeomen des gardes qui le conduisaient et les fit souvent verser des larmes en les exhortant avec instance de se repentir et de se tourner vers la vraie religion. De ces yeomen de la garde trois le traitèrent avec douceur mais le quatrième, nommé Holmes, le traita très rudement. Le parti soupa et coucha à Chelmsford.

 

A Chelmsford il fut livré au shérif de Suffolk, et conduit par lui à Hadley. A leur arrivée à Lavenham, le shérif y demeura deux jours; et là vinrent à lui un grand nombre de gentilshommes et de juges qui étaient choisis pour l'aider. Ceux-ci s'efforcèrent beaucoup de gagner le docteur à la religion romaine, lui promettant son pardon qu'ils dirent qu'ils avaient pour lui. Ils lui promirent aussi une grande promotion, même un évêché, s'il voulait le prendre; mais tout leur travail et leur flatterie fut en vain.

 

Quand ils vinrent à Hadley et passaient le pont un pauvre homme l'attendait avec cinq enfants qui en voyant le Dr. Taylor, tombèrent à genoux et levant leurs mains, crièrent à haute voix - Ô cher père et bon berger ! Que Dieu vous aide et vous secoure comme vous nous avez souvent secourus.

 

Enfin, venant à Aldham-common, et voyant une grande multitude, il demanda - "Quel est cet endroit et d'où vient que tant de monde y soit réuni ?" On lui répondit - "C'est Aldham-Common, la place oh vous devez souffrir; et le peuple est venu pour vous voir." Alors dit-il - "Dieu soit béni, je suis chez moi," et ainsi il descendit de cheval et avec les deux mains il déchira son capuce de sa tête. Quand le peuple le vit, ils crièrent, "Que Dieu te sauve, bon Dr. Taylor. Que Jésus-Christ te fortifie; que le Saint-Esprit te console;" avec plusieurs autres souhaits chrétiens. Le Dr. Taylor demanda alors au shérif la permission de parler; mais il le lui refusa. S'apercevant qu'on ne lui permettrait pas de parler, il s'assit et voyant un nommé Soyce, il l'appela et lui dit - "Soyce, je te prie d'ôter mes bottes et de les prendre pour ton travail; il y a longtemps que tu les attends, maintenant prends-les." Alors il se leva et mis ses habits dans sa chemise et les donna. Cela fait, il dit à haute voix - "Bonnes gens, je ne vous ai rien enseigné que la Sainte parole de Dieu et ces leçons que j'ai prises du saint livre de Dieu, la Sainte Bible; et je suis venu ici aujourd'hui pour le sceller de mon sang."

 

En entendant sa voix, le yeoman de la garde qui l'avait maltraité sur toute la route, lui donna un coup sur la tête et dit - "Est-ce là garder ta promesse, toi hérétique ?" Alors, voyant qu'on ne voudrait pas lui permettre de parler, il s'agenouilla et pria, et une pauvre femme qui était parmi le peuple s'avança et pria avec lui; ils essayèrent de la chasser et menacèrent de l'écraser avec leurs chevaux; malgré cela elle ne voulut pas remuer, mais resta et pria avec lui. Quand il eut fini ses dévotions, il se rendit au bûcher et l'embrassa et se mit dans un baril de goudron qu'ils avaient apporté pour qu'il se mît dedans et il se tint ainsi avec le dos appuyé contre le poteau, les mains jointes et les yeux dirigés vers le ciel il pria continuellement. Alors ils mirent une chaîne autour de lui; et le shérif appela Richard Donningham, un boucher et lui commanda de placer les fagots; mais l'homme refusa et dit - "Je suis boiteux, monsieur, et incapable de lever un fagot." Le shérif là-dessus menaça de l'envoyer en prison mais il ne voulut pas le faire. Le shérif obligea alors plusieurs individus dégradés de la multitude de placer les fagots et de mettre le feu, ce qu'ils firent promptement; et l'un d'eux jeta par cruauté un fagot au martyr qui le frappa au visage et fit couler le sang. Il lui dit humblement - "Ô mon ami, j'ai assez souffert; à quoi bon cela ?"

 

Sir John Slielton se tenant près, comme le Dr. Taylor parlait et récitait le Miserere en anglais le frappa sur les lèvres - "Toi mon drôle," dit-il, "parle latin, ou je t'y forcerai." Enfin ils allumèrent le feu; alors le martyr levant les mains, s'adressa à Dieu, et dit, "Père miséricordieux qui êtes aux cieux pour l'amour de Jésus-Christ mon Sauveur recevez mon esprit dans vos mains." Il demeura alors tranquille sans pleurer ou se mouvoir avec les mains jointes, jusqu'à ce que Soyce le frappât avec une hallebarde si violemment sur la tête que sa cervelle tomba et le corps mort tomba dans le feu. Ainsi il remit son âme entre les mains de son Père miséricordieux et à son cher et sûr Sauveur Jésus-Christ qu'il aimait sincèrement, qu'il prêcha fidèlement et avec zèle suivi diligemment dans sa vie et glorifié par sa mort.

 

Martyre de plusieurs personnes dans diverses parties de l'Angleterre.  

Les noms des six prisonniers amenés devant Bonner le 8 de février étaient Tomkins, Pygot, Knight, Hankes, Lawrence et Hanter. Thomas Tomkins un tisserand de son état et un honnête chrétien, demeurant à Shoreditch, fut retenu six mois en prison et traité avec la plus grande cruauté. La rage de Bonner contre lui était telle qu'il le frappa au visage et lui arracha une partie de la barbe de ses propres mains; cependant Tomkins était tellement possédé de l'esprit divin et tellement affermi dans la connaissance de la vérité divine qu'on ne pouvait l'en ébranler. Dans une autre occasion Bonner, ayant un cierge allumé à la main, mit la flamme sous la main de Tomkins jusqu'à ce que les veines se resserrassent et que les tendons éclatassent; mais Tomkins ne céda pas mais il resta ferme et inébranlable.

 

Quand il eut été un an en prison, il fut amené avec plusieurs autres devant l'évêque Bonner dans son consistoire pour être examiné. On amena à sa charge d'avoir souscrit un certain bill ou schédule souscrit de sa propre main le cinquième jour du même mois contenant les mots suivants - "Thomas Tomkins, de Shoreditch, et du diocèse de Londres, a cru et croit encore que dans le sacrement le l'autel, sous la forme de pain et de vin, il n'y a pas le véritable sang et corps de notre Sauveur Jésus-Christ en substance, mais seulement un signe et un souvenir de celui-ci, le véritable corps et sang de Christ étant aux cieux et nulle part ailleurs. Par moi, Thomas Tomkins."

 

Sur lecture de cela, on lui demanda s'il reconnaissait la signature comme étant de sa propre main. Il la reconnut comme telle.

 

Le jour suivant Tomkins fut de nouveau amené devant l'évêque et son entourage et pressé de rétracter ses erreurs et de retourner à l'église-mère; mais il maintint sa fidélité et ne voulut se départir en rien des articles qu'il avait signés. L'ayant donc déclaré un hérétique obstiné et damnable, ils le livrèrent au pouvoir séculier et il fut brûlé à Smithfield, le 6 mars, 1555, triomphant au milieu des flammes et ajoutant son nom à la noble compagnie des martyrs qui l'avaient précédé dans le sentier de feu au royaume de la gloire immortelle.

 

Le dernier de cette noble bande courageuse des saints fut un apprenti de dix-neuf ans. Son nom était William Hunter. Il avait été élevé dans la doctrine de la réformation depuis sa tendre enfance descendant de parents pieux qui l'avaient soigneusement instruit.

 

Quand la reine Marie succéda à la couronne on envoya des ordres aux prêtres de chaque paroisse de sommer leurs paroissiens de recevoir la communion à la messe à Pâques après son avènement; et Hunter refusant d'obéir à la sommation, fut menacé d'être amené devant l'évêque.

 

Un magistrat voisin, nominé Brown, ayant appris qu'il maintenait des principes hérétiques, envoya chercher son père et lui demanda des informations concernant son fils; le vieillard lui assura qu'il l'avait quitté, qu'il ne savait pas où il était allé; et quand le magistrat le menaçait de l'emprisonner, il dit les larmes aux yeux, "Voudriez-vous que je cherchasse mon fils pour le faire baller?'' Le vieillard, toutefois fut obligé de le chercher; et le rencontrant par accident lui dit avec larmes que c'était d'après l'ordre du magistrat qui menaçait de l'emprisonner. Le fils, pour empêcher son père de courir aucun danger, dit qu'il était prêt à l'accompagner à la maison; sur cela ils retournèrent ensemble. Le jour suivant il fut arrêté et mis dans les ceps pendant vingt-quatre heures et ensuite mené devant le magistrat, qui demanda une Bible et tournant au sixième chapitre de St. Jean lui demanda son opinion sur la signification quant à ce qui se rapporte an sacrement de l'autel. Il nia hardiment la présence réelle. Le magistrat lui reprocha sa damnable hérésie et écrivit à l'évêque de Londres à qui ce vaillant jeune martyr fut bientôt conduit.

 

Après que Bonner eut lu la lettre, il fit amener William dans une chambre où il commença à raisonner avec lui de la manière suivante: "J'apprends, William Hunter, par la lettre de Mr. Brown quo vous avez nié le saint sacrement à l'autel; là-dessus Mr. Brown vous a envoyé chercher pour vous ramener à la foi catholique de laquelle, dit-il, vous vous êtes départi. Toutefois, si vous voulez vous laisser conduire par moi, il ne vous arrivera aucun mal pour ce qui a été fait ou dit dans cette affaire." William lui répondit, "Je ne suis pas départi de la foi catholique en Christ, très certainement; mais j'y crois et je le confesse de tout mon cœur."

 

L'évêque lui dit, "Que dis-tu du saint sacrement de l'autel ? Ne veux-tu pas rétracter ce que tu as dit devant Mr. Brown que le corps de Christ n'est pas dans le sacrement de l'autel, le même qui naquit de la Vierge Marie ? "Nullement intimidé, William lui dit, "My lord, je vois que Mr. Brown vous a informé de la conversation que lui et moi avons eue ensemble, et vous savez ainsi ce que je lui ai dit, ce que je ne puis rétracter avec, l'aide de Dieu." Alors dit l'évêque; "Je pense que tu as honte de porter un fagot, et te rétracter ouvertement; mais si tu veux rétracter privément, je promets que tu ne seras pas exposé publiquement à la honte; même dis ici un mot, maintenant entre toi et moi et je te promets que cela n'ira pas plus loin, et tu t'en iras à la maison sans qu'on te touche." A cette ruse, William répondit, "My lord, si vous me laissez seul et me laissez avec ma conscience, j'irai chez mon père et je resterai avec lui, ou bien encore avec mon maître; et si personne n'inquiète et ne trouble ma conscience je garderai ma conscience pour moi-même."

 

Alors l'évêque commanda à ses hommes de mettre William dans les ceps dans sa maison près de la barrière où il resta deux jours et deux nuits avec seulement une croute de pain et un verre d'eau. Au bout de deux jours l'évêque vint, et trouvant la croute et l'eau encore auprès de lui, il dit à ses hommes, "Ôtez-le des ceps et qu'il déjeune avec vous." Après le déjeuner Bonner envoya chercher William et lui demanda s'il voudrait se rétracter ou non. Mais il répondit, qu'il ne rétracterait jamais sa foi en Christ. Alors l'évêque dit qu'il n'était pas chrétien; mais reniait la foi dans laquelle il était baptisé. Mais William répondit, "J'ai été baptisé dans la foi à la Sainte Trinité dont je ne me départirai point avec l'assistance de la grâce de Dieu." Alors l'évêque l'envoya à la prison des forçats et commanda aux gardiens de le charger de chaînes autant qu'il en pourrait porter; de plus, il lui demanda quel âge il avait. William lui dit qu'il avait dix-neuf ans. "Bien," dit l'évêque, "vous serez brûlé avant d'avoir vingt ans, si vous ne voulez pas vous soumettre." William répondit - "Que Dieu me fortifie dans la vérité."' Et alors ils se séparèrent, l'évêque lui allouant pour vivre un sou par jour, pour le pain et le breuvage. Il resta de la sorte en prison les trois quarts d'une année et pendant ce temps il parut cinq fois devant l'évêque, outre quand il fut condamné dans le consistoire à l'église St. Paul, le 9ème jour de février; son frère, Robert Hunter (qui continua à rester avec son frère William jusqu'à sa mort et nous envoya le rapport) était présent et entendit l'évêque le condamner et les cinq autres.

 

Alors l'évêque s'en alla, et William et les autres prisonniers retournèrent à Newgate. Environ un mois après Hunter fut envoyé à Brentwood le samedi avant l'Annonciation de la Vierge Marie, qui tombait le lundi après; il demeura donc jusqu'à mardi, parce qu'ils ne voulaient pas le mettre à mort alors à cause de la sainteté du jour. Pendant ce temps le père et la mère de William vinrent à lui et lui conseillèrent chaleureusement de continuer comme il avait commencé; sa mère lui dit qu'elle était contente d'avoir mis au inonde un tel enfant qui pouvait se résigner à perdre la vie pour l'amour de Christ. Il lui répondit, "Pour le peu de souffrance que j'aurai à endurer et qui ne saurait durer, Christ m'a promis, ma mère, une couronne de gloire; ne devriez-vous pas être contente?" En entendant cela sa mère s'agenouilla, disant, "Je prie Dieu qu'il te fortifie, mon fils, jusqu'à la fin; oui vraiment je te crois aussi bien doué que tout autre enfant que j'aie au monde." Son père supprimant ses larmes lui dit, "Je ne craignais rien d'autre si ce n'est que mon fils meure dans la prison de faim et de froid;" chose que les bons parents avaient toutefois empêchée aussi bien que craint, car il reçut la meilleure nourriture et le meilleur vêtement qu'ils pouvaient lui envoyer; ce que le fils recevait avec une reconnaissance manifeste.

 

Le lundi soir suivant, William rêva qu'il était sur la place où le poteau était planté sur lequel il devait être brûlé; il pensa aussi qu'il rencontra son père et il y avait un prêtre au bûcher qui voulait qu'il se rétractât, auquel il dit, "Retire-toi, faux prophète !" et il exhortait les gens à prendre garde à lui et à ses pareils; tout cela arriva. Le matin le shérif lui commanda de se préparer à son sort. En même temps le fils du shérif vint à lui et l'embrassa, disant, "William, n'aie pas peur de ces hommes avec des arcs et des armes préparées à vous amener à la place où vous serez brûlé." "Je remercie Dieu que je ne sois pas dans la crainte," dit l'intrépide jeune homme, "car j'ai déjà compté ce qu'il va m'en coûter." Alors le fils du shérif ne put lui en dire davantage à cause de ses larmes.

 

Hunter prit alors sa robe et s'avança joyeusement, le fils du shérif le prenant par un bras et son frère par l'autre, et en marchant il rencontra son père, suivant son rêve qui lui dit en pleurant, "Que Dieu soit avec toi mon fils William." Il se rendit alors à l'endroit où était le bûcher, comme il l'avait vu en rêve; où tout n'était pas prêt, il s'agenouilla et lut le psaume 51ème, jusqu'à ce qu'il vint à ces mots; "Le sacrifice de Dieu est un esprit contrit; tu ne méprises pas, Ô Dieu un esprit contrit." Comme quelqu'un mettait en question la traduction de ces paroles, le shérif lui apporta une lettre de la reine et dit. "Si tu veux te rétracter tu vivras; si non, tu seras brûlé." "Je ne me rétracterai pas, Dieu m'aidant," répondit le noble jeune homme; ayant dit cela il se leva, se rendit au poteau, et se mit droit contre lui. S'adressant au juge, il dit, "Mr. Brown, vous avez maintenant ce que vous cherchiez; et je prie Dieu que cela ne vous soit pas mis à charge au dernier jour; quoiqu'il en soit, je vous pardonne, je ne redemanderai pas mon sang de vos mains."

 

Il pria alors; "Fils de Dieu, luis sur moi !" et immédiatement le soleil luisit à travers un nuage épais si brillamment dans son visage, qu'il fut obligé de se détourner; ce qui étonna le peuple car il faisait si obscur avant cela. II prit alors un fagot de balai et l'embrassa. Le prêtre dont il avait rêvé la présence vint à son frère Robert avec un livre papiste pour le porter à William afin qu'il se rétractât; livre que son frère ne voulut pas toucher. Alors William, voyant le prêtre, et s'apercevant qu'il lui avait montré le livre, il dit, "Va-t'en faux prophète ! Méfiez-vous d'eux, mes bonnes gens, et éloignez-vous de leurs abominations, afin que vous n'ayez pas part à ses plaies." "Alors," reprit le prêtre, "regarde comme tu brûles ici, ainsi brûleras-tu dans enfer" William répondit - "Tu mens, toi faux prophète ! Va-t'en, toi faux prophète - va-t'en !" Il y avait là un monsieur qui dit, "Je prie Dieu d'avoir pitié de son âme." Le peuple répéta, "Amen, amen!" Immédiatement après, on alluma le feu. Alors William remit son psautier à son frère, qui dit, "William pense à la passion de Christ et n'aie pas peur de la mort." Il répondit, - "Je n'ai pas peur." Alors il leva les mains au ciel et dit, "Seigneur, Seigneur, Seigneur, reçois mon esprit;" et baissant de nouveau la tête dans la fumée étouffante il donna sa vie pour la vérité, la scellant de son sang pour la gloire de Dieu.

 

William Pygot et Stephen Knight souffrirent le 28 mars et John Lawrence le jour suivant. A leur examen on leur demanda d'abord quelle était leur opinion du sacrement de l'autel. Ce à quoi ils répondirent à tour et même signèrent que dans le sacrement de l'autel, sous la forme du pain et du vin, il n'y a pas la substance du corps et du sang de notre Sauveur Jésus-Christ, mais une participation spéciale du corps et du sang de Christ; le vrai corps et sang de Christ étant seulement dans le ciel et nulle part ailleurs. Le présent examen fini, on leur ordonna de comparaître le jour suivant qui était le 9 février, à huit heures du matin et pendant ce temps de réfléchir à ce qu'ils feraient.

 

Enfin, trouvant que ni les flatteries ni les menaces n'avaient d'effet, l'évêque rendit jugement contre chacun d'eux. Et parce que John Lawrence avait été l'un de leurs prêtres choisis, il fut solennellement dégradé par l'évêque. Leur sentence de condamnation et cette dégradation finie ils furent remis à la garde des shérifs de Londres, qui les envoya à Newgate où ils restèrent ensemble avec joie, jusqu'à ce qu'ils fussent menés à Essex: et là, le 28ème jour de mars, William Pygot fut brûlé à Braintree et Stephen Knight à Maldon.

 

Le jour suivant, Mr. Lawrence fut mené à Colchester. Les chaînes qu'il avait porté en prison avaient tellement blessé ses membres et son corps, il était si affaibli par le manque de nourriture qu'il fut porté au feu dans une chaise et assis; il fut ainsi brûlé. Un incident qui est bien digne de remarque arriva à son martyre. Plusieurs jeunes enfants vinrent autour du feu et crièrent, aussi bien qu'ils pouvaient le dire, "Seigneur, fortifie ton serviteur et garde ta promesse; fortifie ton serviteur suivant ta promesse." Dieu répondit à leur prière, car Mr. Lawrence mourut aussi courageusement et tranquillement qu'on pouvait désirer qu'il le fit.

 

Le Dr. Farrar, le vénérable évêque de l'église St. David fut désigné comme victime par le sanguinaire Gardiner. Cet excellent et savant prélat avait été promu archevêque par le lord protecteur sous le règne d'Édouard; mais après la chute de son patron il tomba aussi en disgrâce par la malice de plusieurs ennemis parmi lesquels se trouvait George Constantine, son propre domestique. Des articles, au nombre de cinquante-six, furent préparés contre lui, dans lesquels il fut accusé de plusieurs négligences et contumaces dans le gouvernement de l'église. Il y répondit et les nia. Mais ses ennemis étaient si invétérés qu'ils prévalurent, et il fut en conséquence, retenu en prison jusqu'à la mort du roi Édouard, et à l'avènement de la reine Marie et de la religion papiste, ce qui lui causa de nouveau trouble, étant accusé et examiné pour sa foi et sa doctrine. Sur quoi il fut cité devant l'évêque de Winchester avec Mr. Hooper, Mr. Rogers, Mr. Bradford, Mr. Saunders, et autres le 4 de février. Ce jour-là même il devait être condamné avec eux; mais parce que le loisir ou l'envie n'en était pas venu à l'évêque, sa condamnation fut différée et il fut de nouveau renvoyé en prison, où il resta jusqu'au 14 du dit mois de février. Après cela il fut envoyé an pays de Galles pour y recevoir sa sentence de condamnation. Le 26 février, dans l'église de Carmarthen étant amené par Griffith Leyson, Ecr., shérif du comté de Carmarthen, il fut présenté au nouvel évêque de St. David et à Constantine le notaire public, qui là et alors déchargea le dit shérif et le reçut sous leur propre garde le remettant de plus à la garde de Owen Jones; et déclara là-dessus au Dr. Farrar la grande clémence et miséricorde que le roi et la reine lui offraient; que s'il voulait se soumettre aux lois du royaume et se conformer à l'unité de l'église catholique il y serait reçu et pardonné.

 

Le nouvel évêque de St. David était un certain Henry Morgan, un furieux papiste, qui devint maintenant le principal juge de son prédécesseur persécuté. Ce Morgan, siégeant comme juge, livra à l'évêque Farrar certains articles et questions par écrit, qui étant lus en sa présence, Farrar refusa d'y répondre jusqu'à ce qu'il vit sa commission légale et son autorité. -Là-dessus Morgan le prononça contumace et pour la punition de cette opiniâtreté le remit à la garde de Owen Jones, jusqu'au 4 de mars, et alors d'être amené encore au même endroit entre deux ou trois heures.

 

Au jour et lieu appointé, l'évêque parut encore devant son orgueilleux successeur, se déclara prêt à répondre aux articles et aux positions ci-dessus mentionnés, demandant poliment une copies des articles et un temps convenable pour y répondre. Cela lui fut accordé et le mardi suivant lui étant assigné entre une heure et trois il fut de nouveau mis sous garde. Au jour fixé il parut de nouveau et exhiba un écrit contenant sa réponse aux articles objectés et fournis à lui auparavant. Alors Morgan lui offrit les articles sous cette forme concise: Qu'il voulait que lui, étant prêtre, renonçât au mariage - de reconnaître la présence réelle de Christ dans le sacrement sous la forme du pain et du vin - de confesser et reconnaître que la messe est un sacrifice propitiatoire pour les vivants et les morts - que les conciles généraux légalement réunis ne meurent jamais et ne peuvent errer - que les hommes sont justifiés devant Dieu non pas par la foi seulement, mais que l'espérance et la charité sont aussi nécessaires à la justification - et que l'église catholique a seule l'autorité d'interpréter les Écritures et de décider les controverses de religion et de formuler des règlements concernant la discipline publique.

 

Il refusa de souscrire à ces articles, affirmant qu'ils étaient inventés par les hommes, et ne regardaient pas la foi catholique. Après ceci Morgan lui délivra la copie des articles, fixant le lundi suivant pour y répondre et y souscrire soit affirmativement ou négativement. Le jour vint et il montra sur un morceau de papier sa décision et sa réponse aux articles qui étaient les mêmes qu'auparavant. L'évêque fixa le mercredi suivant, dans l'avant midi, pour entendre sa sentence finale et décisive. Morgan lui demanda ce jour-là s'il renoncerait à ses hérésies, schismes et erreurs qu'il avait jusque là maintenus et s'il souscrirait aux articles catholiques autrement qu'il ne l'avait fait avant.

 

Là-dessus Farrar produisit une certaine liste écrite en anglais, et restant dans les actes, en appelant de l'évêque comme d'un juge incompétent, au cardinal Pole et aux autres autorités les plus élevées. Ceci, toutefois, ne lui servit de rien. Morgan, donnant cours à sa rage, prononça sentence contre lui, le condamnant comme un hérétique excommunié et devant être livré sur-le-champ au pouvoir séculier, à savoir au shérif de la ville de Carmarthen., Mr. Leysen. Après quoi sa dégradation suivit naturellement.

 

Ainsi ce saint évêque fut condamné et livré au pouvoir séculier et peu de temps mené à l'exécution dans la ville de Carmarthen, où sur le marché public sur le côté sud de la croix, le 30 mars, étant un samedi avant le dimanche de la passion, il endura patiemment les tourments du feu. Parmi les incidents de ce martyre dignes de mention se trouve le suivant: Un Richard Jones, un jeune noble fils d'un chevalier, venant au Dr. Farrar un peu avant sa mort, semblait se lamenter sur la douleur de ce qu'il avait à souffrir; auquel l'évêque répondit, que s'il le voyait se remuer une fois dans les souffrances des flammes, il devrait n'ajouter aucune foi à sa doctrine. Et comme il le dit, il le fit; car il resta si patiemment, qu'il ne remua point jusqu'à ce qu'un Richard Gravell le frappât avec un bâton, et il tomba dans les flammes et expira, ou plutôt s'éleva au ciel pour y vivre à toujours.

 

Martyre du Rév. George Marsh.  

George Marsh naquit dans la paroisse de Deane, dans le comté de Lancaster, et ayant reçu une bonne éducation, ses parents l'élevèrent pour le commerce et l'industrie. Il se maria à environ 25 ans à une jeune femme de la campagne; avec laquelle il continua à vivre sur une terre ayant plusieurs enfants. Sa femme étant morte, et lui ayant convenablement établi ses enfants, alla à l'université de Cambridge, où il étudia et accrut beaucoup ses connaissances et fut un ministre de la Sainte parole de Dieu et pour un temps curé du Rev. Laurence Saunders. Dans cette situation il continua pendant un temps, démontrant avec ferveur ce qu'est la vraie religion et rabaissant la fausse doctrine par ses lectures pieuses et ses sermons aussi bien là que dans la paroisse de Deane comme ailleurs dans Lancashire. Mais un aussi zélé protestant ne pouvait êtres en sûreté. Il fut enfin appréhendé et gardé comme prisonnier dans Chester, par l'évêque de ce diocèse, environ quatre mois.

 

Il fut envoyé ensuite à Lancaster; et étant amené avec d'autres prisonniers aux sessions, il fut contraint de lever la main parmi les malfaiteurs.

 

Pendant qu'il était à Lancaster, plusieurs vinrent lui pater lui donnant des conseils comme Pierre en donnait à Christ; mais il répondit qu'il ne pouvait suivre leur conseil, mais qu'avec la grâce de Dieu il vivrait et mourrait arec une pure conscience et comme jusqu'ici il avait cru et professé.

 

Quelques jours après, Mr. Marsh fut transporté de Lancaster; et venant à Chester, le Dr. Cotes l'envoya chercher, ensuite l'évêque, pour se présenter dans la salle. Alors il lui fit certaines questions concernant le sacrement, et Marsh fit des réponses telles que l'évêque en parut satisfait, disant qu'il niait tout-à-fait la transsubstantiation, et ne permettait pas l'abus de la messe ni que les laïques reçoivent seulement une espèce, contrairement à l'institution de Christ; points sur lesquels l'évêque essaya de le convaincre, quoique (Dieu en soit loué) bien en vain. Il eut beaucoup d'autres conversations avec lui, pour l'induire à se soumettre à l'église de Rome; et comme il ne pouvait prévaloir auprès de lui, il l'envoya en prison. Et après y avoir été il vint vers lui plusieurs fois, un nommé Mamie, vieillard affable, un Hensham, chapelain de l'évêque et archidiacre avec plusieurs autres; qui, avec beaucoup de philosophie, de sagesse mondaine et de vanité trompeuse, d'après la tradition des hommes mais non d'après Christ, s'efforcèrent de le persuader de se soumettre à l'Église de Rome pour reconnaître le pape comme chef, et d'interpréter l'Écriture comme l'église le faisait.

 

A ceci Mr. Marsh répondit qu'il reconnaissait et croyait à une seule église catholique et apostolique, hors de laquelle il n'y a point de salut; et que cette église n'est qu'une seule parce quelle a toujours confessé et confessera toujours et croira en un seul Dieu, et un seul Messie, et ne croira qu'en lui seul pour son salut; laquelle église est aussi dirigée et conduite par un seul Esprit, une seule parole et une seule foi; et que cette église est universelle et catholique parce qu'elle a existé depuis le commencement du monde, existe et existera jusqu'à la fin du monde, renfermant dans son sein toutes les nations, tribus et langues, conditions, états et rangs d'hommes; et que l'église est bâtie seulement sur le fondement des prophètes et des apôtres, Jésus-Christ lui-même étant la principale pierre de l'angle et non sur les lois et décrets romains dont le chef était l'évêque de Rome. Et où ils disent que l'église se maintient par la succession des évêques, étant dirigée par les conciles écuméniques, les saints pères et les lois de la sainte église et avait ainsi continuée pendant quinze cents ans et plus; il répondit que la sainte église, qui est le corps de Christ et en conséquence très digne d'être appelée sainte, existait avant la succession des évêques, des conciles généraux ou décrets romains; n'était nullement astreinte à aucun temps ou lieu à la succession ordinaire ou à la tradition des pères; n'avait aucune suprématie sur les empires ou les royaumes; mais était un pauvre et simple troupeau, dispersé au loin, comme des brebis sans pasteur au milieu des loups; ou comme une famille d'orphelins et d'enfants sans père; et que cette église était conduite et régie par la parole de Christ, lui étant son chef suprême, l'assistant, la secourant et la défendant contre tous les assauts, les erreurs et les persécutions par lesquelles elle est toujours entourée.

 

Mr. Marsh fut après cela examiné plusieurs fois par l'évêque et les chanceliers qui se servirent de tous les moyens pour l'induire à se rétracter; mais tous leurs efforts furent vains, car le noble martyr résista également à leur persuasion et à leurs menaces.

 

L'évêque de Chester commença alors à lire la sentence de la condamnation; mais quand il en eut lu la moitié, le chancelier l'appela et lui dit, "Bon, My lord, arrêtez ! car si vous lisez encore plus loin, ce sera trop tard pour la rappeler." L'évêque s'arrêta donc quand plusieurs prêtres et bon nombre de personnes ignorantes demandèrent avec instance à Mr. Marsh de se rétracter. Ils lui commandèrent de s'agenouiller et de prier et qu'ils prieraient pour lui, et lui prierait pour eux. Quand ceci fut fini, l'évêque lui demanda s'il ne demanderait pas la faveur de la reine à temps. Il répondit qu'il la désirait et qu'il aimait sa faveur aussi grandement qu'aucun d'entre eux; mais que cependant il n'osait pas renier le Christ, son Sauveur, par crainte de perdre sa faveur éternelle et de gagner la mort éternelle.

 

L'évêque continua à lire sa sentence environ cinq ou six lignes, quand le chancelier avec des paroles flatteuses et un visage riant, l'arrêta et lui dit, "Encore une fois my lord arrêtez, car si ce mot est dit, tout est fini; aucun repentir ne pourra alors servir." Alors se tournant vers Mr. Marsh, il demanda, "Qu'en dis-tu? ne veux-tu pas te rétracter ?" Plusieurs des prêtres et de gens l'exhortèrent de nouveau à se rétracter et à sauver sa vie. Il leur répondit, "J'aimerais autant vivre que vous, si en le faisant je ne reniais mon maître le Christ, mais alors il me renierait devant son Père qui est aux cieux.

 

L'évêque lut alors la sentence jusqu'au bout, et lui dit ensuite, "Maintenant je ne prierai plus pour toi, pas plus que pour un chien !" Mr. Marsh répondit que malgré cela il prierait pour sa seigneurie. Il fut alors livré aux shérifs de la ville; alors son dernier gardien voyant qu'il allait le perdre dit avec larmes, "Adieu, bon George;" ce qui fit que les officiers le menèrent à la prison à la porte du nord où il fut bien strictement gardé jusqu'à sa mort, temps qu'il passa avec peu de confort ou d'aide de personne. Car étant dans le cachot ou une obscure prison, personne de ceux qui voulaient lui faire du bien ne pouvait parler avec lui, ou au moins n'osait l'essayer par crainte d'accusation; et quelques-uns des citoyens qui l'aimaient par rapport à l'Évangile, quoiqu'ils ne le connussent point, venaient quelquefois le voir le soir et lui demander comment il se portait. Il leur répondait joyeusement qu'il se portait bien et remerciait Dieu grandement de lui accorder la faveur de le choisir pour être témoin de la vérité et de souffrir en conséquence: ce qui le remplissait de joie; le suppliant de lui donner la grâce de ne pas succomber sous la croix mais de la supporter patiemment pour sa gloire et pour la paix de son église.

 

Le jour de son martyre étant venu, les shérifs de la ville avec leurs officiers allèrent à Northgate, et le firent sortir avec des entraves aux pieds. Quand il vint au lieu de l'exécution quelques-uns lui offrirent de l'argent et désirèrent qu'il portât une bourse à la main pour la donner à un prêtre pour dire des messes pour lui après sa mort; mais Mr. Marsh dit qu'il ne se dérangerait pas pour recevoir de l'argent, mais il demanda à quelque bonne personne de le prendre si les gens étaient disposés à en donner et de le remettre aux prisonniers ou aux pauvres. Il parcourut tout le chemin en lisant avec attention, et plusieurs dirent. "Cet homme ne va pas à la mort comme un voleur ou comme quelqu'un qui mérite de mourir." En arrivant au lieu de l'exécution hors de la ville, un député chambellan de Chester montra à Mr. Marsh, un écrit signé du grand sceau, disant, que c'était son pardon s'il voulait se rétracter. Il répondit, que d'autant que cela tendait à l'éloigner de Dieu, il ne le recevrait pas à cette condition.

 

Il commença à parler au peuple, montrant la cause de sa mort, et il les aurait exhortés à être fidèle à Christ, mais un des shérifs lui dit qu'il ne fallait pas alors faire un sermon. Il s'agenouilla alors, pria avec instance, et fut enchaîné au poteau, ayant sous lui un tas de fagots et un baril avec de la poix et du goudron, sur la tête Le feu ayant été fait maladroitement et le vent le portant par ci et là, il souffrit horriblement à sa mort ce qu'il supporta, toutefois, bien patiemment. Quand les spectateurs supposèrent qu'il était mort, soudainement il éleva les bras, disant, "Mon Père qui est au cieux, aie pitié de moi," et ainsi il rendit l'esprit entre les mains du Seigneur. Là-dessus, plusieurs du peuple dirent que c'était un martyr et qu'il était mort avec un merveilleux courage, ce qui poussa l'évêque peu de temps après à faire un sermon dans sa cathédrale et d'y affirmer que le dit Marsh était un hérétique, brûlé comme tel et était alors un tison dans l'enfer.

 

Martyre de William Flower.  

William Flower naquit à Snowhill, dans le comté de Cambridge. Il fut instruit comme catholique romain; et étant amené à l'église fut reçu dans les ordres et devint un moine dans l'abbaye d'Ely. Après être resté quelque temps dans le monastère, il devint prêtre séculier, revint au lieu de sa naissance et officia pendant quelques années comme prêtre. Après un certain temps en examinant les Écritures saintes il commença à avoir des doutes sur les doctrines et pratiques de l'Église romaine; et après une inspection subséquente les trouvant opposées à la parole de Dieu, il les abjura et embrassa les doctrines de la réformation. Il vint alors à Londres et s'établit à Lambeth où il se maria et tint une école. Allant un jour à Westminster, il entra dans l'église Ste. Marguerite au temps de la messe. Comme il refusait de s'agenouiller à l'élévation de l'hostie, il fut réprimandé par le prêtre; ce qui irrita tellement Flower qu'il le frappa sur la tête, le prêtre ayant en sa main un calice contenant des hosties consacrées.

 

Comme sa conduite provenait plutôt d'un zèle imprudent que d'une connaissance solide, il se soumit au jugement de l'évêque Borner prêt à souffrir, pour sa folie, n'importe quelle punition qu'il trouverait à propos de lui infliger. L'évêque aurait mitigé sa punition s'il avait voulu embrasser la foi papiste, mais il refusa de le faire absolument; il fut en conséquence emprisonné à la Gate-house. La conversation suivante eut lieu ici entre lui et un compagnon prisonnier, Mr. Robert Smith que nous donnons au complet comme expliquant sa conduite; -

 

Smith - Or, comme je comprends que vous professez de suivre l'Évangile et l'avez fait depuis longtemps, je me permets de vous demander concernant certaines choses que vous avez commises à l'étonnement de ceux qui professent la vérité.

Flower - Je loue Dieu de m'avoir montré la lumière de sa sainte Parole, et vous remercie sincèrement pour votre visite. Je vous déclarerai la vérité en toutes choses que vous me demanderez légalement.

Smith - Montrez-moi alors la vérité quant à votre action, commise sur John Cheltam, le prêtre dans l'église aussi exactement que possible.

Flower - Je venais de chez-moi à Lambeth et en entrant dans l'église Ste. Marguerite et voyant le peuple se prosterner devant une méprisable idole, étant poussé de zèle pour mon Dieu que je vis déshonoré, je me laissai aller à la colère et frappai le prêtre et je fus en conséquence immédiatement arrêté.

Smith - Ne connaissiez-vous pas la personne que vous avez frappée? n'y avait-il pas eu de mauvaise disposition ou de haine entre vous en aucun temps ?

Flower - Non, vraiment; je n'avais jamais vu la personne, à ma connaissance, ni n'avais entretenu de mauvaise disposition ou haine.

Smith - Pensez-vous que cela fut bien, et d'après la loi de l'Évangile?

Flower - Je confesse que toute chair est sujette au pouvoir du Tout-Puissant, qui fait que ses ministres font sa volonté et son plaisir; comme par exemple, Moïse, Aaron, Phinée, Josué, Zimri, Jéhu, avec plusieurs autres non seulement changeant les décrets, mais aussi donnant du zèle à son honneur contre tout ordre et respect de la chair et du sang. Car comme le dit St. Paul, "Ses œuvres sont au-dessus de notre connaissance:" par l'esprit duquel j'ai aussi donné ma chair pour souffrir comme il plaira à la bonne volonté de Dieu de le déterminer.

Smith - Pensez-vous que ce soit juste pour moi, ou tout autre, de lire la même chose en suivant votre exemple.

Flower - Non, vraiment; et je ne sais pas non plus si je pourrais le faire encore moi-même: quand je suis venu à l'église St. Paul, je n'était pas plus capable de le faire que maintenant je suis capable de défaire ce qui est fait; mais étant poussé par l'esprit, et étant complètement satisfait de mourir pour le Seigneur je sacrifiai volontiers ma chair sans crainte. C'est pourquoi je ne puis vous vous recommander de faire la pareille. Premièrement, parce que je ne sais pas ce qui est en vous. Secondement, parce que les enseignements de l'Évangile nous commandent de souffrir avec patience tous les torts; cependant, si celui qui m'a rempli de zèle vous rend digne vous ne serez ni arrêté, ni condamné; car il fait parmi son peuple des œuvres ineffables dans tous les âges qu'aucun homme ne saurait comprendre. Je vous prie humblement de juger avec le meilleur esprit et de ne pas condamner les œuvres de Dieu; car je ne puis exprimer de ma bouche les grandes miséricordes que Dieu m'a montrées dans ce cas dont je ne me repens pas.

Smith - N'êtes-vous pas sûr d'avoir à mourir pour cet acte, et cela avec violence ?

Flower - J'ai, avant que l'acte ne fut commis, sacrifié mon corps à la mort pour cela; c'est pourquoi je portais sur moi, en écrit, mon opinion de Dieu et des Saintes Écritures; que s'il avait plu à Dieu de leur permettre de me tuer dans l'église, ils auraient vu, dans l'écrit, que mon espérance qui (j'en remercie Dieu) est gardé sûrement sur ma poitrine; étant sûr de la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur, et fort chagrin pour tous mes péchés, ci espérant que bientôt, par sa miséricorde je cesserai de les commettre.

Smith - Je n'ai pas besoin de parler avec vous de l'espérance que vous avez davantage; car je m'aperçois (Dieu en soit loué) que vous êtes dans un bon état; et c'est pourquoi je supplie Dieu d'étendre ses ailes sur vous afin que, comme vous avez été zélé par amour pour lui, même jusqu'à faire la perte de cette vie, il vous donne son Saint-Esprit pour vous conduire à une meilleure vie, ce qui, je crois, arrivera prochainement.

Flower - J'ai hâte que cela soit, cher ami, étant assuré qu'ils peuvent tuer le corps et que je recevrai la vie éternelle et ne verrai plus la mort. Robert Smith partit alors, laissant Flower dans le cachot.

 

Après quelque temps, il fut amené devant l'évêque qui lui administra, sous serment, plusieurs articles. Mais ne répondant pas d'une manière satisfaisante, il fut renfermé à la prison Fleet. Alors il fut amené devant le gardien et trouvé coupable d'avoir maltraité un prêtre dans l'exécution de ses devoirs et aussi pour maintenir de damnables hérésies. L'évêque lui demanda, alors, s'il connaissait quelque cause pour laquelle on ne devrait pas prononcer sentence contre lui comme hérétique ? Flower répondit, "Je n'ai absolument rien à dire, car je ne me départirai pas de ce j'ai déjà dit; et faites en conséquence ce que vous voudrez.

 

L'évêque passa alors sentence sur lui comme hérétique et le livra au pouvoir séculier.

 

Le 24 avril, 1555, il fut conduit au bûcher à la cour de l'église de Ste. Marguerite,Westminster, au milieu d'un nombre prodigieux de spectateurs. Là, il s'agenouilla et pria comme suit:

 

"Ô Dieu éternel, père tout-puissant et miséricordieux qui a envoyé ton Fils sur la terre pour me sauver et toute l'humanité; qui remonta au ciel et laissa son sang sur la terre derrière lui pour la rédemption de nos péchés, aie pitié de moi, pour l'amour de ton cher Fils, notre Seigneur Jésus-Christ en qui seul je confesse qu'il y a salut et justification et qu'il n'y a pas d'autre chemin, ni sainteté par lequel ou dans lequel un homme puisse se sauver. C'est ici ma foi, dont je prie tous les hommes ici présents d'être témoins."

 

Il répéta alors la prière dominicale; après quoi, il se prépara, à subir sa sentence. Un prêtre romain désira qu'il rétractât son hérésie et par ce moyen sauvât sa vie; auquel il dit, "Monsieur, je vous prie, pour l'amour de Dieu d'être satisfait; car ce que j'ai dit, je l'ai dit; et je compte que Dieu me rendra capable de demeurer ferme jusqu'à la fin."

 

Ceci fait, il fut enchaîné au bûcher et sa main gauche attaché à son côté. L'autre, celle avec laquelle il avait frappé le prêtre, fut alors élevée et coupée; il supporta' cela sans la moindre apparence d'émotion. Les fagots furent alors pilés autour de lui et étant allumés, il cria, "Ô toi Fils de Dieu, aie pitié de moi; Ô toi Fils de Dieu, reçois mon esprit." Il répéta ces mots trois fois quand la fumée lui enleva la parole; mais il montra encore aux spectateurs qu'il n'était pas privé de vie en levant le bras d'où la main avait été coupée avec l'autre aussi longtemps qu'il fut capable. Comme il n'y avait pas suffisamment de fagots il endura de grandes tortures, le bas de son corps étant consumé un temps considérable avant que les autres parties fussent beaucoup affectées. Enfin, toutefois l'exécuteur finit ses misères en lui frappant un coup violent sur la tête qui jeta la partie élevé de son corps dans le feu; et de cette manière affreuse il rendit l'esprit.

 

Martyre du Révd. John Bradford and John Leafe.  

Le premier de ces martyrs naquit à Manchester où il reçut une éducation libérale, ayant acquit une connaissance considérable de la littérature classique et mathématique. En atteignant sa maturité, ayant des amis distingués, par leur influence il devint secrétaire de Sir John Harrington, trésorier de Henri VIII. Après un temps, ayant le goût de l'étude, il quitta le bureau et alla à Cambridge, où, à la fin d'une année, il fut fait maître-des-arts; bientôt après il fut admis comme boursier au collège de Pembroke.

 

Vers ce temps-là, Martin Bucer, un avocat zélé de la religion réformée demeurait à Cambridge. Ayant de grands égards pour Mr. Bradford, il le persuada d'étudier pour l'œuvre du ministère. Mr. Bradford, étant timide, aurait voulu s'excuser comme n'étant pas suffisamment qualifié; mais Bucer obtint son consentement et il fut consacré diacre par le Dr. Ridley, évêque de Londres qui après cela le fit prébendier de St. Paul où, à tour de rôle, il prêcha pendant trois ans le vrai Évangile de Christ.

 

Après l'accession de la reine Mary, Mr. Bradford continua à prêcher jusqu'à ce qu'il fut arrêté par l'incident suivant. Dans la première année du règne de cette princesse, Bonner, alors évêque de Londres, ordonna à Mr. Bourn, plus tard évêque de Bath, de prêcher un sermon, dans lequel il prit occasion dans l'évangile choisi pour ce jour de justifier Bonner, alors replacé dans son évêché, en prêchant sur le même texte le même jour pendant quatre ans et recommandant la doctrine pour laquelle, suivant le prédicateur, il fut jeté dans la Marshaisea et gardé là prisonnier pendant le règne du roi Édouard VI. Ces paroles causèrent un grand murmure parmi le peuple, même ils étaient si irrités que l'un d'eux jeta un poignard au prédicateur et menaça de le descendre de la chaire. Il désira, en conséquence, que Mr. Bradford essayât d'apaiser le peuple qui était si tumultueux, qu'il ne pouvait être réprimé même par l'autorité du lord maire. Aussitôt que Mr. Bradford monta en chaire, le peuple s'écria, "Que Dieu sauve ta vie, Bradford !" et on écouta tranquillement son discoure dans lequel il les blâma pour leur conduite désordonnée les exhorta à la tranquillité; et après qu'il eut fini, ils se dispersèrent paisiblement. L'après-midi du même jour, Mr. Bradford prêcha à Bow Church et blâma le peuple pour sa conduite tumultueuse à l'église St. Paul le matin.

 

Trois jours après, il fut cité devant la reine et son conseil, et là, accusé d'être la cause du désordre, quoiqu'il fût la personne elle-même qui l'avait arrêté. Il fut aussi accusé d'avoir prêché à Bow church, quoiqu'il eût exhorté fortement le peuple à la paix. Mais rien de ce qu'il put avancer ne lui servit de rien; et il fut enfermé à la Tour accusé de sédition. Là il fut enfermé pour un an et six mois, jusqu'à ce que la religion papiste fut rétablie par acte de parlement. Il s'examina alors concernant sa foi, parce qu'il ne pouvait parler contre la doctrine de l'Église de Rome, sans danger; tandis que, pendant que les lois du roi Édouard étaient en force, il pouvait parler librement suivant sa conscience.

 

Les principaux articles avancés contre lui étaient - son refus d'accepter la doctrine de la transsubstantiation ou la présence corporelle de Christ dans le sacrement, et affirmant que les méchants n'avaient point part au corps de Christ dans le sacrement. Plusieurs évêques et hommes instruits conférèrent avec lui, mais leurs arguments n'eurent aucun poids auprès de lui, n'étant pas basés sur l'Écriture. Comme Mr. Bradford ne voulait pas accepter d'autres dogmes que ceux qui étaient sanctionnés par la parole de Dieu, il fut d'abord excommunié, ensuite condamné et remis entre les mains des shérifs de Londres par lesquels il fut conduit de nuit avant son exécution à Newgate; le jour suivant il fut amené au bûcher avec le martyr dont nous allons raconter les souffrances.

 

John Leafe était un apprenti à un fabriquant de chandelles et à l'âge de dix-neuf ans, étant accusé d'hérésie il fut enfermé au Comptoir par l'échevin du quartier où il demeurait. Après avoir été renfermé quelque temps il fut amené devant l'évêque Bonner et examiné concernant sa foi dans le sacrement de l'autel et sur d'autres points; ses réponses donnèrent peu de satisfaction à l'évèque. Quelques jours après il fut examiné de nouveau; mais ses réponses étant les mêmes; il fut condamné et livré au pouvoir séculier pour ne pas croire que le pain et le vin dans le sacrement ne sont pas changés, par les paroles de la consécration, réellement et en substance, en corps et en sang de Christ.

 

Après sa condamnation l'évêque lui envoya deux papiers, l'un contenant sa rétraction, l'autre sa confession. Le messager, après lui avoir lu celle-là (car il ne pouvait ni lire ni écrire lui-même) lui demanda s'il voulait la signer; ce à quoi, sans la moindre hésitation il répondit dans la négative. Il lut alors sa confession, et il prit alors une épingle et se piquant la main il arrosa le papier de son sang et demanda au messager de montrer à l'évêque qu'il l'avait signé de son sang.

 

Quand ces deux martyrs furent conduits au lieu de l'exécution, à Smithfield, Mr. Bradford s'agenouilla sur l'un des côtés du bûcher et Leafe sur l'autre. Ils continuèrent dans cette position quelques minutes, jusqu'à ce que le shérif demandât à Mr. Bradford de se lever. Là-dessus ils se levèrent tous les deux et après que Mr. Bradford eut fait une courte harangue au peuple, ils furent attachés au bûcher et les roseaux et les fagots entassés autour d'eux. Mr. Bradford levant alors les yeux et les mains au ciel s'écria, "Ô Angleterre, Angleterre, repens-toi de tes péchés; prends garde à l'antechrist, prends garde à l'idolâtrie; prends garde qu'ils ne te trompent pas.' Alors se tournant an jeune Leafe il lui dit; "Sois courageux, mon frère, le temps de la délivrance est proche." Le jeune homme répondit, "Que le Seigneur, Jésus reçoive nos esprits." Le feu fut alors mis aux fagots et ils endurèrent tous les deux leur souffrance avec la plus parfaite résignation, mettant leur confiance entière dans ce Rédempteur béni qui mourut pour sauver l'humanité.

 

Martyre de Margaret Polley.  

Telle fut la violence du zèle et de la bigoterie pendant le règne de Marie la sanglante, que même le sexe faible n'échappa pas à la persécution. On informa contre Margaret Polley à Maurice, évêque de Rochester; elle fut amenée devant lui et il lui fit, d'un ton solennel, la harangue suivante: -

 

"Nous, Maurice, par permission de Dieu évêque de Rochester, procédant dans une cause d'hérésie contre toi, Margaret Polley, de la paroisse de Popinberry, dans notre diocèse de Rochester, avançons à ta charge les articles suivants. Nous requérons de toi une réponse vraie, complète et claire, par vertu de ton serment qui doit être donné."

 

Le serment étant administré, l'évêque demanda de la femme une réponse à chacun des articles suivants:

1. "Ne sont-ce pas des hérétiques, ceux qui maintiennent et acceptent d'autres opinions que ne le fait notre sainte mère l'église catholique ?"

Voici sa réponse, "Ce sont, vraiment, des hérétiques grandement déçus qui acceptent et maintiennent des doctrines contraires à la parole de Dieu qui, je le crois sincèrement, fut écrite par des saints hommes enseignés par le Saint-Esprit."

2. Acceptez-vous et maintenez-vous que dans le sacrement de l'autel, sous la, forme du pain et du vin, il n'y a pas le vrai corps et sang de Christ, et que le dit corps est vraiment au ciel seulement et non pas dans le sacrement ?"

Elle répondit. "Ce que j'ai appris des Saintes Écritures, je le maintiens fermement, à savoir que le vrai corps qui fut crucifié pour les péchés de tous les vrais croyants est monté au ciel, est là à la droite de la majesté céleste; que ce corps y est demeuré depuis, et ne saurait, d'après ma croyance, être dans le sacrement de l'autel. Je crois que le pain et le vin dans le sacrement doivent être reçus comme symboles et représentants du corps et du sang de Christ, mais non pas comme son corps réel et en substance. Je crois, dans mon faible jugement, qu'il n'est au pouvoir d'aucun homme, en prononçant des paroles sur les éléments du pain et du vin de les changer en vrai corps et sang de Christ. En un mot, c'est ma croyance que l'eucharistie n'est qu'une commémoration de la mort de notre Sauveur qui a dit, "Aussi souvent que vous faites ceci faites-le en mémoire de moi."

 

Ces réponses appropriées et franches provoquèrent le hautain prélat, qui, après des paroles injurieuses, lui dit, "qu'elle était une sotte femme et ne savait pas ce qu'elle disait; et que c'était le devoir de tout chrétien de croire ce que la mère l'église enseigne." Il lui demanda alors, "Voulez-vous rétracter l'erreur que vous maintenez, être réconciliée à l'église et recevoir la rémission des péchés ?" Elle lui répondit, "Je ne puis croire autrement que je n'ai dit, parce que la pratique de l'église de Rome est contraire, non seulement à la raison et à nos sens, mais aussi à la parole de Dieu.

 

Là-dessus, l'évêque prononça la sentence de condamnation; et elle fut envoyée en prison où elle demeura pendant plus d'un mois. Elle était dans la fleur de l'âge, pieuse, charitable, compatissante, versée dans les Écritures et aimée de tous ceux qui la connaissaient. On l'exhorta à plusieurs reprises à se rétracter; mais elle refusa toutes les offres de prolonger sa vie à de telles conditions, choisissant la gloire, l'honneur et l'immortalité ci-après, plutôt que quelques courtes années dans cette vallée de chagrin aux dépens de la vérité et de la conscience.

 

Quand le jour de son exécution arriva, qui fut en juillet, 1555, elle fut conduite à Tunbridge où elle fut brûlée, scellant la vérité de son sang et montrant que Dieu peut se servir des plus humbles instruments pour magnifier la gloire de sa grâce.

 

Le même jour, un certain Christopher Wade, un tisserand de Dartford, dans Kent, qui avait aussi été condamné par l'évêque de Rochester, subit le même sort au même endroit; mais ils furent exécutés séparément, lui subissant le premier la terrible sentence.

 

Environ au même temps, John Bland, John Frankesh, Nicholas Shelterden, et Humphrey Middleton furent brûlés ensemble à Canterbury. Les deux premiers étaient ministres et prédicateurs de l'Évangile, l'un ministre de Adesham, et l'autre ministre de Rolvindon, dans Kent. Ils se résignèrent avec un courage chrétien priant avec ferveur que Dieu voulût les recevoir dans son royaume céleste.

 

Martyre de John Launder et de Dirick Carver.  

John Launder de Godstone, dans le comté de Surrey, laboureur, et Dirick Carver, de Brighthelmstone, dans le comté de Sussex, brasseur, furent arrêtés dans la maison de celui-ci, quand ils étaient en prières et envoyés au conseil à Londres, où, ne donnant pas de réponses satisfaisantes aux questions proposées, ils furent envoyés à Newgate, pour y attendre le loisir et la cruelle décision du cruel et arrogant Bonner.

 

Launder dit, qu'étant à Brighthelmstone pour transiger des affaires avec son père et apprenant que Mr. Carver était un promoteur des doctrines de la réformation, il se rendit à sa maison pour joindre ses prières aux pieux chrétiens qui s'y rassemblaient. Il avoua sa foi "qu'il y a sur la terre une seule Église catholique universelle dont les membres sont dispersés dans tout le monde; que la même église ne maintient et n'enseigne que deux sacrements qui sont le baptême et la sainte cène; et que d'enseigner ou faire usage de plus de sacrements ou autres cérémonies est contraire à l'Écriture."

 

Il ajouta de plus, "qua tout service, sacrifices et cérémonies, maintenant en usage en Angleterre sont erronés, contraires à la doctrine de Christ et à la décision de l'Église catholique du Christ dont il se croyait l'un des membres. Que dans le sacrement il n'y a pas de réellement et vraiment contenu, sous les formes du pain et du vin, le vrai corps et le sang de Christ en substance; mais que quand il a reçu le pain matériel, il recevait cela en mémoire de la mort et de la passion de Christ et pas autrement."

 

"De plus, que la messe est abominable et opposée à la parole de Dieu et à son Église catholique, enfin, que la confession auriculaire n'est pas nécessaire, mais que chaque personne doit confesser ses péchés à Dieu seul." Ayant maintenu ces opinions dans la cour de l'évêque et refusé de se rétracter, il fut condamné et livré au pouvoir séculier.

 

Dirick Carver, étant examiné par l'évêque Bonner concernant sa croyance au sacrement de l'autel, la messe, la confession auriculaire, et la religion alors enseignée dans l'église d'Angleterre, fit une confession semblable et aussi bonne. Il dit aussi, "que depuis le couronnement de la reine il avait la Bible et psautier lus en anglais, à différends temps, à sa maison dans Brighthelmstone; et que pendant les douze derniers mois, il avait eu les litanies anglaises dites dans sa maison avec d'autres prières en anglais."

 

Après cet examen il fut fortement sollicité de se rétracter, mais il refusa de le faire; sur quoi on passa sur lui la sentence de condamnation ainsi que sur Launder, et le temps de son exécution fut fixé pour le 22 de juillet, à Lewes, à Sussex.

 

A son arrivée au bûcher il s'agenouilla et pria; et adressa les spectateurs comme suit: - "Chers frères et sœurs, soyez témoins que je suis venu sceller de mon sang l'Évangile de Christ, parce que je le crois vrai. Plusieurs d'entre vous savent que l'Évangile vous a été prêché ici à Lewes, et maintenant il n'est plus prêché ainsi; et parce que je ne veux pas renier l'Évangile de Dieu je suis condamné à mourir."

 

Là-dessus le shérif dit, "Si tu ne crois pas au pape, tu es damné, corps et âme." Mais notre martyr eut pitié de son aveuglement et demanda à Dieu de pardonner son erreur. Étant alors attaché au bûcher et le feu allumé autour de lui, il se soumit patiemment et expira s'écriant, "Ô Eternel aie pitié de moi ! Seigneur Jésus reçois mon esprit."

 

Son camarade prisonnier, John Launder, fut brûlé le jour suivant à Steyning; où il donna gaiement sa vie à ce Dieu des mains duquel il l'avait reçue.

 

Martyre de John Denley, John Newman, et Patrick Packingham.  

Les émissaires papistes étaient tellement en recherche de leur proie dans toutes les parties du royaume, qu'il fut presque impossible de leur échapper longtemps. Comme Mr. Denley et Mr. Newman voyageaient en Essex, dans une visite à quelques amis, ils furent rencontrés par un juge de paix, qui, les soupçonnant d'hérésie les arrêta; et en même temps prit de Mr. Denley une confession de foi par écrit. Il les envoya alors à Londres avec une lettre pour être présentés au concile. En étant amenés devant le concile on les exhorta de se soumettre aux lois de la reine; mais cet avis n'étant d'aucun effet, leur examen fut référé à Bonner.

 

Le 28 Juin, 1555, Denley, et Newman avec Patrick Packingham (qui avait été arrêté deux jours auparavant) furent amenés devant Bonner, à son palais à Londres. L'évêque ayant examiné les deux premiers sur leurs confessions et trouvant qu'ils y tenaient inflexiblement se servit de son exhortation habituelle; là-dessus Denley répondit, "Que Dieu nous garde de votre conseil, et me garde dans l'opinion que j'ai; car ce que vous estimez être de l'hérésie, je le considère être la vérité."

 

Le 5 juillet, l'évêque procéda, dans la forme habituelle contre eux dans le consistoire de l'église St. Paul. Après les articles variés et leurs réponses eurent été lus, on les exhorta à se rétracter. Comme ils demeuraient fermes, ils furent condamnés comme hérétiques et livrés aux shérifs de Londres qui les conduisit à Newgate où ils furent gardés jusqu'à ce que les ordres fussent préparés pour leur exécution.

 

Denley fut condamné à être brûlé à Uxbridge. Là il fut enchaîné au bûcher et expira au milieu des flammes, chantant un psaume à la louange de son Rédempteur. Un prêtre papiste qui était présent, fut si irrité de son chant, qu'il commanda à un de ses aides, de jeter un fagot sur lui, ce qui fut fait et il reçut une violente fracture du crâne, ce qui avec le feu le priva bientôt de voix et de vie.

 

Quelques jours après, Packingham souffrit au même endroit;: mais Newman fut exécuté à Saffron Walden, en Essex. Ils moururent tous les deux avec un courage remarquable remettant, joyeusement leurs âmes entre les mains de Celui qui les donna, avec la ferme attente de recevoir des couronnes de gloire dans les parvis célestes. Leur attente ne sera pas déçue. Celui "qui ne peut mentir " a déclaré que ceux qui souffrent pour son nom sur la terre seront amplement récompensés dans le ciel. "Vous serez bienheureux quand on vous aura injuriés et persécutés, et quand, à cause de moi, on aura dit faussement contre vous toute sorte de mal. Réjouissez-vous, et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux; car on a ainsi persécuté les prophètes qui ont été avant vous."

 

CHAPITRE XI

LES SOUFFRANCES ET MARTYRE DE HUGH LATIMER, ÉVÊQUE DE WORCESTER; NICHOLAS RIDLEY, ÉVÊQUE DE LONDRES; ET AUTRES.  

Hugh Latimer naquit d'humbles parents à Thirkestone, dans Leicestershire, environ l'année 1475. Ils lui donnèrent une bonne éducation, et l'envoyèrent à Cambridge où il se montra un zélé papiste; mais conversant fréquemment avec Thomas Bilney, il vit les erreurs du papisme et devint un zélé protestant. Latimer étant ainsi converti, travailla à avancer les doctrines réformées et proclama la nécessité d'une sainte vie, en opposition aux formes extérieures. Ceci le rendit odieux à Cambridge - alors le siège de l'ignorance, de la bigoterie et de la superstition. Toutefois la piété sincère de Mr. Bilney et l'éloquence naturelle et gaie de Latimer eut un grand empire sur les jeunes étudiants, et accrut tellement le crédit des protestants que les papistes en furent grandement alarmés et demandèrent hautement l'assistance du bras séculier.

 

C'est par ce bras que Bilney souffrit à Norwich; mais cela, loin d'ébranler la réformation à Cambridge, inspira aux chefs un nouveau courage. Latimer commença a travailler plus qu'il ne l'avait encore fait; et réussit à obtenir ce crédit auprès de son parti que Bilney avait possédé si longtemps. Parmi d'autres preuves de son zèle et de résolution il y avait celle-ci; il eut le courage d'écrire au roi (Henri VIII.) contre une proclamation, défendant l'usage de la bible en anglais, et autres livres sur des sujets religieux. Il avait prêché devant sa majesté une ou deux fois à Windsor et avait été favorablement remarqué par ce monarque. Mais les quelques espérances d'avancement que la faveur de son souverain pouvait lui procurer, il s'exposa à les perdre plutôt que de négliger ce qu'il croyait être son devoir. Sa lettre est le portrait d'un cœur honnête et sincère, et se termine ainsi: "Acceptez, très gracieux souverain, sans déplaisir, ce que j'ai écrit. J'ai cru de mon devoir de mentionner ces choses à votre majesté. Je n'ai aucune querelle personnelle avec qui que se soit, comme Dieu m'en est témoin; je voulais seulement induire votre majesté à considérer attentivement quelle espèce de personnes vous entourent et le but qu'elles vous conseillant. A la vérité, grand prince, plusieurs d'entre elles, à moins d'être bien calomniées ont des intérêts privés à ménager. Que Dieu donne à votre majesté de discerner les intentions des hommes méchants, et d'être en toute chose égal à la haute charge qui vous est confiée. C'est pourquoi, excellent roi, pensez à vous-même; ayez égard à votre propre âme et pensez que le jour est proche quand vous aurez à rendre compte de votre charge et du sang qui a été répandu par votre épée; et que dans ce jour votre grâce puisse demeurer inébranlable et non pas avoir honte, mais être prête et exacte dans votre compte et avoir votre pardon scellé avec le sang de notre Sauveur Jésus-Christ, qui seul servira dans ce jour, c'est là ma prière quotidienne à celui qui a souffert pour nos péchés. Que l'esprit divin vous préserve."

 

Lord Cromwell était maintenant au pouvoir, et étant un avant-coureur de la réformation, il obtint un bénéfice dans Wiltshire pour Latimer, qui y alla immédiatement, remplissant ses devoirs consciencieusement, quoique bien persécuté par le clergé romain, qui, à la fin poussa sa malice jusqu'à obtenir de le faire citer à l'archevêché à Londres. Ses amis lui avaient conseillé de quitter l'Angleterre, mais leurs efforts furent vains. Il partit pour Londres au milieu de l'hiver, et par une sévère attaque de la pierre et de colique, mais surtout affligé de laisser sa paroisse exposée au clergé papiste. A son arrivée il trouva une cour d'évêque, et de canonistes prêts à le recevoir; où, au lieu d'être examiné, comme il s'y attendait, concernant ses sermons, un papier lui fut remis entre les mains, auquel on lui commanda de souscrire, déclarant sa foi dans l'efficacité des messes pour les âmes du purgatoire, des prières aux saints décédés, des pèlerinages à leurs sépulcres et à leurs reliques, le pouvoir du pape de pardonner les péchés, la doctrine des mérites, les sept sacrements et le culte des images; et quand il refusa de les signer, l'archevêque, en fronçant les sourcils lui commanda de considérer ce qu'il faisait. "Nous n'avons pas," dit-il, " Mr. Latimer, l'intention d'être dur avec vous; nous vous renvoyons pour le présent. Prenez une copie des articles, examinez-les avec soin, et que Dieu permette qu'à notre nouvelle rencontre nous nous trouvions l'un et l'autre dans une meilleure disposition."

 

A l'assemblée suivante et à plusieurs autres qui s'en suivirent la même scène eut lieu de nouveau. Il demeura inflexible et ils continuèrent à le tourmenter. Fatigué d'être ainsi traité, quand il fut de nouveau appelé, au lieu d'y aller il envoya une lettre à l'archevêque dans laquelle il lui dit, "Que le traitement qu'il avait reçu dernièrement l'avait rendu impropre à se présenter ce jour-là, et que dans l'intervalle il ne pouvait s'empêcher de profiter de l'occasion pour se plaindre auprès de sa grâce de l'avoir retenu si longtemps loin de son travail; qu'il lui semblait inexplicable que ceux qui ne prêchaient jamais eux-mêmes en empêchassent les autres; que quant à l'examen qu'on lui faisait subir, il ne pouvait imaginer à quoi il tendait; ils prétendaient une chose au commencement et une autre en avançant; que si ses sermons donnaient offense, quoiqu'il fut persuadé lui-même qu'ils n'étaient ni contraire à la vérité ni à aucun canon de l'église, il était prêt à répondre à ce qui pourrait y paraître répréhensible; qu'il désirait qu'on eût un peu plus de considération pour l'opinion du peuple; et qu'une distinction fut faite entre les ordonnances de Dieu et celles des hommes; que s'il existait quelques abus en religion comme on le supposait communément, il pensait que la prédication était le meilleur moyen de les opposer; qu'il désirait que tous les pasteurs fussent obligés de remplir leur devoir; mais que, toutefois, on donna liberté à ceux qui le faisait; que quant aux articles qu'on lui proposait, il demandait qu'on l'excuse d'y souscrire; pendant qu'il vivait il n'encouragerait jamais la superstition; et que, enfin, il espérait que l'archevêque excuserait ce qu'il avait écrit. Il connaissait son devoir envers ses supérieurs et le pratiquerait; mais dans ce cas il pensait qu'une plus grande obligation reposait sur lui."

 

Les évêques continuèrent leurs persécutions, mais leurs plans furent remarquablement déjoués. Latimer étant élevé au siège de Worcester en l'an 1533, par l'intermédiaire de Anne Boleyn, alors la femme favorite de Henri, à laquelle, très probablement il était recommandé par Lord Cromwell, il avait maintenant un champ plus étendu pour promouvoir les principes de la réformation. Tous les historiens de cette époque parle de lui comme étant remarquablement zélé dans l'exécution de ses devoirs; en surveillant le clergé de son diocèse il était actif, zélé et résolu; il présidait à sa cour ecclésiastique avec le même esprit. Dans ses visites, qu'il faisait souvent, il était observateur; strict et prudent dans ses ordinations; infatigable dans sa prédication; et sévère et persuasif dans ses reproches et ses exhortations.

 

En 1536 il fut sommé d'être présent au parlement et à la convocation: ce qui lui donna une nouvelle occasion d'avancer la réformation. Plusieurs changements furent faits en matières religieuses, et, quelques mois après, la Bible fut traduite en anglais et recommandée à l'étude du public.

 

Latimer, grandement satisfait, s'en alla à son diocèse. Il n'avait pas de talents, comme il le disait, pour les affaires de l'État. Toute son ambition était de bien remplir les fonctions pastorales d'un évêque. Combien il était peu qualifié pour être courtisan, l'histoire suivante le montrera. C'était la coutume dans ces temps-là pour les évêques de faire des présents au roi, au nouvel an, et plusieurs d'entre eux donnèrent généreusement, proportionnant leurs dons à leur attente. Parmi le reste, Latimer, étant alors en ville, se rendit chez le roi avec son offrande; mais au lieu d'une bourse d'or, qui était l'obligation ordinaire, il présenta un Nouveau Testament avec une feuille pliée d'une manière très apparente à ce passage, "Dieu jugera les fornicateurs et les adultères."

 

En 1539 il fut de nouveau sommé d'assister au parlement. L'évêque de Winchester, Gardiner, était son grand ennemi; et dans une occasion, quand les évêques étaient chez le roi, s'agenouilla et accusa solennellement Latimer d'avoir prêché à la cour un sermon Histoire séditieux. Étant prié par le roi, avec sévérité, de se justifier, Latimer fut si loin de s'excuser pour ce qu'il avait dit qu'il se justifia noblement; et se tournant vers le roi, il dit avec cette noble insouciance qu'inspire une bonne conscience, "Je ne me suis jamais cru digne, ni ai-je demandé de prêcher devant votre majesté; mais j'ai été invité et serais disposé à céder la place à mes amis supérieurs. Si c'est le désir de votre majesté de les choisir comme prédicateurs, je serai satisfait de porter leurs livres après eux. Mais si votre majesté me permet de prêcher, je désire que vous me permettiez de décharger ma conscience et de présenter ma doctrine suivant mon auditoire. J'aurais été un idiot, vraiment, d'avoir prêché ainsi sur les confins de votre royaume, comme je l'ai fait devant votre majesté." La hardiesse de sa réponse déjoua la malice de ses accusateurs; la sévérité du visage du roi se changea en un sourire gracieux et l'évêque fut congédié avec cette obligeante facilité que ce monarque ne montrait qu'à ceux qu'il estimait.

 

Toutefois, comme Latimer ne pouvait pas donner son vote pour les six articles papistes, il cru que c'était mal d'exercer aucune fonction dans une église où de telles conditions de communion étaient requises et il se démit de son évêché et se retira à la campagne. Mais un malheureux accident le porta dans l'atmosphère orageux de la cour: il fut tellement blessé par la chute d'un arbre qu'il fut obligé de chercher de meilleure assistance qu'il ne pouvait se procurer où il demeurait. Avec cette intention il se rendit à Londres où il vit la chute de son patron, lord Cromwell; perte dont il eut raison de s'apercevoir. Car les émissaires de Gardiner le découvrirent bientôt et sur une prétendue accusation il fut envoyé à la Tour, où, sans examen judiciaire, il souffrit un cruel emprisonnement pendant les six dernières années du règne du roi Henri.

 

A la mort de Henri, l'intérêt protestant fut ravivé sous son fils Édouard, et Latimer fut immédiatement mis en liberté. On prépara une adresse au protecteur lui demandant de lui rendre son évêché; le protecteur était bien consentant et proposa la chose à Latimer; mais lui, se croyant maintenant incapable de le faire, choisit plutôt d'accepter une invitation de fixer sa résidence avec l'archevêque Cranmer à Lambeth, où sa principale occupation fut d'écouter les plaintes et de redresser les torts des pauvres. Son caractère, pour les services de cette espèce, était si universellement connu que les étrangers de toutes les parties de l'Angleterre avaient recours à lui.

 

Il passa ainsi plus de deux ans, et il assista pendant ce temps l'archevêque à composer les homélies qui furent publiées par autorité sous le règne du roi Édouard; il prêcha aussi les sermons du carême devant sa majesté pendant les trois premières années de son règne. Sur la révolution qui arriva à la cour, après la mort du duc de Somerset, il se retira à la campagne et fit usage de la licence du roi comme prédicateur général, où il pensait que ses travaux seraient le plus utiles. Il fut ainsi employé durant le reste de ce règne et dans le commencement du suivant; mais aussitôt que la réintroduction du papisme fut résolue, l'évêque de Winchester qui était maintenant le premier ministre, envoya un message pour le citer devant le conseil. Il en reçut l'avis quelques heures avant l'arrivée du messager, mais il ne fit aucun usage de l'avis reçu. Le messager le trouva équipé pour le voyage; ce qui le surprit, sur quoi Mr. Latimer lui dit qu'il était prêt de le suivre à Londres pour rendre raison de sa foi, comme il l'avait été pour tout voyage dans sa vie; et qu'il n'avait aucun doute que Dieu, qui l'avait déjà rendu capable de prêcher la parole devant deux princes le rendrait capable d'y rendre témoignage devant un troisième. Le messager lui dit alors, qu'il n'avait aucun ordre de se saisir de sa personne et lui remettant une lettre, il s'en alla. Toutefois trouvant que c'était une assignation du concile, il partit immédiatement. Comme il passait à travers Smithfield il dit joyeusement, "Cette place de torture a depuis longtemps soupiré après moi." Le matin suivant il se rendit au concile qui l'ayant comblé de reproches, l'envoya à la Tour d'où après quelque temps il fut transporté à Oxford.

 

NICOLAS RIDLEY, évêque de Londres, reçut la première partie de son éducation à Newcastle-upon-Tyne; de là il alla à Cambridge où son grand savoir et son habileté renommée le recommandèrent au point qu'il fut nommé maître-des-arts de Pembroke-hall.

 

Après avoir été quelques années dans cette place, il voyagea dans diverses parties de l'Europe. A son retour il fut fait chapelain à Henri VIII. et évêque de Rochester, d'où il fut transféré au siège de Londres par Edouard VII.

 

Dans sa vie privée il était humain, pieux et affable; en public il était instruit, orthodoxe et éloquent, diligent dans l'accomplissement de ses devoirs et très populaire comme prédicateur. Il fut instruit dans la religion catholique romaine, mais gagné à la foi protestante par la lecture du livre de Bertram sur les sacrements; et fut affermi dans cette foi par des entrevues fréquentes avec Cranmer et Pierre martyr.

 

A l'avènement de la reine Marie la sanglante il partagea le même sort que les autres qui professèrent la vérité de l'Évangile. Etant accusé d'hérésie, il fut envoyé à la Tour et après à la prison de Bocardo, à Oxford; d'où il fut remis à la garde de M. Irish, maire de la ville dans la maison duquel il demeura jusqu'au jour de son exécution.

 

Le 30 septembre, 1555, ces deux éminents prélats furent cités de comparaître dans l'école de théologie, à Oxford. Le Dr. Ridley fut d'abord examiné et sévèrement réprimandé par l'évêque Lincoln, parce que quand il entendait "la grâce du cardinal" et "la sainteté du pape" mentionnées dans la commission, il ne se découvrait pas. Les paroles de l'évêque furent comme suit: Mr. Ridley, si vous ne voulez pas vous découvrir par respect du pape et de son légat le cardinal par l'autorité duquel nous siégeons en commission, votre chapeau vous sera ôté.

 

L'évêque de Lincoln fit alors un discours en forme dans lequel il supplia Ridley de revenir à la sainte mère l'Église; insista sur l'antiquité et l'autorité du siège de Rome et du pape comme le successeur immédiat de St. Pierre. Le Dr. Ridley en retour opposa vigoureusement les arguments de l'évêque et défendit hardiment les doctrines de la réformation. Il reçut alors l'ordre de paraître le jour suivant à l'église Ste. Marie.

 

Quand Latimer fut amené en cour, l'évêque de Lincoln l'exhorta chaleureusement à retourner à l'Église dont il s'était révolté. Ses réponses n'étant pas satisfaisantes, il reçut ordre de paraître dans l'église Ste. Marie en même temps que le Dr. Ridley.

 

Le jour fixé, les commissaires se rencontrèrent, et le Dr. Ridley étant le premier amené devant eux, l'évêque de Lincoln commença à répéter les procédés de la première assemblée, l'assurant qu'il avait pleine liberté de faire tels changements qui lui plaisait dans ses réponses et de les présenter par écrit.

 

Après quelque débat le Dr. Ridley tira un papier et commença à lire; mais l'évêque commanda au bedeau de lui ôter son écrit. Le docteur désira avoir la permission de la lire, déclarant que le contenu n'était que ses réponses; mais l'évêque et d'autres l'ayant examiné privément ne voulurent pas qu'il fut lu en pleine cour.

 

L'évêque de Gloucester, affectant un grand intérêt pour le Dr. Ridley, le pressa de ne pas se livrer à un esprit obstiné, mais de retourner à l'unité de la sainte Église catholique. Le Dr. Ridley lui répondit froidement qu'il n'était pas glorieux de sa propre intelligence, mais qu'il était pleinement persuadé que la religion qu'il professait était fondée sur la très sainte et infaillible Église de Dieu, et qu'en conséquence il ne pouvait l'abandonner ou la renier. Il désira déclarer ses raisons par lesquelles il ne pouvait en sûreté de conscience, admettre la suprématie papale; mais sa requête fut refusée.

 

L'évêque le trouvant inflexible, l'apostropha ainsi; "Dr. Ridley, c'est avec la plus grande anxiété que je remarque votre entêtement et votre opiniâtreté à persister dans des erreurs damnables et dans l'hérésie; mais à moins de vous rétracter il me faudra procéder à l'autre partie de ma commission quoique à regret." Ridley ne faisant aucune réponse: la sentence de condamnation fut lue; après quoi il fut reconduit en prison.

 

Quand Latimer fut amené devant la cour, l'évêque Lincoln l'informa que, quoique ils avaient déjà pris ses réponses, cependant ils lui avaient donné le temps de les considérer, et lui permettraient de faire les changements qu'il jugerait à propos, espérant, par ce moyen, de le ramener de ses erreurs et de l'amener à la foi de la sainte Église catholique. Mais il ne dévia pas dans un seul point des réponses qu'il avait déjà données.

 

Étant de nouveau averti de se rétracter, il refusa, déclarant qu'il ne renierait jamais la vérité divine qu'il était prêt à sceller de son sang. On prononça alors contre lui sentence de condamnation et il fut remis à la garde du maire.

 

Le récit de la dégradation de Ridley, sa conduite avant et sur les lieux de l'exécution est intéressant; nous allons le donner au complet.

 

"Le 15 octobre, le Dr. Brooks, évêque de Gloucester et le vice-chancelier d'Oxford, le Dr. Marshall avec quelques-uns des chefs et directeurs de la même université et plusieurs autres vinrent à la demeure du maire où le Dr. Ridley était prisonnier. L'évêque de Gloucester lui dit alors, "Que sa majesté la reine lui offrait de nouveau, par leur intermédiaire, sa gracieuse faveur, s'il voulait la recevoir et revenir encore à la foi dans laquelle il avait été baptisé." Il dit de plus, que s'il ne voulait pas se rétracter, il leur faudrait procéder suivant la loi. Mais, dit-il, nous vous avons souvent prié de rétracter vos opinions, imaginaires et diaboliques que jusqu'ici vous n'avez pas fait, quoique en le faisant vous pourriez en gagner plusieurs. C'est pourquoi, mon bon Mr. Ridley, considérez le danger qui va en résulter tant pour l'âme que pour le corps si vous vous exposez volontiers au danger."

 

"My Lord," dit le Dr. Ridley, vous connaissez parfaitement ma disposition dans cette affaire; et quant à ma doctrine, ma conscience m'assure qu'elle est orthodoxe et en accord avec la parole de Dieu (cela soit dit à sa gloire); laquelle doctrine, Dieu m'aidant je maintiendrai aussi longtemps que ma langue parlera et qu'il y a un souffle dans mon corps; et en confirmation de quoi je suis consentant de le sceller de mon sang."

 

"Brooks - Ce serait mieux, Mr. Ridley, de ne pas le faire. Car vous savez très bien que quiconque est hors de l'Église catholique ne peut être sauvé. C'est pourquoi, je dis, que pendant que le pardon vous est offert vous l'acceptiez et confessiez que le pape est le chef et la tête de l'Église."

"Ridley - Je m'étonne que vous me dérangiez avec des paroles aussi vaines que folles. Vous savez mon opinion concernant l'autorité usurpée de cet antechrist."

"Et il aurait alors discuté avec l'évêque, mais on ne le lui permit pas; l'évêque lui dit que s'il ne voulait pas se taire on l'y forcerait. Et voyant, dit-il que vous ne voulez pas recevoir le pardon de la reine, il nous faut, contre notre volonté, procéder à vous dégrader et vous priver de la prêtrise. Car, nous ne vous prenons pas pour évêque et conséquemment nous allons le plus tôt nous débarrasser de vous; ainsi, vous remettant au pouvoir séculier, vous savez ce qui va s'en suivre."

"Ridley - Faites de moi ce qu'il plaira à Dieu que vous fassiez; je suis bien content de m'y conformer.

"Brooks - Ôtez votre chapeau et mettez ce surplis.

"Ridley - Pas moi, vraiment.

"Brooks - Mais il le faut.

"Ridley - Je ne le ferai pas.

"Brooks - Il le faut; c'est pourquoi, ne faites pas plus de difficulté, mais v mettez ce surplis sur vous.

"Ridley - Vraiment, s'il est mis sur moi ce sera contre ma volonté.

"Brooks - Ne voulez-vous pas le mettre ?

"Ridley - Non, je ne le ferai pas.

"Brooks - Il sera mis sur vous par l'un ou pour l'autre.

"Ridley - Faites là dessus comme il vous plaira; j'en suis bien content et même plus que cela; le domestique n'est pas plus grand que son maître. S'ils ont si cruellement traité notre Sauveur Jésus-Christ, et qu'il l'ait souffert patiemment, combien il nous convient à nous, ses serviteurs !"

En disant ses paroles il lui mirent un surplis avec tous les quolifichets employés dans la messe. Comme ils le faisaient le Dr. Ridley s'éleva fortement contre l'évêque romain et tout son appareil insensé, appelant le premier antechrist et le dernier fou et abominable, "même trop sot pour un artifice sur la scène.

"Brooks - Vous faites mieux de vous taire, pour qu'on ne vous ferme pas la bouche. Un nommé Edridge, se tenant près, dit alors, Monsieur, la loi est qu'il soit bâillonné, ainsi qu'il soit bâillonné." A ces mots le Dr. Ridley, le regardant attentivement secoua la tête vers lui, et ne fit pas de réponse.

 

"Quand ils vinrent à l'endroit où le Dr. Ridley devait tenir le calice et l'hostie le Dr. Ridley, "ils ne viendront pas dans mes mains; car s'ils y viennent ils tomberont à terre pour moi." Alors quelqu'un fut choisi pour les tenir, tandis que l'évêque Brooks lut ce qui concernant la dégradation de personnes dans les ordres d'après la loi du pape. Ils mirent alors le livre dans sa main, et lurent en latin, Nous t'ôtons ton office de prêcher l'Évangile, &c. A ces mots le Dr. Ridley laissa échapper un grand soupir et regardant au ciel, il dit, "Ô Eternel pardonne-leur méchanceté." Ayant mis sur lui les habillements de la messe, ils commencèrent à les lui ôter (commençant avec le pardessus) lisant ensuite en latin suivant la loi du pape. Quand tout lui fut ôté, excepté seulement le surplis, le Dr. Ridley dit, "De quelle puissance êtes-vous pour pouvoir ôter à un homme ce qu'il n'a jamais eu ? Je n'ai jamais été un chanteur; vous m'ôtez ce que je n'ai jamais eu."

 

Ainsi quand cette ridicule dégradation fut finie, le Dr. Ridley dit à Brooks, Avez-vous fini ? Si vous avez fini, alors donnez-moi la permission de causer un peu concernant ces matières. Brooks répondit, Mr. Ridley, nous ne devons pas parler avec vous; vous êtes hors de l'église; et notre loi est que nous ne devons pas parler avec quelqu'un hors de l'église. Alors le Dr. Ridley répondit, "Voyant que vous ne voulez pas me permettre de parler, et ne daignez pas non plus de m'écouter, quel remède sinon la patience ? Je porte ma cause à mon Père céleste qui modifiera les choses qui sont mauvaises quand il le jugera à propos."

 

Ils s'en allaient quand Ridley dit, "My lord, je vous prie de bien vouloir lire un petit livre des écrits de Bertram. concernant le sacrement. Je vous assure que vous y trouverez beaucoup d'informations excellentes." Le Dr. Brooks ne lui répondit pas, mais s'en allait. Alors le Dr. Ridley ajouta, "Oh, je m'aperçois que vous ne pouvez supporter ce genre de conversation. Eh bien, puisque cela ne sert à rien, je ne dirai plus rien; je parlerai d'affaires séculières. Je vous prie donc, my lord de m'écouter et d'être un intermédiaire à sa majesté la reine en faveur de plusieurs pauvres, surtout ma pauvre sœur et son mari qui se tiennent là. Ils avaient une pauvre rente que je leur accordais quand j'occupais le siège de Londres qui leur est ôtée par celui qui occupe la même place, sans loi ni conscience. J'ai une supplication à faire à sa majesté en leur faveur. Vous allez l'entendre." Alors il la lut et quand il fut à l'endroit qui parlait de sa sœur en la nommant, il pleura; de sorte que, pour un moment, il ne pouvait parler. Mais se remettant, il dit, c'est un sentiment naturel qui me poussait, mais j'ai fini maintenant; et sur cela il la finit, et la remit à son frère lui commandant de la remettre à sa majesté la reine et de prier non seulement en sa propre faveur mais aussi pour ceux qui avaient des baux ou des donations accordés par lui et retirés par le Dr. Bonner. Le Dr. Brooks dit, En vérité, M. Ridley, votre demande dans cette pétition est bien juste; c'est pourquoi il me faut en conscience parler à sa majesté la reine en, leur faveur.

"Ridley - Je vous prie, pour l'amour de Dieu, de le faire.

"Brooks - Je crois que votre requête vous sera accordée, il n'y a qu'une chose pour lui nuire, et c'est parce que vous n'encouragez pas les procédés de la reine, mais que vous vous y opposez obstinément.

"Ridley - Quel remède ? Je ne puis faire plus que de parler et d'écrire. J'espère que j'ai déchargé ma conscience et que la volonté de Dieu sera faite.

"Brooks - Je ferai de mon mieux."

 

La dégradation étant terminée, le Dr. Brooks appela les baillis, leur remettant le Dr. Ridley avec cette recommandation de le garder sûrement afin d'empêcher toute personne de lui parler, et de l'amener au lieu de l'exécution quand requis. Alors le Dr. Ridley dit, "Je remercie Dieu qu'il n'y ait personne de vous capable de m'accuser de quelque crime manifeste et notoire; car si vous le pouviez, cela se ferait certainement, je le vois très bien." Ce à quoi Brooks répliqua qu'il jouait le rôle d'un pharisien orgueilleux en s'exaltant lui-même.

 

"Le Dr. Ridley dit, "Non, je confesse que je suis un misérable pécheur, et que j'ai grand besoin de l'aide et de la miséricorde de Dieu et que je les demande tous les jours: c'est pourquoi je vous prie de ne pas avoir une telle opinion de moi." Alors ils partirent et en s'en allant, un certain recteur d'un collège conseilla au Dr. Ridley de se repentir et d'oublier ses opinions erronées.   "Monsieur," dit le docteur, "repentez-vous, car vous êtes hors de la vérité; et je prie Dieu (si c'est sa divine volonté) d'avoir pitié de vous et de vous accorder l'intelligence de sa parole." Alors le recteur, étant en colère lui dit, "J'espère que je ne serai jamais de votre opinion diabolique ou dans le lieu où vous irez; tu es l'homme le plus obstiné et volontaire que j'aie jamais entendu parler."

 

La nuit avant de souffrir, comme il était assis au souper dans la maison de M. Irish, il invita son hôtesse et le reste à la table, à son mariage; car, dit-il, demain il faut que je sois marié; et ainsi il se montra aussi gai que jamais. Il demanda ensuite à son frère s'il pensait que sa sœur aurait le cœur de s'y trouver; il répondit, "Oui, j'ose le dire, de tout son cœur." Sur cela il dit, Qu'il était content de voir sa sincérité. En entendant cela Mme. Irish pleura. Mais le Dr. Ridley la consola disant, "Oh Mme. Irish, vous ne m'aimez pas; car puisque vous pleurez il paraît que vous ne serez pas à mon mariage ni en serez contente. Vraiment vous n'êtes pas autant mon amie que je pensais que vous l'étiez. Mais tranquillisez-vous: quoique mon déjeuné puisse être piquant et pénible, cependant je suis sûr que mon souper sera plus agréable et doux.

 

"Quand ils se levèrent de la table, son frère lui offrit de rester toute la nuit avec lui. Mais il dit Non, non, vous ne ferez pas cela. Car j'ai l'intention (Dieu voulant) de dormir aussi tranquillement cette nuit que je ne l'ai jamais fait. Là-dessus son frère s'en alla, l'exhortant à être de bon courage et de prendre sa croix tranquillement, car sa récompense était grande, etc."

 

Martyre de Ridley et de Latimer.

 

"Le côté nord de Oxford, dans le fossé tout près du collège Baliol fut choisi pour le lieu de l'exécution; et crainte de quelque tumulte, lord Williams reçut ordre par lettre de la reine de s'y rendre avec les troupes de la ville pour l'assister, quand tout fut prêt, les prisonniers furent amenés par le maire et les baillis.

 

"Le Dr. Ridley portait une robe noire de fourrure, telle qu'il portait quand il était évêque; une écharpe de velours garnie de fourrure, un bonnet de nuit en velours, avec un chapeau à cornes et des pantoufles aux pieds. Il se rendit au bûcher entre le maire et un échevin.

 

"Après lui venait Latimer vêtu d'une pauvre redingote de ratine de Bristol bien usée avec un bonnet boutonné et un mouchoir sur la tête, tout prêt pour le feu, avec un linceul neuf et long descendant jusqu'aux pieds; cette vue causa du chagrin chez les spectateurs qui voyaient d'un côté l'homme qu'ils avaient vu autrefois et de l'autre la calamité dans laquelle ils étaient tombée.

 

"Le Dr. Ridley, comme il passait vers Bocardo, regarda ou se trouvait le Dr. Cranmer, espérant le voir à la fenêtre et lui parler. Mais le Dr. Cranmer était occupé alors à disputer avec le moine Soto et ses confrères, de sorte qu'il ne put le voir. Le Dr. Ridley regardant en arrière vit Latimer venant après lui auquel il dit, "Oh, êtes-vous là ?" "Oui," dit Mr. Latimer j'y vais aussi vite que je puis." Ainsi, lui le suivant, ils arrivèrent enfin au bûcher. Le Dr. Ridley entra d'abord sur la place, et il leva les deux mains vers le ciel; alors apercevant Mr. Latimer il courut vers lui avec un visage joyeux, l'embrassa en lui disant, "Ne crains rien, mon frère, car Dieu va apaiser la fureur des flammes ou nous fortifier pour l'endurer."

 

"Il se rendit alors au bûcher et, s'agenouillant, il pria avec une grande ferveur; pendant que Mr. Latimer, le suivant, s'agenouilla et pria avec autant d'instance que lui. Après cela, ils se levèrent et conversèrent ensemble, et pendant qu'ils étaient ainsi occupés, le Dr. Smith commença son sermon à leur adresse sur ce texte de St. Paul, "Si je livre mon corps pour être brûlé et si je n'ai pas la charité, cela ne me profitera de rien." Il y allégua que la bonté de la cause et non pas l'espèce de mort produit la sainteté de la personne; ce qu'il confirma par les exemples de Judas, et d'une femme de Oxford qui se pendit dernièrement parce que eux et leurs pareils peuvent alors être jugés justes, qui se détruisent eux-mêmes dans le désespoir, comme ils craignaient que ses hommes qui se tenaient devant lui le feraient. Il conseilla alors au peuple de s'en méfier, car ils étaient hérétiques et morts quant à l'église. Il termina en les exhortant de se rétracter et de revenir à l'église. Son sermon ne dura guère qu'un quart d'heure.

 

"A sa conclusion le Dr. Ridley dit à M. Latimer, "Voulez-vous commencer à répondre au sermon, ou le ferai-je ?" M. Latimer dit, "Commencez le premier, je vous prie." "Je le ferai," dit le Dr. Ridley."

 

Il s'agenouilla alors avec M. Latimer devant lord Williams le vice chancelier de Oxford et les autres commissaires qui étaient assis sur un banc et dit, Je vous prie, my lord, pour l'amour de Christ de me permettre de dire deux ou trois mots; et pendant que le lord baissait sa tête devant le maire et le vice-chancelier pour savoir s'il aurait la permission de parler, les baillis et le Dr. Marshal, le vice-chancelier, coururent à la hâte vers lui et avec leurs mains sur sa bouche dirent, M. Ridley, si vous voulez révoquer vos opinions erronées vous n'aurez pas seulement la liberté de le faire, mais aussi la vie." "Pas autrement ?" dit le Dr. Ridley.   "Non," répondit le Dr. Marchal; "c'est pourquoi si vous ne voulez pas le faire, il n'y a pas de remède; vous devez souffrir ce que vous méritez." "Eh bien," dit le martyr, aussi longtemps qu'il y aura un souffle dans mon corps je ne renierai jamais Christ mon Seigneur et sa vérité révélée; que la volonté de Dieu soit faite en moi," sur cela il se leva et dit à haute voix, "Je remets notre cause au Dieu Tout-Puissant qui jugera tous les hommes sans acception de personne." M. Latimer ajouta à ceci son dicton accoutumé. "Eh bien, il n'y a rien de caché qui ne soit découvert." On leur ordonna de se préparer immédiatement pour le bûcher.

 

"Ils obéirent avec douceur. Le Dr. Ridley donna sa robe et son écharpe à son beau-frère, Mr. Shipside, qui tout le temps de son emprisonnement quoiqu'il n'eut pas la permission de venir à lui, se chargeait du soin de lui procurer les choses nécessaires qu'il lui faisait parvenir par le sergent. Quelques autres parties de son habillement il donna aussi et les antres furent pris par les baillis.

 

"Il fit aussi présent de petits objets aux messieurs qui l'entouraient, plusieurs d'entre eux pleurant de pitié; à Sir Henry Lea, il donna un sou neuf; au gentilhomme de lord Williams des serviettes, &c., et celui qui pouvait obtenir la moindre bagatelle comme souvenir de cet excellent homme se trouvait heureux. Mr. Latimer permit tranquillement à son gardien, de lui ôter son haut-de-chausse et ses autres habits qui étaient très ordinaires; et son linceul étant enlevé, il paraissait être une aussi belle personne qui se put voir.

 

"Alors le Dr. Ridley, se tenant encore dans son pantalon, dit à son frère, "il vaudrait mieux pour moi que j'aille dans mon pantalon." "Non,' dit Latimer, "cela vous causerait plus de souffrance; et il pourrait être de service à un pauvre homme." La dessus, dit le Dr. Ridley, "Qu'il en soit ainsi au nom de Dieu," et il se déboutonna. Alors mis en chemise, il leva la main et dit, "Ô Père céleste, je t'offre mes plus sincères remerciements de ce que tu m'as appelé à confesser ton nom même jusqu'à la mort; je te supplie, Dieu éternel, d'avoir pitié du royaume d'Angleterre et de le délivrer de tous ses ennemie."

 

"Le forgeron prit alors une chaîne de fer et la mit à la ceinture des deux; et comme il clouait la gâche, le Dr. Ridley prit la chaîne de sa main et regardant le forgeron de côté, dit, "Mon bon ami, cloue-la bien, car la chair aura son cours." Alors son frère apporta un sac de poudre et l'attacha à son cou. Le Dr. Ridley, lui demanda ce que c'était, il répondit, de la poudre. "Alors" dit-il "Je la prends pour être envoyé à Dieu, c'est pourquoi je la prendrai. Et en avez-vous" dit-il, "pour mon frère ?" (voulant dire Mr. Latimer,) Oui, monsieur, j'en ai, dit-il. "Alors donnez-lui-en, à temps," dit-il, "de crainte que vous arriviez trop tard." Ainsi son frère en porta à Mr. Latimer.

 

"Ils apportèrent alors un fagot allumé, et le mirent aux pieds du Dr. Ridley; là-dessus Mr. Latimer dit, "AYEZ BON COURAGE MR. RIDLEY ET SOYEZ HOMME; NOUS ALLONS ALLUMER AUJOURD'HUI, EN ANGLETERRE, PAR LA GRÂCE DE DIEU, UNE CHANDELLE QUI, JE CROIS, NE S'ÉTEINDRA JAMAIS."

 

Quand le Dr. Ridley vit que la flamme venait de son côté, il cria d'une voix remarquablement forte, "En tes mains, Ô Eternel, je remets mon esprit; Eternel reçois mon esprit; et il continua à répéter, Seigneur, Seigneur, reçois mon esprit." Mr. Latimer cria fortement, "Ô Père qui es aux cieux, reçois mon esprit." Il mourut bientôt après, apparemment avec peu de souffrance.

 

"Mais le Dr. Ridley - à cause du feu mal allumé, les fagots étaient verts, et entassés trop haut de sorte que les flammes qui brûlaient furieusement en dessous, ne pouvaient pas aisément l'atteindre - fut exposé à une telle souffrance qu'il leur demanda pour l'amour de Dieu, de laisser le feu venir vers lui. Son beau-frère l'entendant, mais ne le comprenant pas très bien, pour le débarrasser de sa souffrance et ne sachant pas très bien ce qu'il faisait amoncela des fagots sur lui, de sorte qu'il le couvrit entièrement. Ceci fit brûler le feu si ardemment en dessous qu'il brûla les parties inférieures avant de toucher aux supérieures et le fit se débattre sous les fagots, et lui fit demander souvent de laisser venir le feu vers lui, disant "Je ne puis brûler." Cependant dans tous ces tourments il n'oublia pas de s'adresser à Dieu. Il souffrit de tels tourments jusqu'à ce qu'un des assistants tira, avec sa hallebarde, les fagots du haut, et où le Dr. Ridley vit flamber le feu, il se pencha de ce côté. Enfin le feu toucha la poudre et on ne le vit pas remuer davantage, mais brûla l'autre côté, tombant aux pieds de Latimer; son corps étant divisé.

 

"L'affreux spectacle remplit presque tous les yeux de larmes. Quelques-uns s'affligèrent sérieusement de voir la mort de ceux dont la vie leur avait été si chère. Quelques autres s'apitoyaient sur leurs personnes pensant que leurs âmes n'en avaient pas besoin. Mais le chagrin de son frère, dont l'anxiété le poussa à essayer de finir promptement ses souffrances, mais qui, par erreur et confusion, les prolongea si malheureusement et qui surpassèrent celles de tous les autres. Son chagrin fut si violent que les spectateurs s'apitoyèrent sur lui presque autant que sur le martyr."

 

Les souffrances et martyre de Thomas Cranmer, Archevêque de Canterbury.  

Cet éminent prélat naquit à Aslacton, en Nottinghamshire, le 2 de juillet, 1489. Ayant complété ses études à l'université, il prit les degrés ordinaires, et était si bien aimé qu'il fut choisi agrégé du collège Jésus et devint célèbre par son grand savoir et ses talents. En 1521, il se maria et par là perdit sa position; mais sa femme, mourant en couche, il fut réélu. En 1523, il fut choisi pour conférencier en théologie dans son propre collège et choisi par l'université, l'un des examinateurs dans cette science. Dans cette office, il inculqua surtout l'étude des Saintes Écritures, alors bien négligée, comme étant indispensablement nécessaire.

 

La peste s'étant déclarée à Cambridge, M. Cranmer alla à Waltham-abbey, où, rencontrant Gardiner et Fox, l'un le secrétaire et l'autre l'aumônier du roi, le divorce projeté de ce monarque concernant Catherine sa reine fut mentionné; quand Cranmer conseilla d'en référer à notre université et aux universités étrangères pour connaître leur opinion dans ce cas-là. Il donna tant de satisfaction à ces messieurs qu'ils l'introduisirent au roi, qui lui donna ordre d'écrire ses pensées sur le sujet, le prit pour son chapelain et l'admit à cette faveur et estime qu'il ne perdit jamais après.

 

En 1530 il fut envoyé par le roi pour discuter sur le sujet du divorce à Paris, à Rome et autres endroits. A Rome il remit un livre au pape et offrit de le justifier dans une controverse publique; mais personne ne se présenta pour l'opposer; tandis qu'en particulier il les força à confesser que le mariage était contraire à la loi de Dieu. Le pape le constitua pénitencier général de l'Angleterre et le renvoya.

 

Pendant qu'il était loin, le grand archevêque Warham mourut: Henri convaincu du mérite de Cranmer décida qu'il lui succéderait et lui donna ordre de revenir. Il en soupçonna la cause et retarda; il désirait refuser cette haute position, car il avait une vraie et exacte appréciation de l'office. Mais ceci ne fit que stimuler la résolution du roi. Il fut consacré le 30 mars, 1553; et quoiqu'il reçut les bulles ordinaires du pape, il protesta, à sa consécration, contre le serment de fidélité, etc., à lui. Car il avait conversé librement avec les réformés en Allemagne, avait lu les livres de Luther et était attaché fortement à la cause glorieuse de la réformation.

 

Le premier service qu'il rendit au roi dans son caractère archiépiscopal fut de prononcer la sentence de son divorce d'avec Catherine; le suivant, fut de l'unir en mariage avec Anne Boulen, la conséquence de ce mariage fut la naissance de Élisabeth dont il fut le parrain.

 

Comme la reine était grandement intéressée à la réformation, les amis de cette bonne œuvre commencèrent à concevoir de grandes espérances. Mais la disposition changeante du roi et la malheureuse fin de Anne, excitèrent leurs craintes; il n'en résulta, toutefois, aucun mauvais effet. La suprématie du pape était universellement désapprouvée; les monastères, etc., détruits sur la découverte complète des vices les plus abominables et de la corruption qui y existaient; ce livre précieux de "l'Érudition d'un chrétien" fut recommandé par l'autorité publique; et les Écritures Saintes enfin, à la joie infinie de Cranmer et de lord Cromwell ne furent pas seulement traduites mais introduites dans toutes les paroisses. La traduction en fut reçue avec une immense joie; chaque personne qui était capable de l'acheter le fit; les pauvres s'empressèrent de l'entendre lire; des personnes avancées en âge apprirent à lire, pour pouvoir l'étudier; et même les petits enfants s'empressèrent avec avidité de l'entendre. Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer combien nous sommes tenus d'apprécier ce trésor sacré, et combien nous devons repousser toutes les tentatives de ses ennemis, et de cette église qui voudrait nous en priver, et nous réduire encore aux légendes et aux scolastiques, à l'ignorance et à l'idolâtrie.

 

Cranmer fit alors une collection des opinions tirées des œuvres des pères de l'Église et des docteurs nouveaux. Peu de temps après ceci il donna une preuve, éclatante de sa constance désintéressée par son opposition à ce qui est communément appelé les six articles sanguinaires du roi Henri. Toutefois, il essuya l'orage et publia, avec un incomparable préface, la grande Bible, dont six copies furent mises à la disposition du peuple par Bonner - alors nouvellement consacré évêque de Londres - dans sa cathédrale de St. Paul.

 

Les ennemis de la réforme, toutefois, étaient remuants et Henri, hélas n'était pas protestant dans le cœur. Cromwell leur fut sacrifié et ils dirigeaient leurs traits vengeurs contre Cranmer. Gardiner en particulier était infatigable; il le fit accuser en parlement et plusieurs lords du conseil privé poussèrent le roi à envoyer l'archevêque à la Tour. Le roi s'aperçut de leur malice; et un soir, faisant semblant de s'amuser sur l'eau il commanda de conduire son bateau à Lambeth. L'archevêque descendit pour présenter ses respects et reçut ordre du roi de monter sur le bateau. Henri l'informa des accusations mises à sa charge et parla de son opposition aux six article   L'archevêque répliqua modestement qu'il ne pouvait s'empêcher d'être de la même opinion, mais n'avait pas conscience de les avoir violées. Le roi alors prenant un air de plaisanterie, lui demanda si sa chambre à coucher pourrait supporter l'épreuve de ces articles ? L'archevêque confessa qu'il avait été marié en Allemagne avant sa promotion; mais il assura le roi que, sur la passation de cet acte, il s'était séparé de sa femme et l'avait envoyée chez ses amis. Sa majesté fut si charmée de sa franchise et de son intégrité, qu'il lui découvrit tout le complot formé contre lui et lui donna un anneau de grande valeur qu'il pourrait produire en cas de nécessité.

 

Quelques jours après cela, les ennemis de Cranmer le citèrent devant le conseil. Il s'y rendit donc, mais ils le firent attendre dans l'antichambre parmi les domestiques; le traitèrent, à sa rentrée, avec. un grand mépris; et l'aurait envoyé à la Tour. Mais il produisit l'anneau qui changea leur ton à son égard; pendant que ses ennemis recevaient une sévère réprimande de Henri, Cranmer lui-même obtint le plus haut degré de sécurité et de faveur. Dans cette occasion il montra une indulgence et une douceur pour lesquelles il a toujours été si distingué; il ne persécuta aucun de ses ennemis mais il pardonna même volontiers à Gardiner, son ennemi invétéré, quand il lui écrivit une lettre le suppliant de le faire. La même douceur se montra envers le Dr. Thornton, le suffragant de Dover, et le Dr. Barber qui, quoique reçu dans sa famille, dépositaire de ses secrets, et redevable de beaucoup de faveurs avait ingratement conspiré avec Gardner pour lui ôter la vie.

 

Quand Cranmer eut découvert leur perfidie, il les fit venir à son étude et leur dit qu'il avait été vilement et faussement accusé par quelques-uns en qui il avait placé la plus grande confiance, leur demanda comment il devrait agir à leur égard ? Eux, ne soupçonnant pas qu'ils y étaient concernés répondirent, que "de tels scélérats devraient être poursuivis avec la plus grande rigueur; de plus ils méritaient de mourir sans miséricorde." En entendant cela l'archevêque, levant les mains, s'écria, "Dieu de miséricorde ! à qui peut-on se fier ?" Et alors, prenant de son sein les lettres par lesquelles il avait découvert leur perfidie, leur demanda s'ils les reconnaissaient? Quand ils virent leurs propre 3 lettres, ils furent confus à l'extrême; et tombant à genoux ils demandèrent humblement pardon. L'archevêque leur dit "qu'il leur pardonnait et prierait pour eux, mais qu'ils ne pouvaient s'attendre qu'ils se fieraient à eux à l'avenir."

 

Comme nous en sommes à sa facilité de pardonner les injures, nous pouvons raconter un charmant exemple qui arriva quelque temps auparavant: -

 

La première femme de l'archevêque - qu'il maria à Cambridge - était parente de l'hôtesse à l'hôtellerie du Dolphin et y prenait pension. Comme il la fréquentait souvent pour cette raison, le parti papiste fit circuler une histoire qu'il avait été palefrenier dans cette hôtellerie, et n'avait jamais reçu une éducation libérale. Cette sotte histoire avait été répétée dans une auberge par un prêtre de Yorkshire qu'il avait habitude de fréquenter, se moquant de l'archevêque en disant qu'il n'avait pas plus de savoir qu'une oie. Quelqu'un en informa lord Cromwell et le prêtre fut enfermé dans la prison Fleet. Quand il y eut été neuf ou dix semaines il envoya supplier l'archevêque de lui pardonner et demanda d'être élargi. L'archevêque le cita devant lui et après l'avoir blâmé doucement, lui demanda s'il l'avait jamais connu ? Il lui répondit "Non." L'archevêque lui demanda alors pourquoi il attaquait son caractère ? Le prêtre s'excusa en disant qu'il était en boisson; mais Cranmer lui répondit que c'était une double faute. Il lui dit alors que s'il était disposé à essayer quelle espèce d'écolier il était, il aurait la liberté de l'essayer dans n'importe quelle science il le désirait. Le prêtre lui demanda humblement pardon et confessa qu'il était ignorant et ne comprenait rien autre que sa langue maternelle. "Il n'y a aucun doute" dit Cranmer "que vous êtes bien versé dans la Bible anglaise et que vous pouvez répondre aux questions qui en sont tirées; dites-moi - qui était le père de David ?" Le prêtre s'arrêta un moment pour réfléchir; mais enfin dit à l'archevêque qu'il ne s'en rappelait pas. "Dites-moi, alors," dit Cranmer, "qui était le père de Salomon ?" Le pauvre prêtre répondit qu'il n'était pas versé dans les généalogies et ne pouvait le dire. L'archevêque alors lui conseillant de fréquenter moins souvent les buvettes et d'étudier davantage le renvoya en liberté à sa curé.

 

Ce sont là des exemples qui servent à montrer le caractère indulgent de Cranmer. En vérité, il fut blâmé par plusieurs pour son excès d'indulgence. Le roi qui était bon juge des hommes remarquant la haine implacable de ses ennemis changea ses armoiries de trois grues à trois pélicans, nourrissant leurs petits de leur propre sang; et dit à l'archevêque, "que ces oiseaux devraient signifier pour lui qu'il devrait être prêt comme le pélican à répandre son sang pour ses petits élèves dans la foi chrétienne; car dit le roi, "il est probable que vous serez essayé, à la fin, si vous ne changez pas de direction." L'évènement prouva que le roi n'était pas un mauvais prophète.

 

En 1547, Henri mourut, et laissa sa couronne à son fils unique, Édouard, qui était filleul de Cranmer et avait puisé tout l'esprit d'un réformateur. Cet excellent jeune prince influencé non moins par sa propre inclination que par les conseils de Cranmer et les autres amis de la réformation était diligent de la promouvoir en toutes occasions. Des homélies et un catéchisme furent composés par l'archevêque; les notes d'Érasme sur le Nouveau Testament furent traduites et affichées dans les églises; les sacrements furent administrés sous les deux espèces; et la liturgie lue en langue vulgaire. Ridley, le grand ami de l'archevêque, et l'une des lumières les plus brillantes de la réformation anglaise était également zélé dans la bonne cause; et, de concert avec lui, l'archevêque prépara les quarante-deux articles de religion et publia un traité bien estimé, intitulé, "Une défense de la vraie doctrine catholique du sacrement du Corps et du Sang de notre Seigneur Jésus-Christ."

 

Mais cette heureuse scène de prospérité ne devait pas continuer longtemps. Il plut à Dieu de priver la nation du roi Édouard en 1553, se disposant, dans sa sage providence, de perfectionner l'Église de son fils Jésus-Christ nouvellement née, en Angleterre, par le sang des martyrs, comme au commencement il perfectionna l'Église en général. Inquiet pour le succès de la réforme et poussé par l'artifice du duc de Northumberland, Édouard avait été induit à exclure ses sœurs et à léguer la couronne à l'aimable et bien digne bru du duc la lady Jane Grey. L'archevêque fit tout en son pouvoir pour opposer ce changement dans la succession; mais le roi fut contrôlé; le testament fut fait et signé par le conseil et les juges. L'archevêque fut appelé le dernier et requis de souscrire; mais il répondit qu'il ne pouvait le faire sans se parjurer, ayant prêté serment à la substitution de la couronne en faveur des deux princesses Marie et Elizabeth. Le roi répondit à cela, "que les juges qui étaient les plus versés dans la constitution, devraient être consultés sur ce point, et l'avaient assurés que malgré cette substitution il pouvait légalement léguer la couronne à lady Jane." L'archevêque désira converser lui-même avec eux sur le sujet; et eux tous s'accordant à dire qu'il pouvait légalement souscrire au testament du roi il fut enfin gagné à mettre de côté ses propres scrupules par leur autorité et à y souscrire.

 

Ayant fait cela, il se crut en conscience obligé de joindre lady Jane; mais son pouvoir passager expira bien vite, quand Marie et la persécution Montèrent sur le trône et Cranmer ne pouvait s'attendre à autre chose qu'à ce qui arriva.

 

Il fut condamné pour trahison, et, avec une feinte clémence, pardonné; mais, pour gratifier la malice de Gardiner et son propre ressentiment implacable contre lui pour le divorce de sa mère, Marie donna ordre de procéder contre lui pour hérésie. La Tour était encombrée de prisonniers; de sorte que Cranmer, Ridley, Latimer et Bradford furent tous mis dans une chambre. Ils bénirent Dieu pour l'occasion de converser ensemble; de lire et de comparer les Écritures; de se conformer à la vraie foi; et de s'exhorter mutuellement à la fermeté dans sa profession et à la patience dans la souffrance pour l'amour d'elle. Heureuse société ! heureux martyrs ! plus dignes d'être enviés que le tyran vêtu de pourpre avec l'épée toute rougie de sang et entouré de toute la pompe et le faste du pouvoir.

 

En avril, 1554, l'archevêque, avec les évêques Ridley et Latimer, furent transportés de la Tour à Windsor, et de là à Oxford, pour discuter avec des personnes choisies des deux universités. Mais combien sont vaines les débats quand le sort des hommes est déterminé et chaque mot interprété en mauvaise part. Tel était le cas ici; car au 20 avril, Cranmer fut amené à l'église Ste. Marie devant les commissaires de la reine, et refusant de souscrire à l'article papiste, il fut déclaré hérétique, et la sentence de condamnation fut passée sur lui. Il leur dit sur cela qu'il en appelait de leur injuste sentence à celle du Tout-Puissant.

 

Après cela ses domestiques furent renvoyés et lui-même renfermé à l'étroit à Bocardo, la prison d'Oxford. Mais cette sentence étant nulle en loi, comme l'autorité du pape y manquait une nouvelle commission fut envoyée à Rome en 1555; et dans l'église Sainte Marie, la cour fit le procès de Cranmer déjà condamné. Il fut ici presque trop fort pour ses juges; et si la raison et la vérité avaient pu prévaloir, il n'y a aucun doute qui aurait dû être acquitté, et qui condamné.

 

En février suivant, une nouvelle commission fut donnée à l'évêque Bonner et à l'évêque Thirlby. Quand ils vinrent à Oxford, ils lurent leur commission du pape, et pour ne pas avoir comparu devant eux en personne comme ils l'avaient cité de le faire, il fut déclaré contumace, quoiqu'ils l'eussent eux-mêmes gardé à l'étroit comme prisonnier. Bonner, alors dans un discours injurieux, l'insulta de la manière la plus grossière pour laquelle il fut souvent réprimandé par l'évêque Thirlby, qui pleura et déclara que c'était la scène la plus triste qu'il avait vue de sa vie. Dans la commission on déclarait que la cause avait été entendue à Rome avec impartialité; les témoins des deux côtés examinés; et le défenseur de l'archevêque avait eu la permission de faire la meilleure défense possible pour lui. A cette lecture, l'archevêque ne put s'empêcher de s'écrier, "Mon Dieu, quels mensonges voilà; que moi, qui suis continuellement en prison et empêché d'avoir un défenseur ou un avocat ici, je puisse produire des témoins et appointer mon conseil à Rome. Dieu doit punir ces honteux et évidents mensonges."

 

Quand Bonner eut fini ces invectives, ils se mirent à le dégrader; et pour le rendre aussi ridicule que possible, le costume épiscopal dont ils le revêtirent était fait en canevas et de vieilles guenilles. Bonner, pour s'en moquer, l'appelait "M. Canterbury " ou quelque chose de semblable. Il endura ce traitement avec courage et patience; leur dit que, "la dégradation ne lui donnait aucun souci, car il y avait longtemps qu'il méprisait ces ornements;" mais quand ils en vinrent à lui ôter sa crosse, il la retint et en appela à Thirlby, disant, "J'en appelle au prochain concile général."

 

Quand ils l'eurent dépouillé de ses habits, ils le revêtirent d'une pauvre robe d'un bedeau de campagne usée, de forme étrange et d'un bonnet de citadin; et de cette manière le livrèrent au bras séculier pour être reconduit à la prison, où il fut gardé dans un grand dénuement, et éloigné de ses amis. Même, telle était la. fureur de ses ennemis, qu'un noble fut arrêté par Bonner, et échappa bel d'avoir un procès pour avoir donné de l'argent à l'archevêque pour s'acheter à dîner.

 

Cranmer avait maintenant été emprisonné presque trois ans et la mort aurait du suivre sa sentence et sa dégradation; mais ses cruels ennemis le réservaient à une plus grande privation et insulte. Tous les moyens imaginables furent employés pour ébranler sa fermeté; mais il se montra inébranlable dans la profession de sa foi. Même quand il vit le martyre cruel de ses chers compagnons, Ridley et Latimer, il était si loin de reculer, qu'il pria Dieu non seulement de les fortifier, mais aussi, par leur exemple, de l'encourager à une patiente attente et à la même épreuve du bûcher.

 

Les papistes enfin déterminèrent d'essayer ce que la douceur produirait auprès de Cranmer. Ils le transportèrent en conséquence de la prison au logis du doyen de Christ church, où ils se servirent de tous les arguments persuasifs et touchants pour le faire renoncer à sa foi; et, même, affectèrent trop sa nature sensible par le faux brillant d'une prétendue civilité et de respect. Le malheureux prélat, toutefois résista à toutes les tentations, ce qui les irrita tellement qu'ils le renvoyèrent à la partie la plus dégoûtante de la prison et le traitèrent alors avec la plus cruelle sévérité. Ceci fut plus que ne purent supporter les infirmités d'un homme si âgé: la fragilité humaine prévalut; et il fut poussé à signer la rétraction suivante que la malice et l'artifice de ses ennemis lui arrachèrent.

 

"Moi, Thomas Cranmer, ci-devant archevêque de Canterbury, renonce, méprise et déteste toutes sortes d'hérésies et les erreurs de Luther et de Twingle et tous les autres enseignements qui sont contraires à la saine et vraie doctrine. Et je crois très fermement dans mon cœur et je confesse de ma bouche qu'il 'n'y a qu'une sainte Église catholique visible, hors de laquelle il n'y a point de salut; et je reconnais que l'évêque de Rome en est la tête suprême sur la terre lequel je reconnais être le plus grand évêque et pape, le vicaire de Christ auquel tous les chrétiens doivent être soumis.

 

"Et quant au sacrements, je crois et révère dans le sacrement de l'autel le vrai corps et sang (le Christ étant contenu très certainement sous la forme du pain et du vain; le pain étant changé, par la toute puissance de Dieu en corps de notre Sauveur Jésus-Christ et le vin en son sang."

 

Et quant aux autres six sacrements, aussi (comme en ceci) je crois et maintiens ce que l'Église universelle maintient et ce que l'église de Rome juge à propos et décrète."

 

De plus, je crois qu'il y a une place de purgatoire, où les âmes des trépassés sont punies pour un temps, pour lesquelles l'église prie saintement et salutairement, comme aussi elle honore les saints et leur adresse des prières."

 

Finalement, en toutes choses je professe que je ne crois pas autrement que l'Église catholique et l'Église de Rome dans ce qu'elle maintient et enseigne. Et je supplie le Dieu Tout-Puissant que dans sa miséricorde il daigne me pardonner ce que j'ai pu commettre contre Dieu ou son Église et je désire aussi et prie que tous les chrétiens prient pour moi."

 

"Et de tous ceux qui ont été trompés soit par mon exemple ou ma doctrine, je leur demande, par le sang de Jésus-Christ, qu'ils reviennent à l'unité de l'Église pour que nous soyons tous d'un même esprit sans schisme et sans division."

 

"Et en conclusion, comme je me soumets à l'Église catholique de Christ, et à son chef suprême, je me soumets aussi à ses très excellentes majestés Philippe et Marie, roi et reine de ce royaume d'Angleterre, &c., et à toutes leurs autres lois et ordonnances, étant toujours prêt comme fidèle sujet à leur obéir en tout temps. Et Dieu m'est témoin que je n'ai pas fait ceci pour obtenir faveur ou par crainte de quelqu'un, mais volontairement et suivant ma propre conscience."

 

Cette rétraction de l'archevêque fut immédiatement imprimé et distribué par tout le pays. Pendant tout ce temps-là Cranmer n'avait aucune assurance certaine d'avoir la vie sauve quoique cela lui fit promis par les docteurs; mais après avoir accompli leur dessein, ils laissèrent le reste au hasard, comme cela arriva avec les adhérents de cette religion. La reine, ayant maintenant trouvé une occasion de se venger de lui, reçut sa rétraction avec joie; mais insista pour qu'il fut mis à mort.

 

Le Dr. Cranmer était dans une triste état, n'ayant ni tranquillité en sa propre conscience ni aucun aide de la part de ses adversaires. Outre cela, d'un côté il y avait louange, de l'autre mépris, des deux côtés danger, de sorte qu'il ne pouvait ni mourir ni vivre honnêtement. Et quand il cherchait à se sauver, il fit double perte car il ne pouvait éviter une secrète honte auprès des braves gens ni auprès des méchants le semblant de dissimulation.

 

Cependant la reine, prenant conseil comment se débarrasser de Cranmer, qui jusqu'à présent ne savait rien de sa haine secrète et ne s'attendait pas à la mort, choisit le Dr. Cole pour préparer pour le 21 mars un discours funéraire pour la mort de celui-là par le feu. Bientôt après, d'autres hommes respectables et des magistrats furent sommés, au nom, de la reine de se rendre à Oxford le même jour avec leurs domestiques et leurs suites, de crainte que la mort de Cranmer ne causa du tumulte. Le Dr. Cole revint à Oxford, prêt à jouer son rôle. Comme le jour de l'exécution approchait, il vint à la prison pour voir le Dr. Cranmer et s'assurer s'il retenait toujours la foi catholique. Cranmer lui répondit que par la grâce de Dieu il serait tous les jours plus ferme dans la foi catholique; Cole partit pour cette fois et revint à lui le jour suivant, ne lui donnant encore aucun avis de sa mort qu'on avait décrétée. A cette occasion il lui demanda s'il avait quelque argent; sur sa réponse négative Cole lui remit quinze écus pour être donnés à tels pauvres qu'il voudrait; et l'exhortant à être constant dans la foi, il partit.

 

L'archevêque commença maintenant à imaginer ce dont il s'agissait. Alors un religieux espagnol vint à lui, un des témoins de sa rétractation apportant un papier avec les articles que Cranmer devait publiquement déclarer devant le peuple, le pressant de le copier et de le signer de son nom; et quand il l'eut fini, le religieux lui demanda d'en écrire une autre copie qu'il pourrait garder, ce qu'il fit aussi. Mais toutefois l'archevêque, voyant où tendaient leur artifice, et pensant que le temps approchait auquel il ne pourrait plus dissimuler, mit sa prière et son exhortation, écrit sur un autre papier, secrètement dans son sein, ayant l'intention de les réciter au peuple avant de faire sa dernière profession de foi; craignant que s'ils entendaient d'abord sa confession de foi ils ne lui permettraient pas après d'exhorter le peuple.

 

Bientôt après, environ sur les neuf heures, lord Williams, Sir. Thomas Bridges, Sir John Brown et plusieurs autres juges, avec certains autres nobles qui furent envoyés par le conseil de la reine, vinrent à Oxford avec un grand train d'assistants. Il y avait en outre une grande multitude et une plus grande attente; ceux qui était du côté du pape ayant une grande espérance d'entendre ce jour-là quelque chose de Cranmer qui fortifierait leur opinion; d'autres, animés d'un meilleur sentiment, ne doutant pas que lui, qui, pendant plusieurs années, avait présenté la vraie doctrine de l'Évangile, la confesserait maintenant dans le dernier acte de sa vie.

 

Le Dr. Cranmer vint enfin de sa prison de Bocardo à l'église de Ste. Marie. Le maire allait en avant, venaient ensuite les échevins; après eux Cranmer entre deux religieux qui, marmottant à tour certains psaumes dans les rues, se répondaient l'un à l'autre jusqu'à ce qu'ils vinrent à la porte de l'église et commencèrent là le cantique de Siméon, "Nunc dimittis;" et entrant dans l'église les religieux en chantant les psaumes l'amenèrent à son poste, et l'y laissèrent. Il y avait une estrade appuyée contre la chaire sur laquelle se tenait Cranmer, en attendant que le Dr. Cole fut prêt pour son sermon.

 

Le triste cas de cet homme offrait un désolant spectacle à tous ces chrétiens qui le contemplaient. Celui qui dernièrement était archevêque, métropolitain et primat de toute l'Angleterre et conseiller privé du roi, vêtu d'une simple robe déchirée avec un vieux bonnet carré, exposé au mépris et au ridicule de tous.

 

Mis ainsi, quand il eut demeuré assez longtemps sur l'estrade, se tournant vers une colonne contiguë, il leva les mains et pria. Enfin le Dr. Cole montant dans la chaire et commençant son sermon, fit mention de Tobie et de Zacharie qu'il loua pour leur persévérance dans le culte du vrai Dieu; il divisa son sermon en trois parties, désirant de parler d'abord de la miséricorde de Dieu; secondement de montrer sa justice; et en dernier lieu comment les secrets du prince ne doivent pas être dévoilés. Mais il prit bientôt occasion de se tourner vers Cranmer et avec plusieurs paroles violentes le blâma de ce que lui qui était imbu de la doctrine saine et catholique tombât dans une erreur pernicieuse, qu'il n'avait pas défendue par ses écrits, mais avait aussi réduit d'autres personnes à faire pareil, avec des dons multipliés.

 

Après que Cole eut terminé son sermon il rappela les gens à la prière. "Mes frères," dit-il, " de peur que quelqu'un ne doute de la repentance de cet homme, vous l'entendrez parler devant vous; et en conséquence je vous prie, M. Cranmer d'accomplir maintenant ce que vous avez promis; à savoir que vous fassiez publiquement une vraie profession do votre foi, afin que tous les hommes puissent comprendre que vous êtes vraiment catholique." "Je vais le faire" dit l'archevêque, "et cela de bonne volonté." Alors se levant et ôtant son bonnet il commença à parler comme suit: -

 

"Mes bonnes gens, mes chers frères bien-aimés et sœurs en Christ. Je vous prie très sincèrement de prier le Dieu Tout-Puissant de me pardonner tous mes péchés et mes offenses qui sont sans nombre et grands au-delà de toute mesure. Mais une chose afflige ma conscience plus que tout le reste, dont, Dieu voulant, je parlerai ci-après. Mais quelques grands et nombreux que soient mes péchés, je vous supplie de prier Dieu qu'il me les pardonne tous dans sa miséricorde." Et s'agenouillant il répéta la prière suivante: -

 

"Ô Père céleste, Ô Fils de Dieu, Rédempteur du mondé, Ô Saint-Esprit, trois personnes en un seul Dieu ayez pitié de moi, le plus misérable esclave et pécheur. J'ai péché contre le ciel et la terre, plus que ma langue ne peut exprimer. Où puis-je alors aller ou puis-je fuir ? J'ai honte de lever mes yeux au ciel et sur la terre je ne trouve aucune place de refuge et de secours. A toi donc Ô Eternel j'ai recours; devant toi je me prosterne, disant, Ô Eternel mon Dieu, mes péchés sont grands mais cependant aie pitié de moi pour l'amour de ta miséricorde. Le grand mystère que Dieu se fit homme n'a pas été accompli pour de petites offenses ou pour peu. Tu n'as pas livré ton Fils (Ô Père céleste) à la mort pour de petits péchés seulement, mais pour tous les grands péchés du monde, afin que le pécheur retourne à toi de tout son cœur, comme je le fais à présent. C'est pourquoi aie pitié de moi, Ô Dieu dont la nature est d'avoir toujours compassion; aie pitié de moi, Ô Eternel par ta grande miséricorde. Je ne demande rien par mes propres mérites, mais pour l'amour de ton nom, afin qu'il en soit sanctifié et pour l'amour de ton Fils Jésus-Christ. Et maintenant, donc Ô Père céleste que ton nom soit sanctifié," &c. Et se levant, il dit: -

 

"Tout homme désire au temps de sa mort de donner quelque bonne exhortation, pour que les autres s'en rappelle avant leur mort et s'en trouvent mieux; aussi je prie Dieu de m'accorder la grâce de de pouvoir dire quelque chose à mon départ actuel par lequel Dieu soit glorifié et vous-mêmes édifiés.

 

"D'abord, c'est une triste chose que de voir tant de personnes soient attachées à ce vain momie et en soient si soigneuses, qu'elles s'occupent peu ou point du tout de l'amour de Dieu ou du monde à venir. C'est pourquoi ceci sera ma première exhortation que vous tourniez vos pensées vers Dieu et le monde à venir, et appreniez à connaître ce que veut dire ce qu'enseigne St. Jean, "Que l'amour de ce monde est inimitié contre Dieu."

 

"La seconde exhortation est que vous obéissiez à votre roi et à votre reine volontairement et sans murmure; non pas par la crainte que vous en avez, mais beaucoup plus par la crainte de Dieu; sachant qu'ils sont les ministres de Dieu, appointés par Dieu pour vous commander et vous gouverner; et en conséquence quiconque leur résiste, résiste à l'ordonnance de Dieu."

 

"La troisième exhortation est que vous vous aimiez comme des frères et des sœurs. Car, hélas ! c'est pitoyable de voir la haine que porte un chrétien à un autre ne se regardant pas comme frère et sœur mais plutôt comme étrangers et ennemis mortels. Mais je vous prie de bien apprendre cette leçon-ci, de faire du bien à tous les hommes autant qu'il se peut. Car vous pouvez être sûrs de ceci, que quiconque hait quelqu'un ou qui s'efforce de lui nuire, Dieu n'est pas avec cet homme quoiqu'il se croit lui-même être en faveur devant Dieu."

 

"La quatrième exhortation sera pour ceux qui ont de grands biens et des richesses de ce monde pour qu'ils considèrent bien et pèsent trois déclarations de l'Écriture l'une de notre Sauveur lui-même, "Il est difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux !" Une déclaration pénible et cependant prononcée par celui qui connaît la vérité. La seconde de St. Jean, "Celui qui a des biens de ce monde et qui voit son frère dans la nécessité lui fermera ses entrailles, comment peut-il dire qu'il aime Dieu ?" La troisième de St. Jacques, qui parle comme suit du riche avare: "Pleurez et vous lamentez à cause de la calamité qui va tomber sur vous; vos richesses sont pourries, vos habits rongés des vers. Votre or et votre argent se sont rouillés, et leur rouille s'élèvera en témoignage contre vous et dévorera votre chair comme un feu; vous avez amassé un trésor de la colère de Dieu pour le dernier jour?" Que ceux qui sont riches pèsent bien ces trois déclarations; car s'ils ont jamais eu occasion de montrer leur charité ils l'ont aujourd'hui, car il y a tant de pauvres et les provisions si chères.

 

Et maintenant, puisque j'arrive à la dernière partie de ma vie de laquelle dépend toute ma vie passée et toute ma vie future, soit de vivre avec Christ mon maître éternellement dans la joie, ou bien dans la peine pour toujours avec les mauvais anges en enfer, et que je vois devant mes yeux présentement soit le ciel prêt à me recevoir on l'enfer prêt à m'engloutir je déclarerai devant vous ma foi sans dissimulation.

 

"D'abord, je crois en Dieu le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre, &c. Et je crois chaque article de la foi catholique, chaque mot et phrase prononcés par Notre Sauveur Jésus-Christ, ses apôtres et ses prophètes dans l'Ancien et le Nouveau Testament."

 

"Et maintenant je viens à ce qui trouble ma conscience plus que tout ce que j'ai fait ou dit dans ma vie; et c'est d'avoir publié un écrit contraire à la vérité que je renonce ici et répudie, vraiment écrit de ma main, mais contraire à la vérité que je croyais dans mon cœur, écrit par crainte de la mort et pour sauver ma vie si possible; tous ces papiers que j'ai écrits et signés de ma main depuis ma dégradation je les renonce comme faux. Et comme ma main a commis l'offense en écrivant ce qui était contraire à mon cœur, ma main sera en conséquence punie d'abord: car quand j'irai au feu elle sera brûlée d'abord.

 

"Quant au pape, je le rejette avec sa fausse doctrine, comme l'ennemi de Christ et comme l'antechrist.

 

"Et quant au sacrement, je crois ce que j'ai enseigné dans mon livre contre l'évêque de Winchester; la doctrine que mon livre enseigne demeurera en force au dernier jour au jugement de Dieu où la doctrine papiste aura honte de se montrer le visage."

 

Ici les spectateurs furent tous étonnés. Les uns commencèrent à lui rappeler sa rétraction et à l'accuser de fausseté. Il était étrange de voir les docteurs déçus d'une si grande espérance. Je crois que jamais la cruauté n'a été jouée et trompée d'une manière plus remarquable. Car il n'y a aucun doute qu'ils s'attendaient à une glorieuse victoire et à un triomphe perpétuel par la rétraction de cet homme.

 

Alors on attacha une chaîne autour de Cranmer, et l'on commanda de l'entourer de feu. Quand le bois fut allumé, et que le feu commença à l'entourer il étendit sa main droite qui avait signé sa rétractation, dans les flammes, et l'y tint pour que le peuple vit qu'elle était réduite en charbon avant que son corps ne fut touché. En un mot, il fut si patient et constant au sein de ces tortures, qu'il ne semblait pas se remuer plus que le poteau auquel il était attaché; ses yeux étaient levés vers le ciel et il disait souvent amis longtemps que sa voix le lui permit, "Cette indigne main droite !" et répétant les paroles d'Étienne, "Seigneur Jésus reçois mon esprit," jusqu'à ce que la fureur des flammes l'eussent réduit au silence, et il rendit l'esprit.

 

Martyre de William Bongeor, Thomas Benhote, William Purchase, Agnes Silverside, Helen Ewring, Elisabeth Folk, William Muni, John Johnson,

Alice Muni et Rose Allen, à Colchester.  

Parmi vingt-deux personnes amenées de Colchester à Londres et renvoyées après avoir signées une confession se trouvaient William Munt, qui demeurait à Muchbentley, Alice, sa femme, et Rose Allen, sa fille. Après leur retour à la maison ils s'absentèrent encore du service idolâtre de l'église papiste et fréquentèrent la compagnie de personnes pieuses qui lisaient diligemment la parole de Dieu et invoquaient son nom par Jésus-Christ. Cette conduite offensa tellement les catholiques qu'ils en furent accusés auprès de Lord Darcy. Une persécution s'éleva contre ses pauvres gens, ce qui les força pour un temps de se retirer. Peu de temps après, toutefois, endormis dans la sécurité, ils y retournèrent. Le 7 mars 1557, à environ deux heures du matin, Edmond Tyrrel (un descendant de la personne qui assassina le roi Édouard V., dans la tour de Londres) assisté par le bailli, deux commissaires et autres assistants vinrent à la porte et dirent à Mr. Munt que lui et sa femme devaient aller avec lui au château de Colchester.

 

Cette grande surprise affecta beaucoup Mme. Munt, qui était bien indisposée à cause du traitement cruel qu'elle avait reçu auparavant du parti papiste; mais après s'être un peu remise, elle demanda à Tyrrel que sa fille lui apporte quelque chose à boire. Quand cela fut fait, Tyrrel conseilla à la fille de recommander à son père et à sa mère de se conduire comme de bons chrétiens et membres de l'église catholique; auquel elle répondit, "Monsieur ils ont un meilleur maître que moi. Car le Saint-Esprit les enseigne et ne leur permettra pas de se tromper."

 

Tyrrel - Es-tu encore de cette disposition ? Il est temps vraiment, de rechercher de tels hérétiques.

Rose - Monsieur, avec ce que vous appelez hérésie je sers mon Dieu Eternel; je vous dis la vérité.

Tyrrel - Alors je m'aperçois que vous brûlerez, commère, avec le reste pour l'amour de la compagnie.

Rose - Non, monsieur, pas l'amour de la compagnie, mais pour l'amour de Christ, si j'y suis contrainte; et j'espère que, dans sa miséricorde, s'il m'y appelle, il me rendra capable de l'endurer.

 

Le cruel Tyrrel lui saisit alors le poignet et prenant une chandelle allumée qu'elle tenait à la main, la tint sous sa main, la brûlant sur le dos jusqu'à ce que les muscles se cassassent; et pendant cette barbare opération il lui disait souvent, "Quoi, ne crieras-tu pas? ne crieras-tu pas ? "Ce à quoi elle répondit constamment qu'elle remerciait Dieu qu'elle n'avait pas de cause, mais plutôt de se réjouir". Mais," dit-elle, "il avait plus de cause de pleurer qu'elle, s'il considérait l'affaire avec soin." Enfin il la repoussa violemment loin de lui avec un langage grossier; auquel elle ne fit pas d'autre attention que de lui demander. Monsieur, avez-vous fait ce que vous vouliez faire ? Il répondit, "Oui et si vous ne l'approuvez pas, alors améliorez-le."

 

Rose - Le rectifier ? vraiment que le Seigneur vous rectifie et vous donne la repentance, si c'est sa volonté; et maintenant, si vous le, trouvez à, propos, commencez par les pieds et brûlez aussi la tête; car celui qui vous a mis à l'ouvrage vous paiera vos gages un jour, je vous en certifie; et ainsi elle s'en alla et porta l'eau à sa mère comme en elle avait reçu l'ordre.

 

Tyrrel les conduisit alors tous au château de Colchester avec John Johnson qu'ils prirent en chemin.

 

Le même matin ils en prirent six autres, à savoir William Bongeor, Thomas Benhote, William Purchase, Agiles Siiverside, Helen Ewring, et Elisabeth Folk qu'ils envoyèrent comme prisonniers à Mote-hill. Après quelques jours ils furent amenés avec plusieurs autres, devant plusieurs magistrats, prêtres, et officiers pour être examinés concernant leur foi.

 

Ils furent tous condamnés et l'évêque Bonner envoya un ordre pour qu'ils fussent brûlés le 2 août. Comme ils étaient gardés à différents endroits, on résolut qu'une partie d'entre eux serait exécutée dans la première partie du jour et le reste dans la dernière. Quand ceux qui étaient appointés pour le matin arrivèrent sur les lieux, ils s'agenouillèrent et invoquèrent humblement le Dieu Tout. Puissant, quoiqu'ils fussent interrompus par leurs ennemie papistes. Ils se livrèrent alors; furent attachés aux poteaux et brûlés au feu. Ils moururent avec un courage étonnant et avec résignation, triomphant au milieu des flammes et se réjouissant au sien des espérances de la gloire qui les attendait.

 

Dans l'après-midi du jour, les autres furent amenés au même endroit. Là ils s'agenouillèrent tous et prièrent avec la plus grande ferveur. Après la prière ils furent attachés aux bûchers et brûlés; exhortant le peuple avec leur dernier souffle d'être sur leur garde de l'idolâtrie en confessant leur foi en Christ crucifié.

 

Près de 400 tombèrent victimes durant le règne de Marie la sanglante. On brûla 5 évêques; 21 ministres; 8 gentilshommes; 84 artisans, 100 agriculteurs, serviteurs et ouvriers; 26 femmes; 20 veuves; 9 vierges; 2 garçons et 2 enfants; 64 de plus furent persécutée pour leur religion dont sept furent fouettés, 16 périrent en prison et 12 furent enterrés dans des tas de fumier.

 

Telles sont les annales des apôtres de l'Angleterre; hommes et femmes qui n'ont pas compté leur vie précieuse pour pouvoir finir leur course avec joie. Honorons tous ces héros du progrès spirituel et ces champions de notre foi qui furent martyrs, et baptisés dans le sang parce que leur génie et leurs lumières les ont poussés en avant de leur siècle.

 

La mort de la reine Marie - L'heureuse accession de Lady Élisabeth au trône d'Angleterre.  

Le 17 novembre, 1558, la reine Marie mourut étant dans sa quarante-troisième année de son âge, après avoir régné cinq ans et quatre mois et onze jours. Sa fausse conception, et la mélancolie qui s'en suivit, aggravée par la perte de Calais affecta sa constitution ce qui se tourna en hydropisie qui mit fin à son malheureux règne.

 

L'histoire de son règne démontre l'excès de sa bigoterie; elle joignit à cela un caractère cruel et vindicatif qu'elle prenait pour du zèle pour la religion; mais quand il n'était pas possible de les unir, elle montrait clairement qu'elle n'était pas moins enclin à la cruauté par nature que par zèle. C'était son malheur d'être encouragée dans cette horrible disposition par toutes les personnes qui l'approchaient. Le roi Philippe était naturellement morose; Gardiner était l'un des hommes les plus vindicatifs; Bonner était une furie; et les autres évêques furent choisis parmi les plus cruels du clergé. Elle laissait à son conseil toute la conduite des affaires et elle s'abandonna entièrement aux caprices de son clergé.

 

Sa sœur de père; lady Élisabeth, succéda à ce règne sanguinaire. Son avènement causa une immense joie à la nation en général mais une grande mortification aux prêtres, au parti catholique qui appréhendaient avec raison une nouvelle révolution en matière de religion. Elle passa à travers Londres parmi toute la joie qu'un peuple délivré de la terreur du feu et de l'esclavage peut exprimer. Le roi Philippe lui proposa de l'épouser, mais en vain; elle lui fit répondre qu'elle avait épousé son royaume. Elle commanda que tous ceux qui étaient en prison à cause de leur religion fussent mis en liberté; sur cela quelqu'un fit la remarque, les quatre Évangélistes étaient encore captifs, et que le peuple soupirait de les voir restaurés à leur liberté, elle répondit qu'elle en parlerait à ses sujets pour connaître leur opinion. Ayant décidé de favoriser la réforme, la reine désira que les changements se fissent de manière à causer aussi peu de division que possible parmi ses sujets; les résultats produits furent une nouvelle traduction des Écritures et l'établissement national de la religion protestante. La reine Élisabeth mourut le 24 mars 1603 à l'âge de soixante-dix ans dans la quarante-cinquième année de son règne.

 

Et maintenant nous allons conclure, cher ami chrétien, cette liste de ceux qui ont scellé leur témoignage d'attachement au Seigneur Jésus-Christ. en sacrifiant leur vie pour l'amour de lui. Il y a plusieurs leçons importantes qu'il est bon que chacun apprenne. D'abord, il convient que tout lecteur anglais soit dévotement reconnaissant envers Dieu d'être né dans un pays où l'on jouit tellement de la liberté religieuse que chacun peut s'asseoir sous sa propre vigne et sous son figuier sans qu'il ait peur de personne. Deuxièmement, on ne doit jamais oublier que notre présente immunité de la persécution pour notre croyance religieuse a été chèrement acquise par la vie de ces héroïques martyrs qui ont courageusement embrassé le bûcher pendant que le feu consumait leurs corps; et notre admiration devrait être éveillée par cette fermeté qu'ils ont montrée au bûcher. Troisièmement nous devrions être profondément reconnaissants envers Dieu que nous ne sommes plus sous l'influence de la papauté, et de ces erreurs fatales à l'âme qui sont chéries par ses adhérents. Quatrièmement, nous devrions être profondément touchés de la conviction que, comme nos ancêtres ont souffert si considérablement pour le maintien de la liberté religieuse, c'est du devoir de chacun d'être préparé à souffrir dans la cause de celui qui donna sa vie pour racheter un monde coupable d'une souffrance éternelle. Cinquièmement, la mort triomphante des martyrs déjà mentionnés devrait accroître l'attachement des disciples du doux et humble Jésus à cette cause qu'ils ont épousée et devraient fortifier par leur foi, leur espérance et leur joie dans le Seigneur. Enfin, s'il y a quelques lecteurs des pages précédentes qui ne se sont pas décidés de se ranger du côté du Seigneur, assurément les témoignages triomphants de ceux qui ont sacrifié leur vie, pour amour pour Jésus, à la valeur de sa religion, sont une leçon si touchante qu'il faut un cœur dur et stoïque pour ne pas sentir son influence. Que le voyageur vers Sion soit stimulé et fortifié dans son voyage en examinant le contenu de ce volume; et que celui qui est égaré soit ramené de l'erreur de sa voie; et à Dieu en sera toute la gloire. Amen.

 

Or, à celui qui peut vous préserver lui-même de chuter, et vous établir sans imperfection devant la présence de sa gloire, dans une joie extrême, à Dieu, seul sage, notre Sauveur, soient gloire et majesté, force et puissance, maintenant et pour toujours envers chacun de nous! Amen. (Jude 24,25)

 

A Christ seul soit la Gloire