Page 712 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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fois modérées et proportionnées aux délits; le talion pouvait être prononcé par le juge. Les crimes commis
contre Dieu, contre la religion, l'idolâtrie, le blasphème, la violation du sabbat, étaient punis de mort, et
cette sévérité n'étonne que lorsqu'on oublie que le Dieu des Juifs n'était pas un être de convention, mais la
vérité même, et le roi souverain auquel tout le peuple devait rendre une obéissance absolue. Les crimes
contre les mœurs étaient aussi sévèrement punis.
— Voir: articles spéciaux.
Ce rapide aperçu, cette aride nomenclature, suffit cependant à rappeler d'une manière générale les détails
qu'on a lus ailleurs, il est impossible de n'être pas frappé de deux choses: d'un côté Moïse fait des
concessions à l'esprit de son temps, de l'autre il lui résiste et le fronde avec une énergie surprenante. Cette
apparente contradiction dans le système provient de ce que, si Moïse veut isoler les Hébreux des nations
voisines, il sait qu'il ne pourra pas les isoler d'eux-mêmes. Il commence d'abord par couper les
communications avec l'ennemi, puis il le combat à l'intérieur, et il compte pour cela non sur une
destruction immédiate, mais sur le temps, sur ces moyens dilatoires, sur ces réserves nombreuses, sur ces
gênes cachées qu'il introduit partout, et qui d'abord ne paraissent pas avoir une grande portée.
Cependant le père ne tuera pas son enfant, parce qu'il faut que ce soit la mère de l'enfant qui l'accuse, les
voisins qui le tuent; le divorce demandé n'aura pas lieu, parce que le mari ne sait pas écrire; le meurtrier
involontaire est livré au vengeur du sang, mais il ne mourra point, les villes de refuge sont là, et bientôt il
se sera mis à couvert.
On a été trop loin dans les deux sens, les uns en prétendant que la législation hébraïque avait été calquée
d'après les autres législations alors existantes, que Moïse pouvait avoir étudiées; les autres en niant d'une
manière absolue toute influence des lois de l'Égypte, sanitaires et autres, sur telle ou telle partie des
prescriptions mosaïques. Tout ce recueil est divinement inspiré, mais la personnalité de Moïse se montre
partout, ses souvenirs, ses expériences, ses impressions. Il importe peu, d'ailleurs, que Moïse ait ramené
d'Égypte ses prescriptions contre la lèpre, et l'interdiction de la viande de porc, si l'Esprit lui a révélé ces
mesures comme bonnes à conserver. Il importe peu que des lois agraires, qu'une caste sacerdotale, aient
été établies à l'imitation de l'Égypte, si Dieu a montré à Moïse que c'était provisoirement ce qu'il y avait
de mieux à faire pour la formation et le développement de la nationalité juive. Moïse a suffisamment
montré, cf. Lévitique 18:3, qu'il n'entendait point faire une copie du paganisme, et l'esprit de sa législation
porte assez le caractère de l'indépendance, pour qu'à cet égard il ne soit pas suspect, même lorsqu'il paraît
emprunter. Les absurdités de Bolingbroke et de Voltaire sous ce rapport, se réfutent d'elles-mêmes. Ce
qu'ils ont dit de plus sérieux se rapporte à cet isolement national que Moïse établit, à ce cordon sanitaire
dont il entoure son jeune peuple, à ce particularisme étroit qu'il prêche et qu'il commande. En théorie, le
reproche est fondé; Dieu a fait d'un même sang tout le genre humain: qui comprend l'humanité perd peu
à peu l'idée de la nationalité; mais en pratique le peuple juif était non seulement un peuple à part, mais
un peuple mis à part, choisi, élu de Dieu dans un but spécial, une exception dans le monde, et son histoire
n'a que trop bien montré combien les barrières de la loi étaient même insuffisantes pour le préserver du
mal. Le reproche d'ailleurs aurait une plus grande portée si, en lui imposant le particularisme, Dieu avait
aussi imposé à son peuple l'égoïsme; mais bien loin de là, les étrangers peuvent s'établir sur ce territoire
d'Israël, partout ils sont recommandés à la bienveillance publique, et lorsqu'ils jouissent de tous les
avantages, ils n'ont pas même à supporter toutes les charges.
On peut consulter utilement sur ce qui fait l'objet de cet article, E, de Bonne-chose, Hist. sacrée, p. 125, sq.;
Cellérier, Esprit de la Législ. Mos., deux vol.; les ouvrages plus spéciaux de Pastoret (Paris 1817) et de
Salvador (Paris 1828), et la dissertation du prof. S. Chappuis, citée plus haut (Lausanne 1838); en
allemand on a les ouvrages classiques de De Wette (Archæologie), Tholuck (Beil. zum Hebræerbrief),
Bæhr (Symb. des Mos. Cultus), et quelques travaux de Nitsch, Sack, Hengstenberg, Twesten, Néander,
dont la portée est tout à la fois dogmatique et scientifique.
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