Page 573 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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Jacob lui-même, en inclinant son cœur à bénir de la main droite Éphraïm plutôt que Manassé. La ruse
réussit, mais Jacob dut recueillir les fruits de son péché avant de jouir des bénédictions que Dieu lui avait
assurées: il lui fallut quitter son père et sa mère pour fuir le ressentiment d'un frère justement irrité, et il
partit pour la Mésopotamie, où une épouse lui était réservée dans la maison de Laban, frère de sa mère. Il
avait alors soixante-dix-sept ans, chiffre qui surprend d'abord, mais qui se justifie par les considérations
suivantes: Joseph avait trente ans quand il fut présenté à Pharaon, Genèse 41:46; lorsque son père et ses
frères vinrent le rejoindre, c'est-à-dire en la deuxième année de la famine, il en avait par conséquent
trente-neuf (45:6). À cette époque Jacob en a cent trente (47:9); Joseph est donc né dans la quatre-vingt-
onzième année de Jacob. Or Joseph est né vers la fin des quatorze premières années que Jacob passa chez
Laban (30:22,25), après avoir quitté la maison d'Isaac, ce qui donne l'âge de soixante-dix-sept ans pour
l'époque de son entrée en Mésopotamie.
Ce voyage fut pour Jacob la fin de l'enfance et le commencement de la vie: sa mère n'était plus là pour le
mener, il devait se sentir à la fois libre et responsable, et le remords dut se faire sentira son cœur. Sans
doute il emportait la bénédiction de son père, mais Dieu lui accorderait-il la sienne? Accablé de fatigue et
peut-être aussi de pensées décourageantes, il s'endormit un soir près de Luz, et Dieu qui avait fait de lui
un vase d'élection, voulut le rassurer, et lui envoya cette grande et belle vision de l'échelle qui, partant de
la terre pour se perdre dans les cieux, servait d'intermédiaire entre l'homme et l'Éternel par le moyen des
anges, qui montaient et qui descendaient, saints et brillants messagers du Dieu d'Abraham, d'Israël et de
Jacob. Saintement effrayé, le voyageur s'écria: «C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux.» Il
oignit d'huile la pierre qui lui avait servi de chevet, et changea le nom de Luz en celui de Béthel, qui
signifie maison de Dieu. Cependant, il ne comprit pas toute la grandeur des promesses qui lui étaient
faites, et il se borna à quelques vœux pour l'heureux achèvement de son voyage et pour son heureux
retour auprès d'Isaac. Bientôt il arrive en Mésopotamie, où Rachel accueille avec joie son cousin presque
octogénaire. Le cupide Laban met à de rudes épreuves la patience et l'amour de Jacob; après sept ans de
service il lui donne Léa, sa fille aînée, au lieu de Rachel qu'il aimait et qu'il avait demandée. Jacob se
plaint de cette substitution, et obtient qu'on lui accorde aussi Rachel, pour laquelle il offre de servir sept
nouvelles années. Les deux épouses rivales divisent la maison du patriarche; Rachel est la préférée, mais
Léa est féconde et s'élève au-dessus de sa sœur qui ne l'est pas, Genèse 30. Pour complaire à celle qu'il
aime, Jacob donne le titre de concubine à Bilha, la servante de Rachel, et Léa lui demande la même faveur
pour Zilpa, sa servante. La famille de Jacob s'accroît ainsi considérablement, mais il n'est encore que le
serviteur de son oncle et beau-père; il exprime le désir de retourner auprès de sa famille et demande à
Laban, avec son congé, la récompense de ses travaux. Ces deux hommes rivalisent de ruse pour se
tromper l'un l'autre, et Jacob est le plus fort; il demande à Laban de lui donner toutes les bêtes picotées de
son troupeau et s'engage à le servir quelques années encore. Laban accepte et consent; mais d'abord il
éloigne du troupeau, pour les confier à ses fils, toutes les bêtes déjà picotées, afin de diminuer d'autant la
chance qu'il en naisse de nouvelles. Jacob, de son côté, s'éloigne avec les chèvres et les brebis blanches. Il
devait savoir que Dieu ferait tourner ce contrat en sa faveur (31:11); il voulut, comme toujours, forcer la
fortune et accomplir par des ruses la volonté divine; il plaça donc devant les auges et les abreuvoirs de
jeunes branches dont il avait pelé et mis à blanc quelques parties, de sorte que les troupeaux ne pouvaient
boire sans arrêter les yeux sur ces diverses couleurs et sans en être frappés. Jacob pensait que de cette
manière les brebis, quoique blanches, donneraient des agneaux de couleur; et le résultat répondit à ses
espérances, soit que Dieu intervint directement, soit aussi que le stratagème employé par Jacob fût
réellement efficace, ainsi que paraissent l'établir certains faits. En tout cas, Jacob s'enrichit en fort peu
d'années, et ses grands biens ne tardèrent pas à exciter la jalousie de Laban et de ses fils. Jacob s'en
aperçut, et averti par une vision divine, il résolut de s'enfuir sans délai. Ses femmes sont d'accord avec lui.
Il part donc «à la dérobée», emmenant sa famille, ses serviteurs et ses troupeaux, et après avoir traversé
les gués de l'Euphrate et les campagnes de la Syrie, il arrive sans accident sur les limites de la terre
promise, au pied des montagnes de Galaad; mais là il est rejoint par Laban qui s'est mis à sa poursuite, et
il doit lui expliquer les motifs de sa fuite secrète et précipitée. «Je craignais, dit-il, que tu ne me ravisses
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