Page 1080 - Dictionnaire de la Bible de J.A. Bost 1849 - 2014

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cette idée était naturelle et simple; Satan ne pouvait être ni égal, ni trop inférieur à Dieu. Égal, c'eût été le
placer trop haut; trop inférieur, c'eût été rendre la lutte illusoire et nuire à l'intérêt de l'action.
(Le nom grec de l'ennemi du genre humain, διαβοίος, de διαβαλλω, qu'on traduit ordinairement par
adversaire, ne serait-il pas mieux rendu par le vieux mot français traversier, celui qui traverse? Il y aurait,
pour cette traduction, l'analogie du serpent traversant de nos versions.)
La notion populaire que Satan était un ange du nom de Lucifer qui se rebella contre Dieu et fut jeté du ciel, est un
mythe qui n’a aucun soutient biblique réel. Satan est en réalité l’esprit de la chair en l’homme, son intelligence, son
raisonnement rebel qui s’oppose à la révélation de Dieu, à sa souveraineté absolue et à sa grâce dans le plan du salut.
Malheureusement la mythologie chrétient retient encore un grand nombre de crédules sous son influence et sa
servitude.
Dérivant d'un verbe hébreu «satân», signifie «adversaire, ennemi, s'opposer, résister», le terme «satan» désigne
d'abord, dans l'Ancien Testament, un adversaire, et, plus particulièrement, celui qui exerce devant un tribunal la
fonction d'accusateur. Il ne sert jamais pour désigner un être surnaturel, adversaire des hommes et de Dieu. Notons
enfin que pour traduire l'hébreu «satân», les Grecs l'ont utilisé en conjonction avec le mot diabolos. Dans le
Nouveau Testament, Satan et le Diable sont deux mots synonymes qui détiennent toutefois des caractéristiques
propres à chacun d'eux.
Dans l'Ancien Testament, le mot «satan» désigne une personne qui se pose en adversaire de quelqu'un d'autre.
Salomon, après avoir fait échec à ceux qui contestaient son accession au trône, déclare: «Maintenant, Yahvé m'a
donné la tranquillité alentour: je n'ai ni adversaire (satan) ni contrariété du sort.» (1 Rois 5:4) Le satan désigne plus
particulièrement celui qui exerce au tribunal le rôle d'accusateur, ce qu'on nomme aujourd'hui «l'avocat du
Diable». Dans un psaume, un homme, faussement accusé, demande à Dieu de punir ceux qui lui ont causé du tort:
«Tel soit, de par Yahvé, le salaire de mes accusateurs (mes satans) qui profèrent le mal contre moi. [...] Qu'ils soient
vêtus d'infamie, ceux qui m'accusent, enveloppés de leur honte comme d'un manteau! » (Psaume 109:20,29)
Le Manichéisme apporte quelques notions similaires mais les présente sous différents aspects dans lesquelles nous
voyons les premières tentatives d'intégrer une mythologie de Satan et d'anges déchus au sein d'une croyance dite
chrétienne. Le manichéisme est une religion, aujourd'hui disparue, dont le fondateur fut le perse Mani au IIIe siècle.
C'est un syncrétisme du zoroastrisme, du bouddhisme et du christianisme. Par dérivation et simplification du
terme, on qualifie aujourd'hui de manichéenne une pensée ou une action sans nuances, voire simpliste, où le bien et
le mal sont clairement définis et séparés. Dans la littérature Manichéenne, Satan est «Sathanaël», terme qui vient de
la racine sémitique «stanah» et qui signifie «ennemi, adversaire, opposant». Sa description est toutefois contraire à
celle que nous voyons dans l'Ancien Testament. Pour les Manichéens, «Sathanaël était le premier-né de Dieu, plus
puissant que le Logos; mais Dieu le précipita, à cause de son orgueil, avec les complices de sa faute, sur la terre
invisible. Doué de la vertu créatrice et dominatrice, Sathanaël créa un second ciel. Sathanaël forma alors l'homme
d'eau et de terre et chercha à animer son œuvre; mais, comme il n'y put réussir, il pria Dieu de lui inspirer la vie.
Dieu ayant exaucé sa prière, l'homme devint l'œuvre de deux créateurs. Dans la suite, (c'est ainsi que les
Manichéens expliquent le péché originel), Sathanaël cohabita avec Ève, sous la forme d'un serpent, et elle enfanta
Caïn et sa sœur jumelle Calomena. C'est pour ce motif que Dieu enleva à Sathanaël la puissance créatrice, mais non
la puissance sur les créatures. Dieu, pour sauver l'humanité déchue, engendra le Logos ou Jésus-Christ, nommé
aussi l'archange Michel. Le Logos entra dans le corps de la Vierge Marie par son oreille droite, y puisa un corps
apparent, et accomplit tout ce qui est raconté dans les quatre Évangiles. Ses souffrances ne furent qu'apparentes.
Après sa résurrection il fit Sathanaël prisonnier et le précipita au fond du Tartare; lui-même remonta au ciel, et c'est
par lui que les hommes obtiennent l'assistance nécessaire pour parvenir jusqu'au Père. — Il faut honorer les
mauvais esprits; il y en a un dans tous les hommes; il reste dans leur dépouille mortelle jusqu'au jour de la
résurrection; il sera condamné alors à souffrir avec les méchants».
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