Quant à la somme qui pouvait être exigée des Israélites pour subvenir aux besoins des pauvres et du
culte, quant aux charités qui leur étaient prescrites et qu'ils devaient faire chaque année, voici comment
Saurin les résume dans son beau sermon sur l'Aumône, «calcul, dit-il, qui peut nous convaincre de cette
triste vérité, que si la religion chrétienne l'emporte sur les autres, c'est dans les Évangiles, mais non dans
la conduite de ceux qui la professent.
1.
Les Juifs devaient s'abstenir de tous les fruits qui croissaient les trois premières années, depuis
qu'un arbre fruitier avait été planté. Ces premiers fruits s'appelaient le prépuce: c'était un crime de se les
approprier, Lévitique 19:23.
2.
Les fruits de la quatrième année devaient être voués au Seigneur: c'était une chose sainte à
l'Éternel, Lévitique 19:24. Il fallait les envoyer à Jérusalem, du moins il fallait en faire l'estimation et les
racheter, en donnant au sacrificateur une somme équivalente; en sorte que le peuple ne commençait à
recueillir ses revenus que dans la cinquième année.
3.
Ils étaient obligés d'offrir à Dieu, chaque année, les prémices de tous les revenus de la terre,
Deutéronome 26:2; les prémices, c'étaient les premiers fruits que la terre produisait. Quand le père de
famille se promenait dans son jardin, et qu'il apercevait un arbre qui portait quelque fruit, il le marquait
avec un fil, afin de pouvoir le reconnaître lorsqu'il serait parvenu à une maturité parfaite. Le père de
famille mettait ce fruit dans une corbeille; on assemblait ensuite tous ceux qui avaient été recueillis dans
une ville; cette ville envoyait des députés à Jérusalem: un bœuf couronné de fleurs était chargé de cette
offrande, et ceux qui avaient la permission de le convoyer allaient en pompe à Jérusalem, en chantant ces
paroles du Psaume 122:1: «Je me suis réjoui à cause de ceux qui m'ont dit: nous monterons à la montagne
de l'Éternel.» Quand ils étaient arrivés à la ville, ils chantaient ces autres paroles: «Nos pieds se sont
arrêtés dans tes portes, ô Jérusalem!» (verset 2). Ensuite ils allaient au temple, chacun ayant son offrande
sur ses épaules, le roi même n'en étant pas excepté, et ils chantaient encore: «Portes, élevez vos linteaux;
huis éternels, haussez-vous.» Psaumes 24.
4.
Il fallait qu'ils laissassent ce qui croissait dans l'extrémité de leurs champs, et qu'ils le cédassent
au pauvre, Lévitique 19:9. Et pour éviter les fraudes qui auraient pu se mêler dans cette pratique, ils
avaient déterminé un point fixe à l'observation de cette loi, et ils laissaient la soixantième partie de leur
champ pour cet usage.
5.
Les épis qui tombaient pendant la moisson étaient employés à la même fin, Lévitique 19. Et si
vous consultez Flavius Josèphe (Antiquités Judaïques 8, 4), il vous dira que cet ordre de Dieu les obligeait
non seule-ment de céder aux pauvres ces épis qui étaient tombés comme par hasard, mais d'en laisser
tomber même volontairement et de propos délibéré, cf. Ruth 2:16.
6.
Ils étaient obligés de donner chaque année pour les sacrificateurs la quarantième partie de leurs
revenus; du moins c'est ainsi que le sanhédrin avait expliqué la loi de Deutéronome 18:4.
7.
Ils en devaient une dixième pour l'entretien des Lévites, Nombres 18:21.
8.
Les revenus que portait la terre chaque septième année étaient pour les pauvres, du moins le
propriétaire n'y avait pas plus de droit que les étrangers, Lévitique 25:23. Et les Juifs ont eu une si grande
idée de ce précepte, qu'ils prétendent que c'est pour l'avoir violé, qu'ils ont été transportés à Babylone.
C'est à cela qu'ils rapportent ces paroles du Lévitique 26:34: «Alors la terre prendra plaisir à ses sabbats
tout le temps qu'elle sera désolée, et lorsque vous serez au pays des ennemis, la terre se reposera et
prendra plaisir à ses sabbats.» Cf. 2 Chroniques 36:21.
9.
Toutes les dettes contractées parmi le peuple devaient être remises entièrement après le terme de
sept ans, Deutéronome 15:2. En sorte qu'un débiteur qui durant sept années était hors d'état de
s'acquitter, devait être parfaitement absous.
Ajoutez à toutes ces dépenses les occasions extraordinaires, tant de sacrifices, tant d'oblations, tant de
voyages à Jérusalem; ajoutez-y le demi-sicle du sanctuaire, et vous verrez que Dieu avait imposé à son
peuple un tribut qui allait à près de la moitié de ses revenus.
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