treize ans, et l'ancienne Tyr fut détruite. Mais ses habitants, avant d'être réduits à la dernière extrémité,
s'étaient retirés dans une île voisine de la côte: le manque d'espace les obligea de donner aux habitations
une hauteur considérable; ce fut Tyr la nouvelle; l'ancienne, rasée jusqu'aux fondements, ne présenta plus
qu'un village. La jeune ville qui s'élevait du milieu des flots, raide et fière, riche et populeuse, avait atteint
au même degré de puissance et de gloire que la première ville, quand Alexandre le Grand vint, à son
tour, en faire le siège. Désespérant de l'atteindre par mer, il résolut de la réunir à la terre, et se servit des
matériaux de l'ancienne Tyr pour construire un môle ou une chaussée, qui donnât passage à ses troupes.
Au bout de sept mois la ville fut prise. Cependant elle redevint encore florissante, et fut pendant
longtemps une ville chrétienne. Mais les oracles de Dieu sont accomplis: la domination destructive des
Turcs a exécuté les jugements annoncés par les prophètes, Ésaïe 23, Jérémie 25 et 27, Ézéchiel 26-28.
On a suivi dans ce qui précède l'opinion la plus répandue et la plus généralement reçue; mais il y a des
contradicteurs importants sur presque tous les points de cette grande existence si mystérieusement
détruite. Sans les discuter, nous indiquerons, en terminant, les opinions divergentes. Hengstenberg,
Hævernick, et d'autres, soutiennent que l'ancienne Tyr fut bâtie dans l'île; son nom, quelques détails,
l'antiquité du temple d'Hercule qui s'y trouvait, une correspondance de Hiram et de Salomon, quelques
passages de Flavius Josèphe, de Ménandre et de Bius, sont les autorités dont ils s'appuient: l'ancienne
Tyr, ou Paléotyr, le Tsor de Josué 19:29, qui marque la frontière septentrionale d'Israël, remonterait
également à des temps fort recules, soit comme ville indépendante, soit comme annexe ou banlieue de la
ville insulaire: leurs destinées auraient été différentes; l'île aurait été vainement assiégée pendant cinq ans
par Salmanéser, qui, en définitive, aurait été obligé de se contenter de Paléotyr. Les difficultés de cette
opinion ont amené Hitzig, et presque Hævernick, à reconnaître que Paléotyr est plus ancienne, mais
qu'une ville ayant ensuite été bâtie sur l'île, et ayant reçu de cette île le nom de Tsor, rocher, Paléotyr
aurait pris le même nom; d'où il résulterait que Paléotyr serait la vieille ville, mais que la ville insulaire
aurait eu la première et le plus anciennement le nom de Tyr.
Une seconde divergence porte sur la formation de la digue; les uns pensant, comme Hengstenberg, que ce
sont les Tyriens eux-mêmes qui l'ont formée pour se mettre en rapport direct avec la terre ferme, les
autres estimant avec les plus anciennes données historiques que cette digue fut une oeuvre ennemie;
d'autres enfin pensant
— ou que l'œuvre ennemie d'Alexandre étant pour les Tyriens un précédent indestructible, ils n'avaient
qu'à en tirer le meilleur parti possible, soit pour leurs relations avec le continent, soit au point de vue
militaire,
— ou qu'une digue naturelle ayant été formée avec le temps par les flots de la mer, Alexandre n'eut qu'à
profiter de cette facilité inattendue pour achever un travail si bien commencé.
Une troisième divergence se rapporte à l'accomplissement des prophéties. Nous avons vu l'ancienne Tyr
frappée par Nébucadnetsar à la suite des oracles de Joël et d'Amos, et la nouvelle par Alexandre et par les
siècles à la suite des prophéties d'Ésaïe, de Jérémie et d'Ézéchiel. D'autres pensent que Salmanéser
accomplit les premières prophéties (Grotius et Gesenius), et Nébucadnetsar les secondes. Ces deux
opinions sont également erronées: les oracles sont accomplis aujourd'hui, mais ils ne le furent à aucune de
ces deux ou trois époques. Le siège de Salmanéser, qui dura cinq ans, ne fut pas couronné de succès; ce
fut un blocus qui n'eut d'autre résultat que d'entraver quelque temps le commerce tyrien, comme le
blocus général de Napoléon gêna le commerce de l'Angleterre. Le siège de Nébucadnetsar dura treize
ans, mais le résultat ne paraît pas en avoir été fort satisfaisant, Ézéchiel 29:18. Tyr ne fut pas détruite; car
après la mort du roi Ithabal, qui mourut la dernière année du siège, l'histoire énumère encore des rois et
des juges de Tyr. Sans doute Nébucadnetsar n'était pas homme à se retirer après des efforts de treize
années, n'emportant que la honte de son expédition; sans doute il obtint quelque satisfaction; sans doute
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