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La croix apparue miraculeusement à Constantin
Cette apparition eut lieu, dit-on, la veille de la victoire décisive qu'il remporta au
pont de Milvius, victoire qui décida du sort du paganisme et du christianisme, et
détrôna le premier pour établir réellement le second.
Si cette histoire tant de fois racontée était véritable, elle donnerait certainement
une sanction divine au culte de la croix. Mais, examinez-la attentivement, suivant
la version ordinaire, et vous verrez qu'elle repose sur une erreur, erreur dans
laquelle plusieurs historiens sont tombés. Milner, par exemple, nous dit :
"Constantin allant de France en Italie, contre Maxence, pour une expédition qui
devait être décisive, était en proie à une vive anxiété. Il comprit qu'il avait besoin
d'être protégé par un dieu ; il était tout à fait disposé à respecter le Dieu des
chrétiens, mais il avait besoin d'une preuve satisfaisante de son existence et de
son pouvoir ; il ne savait comment l'obtenir, et ne pouvant se contenter de
l'indifférence athée dans laquelle sont tombés après lui tant de capitaines et tant
de héros, il pria, il implora Dieu avec tant de force et d'importunité, que Dieu ne
laissa pas ses prières sans réponse. Une après-midi, pendant qu'il marchait à la
tête de ses troupes, une croix lui apparut resplendissante dans les cieux, plus
éclatante que le soleil, avec cette inscription : « Tu vaincras par ceci ». Ses
soldats et lui furent étonnés de cette apparition ; mais jusqu'à la nuit il réfléchit
à cet événement. Christ lui apparut pendant son sommeil, avec le même signe de
croix, et lui ordonna de prendre ce symbole pour son enseigne guerrière
"
Voilà ce que raconte Milner. Quelques mots suffiront à montrer que ce trophée
de la croix n'a aucun fondement.
Je crois qu'il ne vaut pas la peine d'examiner s'il y a eu ou non quelque signe
miraculeux. Il peut y avoir eu comme il peut ne pas y avoir eu, en cette occasion
"dignus vindice nodus"
une crise digne de l'intervention divine. Toutefois je ne
rechercherai pas s'il y a eu un fait extraordinaire. Ce que je prétends c'est que, à
supposer que Constantin, en cette circonstance, ait été de bonne foi, et qu'il y ait
eu dans le ciel une apparition merveilleuse, ce ne fut pas le signe de la croix,
mais quelque chose de bien différent, le nom de Christ. Ce qui le prouve, c'est le
témoignage de Lactance, tuteur de Crispus, fils de Constantin, l'auteur le plus
ancien qui traite ce sujet, et le témoignage incontestable que nous donnent les
étendards même de Constantin transmis jusqu'à nous, sur des médailles frappées