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L'AUTORITÉ DE L'ÉCRITURE

 

ET LE TÉMOIGNAGE DE L'ESPRIT

 

par Jean Calvin

mise en page par Jean leDuc

 

 

L'autorité des Écritures

 

Définition de la justification

 

Pour la gloire de Dieu et le repos de notre conscience

 

Exposé de la doctrine - Ses difficultés

 

Fondement scripturaire de l'élection

 

Réfutation des calomnies opposées à cette doctrine

 

L'élection est attesté par la vocation

 


 

L'autorité des Écritures

1 Avant d'aller plus loin il convient d'introduire ici quelques remarques sur l'autorité de» l'Écriture... Ce sujet mérite un ample étude et une discussion attentive...

C'est une erreur fréquente et pernicieuse de prétendre que l'Écriture Sainte tient son autorité de l'Église. Comme si la vérité éternelle et inviolable de Dieu s'appuyait sur la fantaisie des hommes! C'est se moquer du Saint Esprit que de poser les questions que posent ces gens «Qui nous certifie que cette doctrine vient de Dieu?», ou bien: «Qui nous prouve qu'elle nous est parvenue intact», ou encore «Qui décidera que tel ou tel livre doit être accepté, tel autre rejeté comme apocryphe, si l'Eglise n'en décide pas infailliblement?»... A cela nous répondons: Que deviendrons les consciences inquiètes en quête d'une ferme assurance si elles ne peuvent s'appuyer que sur le bon plaisir des hommes?... Et à quelles railleries notre foi sera-t-elle exposée de la part des incroyants, et combien elle sera suspecte à tous si elle ne s'appuie que sur une autorité factice, à la merci des hommes...

 

2 Si l'Église chrétienne a été fondé sur les écrits des prophètes et la prédication des apôtres, il est claire que la doctrine a précédée l'Église, qui s'est construite sur elle. Les fondations viennent avant la maison... Quand l'Église reçoit l'Écriture sainte et lui donne son adhésion elle ne confère pas l'authenticité à une chose auparavant douteuse et incertaine: elle s'y attache et la vénère parce qu'elle reconnaît en elle la pure vérité de son Dieu. Quand on se permet de nous demander comment nous saurons que l'Écriture vient de Dieu si nous nous en remettons à la décision de l'Église, c'est comme si on nous demandait comment nous apprenons à distinguer la clarté des ténèbres, le blanc du noir, le doux de l'amère. Car l'Écriture manifeste aussi nettement sa vérité que le blanc ou le noir leur couleur, le doux de l'amère leur saveur...

 

3 (...) L'autorité de l'Écriture n'est qu'une introduction pour nous préparer à la foi en l'Évangile...

 

4 Retenons bien ce que j'ai dit naguère: nous n'aurons pleinement foi dans la doctrine que si nous sommes parfaitement assurés que Dieu en est l'auteur. La souveraine preuve de l'Écriture est tirée de la personne de Dieu qui parle en elle. Les prophètes et les apôtres ne se vantent pas de leur subtilité, ni de leur haut savoir, ni d'aucun prestige humain; ils ne se fient pas à la puissance du raisonnement. Pour capter l'attention et soumettre les cœurs ils mettent en avant le nom sacré de Dieu... Il faut pour nous persuader, non des raisons humaines, ou des opinions ou de conjectures, mais le témoignage intime du Saint Esprit... Il ne suffit pas de défendre la Parole de Dieu en réfutant les attaques et les calomnies des méchants pour leur mettre au cœur les certitudes dont se nourrit la piété; car les gens profanes pensent que la religion est affaire d'opinion. Refusant de rien croire à la légère, ils exigent qu'on leur prouve rationnellement que Moïse et les prophètes ont parlé sous l'inspiration de Dieu. A quoi je réponds que le témoignage du Saint Esprit est supérieur à toute raison: car bien que Dieu suffise à attesté sa propres Parole, le cœur des hommes ne peut accueillir cette Parole avec foi que si elle y est scellée par le témoignage intérieur de l'Esprit. Il faut que le même Esprit qui à parlé par la bouche des prophètes entre dans notre cœur et le touche au vif pour le persuader que les prophètes ont fidèlement déclaré ce qui leur était commandé d'en haut....

 

5 Ceux-là seuls qui ont reçut l'enseignement du Saint Esprit se reposent sur l'Écriture avec droiture et fermeté. Bien qu'elle s'authentifie d'elle-même, qu'elle ne puisse être contredite et qu'elle n'ait besoin ni de preuve ni d'argument, car c'est le témoignage du Saint Esprit qui lui confère la certitude. La majesté qui est en elle suffit à la faire respecter. Mais pour qu'elle nous touche vraiment il faut qu'elle soit scellée dans notre cœur par le Saint Esprit. Illuminer par sa puissance notre certitude que l'Écriture est la Parole de Dieu ne dépend plus de notre jugement ni de celui des autres. Elle nous est attestée au-delà de tout jugement humain et nous savons de façon immédiate et indubitable que, par le moyen des hommes, elle nous vient de la bouche même de Dieu, comme si nous contemplions en elle, de nos yeux, la personne de Dieu... C'est donc une intuition, qui n'a pas besoin de raisons, mais cependant une connaissance appuyée sur une très bonne raison, puisque notre esprit s'y repose de façon plus totale et plus assurée qu'en n'importe quelles raisons. En fait c'est une perception de la vérité que seule une révélation divine peut engendrer. Je ne dis ici que ce que chaque fidèle expérimente en lui-même, à cela près que mes paroles sont faibles, et indignes de ce qu'elles tentent d'exprimer... Il n'y a de véritable assurance que celle que le Saint-Esprit scelle dans nos coeur...

 

Définition de la justification

1 (...) Tous les hommes étant, comme nous l'avons vu, placés sous la malédiction de la Loi, ils n'ont nulle voie de salut que la foi seule... J'ai dit en substance que par la foi nous recevons et possédons Jésus-Christ tel qu'il nous est donné par la bonté de Dieu et que cette communion avec le Christ nous confère une double grâce. En premier lieu, étant réconcilier par sa justice avec Dieu, nous avons au ciel, non un juge prêt à nous condamner mais un Père très clément. En second lieu, étant sanctifiés par son esprit, nous nous appliquons à mener une vie pure et sainte. ... De la justification nous avons parlé plus brièvement parce qu'il fallait d'abord montrer que la foi n'est pas passive mais qu'elle s'accompagne d'œuvres bonnes quoi que la miséricorde de Dieu justifie gratuitement par elle seule. Il fallait aussi étudier la nature de ces œuvres, car cette étude est liée à la question que nous exposons maintenant. A cet exposé, nous donnerons un développement plus important, puisque la justification par la foi constitue le point capitale de la doctrine chrétienne. ...

 

2 Afin de ne pas achopper dès le premier pas, il est nécessaire de définir d'abord les expressions être justifié devant Dieu et être justifié par la foi, ou par les œuvres. On dit qu'est «justifié devant Dieu» celui qui est estimé juste au jugement de Dieu et que Dieu agrée pour sa justice. ...Est justifié celui qui est considéré non comme un pécheur, mais comme juste et qui pour cette raison reste debout au tribunal de Dieu, où tous les pécheurs sont abattus et confondus. ... Nous dirons donc qu'est «justifié devant Dieu» par ses œuvres l'homme dont la vie aura une telle pureté, une telle sainteté, qu'elle méritera d'être déclarée juste au tribunal de Dieu, dont les œuvres manifeste une si parfaite intégrité qu'il pourra par ses œuvres satisfaire à la justice de Dieu. Nous dirons au contraire qu'est «justifié par la foi» celui qui, étant exclu de la justice des œuvres, saisit par la foi la justice de Jésus-Christ et qui, revêtu de cette justice, se présente au regard de Dieu non pas comme pécheur, mais comme juste. Nous disons, en somme, que notre justice devant Dieu est une acceptation par laquelle Dieu nous reçoit dans sa grâce et nous considère comme juste. En fait, il nous remet nos péchés et nous attribue la justice de Jésus-Christ. 3 Ceci nous est confirmé par des témoignages nombreux et indiscutables de l'Écriture. ... Mais comme il serait trop long de les citer tous et de les comparer, nous laisserons ce soin au lecteur.

 

13 Pourtant, comme la plupart des hommes imaginent un justice mêlée, où interviendraient la foi et les œuvres, il est nécessaire de montrer, avant d'aller plus loin que la justice de la foi est tellement différente de la justice des œuvres qu'on ne peut établir l'une sans renverser l'autre. ... S'il est vrai qu'en édifiant notre propre justice nous rejetons celle de Dieu, il s'ensuit que nous ne pouvons obtenir la justice de Dieu que si nous renonçons entièrement à la nôtre. ... Aussi longtemps qu'il reste une goutte de justice dans nos œuvres, nous avons de quoi nous glorifier. Mais comme la foi exclut toute glorification, la justice de la foi est totalement incompatible avec celle des œuvres. ... Il est donc extravagant d'imaginer une justice obtenue par la foi associée aux œuvres. 16 (...) L'attitude de la foi, par laquelle un homme entre en possession du salut, consiste à reconnaître, conformément à l'Évangile, qu'il est réconcilié avec Dieu parce qu'il est justifié par le moyen de la justice du Christ, par qui il a obtenu la rémission de ses péchés. Bien qu'il soit régénéré par l'Esprit de Dieu, il ne se repose pas sur les bonnes qu'il fait, mais il a la conviction que sa justice perpétuelle consiste uniquement dans la justice du Christ. ...

 

17 Il convient de nous souvenir ici du lien que nous avons établi ci-dessus entre la foi et l'Évangile. Car nous disons que la foi justifie en raison du fait qu'elle se saisit de la justice offerte par l'Évangile. Or si c'est par l'Évangile que la justice nous est offerte, toute considération de nos œuvres est par cela même exclue. ... 18 (...) L'Évangile diffère de la Loi en ce qu'il ne lie pas la justice aux œuvres, mais la fait résider dans la seule miséricorde de Dieu. ...

 

21 Vérifions maintenant l'exactitude de notre définition, selon laquelle la justification par la foi n'est autre chose que la réconciliation avec Dieu obtenue par la rémission des péchés. ... Le péché est une séparation entre Dieu et l'homme; il détourne l'homme de la face de Dieu. En vérité, il ne peut en être autrement puisque la justice de Dieu est incompatible avec le péché. C'est pourquoi saint Paul dit que l'homme est ennemi de Dieu jusqu'à ce qu'il soit réconcilié avec lui par le Christ.(RO 5/8.10) Celui, donc, que Dieu reçoit dans son amour est justifié, car Dieu ne peut accueillir et unir à lui aucun homme sans le rendre juste, de pécheur qu'il était. Car si l'on examine selon leurs œuvres ceux qui sont réconciliés avec Dieu, on les trouvera pécheurs; et il faut, pour être réconciliés, qu'ils soient purs de tout péché. Il est donc clair que ceux que Dieu reçoit dans sa grâce ne sont justifiés que parce qu'ils sont purifiés, leurs fautes étant effacées parce que Dieu les leur pardonne. Leur justice peut donc être appelée rémission des péchés. ...

 

23 Il s'ensuit également, de manière évidente, que c'est uniquement par le moyen de la justice du Christ que nous sommes justifiés devant Dieu; ce qui revient à dire qu'un homme ne saurait être juste de lui-même. Il ne peut l'être que parce que la justice est mise gratuitement à son compte. C'est là un vérité tout à fait capitale; elle réduit à néant cette affirmation sans fondement que l'homme est justifié par la foi parce que dans la foi il reçoit l'Esprit de Dieu, qui le rend juste; affirmation entièrement opposée à la doctrine qui est ici exposée. Il ne fait pas de doute en effet que celui qui doit chercher la justice en dehors de lui-même est dépourvu de toute justice propre. ... Notre justice est en Christ et non en nous-mêmes, et nous ne pouvons prétendre à la justice que dans la mesure où nous sommes unis à Jésus-Christ, car en le possédant nous possédons avec lui toutes ses richesses. ...

 

Pour la gloire de Dieu et le repos de notre conscience 

1 Nous devons être ici attentifs à deux choses: que la gloire de Dieu soit entièrement sauvegardée, et que notre conscience puisse être en repos vis à vis du jugement de Dieu. ...

 

2 En fait, nous ne pouvons nous glorifier en Dieu que si nous renonçons à toute gloire propre. ... L'homme ne peut sans sacrilège s'attribuer la moindre parcelle de justice, car il ne peut le faire sans amoindrir d'autant la gloire de la justice de Dieu. ...

 

3 Et, si nous cherchons comment notre conscience peut trouver le repos et la joie devant Dieu, nous ne trouverons qu'un seul moyen, c'est qu'il nous confère sa justice par sa bienveillance gratuite. ...

 

4 (...) L'Écriture affirme que les promesses de Dieu ne sont efficaces que si notre cœur les reçoit avec une entière confiance; elle déclare en outre que si notre cœur doute, ou est incertain, elles sont rendues vaines. Elle enseigne encore qu'elles ne nous apportent aucune sécurité si elles s'appuient sur nos œuvres. Il est donc nécessaire que toute notre justice nous soit ôtée, que disparaisse toute considération de nos œuvres afin que la foi occupe toute la place et que conformément à sa nature, elle ferme nos yeux et dresse nos oreilles, c'est à dire qu'elle s'accroche uniquement à la promesse et écarte de notre esprit toute idée de dignité ou de mérite de l'homme. ...

 

5 (...) Ceux-là donc qui prétendent que nous sommes justifiés par la foi en ce sens qu'après avoir été régénérés, nous vivons en justes, n'ont jamais goûter la douceur de la grâce, qui seule pourrait les assurer que Dieu leur est propice. ... Il n'y a vraiment qu'un remède, c'est qu'étant greffés sur le corps du Christ ils sont gratuitement considérés comme justes. Car notre foi ne possède pas en elle-même le pouvoir de nous justifier ou de nous acquérir la grâce de Dieu: elle reçoit du Christ ce qui nous manque .

 

Exposé de la doctrine - Ses difficultés 

1 (...) Si le fait que le salut est gratuitement offert aux uns et que les autres en sont exclus doit à l'évidence être attribué à la volonté de Dieu, il n'en soulève pas moins des questions difficiles, qu'on ne peut éclaircir qu'en expliquant aux fidèles ce qui concerne l'élection et la prédestination, matière fort ardue aux yeux de plusieurs, qui n'arrivent pas à comprendre que Dieu prédestine les uns au salut, les autres à la destruction. ... Nous ne serons jamais assez clairement persuadé que notre salut à sa source dans la miséricorde gratuite de Dieu si nous n'avons pas d'abord discerné tout aussi clairement son élection éternelle. En effet, l'action de la grâce est ici manifeste, puisqu'il n'ouvre pas à tous l'espérance du salut, mais donne aux uns ce qu'il refuse aux autres. ...

 

Avant de traiter la question, je dois faire une remarque préalable destiné à deux sorte de personnes. Alors que ce sujet de la prédestination est en lui-même difficile, il est rendu plus ardu pour ne pas dire périlleux, parce que souvent l'intelligence humaine ne veut pas accepter de limites, qu'elle s'égare dans de longs détours et qu'elle veut monter trop haut et sonder les secrets de Dieu. ...

 

2 (...) Prenons donc bien garde à ceci: désirer savoir sur la prédestination plus qu'il n'en est dit dans l'Écriture est une aussi grande folie que ... d'espérer voir dans les ténèbres. Il n'y a pas de honte à ignorer quelque chose en cette matière, où une certaine ignorance est plus savante que la science. ...

 

3 Par ailleurs, pour éviter cette difficulté, d'autres personnes voudraient enterrer la question, ou du moins nous interdire qu'on examine un sujet qu'ils jugent dangereux. ... Pour raison garder entre ces deux extrêmes, il nous faut revenir à la Parole de Dieu dans laquelle nous avons une règle sûre d'interprétation exacte. Car l'Écriture est l'école du Saint-Esprit, dont l'enseignement n'omet rien de ce qui est salutaire, et ne mentionne rien d'inutile. Gardons nous d'empêcher les fidèles d'examiner ce que l'Écriture dit de la prédestination, afin qu'on ne puisse pas nous reprocher de les priver d'un bien que Dieu veut leur communiquer, ou de censurer le Saint-Esprit comme s'il avait publié ce qu'il aurait été bon de supprimer. ...

 

4 (...) Évitons de scruter ce que Dieu a tenu caché et de négliger ce qu'il a révélé, de peur qu'il ne nous convainque ou d'excessive curiosité, ou d'ingratitude. ...

 

5 La «prédestination», par laquelle Dieu a destiné les uns au salut et les autres à la mort éternelle, ... est entortillée dans des arguties diverses, par ceux-là surtout qui veulent la fonder sur la «prescience» de Dieu. La prédestination et la prescience appartiennent l'une et l'autre à Dieu, mais il est absurde de faire dépendre l'une de l'autre. Quand nous parlons de la prescience de Dieu, nous voulons dire que toutes choses ont toujours été, et demeurent toujours, sous son regard, de sorte que pour lui il n'y a ni passé ni future, mais que toutes choses sont pour lui présentes. Elles ne lui sont pas présente en apparence, comme les choses dont nous nous souvenons sont présentent à notre pensée; pour lui, elles sont présentes en toute vérité: Il les voit comme étant devant sa face. ... Et nous appelons prédestination le dessein éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire de chaque hommes. Car il ne les crée pas tous pour la même fin, mais il destine les uns à la vie éternelle et les autres à la mort éternelle. Selon la fin assignée à chacun, nous disons qu'il est prédestiné à la mort ou à la vie. Ainsi, Dieu a manifesté sa prédestination non seulement en chaque homme, mais dans toute la lignée d'Abraham. ...

 

7 Comme l'Écriture nous le montre clairement, nous disons donc que Dieu a une fois pour toutes arrêté en son dessein éternel et immuable qui il voulait sauver et qui il vouait à la perdition. Nous disons que ce dessein en ce qui concerne les élus, est fondé sur sa miséricorde, indépendamment de tout mérite humain; qu'au contraire pour ceux qu'il voue à la condamnation, la porte de la vie est close, et que cela se fait par son jugement secret et incompréhensible, et cependant juste et équitable. Nous affirmons au surplus que l'appel qu'entendent les élus est une preuve de leur élection et que la sanctification en est un autre témoignage, jusqu'au jour où ils entreront dans la gloire, dans laquelle leur élection trouvera son accomplissement. De même que le Seigneur marque ceux qu'il a élus en les appelant et en les justifiant, il montre, à l'inverse, quel jugement est préparé aux réprouvés en les privant de la connaissance de sa parole et de la sanctification de son Esprit. ...

 

Fondement scripturaire de l'élection 

1 Beaucoup de gens contestent ce que nous venons de lire, surtout en ce qui concerne la gratuité de l'élection. Car ils imaginent que Dieu choisit tel ou tel selon ses mérites, qu'il connaît d'avance. Il adopterait ceux dont il sait qu'ils ne seront pas indignes de sa grâce et abandonnerait à leur condamnation ceux dont il prévoit la méchanceté et l'impiété, ... ce qui revient à nier l'élection. ... Mais écoutons ce que dit l'Écriture. Il est clair que lorsque saint Paul enseigne que nous avons été élus en Christ «avant la fondation du monde» il écarte toute idée de mérites de notre part, car c'est comme s'il disait: Ne trouvant rien qui soit digne de son élection dans toute la descendance d'Adam, Dieu a tourné les yeux vers son Christ afin de choisir pour être membre de son corps ceux qu'il voulait sauver. Les fidèles retiendrons donc cette vérité: Dieu nous a adoptés en Jésus-Christ pour être ses héritiers parce que nul d'entre nous n'avait en lui les mérites qui pouvaient justifier cette faveur. ...

 

3 (...) Puisque Dieu nous a élus afin que nous soyons saints, il ne nous a pas élus à cause de notre sainteté future qu'il prévoyait. En effet, il y a entre ces deux propositions une contradiction absolue: ou bien les fidèles tirent leur sainteté de leur élection, ou bien ils ont été élus à cause de leur sainteté. Le sophisme de nos contradicteurs est dénué de valeur: si Dieu, disent-ils, ne rétribue pas des mérites qui ont précédé la grâce de l'élection, il confère l'élection en raison des mérites à venir. Car, ajoutent-ils, quand l'Écriture dit que les fidèles ont été élus afin qu'ils soient saint, cela veut dire que toute leur sainteté à venir tire son origine de l'élection. Mais, je le répète, c'est confondre l'effet de l'élection et la cause de l'élection.

 

7 Écoutons maintenant ce qu'en dit la souverain Maître et son souverain Juge. Trouvant ses auditeurs si complètement endurcis que son enseignement ne servait presque à rien, ... Jésus s'est écrié: Tout ce que le Père me donne viendra à moi, car la volonté du Père est que je ne perde rien de ce qu'il m'a donné (Jn 6). Notez bien que lorsque nous sommes confiés à la protection de notre Seigneur Jésus, c'est le Père qui nous donne à lui. La cause initiale est en Dieu. ... Les paroles du Christ sont parfaitement claires et tous les sophismes n'y peuvent rien changer: Nul, dit Jésus, ne peut venir à moi si le Père ne l'attire à moi; mais, quiconque a entendu le Père et a reçu son enseignement vient à moi. ... Notons bien que lorsque Jésus dit qu'il connaît ceux qu'il a élus, il désigne une partie du genre humain qu'il met à part, non en raison des mérites qu'elle pourrait avoir, mais en vertu d'une décision de Dieu. Les élus ne sont pas choisit en raison de leur initiative ou de leur zèle, puisque Jésus-Christ affirme que c'est de Dieu que vient leur élection. ... En résumé, c'est Dieu qui crée par adoption gratuite ceux qu'il veut avoir pour enfants. La cause intrinsèque - comme on dit - de l'élection est en lui seul, puisque l'élection ne dépend que de son bon plaisir.

 

10 Certains objectent que Dieu se contredit en appelant à lui tous les hommes et en n'accueillant que peu d'élus, ... puisque la prédication de l'Évangile appelle tout le monde à la repentance et à la foi et que l'esprit de repentance est de foi n'est pas donné à tous. ... Je réfute ces arguments, car ils sont doublement faux. Dieu, lorsqu'il menace de faire pleuvoir sur une ville et de frapper l'autre par la sécheresse, ou lorsqu'il annonce ailleurs une famine de sa Parole (Am 4), ne s'astreint pas à une loi qui l'obligerait à appeler tous les hommes indifféremment. En défendant à Paul de prêcher en Asie et en le détournant de la Bithynie pour le conduire en Macédoine (Act 16), Il montre qu'il est libre de distribuer le trésor du salut à qui bon lui semble. Dans Esaïe, il déclare plus explicitement encore qu'il réserve la promesse du salut aux seuls élus; car c'est d'eux, et non de toute l'humanité indistinctement, qu'il dit qu'il seront ses disciples (Es 8). On voit donc que ceux qui soutiennent que le salut est prêché à tous pour que tous sans exception en profitent se trompent lourdement. Seuls les enfants de l'Eglise goûteront le fruit de cet enseignement. ... Nous dirons donc que la bonne nouvelle s'adresse à tous, mais que le don de la foi est accordé à quelques-uns. ... Ce n'est pas une nouveauté pour nous que la semence tombe souvent parmi les épines ou sur les pierres, non seulement parce que la plupart des hommes sont rebelles à Dieu et agissent en rebelles, mais parce que tous n'ont pas des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. La foi a un rôle à jouer à côté de l'élection, mais ce rôle est second, comme cela ressort clairement de cette parole de Jésus-Christ: C'est la volonté de mon Père que je ne perde rien de ce qu'il m'a donné, car sa volonté est que quiconque croit au Fils ne périsse pas (Jn 6). ...

 

11 (...) La même chose est vraie des réprouvés. Car si Dieu fait miséricorde à ses élus par son libre choix, le rejet des réprouvés n'a pas non plus d'autre cause que sa volonté. Lorsque l'Écriture dit que Dieu endurcit les cœurs ou fait miséricorde selon son plaisir, elle nous avertit de ne pas chercher de raisons en dehors de sa volonté. ...

 

Réfutation des calomnies opposées à cette doctrine 

1 (...) Beaucoup de gens sous prétexte de défendre l'honneur de Dieu, acceptent l'idée de l'élection, mais nie qu'il y ait des réprouvés. Cette attitude est puérile et absurde, car l'élection n'existe que par rapport à la réprobation. ... Ceux que Dieu n'élit pas restent réprouvés, pour la seule raison que Dieu veut les exclure de l'héritage qu'il a par avance destiné à ses enfants. ... Ceux qui refusent d'admettre que Dieu rejette une partie des hommes ne sauraient se débarrasser de cette parole du Christ: tout arbre que mon Père n'aura pas planté sera arraché (Mt 15). ... Mais s'ils ne cessent pas leurs clameurs notre foi se trouvera bien d'écouter l'apôtre Paul, quand il nous dit que ... Dieu ... supporte avec patience et douceur les instruments de colère destinés à la perdition, et qu'il montre les richesses de sa gloire envers les vases de miséricorde qu'il a préparé pour la gloire (Ro 9). ...

 

2 (...) Dans leur déraisons, les hommes charnels intentent plusieurs procès à Dieu, comme s'il était tenu de se défendre contre leurs accusations. Ils demandent d'abord de quel droit Dieu se courrouce contre des créatures qui n'ont commis nulle faute contre lui. Condamner arbitrairement relève, disent-ils, de la cruauté d'un tyran et non de l'équité d'un juge. Car il leur semble que les hommes ont le droit de se plaindre de Dieu si de sa propre volonté, sans qu'ils l'aient mérité, il les prédestine à la mort éternelle. ... Mais la volonté de Dieu étant la norme parfaite et souveraine de la justice, tout ce qu'il veut doit être tenu pour juste, par la seule raison qu'il le veut. Si donc on nous demande: Pourquoi Dieu a-t-il agi ainsi? nous répondrons: parce qu'il l'a voulu. ...

 

3 (...) Si quelqu'un nous attaque par cette question: pourquoi Dieu a-t-il prédestiné à la mort certains hommes qui, n'étant pas encore nés, ne pouvaient l'avoir mérité? nous lui demanderons à notre tour en quoi Dieu doit des comptes à l'homme lorsqu'il le juge d'après sa propre nature humaine. ... Puisque tous ceux que Dieu prédestine à la mort méritent par nature d'être condamnés à mort, de quelle injustice peuvent-ils se plaindre? ...

 

4 Mais on revient à la charge: n'est-ce pas l'ordonnance par laquelle Dieu les a prédestinés à la corruption qui est maintenant invoquée pour les condamner? Dieu n'est-il pas donc injuste, de se jouer si cruellement de ses créatures? ... A quoi nous répondrons avec saint Paul: «O homme, qui es-tu pour entrer en contestation avec Dieu?». Le vase demande-t-il au potier qui l'a fait pourquoi il l'a ainsi façonné: «Le potier n'est-il pas maître de son argile pour faire de la même pâte, tel vase d'usage noble, tel autre d'usage sordide?» (Ro 9). ... L'apôtre ... a voulu montrer que la justice de Dieu est trop haute et trop parfaite pour pouvoir être réduite à la mesure humaine ou pour trouver place dans l'exiguïté de l'intelligence des hommes. ...

 

6 Les impies présentent un seconde objection, qui vise moins à accuser Dieu qu'à excuser le pécheur. ... Pourquoi, disent-ils, Dieu ferait-il grief aux hommes des vices qui leur ont été imposés par sa prédestination? ... Si l'homme a été créé tel qu'il a été ensuite contraint de faire tout ce qu'il fait, on ne saurait l'incriminer pour des actes qu'il ne peut éviter et auxquels il est astreint par la volonté de Dieu. Voyons comment cette difficulté peut-être résolue. Commençons par nous accorder sur cette affirmation de Salomon: Dieu a créé chaque chose pour sa propre fin, et le méchant pour sa perdition (Pr 16/4). Dés lors, et puisque toute chose est dans la main de Dieu, qu'il en dispose souverainement et que la décision du salut ou de la mort repose en lui, il ordonne librement les choses de telle sorte que certains soient dès le ventre de leur mère destinés à la mort éternelle afin que son nom soit glorifié en leur perdition. ...

 

9 (...) Les réprouvés voudraient que leurs péchés soient excusables parce qu'ils sont soumis à la nécessité de pécher, d'autant plus que cette nécessité est d'ordonnance divine. Je nie que cela constitue une excuse, puisque cette ordonnance de Dieu est équitable. Quoique inconnue de nous, cette équité n'en est pas moins certaine. ... Car s'il est vrai que l'homme créé par l'éternelle providence de Dieu devait nécessairement tomber dans la misère où il se trouve, c'est en lui seul qu'il a puisé la matière de sa déchéance et non en Dieu. ...

 

10 Les adversaires de la prédestination articulent contre elle une troisième calomnie absurde. ... Ils prétende que par l'élection gratuite Dieu fait acception de personne. ... Il demandent comment il se fait que, de deux hommes que nul mérite ne distingue l'un de l'autre, Dieu laisse l'un et choisit l'autre. Mais je leur demande à mon tour s'ils pensent que celui qui est élu ait en lui quelque chose qui puisse incliner le cœur de Dieu à l'aimer. Si, comme ils y sont obligés, ils avouent qu'il n'y a rien de tel, il s'ensuivra que Dieu n'a pas égard à l'homme, mais qu'il tire de sa propre bonté le bien qu'il lui fait. Quel Dieu élise l'un et rejette l'autre ne provient donc pas de ce qu'il y a dans l'homme, mais de sa seule miséricorde, qu'il est libre de manifesté où bon lui semble et quand bon lui semble. ...

 

12 Un dernier argument fallacieux est que si elle est admise, la prédestination détruirait tout effort et tout soucis de moralité. Qui, nous dit-on, en apprenant que sa mort ou que sa vie a déjà été arrêtée par la décision irrévocable de Dieu, ne conclura pas aussitôt qu'il peut se conduire comme il veut? ... Mais Paul nous enseigne au contraire que le but de notre élection est que nous soyons saint et sans défaut devant Dieu (Ep 1). Si le but de l'élection est de nous faire vivre sainement, loin de nous être prétexte à la nonchalance elle nous stimulera à la sainteté. Comme il serait paradoxal d'être indifférent au bien sous prétexte que l'élection suffit au salut, puisque l'homme est élu précisément en vue de pratiquer le bien!...

 

L'élection est attesté par la vocation 

1 Pour mieux élucider la question il convient de parler ici de l'appel, ou de la vocation, des élus ainsi que de l'aveuglement et de l'endurcissement des réprouvés. ... Dieu manifeste par la vocation qu'il adresse à ses élus la grâce qu'il tenait auparavant cachée en lui-même. On peut donc dire qu'en appelant il déclare le choix qu'il a fait. Car il a connu d'avance ceux qu'il a prédestinés à être semblable à l'image de son Fils. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés il les a justifié pour qu'ils soient en leur temps glorifiés (Ro 8). Bien que les choisissant le Seigneur ait adopté les siens pour ses enfants, nous voyons qu'ils ne prennent possession de leur héritage que lorsqu'il les appelle; mais dès qu'ils sont appelés, ils jouissent des bienfaits de l'élection. ... En associant la vocation à l'élection, l'Écriture montre bien que la vocation ne dépend de rien d'autre que de la miséricorde gratuite de Dieu. Car si nous demandons qui il appelle et pourquoi, l'Écriture répond: ceux qu'il a élus. Et quand nous remontons jusqu'à l'élection, nous ne voyons de toute part que la miséricorde de Dieu. ...

 

3 Il nous faut éviter deux erreurs. Certains font de l'homme un collaborateur de Dieu qui rend l'élection efficace en l'acceptant. Cela revient à subordonner la décision de Dieu à la volonté de l'homme. Comme si l'Écriture disait que Dieu nous donne seulement la possibilité de croire, et non que la foi elle-même est pleinement un don de Dieu! D'autres, je ne sais par quelle raison poussés, font dépendre l'élection de la foi, comme s'il n'y avait rien de ferme et d'assuré jusqu'à ce que l'on croie. Or il est bien vrai que la foi confirme l'élection et que la décision, auparavant secrète, de Dieu, nous est ainsi dévoilée, mais il nous faut nous garder d'aller au-delà de ce que nous avons déjà dit, à savoir que l'adoption de Dieu, qui nous était inconnue, est manifestée et authentifiée par la foi. Ce serait une contre-vérité d'affirmé que l'élection reçoit sont efficacité lorsque nous acceptons l'Évangile et que c'est notre adhésion qui lui confère son efficacité. Quant à nous, c'est dans son Évangile que nous devons trouver la certitude de l'élection, car si nous tentions de pénétrer jusqu'au décret éternel de Dieu, nous nous engloutirions dans un abîme. Mais lorsque Dieu nous a révélé que nous sommes parmi ses élus, il faut lever les yeux en haut de peur que l'effet n'ensevelisse la cause. Car lorsque l'Ecriture nous dit que Dieu nous a donné l'illumination de la foi parce qu'il nous avait préalablement élus, il serait absurde de nous laisser éblouir par cette illumination au point d'oublier notre élection. ...

 

5 Si nous cherchons la clémence paternelle de Dieu et sa bienveillance envers nous, nous devons tourner les yeux vers le Christ, en qui repose la joie du Père (Mt 3/17). Si nous désirons le salut, la vie et l'immortalité, nous ne devons pas non plus chercher ailleurs, car lui seul est la source de la vie, l'ancre du salut et l'héritage du royaume des cieux. Vers quel but en effet tend l'élection, sinon que, étant adoptés par Dieu comme ses enfants, nous obtenions par sa grâce le salut et l'immortalité? ... Le Christ est le miroir où il nous appartient de contempler notre élection, et ce miroir ne saurait nous mentir. ...

 

6 (...) Si nous voulons savoir si Dieu se soucie de notre salut, demandons-nous s'il nous a remit au Christ, auquel il a donné en garde tous ceux qui lui appartiennent. Si nous sommes inquiets de savoir si le Christ nous a acceptés en sa tutelle, il apaise notre inquiétude en se présentant à nous comme le bon berger et en déclarant qu'il nous mettra au nombre de ses brebis si nous entendons sa voix. Accueillons donc Jésus-Christ, puisqu'il vient à nous avec tant de douceur et s'avance pour nous recevoir. Nu doute qu'il nous fera place dans son troupeau et nous gardera dans son bercail. ...

 

7 On m'objectera qu'il arrive chaque jour que des hommes qui paraissaient appartenir au Christ trébuchent et perdent pied. ... C'est vrai, mais il est également vrai que ses hommes n'ont jamais été liés au Christ par l'assurance du cœur qui nous donne la certitude de notre élection. Ceux-là, dit saint Jean, sont sortis de chez nous, mais ils n'étaient point des nôtres. Car s'ils avaient été des nôtres ils seraient resté avec nous (1 Jn 2/19). ...

 

8 La parole du Christ, qu'il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus, est souvent mal comprise. Elle est sans ambiguïté si nous nous rappelons ... qu'il y a deux sortes d'appels. Il y a une vocation universelle, la prédication publique de l'Évangile, par laquelle le Seigneur appel à lui tous les hommes, même ceux pour qui cet appel doit être une odeur de mort (2 Co 2/16), et aggraver leur condamnation. Il y a d'autre part une vocation spéciale, qu'il destine, pour l'essentiel, aux seuls croyants, par laquelle il fait pénétrer sa parole dans leur cœur au moyen de la lumière intérieur de son Esprit. Il arrive pourtant que cette vocation soit adressée à des hommes qu'il éclaire pour un temps et qu'il abandonne ensuite, à cause de leur ingratitude, à un aveuglement plus grand qu'avant. ...

 

10 Cependant, les élus ne sont pas tous réunis au troupeau du Christ par la vocation du Seigneur dès le ventre de leur mère, ni au même moment, mais quand il plaît à Dieu de leur accorder sa grâce. Avant d'être convertis au souverain Berger, ils sont errants comme les autres, dispersés dans la dissipation universelle de ce monde; rien ne les distingue des autres, sinon que Dieu les préserve par une miséricorde spéciale de tomber dans l'abîme de la mort éternelle. ... S'il ne s'enfoncent pas dans une impiété désespérée, ce n'est pas en raison de quelque bonté naturelle mais parce que le Seigneur veille sur leur salut et étend sa main pour les y conduire. ...

 

11 (...) Retenons fermement ce que nous dit l'Écriture: nous avons été semblables à de pauvres brebis égarées, chacun descendant son propre chemin (Es 53/6), son chemin de perdition. Ceux que le Seigneur a décidé de retirer du gouffre, il les secourt à son heure, et jusque-là il les préserve de tomber dans le blasphème impardonnable.

 

12 De même que le Seigneur conduit au salut par son appel ceux qu'il a prédestinés de toute éternité, de même il exécute envers les réprouvés les jugements pour lesquels il les a réservé. Ceux-là donc qu'il a destinés à la mort éternelle pour qu'ils soient des instruments de sa colère et des exemples de sa sévérité, il les conduit à leur fin en les endurcissant; car il les prive de la possibilité d'entendre sa parole, ou il fait en sorte qu'en l'entendant ils soient confirmés dans leur aveuglement. ...

 

13 Pourquoi fait-il grâce à l'un en abandonnant l'autre? De ceux qui sont appelés, Luc dit qu'ils étaient destinés à la vie éternelle (Ac 13/48). Que penserons-nous alors des autres, sinon qu'ils sont des instruments de colère voués à la ruine? N'ayons pas honte de dire avec saint Augustin: Dieu pourrait à coup sûr convertir au bien la volonté des méchants, car il est tout-puissant. Il le pourrait, évidemment. Pourquoi donc ne le fait-il pas? Parce qu'il ne le veut pas. Cela est caché en lui. Car nous ne devons pas en savoir plus qu'il ne convient.

 

14 Il est certain que Dieu agit ainsi. Reste à savoir pourquoi. Si l'on répond que les hommes l'ont mérité par leur perversité et leur ingratitude, on aura fort bien répondu. Mais comme cela ne nous dit pas pourquoi le Seigneur courbe les uns à l'obéissance et fait persister les autres dans leur endurcissement, il faut bien nous rallier à ce que nous dit saint Paul citant le témoignage de Moïse à propos de Pharaon: il les a suscités dès l'origine afin de faire connaître son nom à toute la terre (Rm 9/17). Si les réprouvés résistent à la parole qui leur ouvre le Royaume, c'est à juste titre qu'on l'imputera à leur perversité, à condition que l'on ajoute que c'est un jugement équitable, mais incompréhensible, de Dieu qui les a suscités pour manifesté sa gloire dans leur condamnation. ... Acceptons avec patience de n'en pas comprendre la raison et devant la sublime hauteur de la sagesse de Dieu résignons-nous à ne pas tout savoir. ...

 

16 Mais on viendra me dire: s'il en est ainsi, les promesses de l'Évangile sont incertaines, puisque leur caractère universel est contredit par ce que Dieu a décidé en secret. Je regrette cette objection, car si nous envisageons les effets des promesses du salut, nous constatons que leur universalité n'est pas incompatible avec la prédestination des réprouvés. En effet, nous savons que les promesses de Dieu nous sont destinées uniquement quand nous les faisons nôtres par la foi; inversement, quand la foi est absente, elles sont abolies. Si telle est bien la nature des promesses, nous voyons qu'il n'y a aucune contradiction entre le fait que Dieu a choisit de toute éternité ceux qu'il voulait prendre en grâce et ceux qu'il voulait rejeter et le fait qu'il promet le salut à tous les hommes. J'affirme au contraire qu'il y a là une cohérence parfaite. Car les promesses de Dieu signifient que sa miséricorde est offerte à tous ceux qui le cherchent. Or nul ne la recherche sinon ceux qu'il a éclairés et il donne sa lumière à ceux qu'il a prédestinés au salut. Ceux-là expérimentent la vérité inébranlable de ses promesses. On peut donc affirmé qu'il n'y a aucune contradiction entre l'élection éternelle de Dieu et le fait qu'il manifeste sa grâce aux fidèles.

Mais pourquoi l'Évangile dit-il: tous les hommes? C'est afin que la conscience des fidèles soit apaisée en constatant qu'il n'est fait aucune différence entre les pécheurs dès lors qu'ils ont la foi; et que d'autre part les iniques ne se plaignent pas de n'avoir nul refuge où abriter leur misère, puisqu'ils s'en sont privés par leur propre ingratitude. Ainsi donc, alors même que la miséricorde de Dieu est offerte aux uns comme aux autres par l'Evangile, il n'y a que la foi, c'est-à-dire l'illumination de Dieu, qui distingue les fidèles des incrédules, de sorte que les premiers jouissent des bienfaits de l'Évangile, tandis que les seconds n'en tirent aucun profit. Or cette illumination est régie par l'élection éternelle de Dieu. ...

Nos contradicteurs répliquent que rien n'est moins conforme à la volonté de Dieu que d'avoir deux volontés. Je le leur accorde, à condition qu'ils tirent de cette affirmation des conséquences correct. ... La conclusion que j'ai déjà formulée me paraît répondre à l'objection: bien que pour nos sens il y ait une apparente diversité dans la volonté de Dieu, il ne veut pas cependant telle et telle chose en elle-même. Ce qu'il veut, c'est que nous soyons émerveillés, selon les termes de saint Paul, de l'infinie diversité de sa sagesse, jusqu'à ce qu'il nous soit donné de comprendre, au dernier jour, de quelle manière admirable il veut ce qui semble aujourd'hui contraire à son vouloir. Nos adversaires ont encore recours à des arguties qui ne méritent pas de réponse. Puisque Dieu, disent-ils, est Père de tous, il n'est pas juste qu'il déshérite aucun de ses enfants, sinon ceux qui par leur propre faute se sont rendus indignes du salut. Qui ne sait, ajoutent-ils, que la bonté de Dieu s'étant jusqu'aux chiens et aux pourceaux? Tenons-nous en au genre humain. Qu'ils me disent pourquoi Dieu a choisit un seul peuple pour s'allier à lui, pour être son Père, à l'exclusion des autres peuples; et pourquoi de ce peuple qu'il s'est choisi il ne s'est réservé qu'un petit nombre, la fleur de tous, pour ainsi dire.

Dernières objections: Dieu, dit-on, ne hait rien de ce qu'il a fait. Je peux l'accorder sans m'écarter de ma doctrine, puisque les réprouvés sont haïs de Dieu, et à bon droit, parce qu'étant privés de son Esprit ils ne peuvent rien faire qui ne mérite malédiction. On dit encore que la grâce de Dieu est pour tous les hommes indifféremment, puisqu'il n'y a aucune différence entre le juif et le païen. Je l'accorde à nouveau, mais dans le sens où l'entend Paul, c'est-à-dire que Dieu appelle, non seulement d'entre les Juifs mais d'entre les païens (Rm 9/24), qui bon lui semble, sans avoir d'obligation envers quiconque. Nous ferons la même réponse aux objections tirées d'un autre texte qui dit que Dieu a tout enclos sous le péché afin d'avoir pitié de tous (Rm 11/32). Oui bien, mais parce qu'il veut que le salut de tous les sauvés soit attribué à sa miséricorde, quoique ce bienfait de soit pas accordé à tous les hommes. Quand on aura bien débattu et échangé tous les arguments, il faudra bien conclure en nous émerveillant avec saint Paul: laissant les langues débridées répandre leurs sarcasmes nous n'aurons pas honte de nous écrier: O homme, qui es-tu pour contester Dieu (Rm 9/20)? Car saint Augustin dit très justement de ceux qui mesurent la justice de Dieu à l'échelle de la justice humaine font preuve de beaucoup de perversité.

 

A Christ seul soit la Gloire

 

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