Identité de Rhéa ou Cybèle et de Vénus

Dans la doctrine ésotérique de la Grèce et de Rome, les caractères de Cybèle mère des dieux, et de Vénus, déesse de l'amour, sont généralement très distincts, de telle manière que quelques personnes trouveront peut-être fort difficile d'identifier ces deux divinités. Mais cette difficulté disparaîtra si l'on considère le principe fondamental des mystères, c'est-à-dire qu'au fond, ils reconnaissaient seulement Adad, le Dieu unique Adad étant Triun, cela donna lieu, au moment où le mystère babylonien d'iniquité se forma, à trois formes différentes de la divinité : le père, la mère et le fils ; mais toutes les divinités multiformes dont abondait le monde païen, malgré leurs diversités se résolvaient au fond en autant de manifestations de l'une ou l'autre de ces personnes divines ou plutôt en deux, car la première personne était généralement reléguée à l'arrière-plan. Nous avons des preuves certaines qu'il en était ainsi. Apulée nous dit (vol. I, p. 995-996), "que lorsqu'il fut initié, la déesse Isis se révéla à lui, comme la première des créatures célestes et la manifestation uniforme des dieux et des déesses : c'était la seule divinité que toute la terre adorât sous une forme multiple dans des rites variés, et sous des noms différents", puis il passe en revue plusieurs de ces noms ; "elle s'appelait elle-même, dit-il, Pessinuntica, la mère des dieux, (c'est-à-dire Cybèle), et Vénus de Paphos" (ibid. p. 997). Or, comme tel était le cas dans les derniers âges des Mystères, il doit en avoir été de même au commencement, car ils se répandirent partout, et ils doivent nécessairement s'être ainsi répandus avec la doctrine de l'unité de la Divinité. Ce fait devait naturellement produire une grande absurdité et une grande inconséquence dans le cas dont nous parlons. Wilkinson et Bunsen, pour échapper aux inconséquences qu'ils rencontrent dans le système Égyptien, ont cru devoir recourir à une explication qui au fond est la même que la mienne. Ainsi Wilkinson nous dit :

"J'ai montré que Amunre et d'autres dieux prirent la forme de différentes divinités qui tout en présentant à première vue quelque difficulté, peuvent aisément s'expliquer, quand nous considérons que chacune de celle dont on adoptait les figures ou les emblèmes n'était qu'une émanation ou un attribut déifié du même Grand Être auquel on attribuait différents caractères, suivant les diverses fonctions qu'il était censé remplir." (WILKINSON, vol. IV, p. 245). La déclaration suivante de Bunsen tend au même but : "Avec ces prémisses nous croyons pouvoir conclure que les deux séries de dieux étaient à l'origine identiques, et que dans le grand couple des dieux, tous ces attributs étaient concentrés ; c'est de leur développement que sortit dans des personnifications diverses, ce système mythologique que nous avons déjà considéré." (BUNSEN, vol. I, p. 418).

Tout ceci nous expliquera l'identité de Cybèle et de Vénus ou Astarté. Au fond, il n'y avait qu'une déesse, le Saint-Esprit, représenté comme femelle quand la distinction des sexes fut injurieusement attribuée à la Divinité, par une perversion de la grande idée scripturaire que tous les enfants de Dieu sont enfantés par le Père et nés de l'Esprit ; et avec cette idée, l'Esprit de Dieu comme Mère était représenté sous la forme d'une colombe, en mémoire de ce fait que cet Esprit, à la création, flottait (c'est là le sens exact de l'expression originale, Genèse I, 2) à la surface des eaux. Cette déesse donc s'appelait Ops, celle qui flotte, ou Junon, la colombe, ou Khubelé, celle qui attache avec des cordes ; ce dernier titre se rapportait "aux liens d'humanité, aux cordages d'amour" (appelés dans Osée (Osée XI, 4), "Khubeli Adam"), par lesquels non seulement, Dieu attire sans cesse les hommes à lui, dans sa bonté providentielle, mais aussi par lesquels Adam, notre premier père, était étroitement uni à Dieu par l'Esprit qui demeurait en lui, tandis que l'alliance d'Éden était détruite. Ce sujet est minutieusement décrit dans l'histoire païenne et les preuves de nos affirmations sont abondantes ; mais je ne puis m'y étendre ici. Remarquons seulement que les Romains joignaient les deux termes de Junon et de Khubèle, ou comme on le prononce d'ordinaire, Cybèle ; à certaines occasions, ils invoquaient leur déesse suprême sous le nom de Juno Covella, (STANLEY, Philosophie, p. 1055), c'est-à-dire "la colombe qui lie avec des cordes". Dans Stace, (liv. V, Sylv., 1- V, 222, apud BRYANT, vol. III, p. 325), nous trouvons le nom de Cybèle donné à la grande déesse :

Italo gemitus Almone Cybèle

Ponit, et Idaeos jam non reminiscitur amnes.

Si le lecteur considère, dans Layard, l'emblème Triun de la divinité suprême des Assyriens, il verra que cette idée même est visiblement symbolisée. Les ailes et la queue de la colombe ont au lieu de pieds des bandelettes juxtaposées (LAYARD, Ninive et ses ruines, vol. II, p. 418 ; voir aussi figure 61 d'après BRYANT, vol. II, p. 216 et KITTO, Encyc. Bib, vol. I, p. 425). Quant aux événements qui se rattachent à la chute une nouvelle idée s'attacha au nom de Cybèle. Khubel signifie non seulement attacher avec des cordes, mais aussi être en travail d'enfant ; et dès lors Cybèle apparut comme la mère des dieux par laquelle tous les enfants de Dieu doivent être enfantés de nouveau ou régénérés. Mais pour cela il était indispensable qu'il y eût une union tout d'abord avec Rhéa, celle qui contemple, la mère humaine des dieux et des hommes, afin que le mal qu'elle avait causé pût être réparé. De là l'identité de Cybèle et de Rhéa qui dans tous les Panthéons, n'étaient que deux noms différents de la même déesse (LEMPRIERE, Dictionnaire classique, sub voce), bien que (nous l'avons vu) ces déesses fussent en réalité entièrement distinctes. Ce même principe fut appliqué à toutes les autres mères divinisées. Elles furent déifiées seulement à cause de leur identité miraculeuse avec Junon ou Cybèle, en d'autres termes, avec l'Esprit de Dieu. Chacune de ces mères avait sa propre légende et son culte spécial ; mais comme dans tous les cas elle était regardée comme une incarnation du seul Esprit de Dieu, comme la grande mère de tous, les attributs de ce seul Esprit étaient toujours censés lui appartenir. Tel était donc le cas pour cette déesse reconnue comme Astarté ou Vénus, aussi bien que pour Rhéa. Bien qu'il y eût des points de différence entre Cybèle ou Rhéa, et Astarté ou Mylitta, la Vénus d'Assyrie, Layard montre qu'il y avait aussi des points distincts de contact entre elles. Cybèle ou Rhéa était renommée pour sa couronne de tours. Mylitta ou Astarté était représentée avec une couronne semblable (LAYARD, Ninive, vol. II, p. 456). Cybèle ou Rhéa était traînée par des lions. Mylitta ou Astarté, était représentée comme debout sur un lion (ibid.). Le culte de Mylitta ou Amtarté n'était qu'un amas de pollutions morales. (HÉRODOTE, liv. I, ch. 99, p. 92). Le culte de Cybèle sous le non de Terre, était absolument le même (AUGUSTIN, De Civitate Dei, liv. VI, tome IX, ch. 8, p. 203).

Fig. 61


La première femme déifiée fut sans aucun doute Sémiramis, comme le premier homme déifié fut son mari. Mais il est évident que cette déification n'eut lieu qu'après la formation des mystères car ce n'est qu'après sa mort que Sémiramis fut divinisée et adorée sous la forme d'une colombe.

Quand donc les mystères furent d'abord composés, les actions d'Ève qui par ses relations avec le serpent, amena la mort, doivent y avoir nécessairement occupé une certaine place ; car le mystère du péché et de la mort se rencontre à la base de toutes les religions et à l'époque de Sémiramis et de Nemrod, de Sem et de Ham, tous les hommes doivent avoir été au courant des faits de la chute. Tout d'abord le péché d'Ève fut admis dans toute sa gravité (autrement les hommes auraient été scandalisés, surtout quand la conscience générale fut réveillée par le zèle de Sem), mais quand une femme fut déifiée, la forme revêtue par l'histoire mystique montre que ce péché était atténué, et même qu'il changeait de véritable caractère, et par une perversion du nom donné à Ève, la mère de tous les vivants, c'est-à-dire de tous les régénérés (voir note (1)), elle fut glorifiée comme l'auteur de la vie spirituelle, et sous le nom de Rhéa, reconnue comme mère des dieux. Or, ceux qui travaillaient au développement du mystère d'iniquité n'eurent pas de peine à montrer que ce nom de Rhéa approprié tout d'abord à la mère de l'humanité était aussi approprié à celle qui était la mère des dieux, c'est-à-dire, de tous les mortels divinisés. Rhéa, au sens actif, veut dire la femme qui contemple, mais au passif, il veut dire la femme qu'on regarde, c'est-à-dire la beauté (1). Ainsi sous une seule expression la mère de l'humanité et la mère des dieux païens, soit Sémiramis, se trouvaient réunies ; tellement qu'aujourd'hui Rhéa est généralement reconnue comme la mère des dieux et des hommes, (HÉSIODE, Théogonie, v. 453, P. 36). Il ne faut donc pas s'étonner que Rhéa soit appliqué à celle que les Assyriens adoraient comme Vénus ou Astarté.

1. Dans Esther II, 9, le pluriel de Rhéa est usité dans le sens de beau et appliqué aux jeunes suivantes d'Esther. Vulgate et Parkhurst le traduisent par speciosissimas.

Appendice

Note H, p. 117

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