La fonction de Pontifex Maximus

Or, c'était précisément à cette époque, alors que l'ancien paganisme fut supprimé, 346

que la doctrine de la régénération baptismale qui avait déjà agi auparavant dans l'Église chrétienne, menaçait de s'étendre comme un déluge sur la surface de l'empire romain (15). Ce fut alors précisément que notre Seigneur Jésus-Christ commença à être appelé populairement Ichthys, c'est-à-dire le poisson (16) : il est évident qu'on l'identifiait ainsi avec Dagon. À la fin du IVe siècle, et depuis cette époque, on enseignait que celui qui avait été plongé dans les fonts baptismaux était par là né de nouveau, et rendu blanc comme la neige. Ce fleuve ne sortait pas seulement de la bouche de Satan, l'ancien serpent, mais aussi de la bouche de celui qui fut plus tard reconnu par les païens de Rome comme le chef visible de l'ancien paganisme Romain.

Quand le culte romain du feu fut détruit, nous l'avons vu, la fonction de Pontifex Maximus, chef du paganisme, fut abolie. Ce fut là la blessure mortelle de la tête du dragon de feu. Mais à peine avait-il reçu cette blessure qu'il fut bientôt guéri. Peu d'années après l'abolition du titre païen de Pontifex, ce titre fut rétabli, et cela par l'empereur même qui l'avait aboli ; il fut donné de nouveau, avec toutes les idées païennes qui s'y rattachaient, à l'évêque de Rome lui-même (17). Dès lors ce dernier fut l'agent principal qui répandit dans la chrétienté tout d'abord la doctrine funeste de la régénération par le baptême, et ensuite toutes les autres doctrines qui dérivaient de l'ancienne Babylone. Quand ce titre païen fut donné à l'évêque de Rome, ce ne fut pas comme un simple titre d'homme, mais comme un titre auquel se rattachait un pouvoir formidable. Des évêques, et même des métropolitains d'églises étrangères, dans de vastes régions de l'Occident, en Gaule comme en Italie, étaient soumis à l'autorité de l'évêque de Rome sous ce nouveau caractère de Pontifex, quand il était escorté de cinq ou six autres évêques qui étaient ses conseillers ; et il infligeait des peines civiles à ceux qui ne se soumettaient pas aux décisions pontificales (18). Le danger était grand pour la cause de la vérité et de la justice quand un pareil pouvoir était décerné par l'autorité impériale à l'évêque Romain, et cela, à un évêque si désireux de se livrer à la propagation de cette fausse doctrine.

Quelque formidable que fût le danger, la véritable Église, la fiancée, l'épouse de l'Agneau (et tant qu'elle se trouvait dans les limites de l'empire occidental) en fut merveilleusement préservée. Cette église fut pour un temps sauvée du péril, non seulement par les montagnes où beaucoup de ses membres dévoués trouvèrent un asile comme Jovinien, Vigilance, les Vaudois, et d'autres qui demeurèrent fidèles dans les régions sauvages des Alpes cottiennes, et dans d'autres pays isolés de l'Europe, mais aussi par une merveilleuse intervention de la Providence divine. Nous trouvons une allusion à cette intervention dans ces paroles : "La terre ouvrit sa bouche, et engloutit le fleuve que le Dragon avait jeté de sa gueule." (Apocalypse XII, 16). Que veut dire ce symbole de la terre qui ouvre sa bouche ! Dans le monde naturel, quand la terre ouvre sa bouche, il y a un tremblement de terre, et un tremblement de terre dans le langage figuré de l'Apocalypse, comme chacun le sait signifie précisément une commotion politique. Or, si nous examinons l'histoire de la période qui nous occupe, nous verrons que le fait s'accorde exactement avec la prophétie ; bientôt après que l'évêque de Rome fut devenu pontife, et comme pontife eut si ardemment travaillé à introduire le paganisme dans l'Église, ces convulsions politiques commencèrent dans l'empire Romain et ne cessèrent jamais que lorsque le tissu de cet empire se déchira, et fut mis en pièces. Cependant le pouvoir spirituel de la papauté aurait pu être fermement établi sur toutes les nations de l'Occident longtemps avant le jour où il le fut en réalité. Il est évident qu'aussitôt après que Damasus, l'évêque Romain, eut reçu le pouvoir pontifical, l'apostasie prédite à l'égard de l'évêque de Rome (I Timoothée IV, 3) se développa largement. C'est alors qu'il fut défendu aux hommes de se marier (19), et qu'on leur ordonna de s'abstenir de viandes (20). Alors, avec une fausse doctrine de péché, on inculqua aussi une sainteté factice ; on amena les hommes à croire que ceux qui étaient baptisés étaient aussi nécessairement régénérés. Si l'empire romain d'Occident était demeuré sous un seul chef civil qui l'aurait soutenu, l'évêque de Rome aurait bientôt infecté toutes les parties de l'empire de la corruption païenne qu'il s'était évidemment donné pour mission de propager.

Si l'on considère la cruauté (21) avec laquelle Jovinien et tous ceux qui s'opposaient aux doctrines païennes concernant le mariage et l'abstinence étaient traités par le pontife de Rome sous la faveur de la puissance impériale, on verra aisément combien les suites auraient été funestes à la cause de la vérité dans l'empire d'Occident, si cet état de choses eût suivi son cours naturel. Mais le puissant chef de l'Église intervint. La révolte des Goths et le sac de Rome par Alaric, en 410, imprimèrent à l'empire Romain cette secousse nécessaire qui se termina vers 476, par la destruction complète et l'anéantissement de la puissance impériale. Bien que par suite de la tactique déjà inaugurée, l'évêque de Rome fut formellement reconnu par un édit impérial de 445 comme le chef de toutes les Églises de l'Occident, tous les évêques ayant reçu l'ordre "de garder et d'observer comme une loi tout ce qu'il lui plaisait d'ordonner ou de décréter (22)". Néanmoins, les convulsions de l'empire, et bientôt l'extinction de la puissance impériale elle-même, annulèrent, dans une large mesure les effets désastreux de cet édit. "La terre ouvrant sa bouche", en d'autres termes, la destruction de l'empire Romain et sa transformation en tant de souverainetés indépendantes, furent un bienfait pour la vraie religion, et empêchèrent le fleuve d'erreur et de corruption qui avait une source à Rome de couler aussi rapidement et aussi loin qu'il l'aurait fait sans elles. Lorsque tant de volontés différentes se furent substituées à la volonté unique de l'empereur, sur lequel s'appuyait le souverain pontife, l'influence de ce dernier fut profondément neutralisée. "Dans ces circonstances, dit Gieseler, parlant de l'influence de Rome dans les différents royaumes que forma l'empire en se divisant, dans ces circonstances, les papes ne pouvaient s'interposer directement dans les questions ecclésiastiques, et leurs rapports avec l'église établie du pays dépendaient en entier du plaisir royal (23)." La papauté surmonta enfin les effets du tremblement de terre, et les royaumes d'Occident furent entraînés dans ce fleuve d'erreur qui sortit de la gueule du dragon. Mais la chute du pouvoir impérial, qui développait si ardemment le despotisme spirituel de Rome, donna à la véritable église d'Occident une longue période de liberté relative qu'elle n'aurait point obtenue sans cela. Sans les Goths et les Vandales sans les convulsions politiques qui accompagnèrent leur invasion, les époques ténébreuses seraient venues plus tôt, et les ténèbres auraient été plus épaisses.

Ces peuplades furent suscitées pour punir une communion apostate, mais non pour persécuter les Saints du Très Haut, bien que ceux-ci puissent avoir souffert parfois dans la détresse commune. La main de la Providence peut se voir aisément dans ce fait, qu'à un moment si critique la terre ouvrit sa bouche pour secourir la femme. Mais revenons-en à la période mémorable où le titre pontifical fut décerné à l'évêque de Rome. Les circonstances dans lesquelles ce titre païen fut donné au pape Damasus étaient de telle nature qu'elles n'auraient pas été une légère épreuve pour la foi et pour l'intégrité d'un homme plus fidèle que lui. Le paganisme était légalement aboli dans l'empire d'Occident, et cependant il existait encore dans la ville aux sept collines, à ce point que Jérôme, écrivant de Rome à cette même époque, l'appelle le cloaque de toutes les superstitions (24). Aussi, tandis que partout dans l'empire l'édit impérial sur l'abolition du paganisme était respecté, dans Rome même, il était dans une large mesure, comme une lettre morte. Symmaque, préfet de la ville, et les familles patriciennes les plus distinguées, étaient, aussi bien que la masse du peuple, fanatiquement dévouées à l'ancienne religion ; aussi l'Empereur reconnut qu'en dépit de la loi, il fallait tolérer l'idolâtrie des Romains.

Le lecteur pourra juger par les lignes suivantes de Gibbon, à quel point le paganisme était encore enraciné dans la cité impériale, même lorsque le feu de Vesta se fut éteint et qu'on eut retiré aux Vestales l'appui de l'État : "La statue et l'autel de la Victoire furent retirés de l'édifice du Sénat ; mais l'Empereur respecta les statues des dieux exposées à la vue du public ; quatre cent vingt-quatre temples ou chapelles furent encore laissés pour satisfaire la dévotion du peuple, et dans chaque quartier de Rome la délicatesse des chrétiens était offensée par la fumée des sacrifices offerts aux idoles (25)." — Telle était la puissance du paganisme à Rome, même alors que le patronage de l'état lui était retiré, vers l'année 376. Mais transportez-vous seulement à cinquante ans plus tard, et voyez ce qu'il est devenu. Le nom du paganisme a presque entièrement disparu ; à ce point que le jeune Théodose, dans un édit rendu en l'an 423, s'exprime en ces termes : "Les païens qui existent encore, bien que nous croyons qu'il n'y en ait plus un seul aujourd'hui (26)." - Les paroles de Gibbon sur ce sujet sont bien remarquables. Tout en admettant entièrement que malgré les lois impériales contre le paganisme, aucune "condition spéciale" n'était imposée aux sectaires qui recevaient avec confiance les fables d'Ovide, et repoussaient avec obstination les miracles de l'Évangile, il témoigne sa surprise de la rapidité avec laquelle les Romains passèrent du paganisme au christianisme. La ruine du paganisme, dit-il (et il donne pour date, de 378, année où l'évêque de Rome fut fait pontife, à 395), la ruine du paganisme à l'époque de Théodose est peut-être le seul exemple de l'extirpation d'une superstition ancienne et populaire ; et on peut dès lors le considérer comme un événement extraordinaire de l'histoire de l'esprit humain. Après avoir parlé de la conversion rapide du Sénat, il ajoute : "L'exemple édifiant de la famille Anicienne (en embrassant le christianisme), fut bientôt suivi par le reste de la noblesse. Les citoyens qui vivaient de leur industrie, et la populace qui subsistait au moyen des libéralités publiques, remplissaient les églises de Latran et du Vatican d'une foule incessante de dévots prosélytes. Les décrets du Sénat qui proscrivaient le culte des idoles étaient ratifiés par le consentement général des Romains ; la splendeur du Capitole fut effacée et les temples déserts abandonnés à la ruine et au mépris ; Rome se soumit au joug de l'Évangile... La génération qui apparut dans le monde après la promulgation des lois impériales, fut élevée dans le sein de l'Église Catholique, et la chute du paganisme fut si rapide et cependant si douce, que 28 ans seulement après la mort de Théodose (l'aîné), l'oeil du législateur n'en distinguait plus les traces (27)." -

Or, comment expliquer cette grande et soudaine révolution ? La Parole de Dieu avait-elle eu un libre cours ? Avait-elle été glorifiée ? Alors que signifie le nouvel aspect que l'Église Romaine commence maintenant à prendre ? Le paganisme se révèle à l'intérieur de l'Église dans la même proportion qu'il a disparu de l'extérieur. Les vêtements païens des prêtres, les fêtes païennes pour le peuple, les doctrines et les idées païennes de toute espèce dominent partout (28). Le témoignage du même historien qui a parlé d'une manière si concluante de la rapide conversion des Romains à la profession de l'Évangile, n'est pas moins décisif à cet égard. Dans son tableau de l'Église Romaine sous le titre de "Introduction des rites païens", il s'exprime ainsi : "Comme les objets de religion étaient graduellement rabaissés aux besoins de l'imagination, on introduisit les rites et les cérémonies qui paraissaient devoir frapper le plus puissamment les sens de la foule. Si, au commencement du Ve siècle, Tertullien ou Lactance était tout à coup ressuscité pour assister à la fête de quelque saint populaire, il aurait été muet d'étonnement ou d'indignation devant ce profane spectacle succédant au culte en esprit et en vérité d'une congrégation chrétienne. Voici qu'on a ouvert toute large la porte de l'Église. Ce qui le frappe, c'est la fumée de l'encens, le parfum des fleurs, l'éclat des lampes et des cierges qui brillent en plein midi : une pareille lumière n'est-elle pas superflue, bien plus, sacrilège (29) ?" Gibbon donne des détails plus concluants encore. Maintenant peut-on croire que tout cela fut accidentel ? Non ; c'était évidemment le résultat de cette politique sans principes dont nous avons vu, dans le cours de nos recherches, beaucoup d'exemples fournis par la papauté (30).

Le pape Damasus vit que dans une cité adonnée exclusivement à l'idolâtrie, s'il maintenait l'Évangile pur et entier, il devait porter la croix, affronter la haine, le mauvais vouloir, "endurer la peine comme un bon soldat de Jésus-Christ". D'un autre côté, il ne pouvait s'empêcher de voir également, que si en portant ce titre, autour duquel pendant tant de siècles s'étaient groupées toutes les espérances et les affections du paganisme, il donnait à ses sectateurs des raisons de penser qu'il voulait agir sur l'esprit original de ce titre, il pouvait compter sur la popularité, l'agrandissement et la gloire. Quelle alternative Damasus allait-il donc choisir ? L'homme qui entra à l'évêché de Rome comme un voleur et un larron sur les cadavres de cent de ses adversaires (31), ne pouvait point hésiter sur le choix qu'il avait à faire. Le résultat montre qu'il avait agi avec énergie ; et qu'en prenant le titre païen de pontife, il s'était décidé même en faisant le sacrifice de la vérité, à justifier ses prétentions à ce titre aux yeux des païens, en se donnant comme le représentant légitime de leur longue série de pontifes. Il est impossible de faire aucune autre supposition. Il est évident aussi que lui et ses successeurs furent acceptés sous cette forme par les païens, qui entrant par troupes dans l'Église Romaine et se groupant autour du nouveau pontife, ne changèrent pas leur credo ou leur culte, mais les apportèrent tous deux avec leur personne dans l'Église romaine.

Le lecteur a vu combien est parfaite et complète la copie de l'ancien paganisme Babylonien, qui, sous le patronage des papes, a été introduit dans l'Église

romaine. Il a vu que le Dieu, adoré par la papauté comme Fils du Très-Haut, n'est pas seulement, en dépit d'un commandement divin, adoré sous la forme d'une image, faite comme à l'époque du paganisme déclaré, par l'art et l'invention de l'homme, mais qu'on lui prête des attribut entièrement opposés à ceux qui appartiennent au Sauveur miséricordieux : ces attributs sont précisément ceux que l'on prêtait à Moloch, dieu du feu, ou Ala Mahozim, dieu des fortifications. Il a vu que vers l'époque où l'évêque de Rome fut décoré du titre païen de pontife le Sauveur commence à être appelé Ichthys, le poisson étant ainsi identifié avec Dagon le dieu-poisson (32), et que depuis, s'avançant pas à pas, suivant que les circonstances le permettaient, ce culte qui s'est introduit sous le nom de culte du Christ, a été exactement le culte de cette même divinité Babylonienne, avec tous ses rites, ses pompes et ses cérémonies, absolument comme dans l'ancienne Babylone. Enfin, il a vu que le souverain pontife de la prétendue Église chrétienne de Rome, a si bien développé le titre qui lui fut donné vers la fin du IVe siècle, que maintenant il a été décoré, comme il le fut pendant des siècles, du même nom blasphématoire décerné à l'origine aux pontifes Babyloniens (33).

Or, si le lecteur compare les circonstances dans lesquelles le pape s'est élevé à une si grande puissance et à des prérogatives si blasphématoires, avec une prophétie de Daniel, qui, faute d'une vraie explication, n'a jamais été bien comprise, je pense qu'il verra comment, dans l'histoire des papes, cette prédiction s'est littéralement accomplie. La prédiction dont je parle se rapporte à ce qu'on appelle ordinairement le roi volontaire, tel qu'il est décrit dans Daniel XI, 36, etc. Ce roi, pense-t-on généralement, est un roi qui s'élève à l'époque de l'Évangile dans la chrétienté, mais on suppose que c'était un anté-christ infidèle, s'opposant, non seulement à la vérité, mais à la papauté elle-même et à tout ce qui prend le nom de chrétienté. Mais maintenant qu'on lise la prédiction à la lumière des faits que nous avons passés en revue, et on verra combien le cas est différent : "Et le roi fera suivant sa volonté ; il s'élèvera, il s'agrandira au-dessus de tout dieu, il parlera insolemment contre le Dieu des dieux et prospérera jusqu'à ce que la colère de Dieu finisse ; car ce qui est arrêté s'accomplira. Il ne se souciera point des dieux de ses pères ni du désir des femmes, il n'aura aucun égard à aucun dieu, car il se glorifiera au-dessus de tous." (Daniel XI, 36). C'est ainsi que ces paroles donnent une description exacte de la papauté, avec son orgueil, avec son célibat et sa virginité obligatoires. Mais les paroles qui suivent, d'après le sens que les commentateurs leur ont donné, n'ont jamais pu s'accorder soit avec la théorie d'après laquelle il est ici question du pape, soit avec n'importe quelle autre. Traduisons-les donc littéralement et comparons-les avec l'histoire de la papauté ; alors tout sera clair, compatible, harmonieux. Le prophète inspiré a déclaré que, dans l'église du Christ, quelqu'un s'élèvera qui non seulement aspirera à une grande élévation, mais même l'atteindra de manière à faire suivant sa volonté ; et cette volonté sera entièrement opposée à toutes les lois divines et humaines.

Or, si ce roi doit être un prétendu successeur du pécheur de Galilée, voici la question qui se pose naturellement : comment pourrait-il jamais avoir le moyen de s'élever à un pareil pouvoir ? Les mots qui suivent répondent clairement à cette question : "Il n'aura aucun égard à aucun dieu (34), car il s'élèvera au-dessus de tout dieu. Mais en s'établissant, il honorera le dieu des fortifications (Ala Mahozim) et un dieu que ses pères ne connaissaient point, il l'honorera avec de l'or et de l'argent, des pierres précieuses et d'autres objets agréables. C'est ainsi qu'il se fera des enceintes fortifiées (35) pour le peuple d'un dieu étranger ; il le reconnaîtra, et accroîtra sa gloire ; il le fera dominer sur plusieurs et leur partagera le pays à prix d'argent." (Daniel XI, 37-39). Telle est la prophétie. Or, c'est précisément là ce que le pape fit. S'agrandir, tel a toujours été le principe de la papauté, et en s'établissant, c'était précisément le dieu des fortifications qu'il honorait. C'est le culte de ce dieu qu'il introduisit dans l'église romaine et, en agissant ainsi, il fit la forteresse même de son pouvoir de ce qui aurait été pour lui une source de faiblesse : il fit du paganisme même de Rome la citadelle de sa puissance. Quand une fois il fut prouvé que le pape voulait adopter le paganisme sous des noms chrétiens, les païens et les prêtres païens se montrèrent ses plus fervents et ses plus sérieux défenseurs. Et quand le pape chercha à dominer les chrétiens, quels hommes recommanda-t-il, quels hommes favorisa-t-il, pour leur donner accès aux honneurs et à la puissance ? Précisément ces hommes qui étaient le plus dévoués au culte de ce dieu étranger qu'il avait introduit dans l'église chrétienne ! La reconnaissance et l'intérêt personnel conspirèrent à cette élévation. Jovinien et tous ceux qui résistèrent aux idées et aux pratiques païennes furent excommuniés et persécutés (36).

Ceux-là seuls qui étaient attachés de coeur à l'apostasie (et personne ne pouvait l'être alors autant que les véritables païens), obtinrent faveur et avancement. Ces hommes furent envoyés de Rome dans toutes les directions, même jusqu'en Angleterre pour relever le paganisme : ils furent honorés de titres magnifiques ; des pays leur furent distribués, et tout cela pour accroître le bénéfice du siège épiscopal et faire arriver de tous côtés au pontife romain le denier de saint Pierre. Mais il est dit encore que le roi qui se glorifiait ainsi honorait un dieu que ses pères n'avaient point connu, avec de l'or, de l'argent et des pierres précieuses. Le principe sur lequel repose la transubstantiation est évidemment un principe babylonien, mais rien ne prouve que ce principe ait été appliqué comme il l'a été par la papauté. Il est certain, nous en avons la preuve, que jamais aucun dieu hostie semblable à celui qu'adore la papauté, n'a été adoré dans la Rome païenne. "Quel homme a jamais été assez insensé, dit Cicéron, pour se faire un dieu de l'aliment qui le nourrit (37) ?" Cicéron n'aurait pu parler ainsi, si le culte de l'hostie avait été établi à Rome. Mais ce qui était trop absurde pour les païens Romains n'est point absurde pour le pape. Cette hostie est enchâssée dans une boîte ornée d'argent et de pierres précieuses. Il est donc évident que ce dieu inconnu même aux pères païens du pape est honoré aujourd'hui par le pape d'une manière absolument conforme aux termes mêmes de la prophétie. Ainsi, à tous les égards, quand le pape fut investi du titre païen de Pontife et qu'il s'efforça de faire de ce titre une réalité, il accomplit exactement la prédiction de Daniel prononcée plus de 900 ans auparavant ! (Daniel XI, 36-45 ; XII, 1-4).

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