Mais ce trait de "Mystère" lui a été conservé à travers tout son développement. Lorsqu'elle eut réussi à voiler l'éclat de l'Évangile, obscurcissant la plénitude et la liberté de la grâce divine, détournant les âmes de la communion directe et immédiate avec le seul grand Prophète et souverain Sacrificateur, on attribua au clergé un pouvoir mystérieux qui lui donnait la domination sur la foi du peuple, domination que refusaient formellement les apôtres (II Corinthiens 1, 24) mais qui, de concert avec le confessionnal, est devenue aujourd'hui au moins aussi absolue et aussi complète que le fût jamais celle du prêtre Babylonien sur les initiés des anciens Mystères. Le pouvoir clérical de la prêtrise romaine a atteint son apogée dans l'institution du confessionnal. Cette institution a été empruntée à Babylone. La confession demandée aux sectateurs de Rome est entièrement différente de celle que nous recommande la Parole de Dieu. L'Écriture nous dit à ce sujet : "Confessez vos fautes les uns aux autres." (Jacques V, 16). Ce qui implique que le prêtre doit se confesser au peuple comme le peuple au prêtre, s'il arrive que l'un ait péché contre l'autre. Ces paroles n'auraient jamais pu servir à aucun prétexte de despotisme spirituel, aussi Rome, abandonnant la parole de Dieu, a eu recours au système Babylonien. Dans ce système la confession secrète au prêtre, selon une formule usitée, était exigée de tous ceux qui étaient admis aux Mystères ; et l'initiation ne pouvait se faire qu'après cette confession. Voici comment Salverté parle de cette confession telle qu'on la pratiquait en Grèce, dans des rites qui ont évidemment Babylone pour origine (14) : "Ibus les Grecs depuis Delphes jusqu'aux Thermopyles étaient initiés aux Mystères du temple de Delphes. On s'assurait de leur silence sur tout ce qu'ils devaient tenir secret, par la crainte des châtiments dont on menaçait une révélation qui aurait été un parjure, et par la confession générale qu'on exigeait des aspirants à l'initiation. Cette confession leur faisait bien plus redouter l'indiscrétion du prêtre, qu'elle ne donne de raison à ce dernier de craindre la leur (15)." Potter nous parle aussi de cette confession dans ses "Antiquités Grecques", bien qu'on ne l'ait pas assez remarquée. Dans son récit des Mystères d'Eleusis, après avoir décrit les cérémonies et les instructions qui précèdent l'admission des candidats à l'initiation dans la présence immédiate des divinités, il ajoute : "Alors le prêtre qui les initiait, appelé lepocpocvtriÇ (l'Hiérophante), leur posait certaines questions, par exemple : « Jeûnez-vous ? » etc., à quoi ils répondaient par des formulaires (16)." Le mot "et castera" peut ne pas frapper un lecteur superficiel, mais il veut dire bien des choses. Il veut dire : "Êtes-vous pur de toute infraction à la loi de chasteté ?" Et cela non seulement dans le sens d'impureté morale, mais dans ce sens factice de chasteté que le paganisme a toujours aimé (17). "Êtes-vous pur de tout meurtre ?" car celui qui même par accident s'était rendu coupable de meurtre n'était pas admis avant d'avoir été lavé de son crime, et il y avait des prêtres, appelés Koès qui étaient dans ce cas chargés de recevoir les confessions et d'absoudre les coupables (18). La sévérité de ces questions du confessionnal païen est évidemment impliquée dans certains poèmes licencieux de Properce, Tibulle, Juvénal (19). Wilkinson dans son chapitre sur les "jeûnes privés et la pénitence", qui dit-il étaient strictement obligatoires, d'après des règles fixes, pour des époques déterminées (20), cite des passages de plusieurs auteurs qui montrent clairement où la papauté a pris ces questions qui ont imprimé à son confessional un caractère d'obscénité, comme on le voit par exemple dans les premières pages de Pater Deus. Pour justifier cette confession auriculaire, on disait que les solennités auxquelles les initiés allaient être admis étaient si grandes, si célestes, si saintes, que celui qui avait la conscience chargée d'une faute, d'un péché qu'il n'avait point expié, ne pouvait absolument pas y être admis. Aussi était-il indispensable, dans l'intérêt même de ceux qui voulaient se faire initier, que le prêtre officiant sondât leur conscience de peur que s'ils venaient sans s'être auparavant purifiés de leurs fautes, la colère des dieux ne fût excitée contre les profanes intrus. Tel était le prétexte ; mais aujourd'hui que nous connaissons le caractère essentiellement impur de leurs dieux et de leur culte, qui ne voit que ce n'était là qu'un prétexte ; que leur but principal, en demandant aux candidats de confesser leurs fautes secrètes, leurs faiblesses et leurs péchés, était de les mettre entièrement à la merci de ceux auxquels ils confiaient les plus intimes pensées de leur âme, et leurs secrets les plus importants ?
Or, c'est exactement de la même manière et pour les mêmes raisons que Rome a institué le confessionnal. Au lieu de demander aux prêtres et aux fidèles selon l'Écriture de "confesser leurs fautes les uns aux autres", lorsque l'un a fait du tort à l'autre, elle oblige tous les hommes, sous peine de perdition, à se confesser aux prêtres (21), qu'ils les aient ou non offensés, tandis que le prêtre n'est nullement obligé de se confesser à son troupeau. Sans cette confession, dans l'Église Romaine, on n'est point admis aux sacrements, pas plus qu'aux jours du paganisme on ne pouvait être admis aux Mystères sans s'être confessé. Or, cette confession est faite par chaque fidèle, dans le secret et la solitude, au prêtre revêtu de l'autorité divine (22), siégeant au nom de Dieu, investi du pouvoir d'examiner la conscience, de juger la vie, de condamner et d'absoudre à son gré et selon son plaisir. Tel est le grand pivot sur lequel tourne tout le système d'iniquité tel qu'il s'est incorporé dans la papauté ; et partout où on lui obéit, il sert admirablement son dessein et plie les hommes à une sujétion abjecte vis-à-vis de la prêtrise. Fidèle au principe qui donna naissance au confessionnal, l'Église, c'est-à-dire le clergé, prétendit être le seul dépositaire de la véritable foi de la chrétienté. De même que les prêtres chaldéens étaient censés posséder la clef de l'explication de la mythologie Babylonienne, clef qui leur avait été transmise depuis la plus haute antiquité, de même les prêtres de Rome prétendirent être les seuls interprètes de l'Écriture : eux seuls avaient la vraie tradition transmise d'âge en âge, sans laquelle il était impossible de comprendre le véritable sens de la Bible. Aussi demandaient-ils une foi complète à leurs dogmes ; tous les hommes étaient tenus de croire comme l'Église, tandis que l'Église pouvait déterminer sa foi selon son bon plaisir. Possédant l'autorité suprême sur la foi, elle pouvait en communiquer un peu ou beaucoup selon qu'elle le jugeait convenable ; et réserver dans l'enseignement les grandes vérités de la religion était un principe aussi essentiel dans le système de Babylone qu'il l'est aujourd'hui dans le Romanisme ou le Iractarianisme (23). Ce fut cette prétention du clergé à dominer sur la foi, qui "tint injustement la vérité captive (24)" dans l'antiquité si bien que "les ténèbres couvrirent la terre, et que les hommes étaient plongés dans d'épaisses ténèbres". La même prétention apparut chez le clergé Romain, lorsque dans des âges d'ignorance, à travers plusieurs siècles lugubres, l'Évangile demeura inconnu et que la Bible fut un livre fermé pour des millions d'hommes qui portaient le nom du Christ. À tous les égards donc, nous voyons que Rome porte avec raison sur le front le nom "Mystère, la Grande Babylone."
1. Eusèbe SALVERTÉ, Des Sciences occultes, p. 259
2. GEBELIN, Monde primitif, vol. IV, p. 319.
3. Voir SALVERTÉ, p. 258-259.
4. AMMIANUS MARCELLINUS, liv. XIV, ch. 6 et liv. XXIII, ch. 6. p. 371, 374, comp. avec Justin, Histoires, liv. 1, ch. 1, p. 615. Et Chronique d'Eusèbe, tome I, p. 40, 70 etc. Eusèbe dit que Ninus et Sémiramis régnaient à l'époque d'Abraham. Voir tome I, p. 41 et tome II, p. 65. Pour l'âge de Sémiramis, voir note page 15.
5. Chronique Paschale, vol. 1. p. 65.
6. HÉSIODE, Théogonie, v. 453, p. 36.
7. HÉRODOTE, Hist., liv. I, ch. 199, p. 92. - QUINTUS CUKTIUS, v. 1.
8. Pour confirmer ce point, voir Appendice, note A.
9. ELLIOTT, Horoe, vol. IV, p. 30
10. Pour l'âge de Sem, voir Genèse XI, 10, 11. D'après ce passage Sem vécut 502 années après le déluge, c'est-à-dire selon la chronologie théorique jusqu'à l'an 1846 av. J.-C. L'âge de Ninus, époux de Sémiramis, comme nous avons déjà établi dans une note précédente, correspondait, d'après Eusèbe, à l'âge d'Abraham qui naquit en 1996 av. J.-C. Toutefois, c'est seulement neuf ans avant la fin du règne de Ninus, dit-on, qu'Abraham naquit (SYNCELLUS, p. 170. Paris 1652). Donc le règne de Ninus a dû finir, selon la chronologie usuelle, vers 1787 av. J.-C. Clinton qui est fort compétent en chronologie, place le règne de Ninus un peu plus haut. Dans ses Fastes Grecques, tome I, p. 253, il lui assigne l'an 2182 av. J.-C. Layard dans Ninive et ses ruines, tome II, p. 217, souscrit à cette opinion. Sémiramis, dit-on, survécut quarante-deux ans à son mari. (Syncellus, p. 96). Quel que soit le point de vue qu'on adopte pour l'âge de Ninus, il est évident que Sem a longtemps survécu à Ninus. Cet argument repose, on le comprend, sur l'hypothèse de l'exactitude de la chronologie hébraïque. Pour plus de lumière là-dessus, voir Appendice, note B.
11. On verra plus loin (ch. 2) quelle raison puissante il y avait en réalité pour agir dans le plus grand secret.
12. Eusèbe SALVERTÉ, Des Sciences occultes, dassim.
13. Dr. MAITLAND, L'Église dans les Catacombes, p. 191-192.
14. Pour l'origine Babylonienne de ces Mystères, voir chapitre suivant, article l et 2.
15. Eusèbe SALVERTÉ, Des Sciences occultes, ch. XXXVI, p. 428.
16. POTTER, vol. I. Eleusinia, p. 336.
17. Pour les défenses arbitraires à l'égard desquelles on peut devenir coupable, voir POTTER, tome I, p. 336, quelques phrases avant la dernière citation.
18. DUPUIS, Origine de tous les cultes, vol. IV. P. L, p. 302. Paris, l'an III de la République.
19. Voir particulièrement JUVÉNAL, Satire VI, 535.
20. WILKINSON, Les Égyptiens, tome V, p. 335-336.
21. Le Chrétien sincère, par l'évêque HAY, tome II. p. 68. Dans cet ouvrage on trouve la question et la réponse suivantes : "D. - Cette confession des péchés est-elle nécessaire pour obtenir la salut ? R. - Elle est ordonnée par Jésus-Christ comme absolument nécessaire." - Voir aussi le Manuel du pauvre homme, ouvrage répandu en Irlande, p. 109-110.
22. La lumière de la prophétie. Voir Appendice, note C.
23. Il y avait une différence même parmi les initiés. Quelques-uns n'étaient admis qu'aux petits Mystères ; les grands Mystères étaient réservés à un petit nombre de privilégiés. (WILKINSON, Les Anciens Égyptiens, tome I, p. 265-267).
24. Romains I, 18. Les meilleurs interprètes traduisent ce passage comme ci dessus. On remarquera que Paul parle expressément des païens.
Chapitre 2
Objets du culte
Article 1