Le Rosaire et le culte du Sacré-Coeur

Tout le monde sait que l'usage du rosaire est particulier au Catholicisme Romain, et que les dévots de Rome disent machinalement leurs prières sur leurs chapelets. Le chapelet, cependant, n'est pas d'invention papale. Il remonte à la plus haute antiquité, et on le trouve chez presque toutes les nations païennes. Les anciens Mexicains faisaient usage du rosaire comme d'un instrument sacré (1). Les Brahmanes de l'Hindoustan s'en servent très souvent, et les livres sacrés des Hindous en parlent sans cesse. Ainsi en racontant la mort de Sati, femme de Siva, on met en scène le rosaire : "En apprenant ce malheur, Siva désespéré, s'évanouit, mais ayant repris ses sens, il se rendit en toute hâte sur les bords de la rivière céleste, où il vit étendu le corps de sa bien-aimée Sati, revêtue de blanc, tenant à la main un rosaire, et rayonnante de splendeur, brillante comme l'or poli (2)."

Dans le Thibet, il est aussi en usage depuis un temps immémorial parmi les innombrables peuplades de l'Orient qui se rattachent à la foi bouddhiste. Le passage suivant de Sir John F. Davis, montrera comment on l'emploie en Chine : "D'après la religion tartare des Lamas, le rosaire de 108 grains est devenu une partie du vêtement cérémonial propre aux neuf grades des fonctions officielles. Il consiste en un collier de pierres et de corail, presque aussi gros qu'un oeuf de pigeon, et descend sur la poitrine ; il contient des grains différents, selon la qualité de celui qui le porte. Il y a un petit rosaire de 18 grains, moins grand, avec lequel les bonzes comptent leurs prières et leurs soupirs exactement comme dans le rituel commun. En Chine, les laïques le portent quelquefois au poignet, parfumé de musc, et lui donnent le nom de Heang-Crioo, ou chapelet parfumé (3)." Dans la Grèce Asiatique, le rosaire était généralement en usage, comme on peut le voir par la statue de Diane d'Éphèse (4). Dans la Rome païenne il en était aussi de même. Les colliers que les matrones romaines portaient autour du cou n'étaient pas de simples bandes d'ornement ; mais ils descendaient sur la poitrine (5), exactement comme les rosaires modernes, et le nom qu'ils portaient indique leur destination. Monile, nom ordinaire du collier, signifie uniquement celui qui fait souvenir. Or, quelle que soit la raison de l'introduction de ces rosaires ou souvenirs, cette idée est entièrement païenne (6). Elle suppose qu'il faut dire régulièrement un certain nombre de prières, elle oublie que Dieu nous demande notre coeur ; elle conduit ceux qui font ces prières à penser que la forme et la routine sont tout, et "qu'ils seront exaucés en parlant beaucoup" (Matthieu VI, 7).

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