Extrême-Onction

La dernière fonction que l'Église de Rome remplit pour les vivants est l'extrême-onction ; par cette cérémonie elle les oint au nom du Seigneur après les avoir confessés et absous, et elle les prépare ainsi pour leur dernier et mystérieux voyage. La raison de cette onction des mourants est ouvertement empruntée à l'ordre de l'apôtre Jacques au sujet de la visite aux malades ; mais si on lit toute la péricope, on verra qu'un pareil usage ne pouvait jamais provenir d'un conseil apostolique, mais bien d'une origine entièrement différente : "Quelqu'un est-il malade parmi vous, dit Jacques, qu'il appelle les anciens de l'Église et qu'ils prient pour lui, l'oignant d'huile au nom du Seigneur, et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera." (Jacques V, 14). Or, il est évident que cette prière et cette onction avaient en vue la guérison des malades. Les apôtres, pour établir les fondements de l'Église chrétienne, étaient investis, par leur grand Roi et Maître, de pouvoirs miraculeux, pouvoirs qui n'étaient donnés que pour un temps et destinés à disparaître, comme les apôtres eux-mêmes le déclaraient en les exerçant (I Corinthiens XIII, 8). Ces pouvoirs étaient journellement exercés par les anciens de l'Église lorsque Jacques écrivait son épître, et cela pour la guérison des corps, à l'exemple de Notre Seigneur lui-même. L'extrême-onction de Rome, comme le montre l'expression elle-même, n'a en vue aucun objet de ce genre. Elle n'a pas en vue la guérison des malades ou leur résurrection, car on ne doit jamais l'administrer que lorsqu'il n'y a plus aucun espoir, et que la mort est imminente. Le but de l'extrême-onction étant donc complètement opposé à l'onction scripturaire, elle doit venir d'une autre source. Cette source est la même que celle où la papauté a puisé tout le paganisme qu'elle contient dans son sein corrompu. Il est évident que l'extrême-onction vient des Mystères Chaldéens. L'un des nombreux noms du dieu babylonien était Beël-Samen, le seigneur du ciel (1) qui est le nom du soleil, et naturellement aussi du dieu Soleil. Mais Beël-Samen signifie aussi le seigneur de l'huile et c'était évidemment un synonyme du nom divin, le Messie. Nous trouvons dans Hérodote une déclaration que ce nom explique parfaitement. Il nous y est dit qu'un individu a rêvé que le soleil a oint son père (2). Que le soleil ait oint quelqu'un, voilà une idée qui ne s'est certainement pas présentée toute seule ; mais comme le nom Beël-Samen, seigneur du ciel, signifie aussi seigneur de l'huile, il est aisé de voir comment cette idée a été suggérée. Cela explique aussi pourquoi le corps du Babylonien Bélus, flottant dans l'huile, avait été conservé dans son sépulcre à Babylone jusqu'à l'époque de Xerxès. Et c'était pour la même raison sans doute, qu'à Rome la statue de Saturne était creuse et qu'on la remplissait d'huile.

Le rameau d'olivier qui, nous l'avons déjà vu, était l'un des symboles du dieu chaldéen, avait évidemment eu la même signification hiéroglyphique, car de même que l'olive représentait l'olivier, ainsi le rameau d'olivier était un emblème qui signifiait le fils de l'huile, ou l'oint (Zacharie IV, 12, 14). Voilà pourquoi les Grecs venant devant leurs dieux dans l'attitude de suppliants cherchant à détourner leur courroux et implorant leur faveur, allaient au temple, en beaucoup d'occasions avec un rameau d'olivier à la main. Comme le rameau d'olivier était l'un des symboles consacrés de leur Messie dont la grande mission était de faire la paix entre Dieu et l'homme, de même en apportant la branche de celui qui était oint on venait pour obtenir la paix. Or, les adorateurs de ce Beël-Samen seigneur du ciel, ou le seigneur de l'huile, étaient oints au nom de leur dieu.

Ce n'était pas assez de les oindre avec de la salive ; on les frottait aussi avec des onguents magiques de l'espèce la plus efficace ; et par ces onguents on introduisait dans leur corps des médicaments qui tendaient à exciter leur imagination et à augmenter le pouvoir des breuvages magiques qu'ils prenaient, afin de les préparer ainsi aux visions et aux révélations des mystères. Ces onctions, dit Salverté, étaient très fréquentes dans les anciennes cérémonies. Avant de consulter l'oracle de Trophonius, on frottait tout le corps avec de l'huile. Cette préparation concourait certainement à produire la vision désirée. Avant d'être admis aux mystères des sages Indiens, Apollonius et ses compagnons furent frottés d'une huile si puissante qu'ils se sentaient comme trempés dans le feu. C'était là, ouvertement, une onction faite au nom du seigneur du ciel, et destinée à préparer ceux qu'on allait admettre à la vision de la terrible divinité. La même raison qui suggérait cette onction avant l'initiation, devait démontrer plus éloquemment encore la nécessité d'une onction spéciale, lorsque l'individu était appelé non plus en vision, mais en réalité, à contempler le mystère des mystères lors de son introduction dans le monde invisible et éternel. Ainsi le système païen se complétait naturellement de lui-même par l'Extrême-onction (3). Ses sectateurs étaient oints pour leur dernier voyage afin que sous la double influence de la superstition et des stimulants énergiques introduits dans leur corps par le seul moyen possible, les esprits pussent être fortifiés à la fois contre le sentiment du péché et contre les assauts du roi des épouvantements. C'est évidemment de cette source, et de cette source unique, que vient l'extrême-onction de la papauté, entièrement inconnue des chrétiens jusqu'au jour où la corruption se fut largement développée dans l'Église chrétienne (4).

Chapitre 4

Doctrine et discipline

Article 5

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