Régénération par le baptême

On sait que la régénération par le baptême est un article fondamental de Rome et qu'il se trouve à l'entrée même du système Romain. Suivant Rome elle-même, le

baptême est si important dans ce but, que d'un côté on déclare qu'il est absolument nécessaire pour être sauvé (1), tellement qu'un enfant mort sans baptême ne peut pas être reçu dans la gloire ; et de l'autre, ses vertus sont si grandes qu'on le déclare dans tous les cas infaillible pour nous régénérer par une nouvelle naissance spirituelle en nous faisant enfants de Dieu (2). On l'appelle la première porte par laquelle nous entrons dans le bercail de Jésus-Christ, le premier moyen par lequel nous recevons la grâce de la réconciliation avec Dieu. Aussi les mérites de Jésus sont-ils appliqués par là à nos âmes d'une manière si surabondante, qu'ils satisfont pleinement la justice divine pour tout ce qu'elle exige de nous, soit à cause du péché originel, soit à cause du péché actuel (3). Or, des deux côtés cette doctrine est anti-scripturaire ; des deux côtés elle est purement païenne. Elle est anti-scripturaire, car le Seigneur Jésus-Christ a expressément déclaré que ces enfants, sans le baptême, ou sans aucune autre loi, peuvent être admis dans la gloire céleste. "Laissez les petits enfants venir à moi et ne les empêchez point : car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent." (Matthieu XIX, 14). Jean-Baptiste, étant encore dans le sein de sa mère, fut si rempli de joie à la nouvelle de la naissance du Sauveur, que la salutation de Marie ayant frappé les oreilles de sa mère, l'enfant tressaillit dans le sein maternel (Luc I, 41, 44). Si cet enfant était mort en venant au monde, qu'est-ce qui aurait pu l'exclure de l'héritage des saints dans la lumière pour lequel il avait été si évidemment préparé ? Cependant l'évêque catholique romain Hay, se défiant de tout principe de la Parole de Dieu, n'hésite pas à poser la question suivante : "Que devient l'enfant mort sans baptême ?" Réponse : "Si un jeune enfant était mis à mort pour l'amour du Christ, ce serait le baptême de sang, et il irait au ciel ; mais excepté ce cas, comme ces enfants ne peuvent pas désirer le baptême avec les autres dispositions nécessaires, s'ils ne sont pas baptisés d'eau ils ne peuvent pas aller au ciel (4)." Cette doctrine n'a jamais pu venir de la Bible, d'où vient-elle donc ? Elle est venue du paganisme. Le lecteur au courant des classiques se rappellera certainement dans quel état Énée, alors qu'il visitait les régions de l'enfer, trouva les âmes des malheureux enfants morts sans avoir été administrés selon les rites de l'Église : "Il entend les voix plaintives des enfants dont les âmes pleurent à l'entrée des enfers : infortunés qui, entrés dans la vie, n'en ont point connu les douceurs, et qu'une mort prématurée a ravis au sein maternel (5)." Ces malheureux enfants, afin de glorifier la vertu et l'efficace 187

des rites mystérieux du paganisme, sont exclus des Champs-Élysées, le paradis des païens, et n'ont chez leurs compagnons les plus rapprochés de meilleure compagnie que celle des suicidés : "Près d'eux, tristes et abattus, sont les mortels qui sans avoir commis de crimes se sont donné la mort de leur propre main, et qui, désertant le jour, ont rejeté leurs âmes loin de leurs corps (6)."

Voilà pour le manque de baptême. Quant à son efficacité positive, lorsqu'on l'a obtenu, la doctrine papale est aussi anti-scripturaire. Il y a des protestants déclarés qui croient à la doctrine de la régénération baptismale ; mais la Parole de Dieu n'en dit rien. Voici la déclaration de l'Écriture sur le baptême : il ne donne pas une naissance nouvelle, mais c'est un moyen désigné pour signifier et sceller cette nouvelle naissance là où elle existe déjà. À cet égard le baptême repose sur le même fondement que la circoncision. Or qu'est-ce que la Parole de Dieu nous dit de l'efficace de la circoncision ? Elle dit, parlant d'Abraham : "Il reçut le signe de la circoncision comme sceau de la justification par la foi bien qu'il fût encore incirconcis." (Romains IV, 11). La circoncision ne devait donc pas faire d'Abraham un juste : il était juste déjà avant d'avoir été circoncis. Mais elle devait le déclarer juste afin de lui mieux démontrer sa justice. Si Abraham n'avait pas été juste avant sa circoncision, sa circoncision n'aurait pas été un sceau et n'aurait pu confirmer ce qui n'existait pas. Il en est de même du baptême, c'est un sceau de la justification par la foi que l'homme possède avant d'être baptisé. Car il est dit : "Celui qui croit et qui est baptisé sera sauvé." (Marc XVI, 16). Là où la foi existe, si elle est sincère, c'est la preuve d'un coeur nouveau, d'une nature régénérée, et c'est seulement sur la profession de cette foi et de la régénération, s'il s'agit d'un adulte, qu'il est admis au baptême. Même s'il s'agit d'enfants incapables de faire profession de foi ou de sainteté, l'administration du baptême n'a pas pour but de les régénérer, ou de les sanctifier, mais de les déclarer saints, c'est-à-dire propres à être consacrés, même dans l'enfance, au service du Christ, comme toute la nation d'Israël, à cause de sa parenté avec Abraham, suivant la chair, était sanctifiée pour le Seigneur. S'ils n'étaient pas saints dans ce sens figuré, ils n'étaient pas propres pour le baptême qui est le sceau d'un état de sainteté. Mais la Bible les déclare saints, à cause de leur descendance de parents croyants et cela même lorsqu'un seul des parents est fidèle : "Le mari infidèle est sanctifié par sa femme et la femme infidèle est sanctifiée par son mari, - autrement vos enfants seraient impurs, tandis qu'ils sont saints." (I Corinthiens VII, 14). Ils sont donc baptisés à cause de leur sainteté et pour la proclamer solennellement, avec toutes les responsabilités qui en découlent. Cette sainteté cependant, est bien différente de la sainteté de la nouvelle nature ; et quoique le fait du baptême, si on le considère au point de vue scripturaire et qu'on l'améliore en conséquence, soit dans la main de Dieu, un moyen important de faire de cette sainteté une glorieuse réalité dans le sens le plus élevé du mot, cependant il n'assure pas nécessairement dans tous les cas la régénération spirituelle. Dieu peut donner ou ne pas donner, suivant qu'il lui plaît, un coeur nouveau avant, pendant ou après le baptême ; mais il est évident que des milliers qui ont été baptisés sont encore irrégénérés ; ils sont encore exactement dans la même position que Simon le magicien qui, après avoir été baptisé par Philippe, était encore "dans un fiel amer et dans les liens de l'iniquité" (Actes VIII, 23).

La doctrine de Rome, cependant, est que tous ceux qui sont canoniquement baptisés, quoique ignorants, quoique immoraux, pourvu qu'ils croient implicitement à l'Église, et livrent leur conscience aux prêtres, sont aussi régénérés que jamais ils pourront l'être, et que les enfants sortant de l'eau du baptême sont entièrement purifiés du péché originel. Aussi voyons-nous que les missionnaires jésuites de l'Inde se vantent de faire des convertis par milliers, en les baptisant simplement, sans leur donner la moindre instruction préalable, alors qu'ils sont encore dans l'ignorance la plus complète des vérités du christianisme et sur leur simple promesse d'être soumis à Rome. Cette doctrine de la régénération baptismale est aussi essentiellement Babylonienne. On s'étonnera, peut-être, à l'idée que la régénération ait été connue dans le monde païen ; mais qu'on aille seulement dans l'Inde on trouvera aujourd'hui les bigots Hindous, qui n'ont jamais prêté l'oreille à une instruction chrétienne, aussi familiarisés que nous-mêmes à cette expression et à cette idée. Les Brahmanes se vantent d'être des hommes nés deux fois (7) et dans cette condition, ils se disent assurés d'un bonheur éternel. Or, il en était de même à Babylone et la nouvelle naissance y était conférée par le baptême. Dans les mystères Chaldéens, avant de donner

aucune instruction, on demandait avant tout à ceux qu'on allait initier, de recevoir le baptême en signe d'une obéissance aveugle et complète. Nous lisons dans des auteurs anciens un témoignage direct du double fait du baptême et de sa signification. Dans certains rites sacrés des païens, dit Tertullien, faisant spécialement allusion au culte d'Isis et de Mithra, l'initiation se fait par le baptême (8). Le mot initiation signifie clairement qu'il fait allusion aux mystères de ces divinités. Ce baptême se faisait par immersion. Et il paraît que c'était une cérémonie difficile et périlleuse, car nous lisons que celui qui passait dans les eaux de purification et subissait diverses épreuves nécessaires était admis, s'il survivait, à la connaissance des mystères (9). Il fallait pour affronter cette initiation un courage peu ordinaire. Il y avait cependant cette raison puissante pour les déterminer, c'est que tous ceux qui étaient ainsi baptisés, nous dit Tertullien, avaient la promesse de la régénération et le pardon de tous leurs parjures (10). Les adorateurs d'Odin pratiquaient le rite du baptême, qui, si on le rapproche de leur but avoué, montre qu'au moins à l'origine, ils ont dû croire qu'on pouvait purifier le péché naturel et la corruption de leurs nouveau-nés en les aspergeant d'eau ou en les plongeant immédiatement après leur naissance dans des lacs ou des rivières (11). Il y a plus : de l'autre côté de l'Atlantique, à Mexico, on trouva la même doctrine de régénération par le baptême en vigueur chez les indigènes, lorsque Cortez et ses guerriers débarquèrent sur leurs rivages (12). La cérémonie du baptême mexicain, que les missionnaires catholiques romains de l'Espagne contemplaient avec étonnement, est décrite de la manière suivante dans la Conquête du Mexique de Prescott : "Lorsqu'on avait achevé tous les préparatifs du baptême, on réunissait tous les parents de l'enfant et on faisait venir la sage-femme qui devait accomplir la cérémonie du baptême (13). Au point du jour tous s'assemblaient dans la cour de la maison ; au lever du soleil, la sage-femme prenant l'enfant dans ses bras demandait un petit plat de terre rempli d'eau, pendant que ceux qui l'assistaient plaçaient dans la cour les ornements préparés pour le baptême. Pour accomplir la cérémonie, elle tournait le visage vers l'occident et commençait aussitôt certaines formalités. Ensuite elle aspergeait d'eau la tête de l'enfant et disait : « Ô mon enfant, prends et reçois l'eau du Seigneur du monde qui est notre vie et qui est donnée pour faire croître et renouveler notre corps. Elle est destinée à nous laver et à nous purifier. Puissent ces gouttes célestes entrer dans ton corps 190

et y demeurer, puissent-elles détruire et éloigner de toi tout le mal et tout le péché qui t'a été transmis avant le commencement du monde, puisque tous nous sommes sous son pouvoir ! » Alors elle lavait avec l'eau le corps de l'enfant et parlait ainsi : « D'où que tu viennes, toi qui es funeste à cet enfant, laisse-le et éloigne-toi de lui, car maintenant il a une nouvelle vie et il est né de nouveau, maintenant il est purifié et nettoyé de nouveau et notre mère Chalchivitlycue (la déesse de l'eau) l'amène dans le monde. » Ayant ainsi prié, la sage-femme prend l'enfant dans ses mains et l'élevant vers le ciel dit : « O Seigneur, tu vois cette créature que tu as envoyée dans le monde, ce lieu de chagrin, de souffrance et de pénitence, accorde-lui, ô Seigneur, tes dons et ton inspiration, car tu es le grand Dieu et avec toi est la grande Déesse (14) »" Voilà bien certainement l'opus operatum. Voilà aussi la régénération par le baptême et l'exorcisme (15) aussi par faits et aussi complets que pourrait le désirer un prêtre romain ou un partisan du Tractarianisme.

Le lecteur demandera-t-il quelles preuves démontrent que le Mexique a emprunté cette doctrine à la Chaldée ? La preuve est décisive. Nous savons, d'après les recherches d'Humboldt, que les Mexicains honoraient Wodan comme le chef de leur race ; exactement comme les anciens Anglais le faisaient. Le Wodan ou Odin de Scandinavie est le même, on peut le prouver, que l'Adon de Babylone (16). Le Wodan du Mexique, on le verra par la citation suivante, est absolument le même. D'après les anciennes traditions réunies par l'évêque Francis Munez de la Vega, dit Humboldt, le Wodan des Chiapanais (Mexicains) était petit-fils de ce vieillard illustre, qui, à l'époque du grand déluge, où périt la plus grande partie de l'humanité, fut sauvé sur un radeau avec sa famille. Wodan contribua à la construction de ce grand édifice que les hommes tentèrent d'élever jusqu'aux cieux. L'exécution de ce projet téméraire fut interrompue ; chaque famille eut dès lors un langage différent ; et le grand esprit Teotl ordonna à Wodan d'aller peupler la contrée d'Anahuac (17). Voilà qui démontre d'une manière évidente l'origine de la mythologie Mexicaine et aussi de la régénération baptismale que les Mexicains avaient en commun avec les adorateurs égyptiens et perses de la reine chaldéenne du Ciel. Prescott, il est vrai, doute de l'authenticité de cette tradition, comme étant trop exactement analogue avec l'histoire scripturaire pour

être digne de foi. Mais le célèbre Humboldt qui avait examiné soigneusement le sujet et qui n'avait aucune raison pour le contredire, déclare qu'il croit entièrement à l'exactitude de cette tradition. Je dirai même qu'on peut le prouver, d'après les pages si intéressantes de Prescott, pour chaque trait essentiel, à la seule exception du nom de Wodan auquel il ne fait aucune allusion. Mais heureusement, le fait que ce nom avait été porté par quelque illustre héros parmi les ancêtres supposés de la race Mexicaine est mis hors de doute, par cette circonstance singulière que les Mexicains avaient un de leurs jours appelé Jour de Wodan, exactement comme les Anglais en ont un (18). C'est là, si on la rapproche de toutes les circonstances, une preuve frappante à la fois de l'unité de la race humaine et de la large diffusion du système qui commença à Babylone.

Fig. 34


Si l'on demande : comment les Babyloniens eux-mêmes ont-ils adopté cette doctrine de la régénération par le baptême ? C'est là une question qu'on peut élucider. Dans les mystères Babyloniens la commémoration du déluge, de l'arche et des grands événements de la vie de Noé, se mêlait au culte de la reine du ciel et de son fils. Noé, pour avoir vécu dans deux mondes, le monde avant le déluge et le monde après le déluge, était appelé Diphues ou celui qui est né deux fois (19), et était représenté sous les traits d'un dieu à deux têtes, tournées dans deux directions opposées, l'une jeune, l'autre vieille (20). Nous avons vu que Janus, le dieu à deux têtes, se rapportait en un sens à Cush et à son fils Nemrod, considérés comme un seul dieu, sous un double aspect, comme le dieu suprême, le père de tous les héros déifiés ; et cependant pour lui acquérir l'autorité et le respect essentiels à son titre futur de chef du grand système d'idolâtrie inaugurée par les apostats, il était nécessaire de le représenter d'une manière ou de l'autre comme identique au grand patriarche qui était le père de tous et avait une histoire si merveilleuse. Aussi dans les légendes de Janus, nous voyons, mêlées à d'autres traits provenant d'une source tout à fait différente, des déclarations non seulement sur ce fait qu'il était le père du monde, mais sur celui-ci qu'il était l'inventeur des navires (21), ce qui est évidemment un emprunt à l'histoire de Noé ; c'est pour cela que la manière étonnante dont il est représenté dans cette

gravure (fig. 34) que nous mettons sous les yeux du lecteur, avait été inspirée par l'histoire du grand patriarche, à l'intégrité duquel l'Écriture fait si particulièrement allusion quand elle parle du double aspect de sa vie : "Noé fut un homme juste et intègre dans sa postérité" (Genèse VI, 9), c'est-à-dire dans sa vie avant et après le déluge.

Toute la mythologie de Grèce et de Rome, comme celle de l'Asie, est remplie de l'histoire et des exploits de Noé auxquels il est impossible de se méprendre. Dans l'Inde, le Dieu Vichnou, le conservateur, qu'on honore pour avoir miraculeusement sauvé une famille juste au moment où le monde fut submergé, offre l'histoire de Noé enveloppée dans cette légende ; il est même appelé par son nom. Vichnou est exactement la forme sanscrite du Chaldéen Ishnuh, l'homme Noé ou l'homme de repos (22). Quant à Indra, le roi des dieux et le dieu de la pluie, ce qui n'est évidemment qu'une autre forme du même dieu, on trouve ce nom sous la forme exacte d'Ishnu. Or, la légende même de Vichnou qui prétend faire de lui non une simple créature, mais le dieu suprême et éternel, montre que cette interprétation de son nom n'est pas une imagination sans fondement. Voici comment il est célébré dans le Matsya Puran : "Le soleil, le vent, l'air, tous les éléments immatériels, étaient absorbés dans son essence divine et l'univers étant consumé, le Dieu éternel et tout-puissant, ayant revêtu une ancienne forme, se reposa mystérieusement sur la surface du vaste océan. Mais nul ne peut savoir si cet être était alors visible ou invisible, quel était son saint nom, ou la cause de son mystérieux sommeil. Nul ne peut dire non plus combien il se reposa ainsi jusqu'à ce qu'il eût la pensée de créer ; car nul ne l'a vu, nul ne s'est approché de lui, nul ne peut pénétrer le mystère de son essence réelle (23)." Conformément à cette ancienne légende, Vichnou est encore représenté comme dormant quatre mois de l'année.

Maintenant rapprochez cette histoire du nom de Noé, l'homme du repos, et de son histoire personnelle pendant le déluge, lorsque le monde fut détruit, lorsque durant quarante jours et quarante nuits tout n'était que chaos, qu'on ne voyait ni soleil, ni lune, ni étoile scintillante, que la mer et le ciel étaient confondus et que tout n'était qu'un océan universel, sur la surface duquel flottait le patriarche ; qu'il n'y avait nul être humain pour s'approcher de lui, sauf ceux qui étaient dans l'arche avec lui, et nous pénétrons aussitôt le mystère de son essence réelle, nous discernons le saint nom de cette personne et nous connaissons les causes de ce mystérieux sommeil. Or, partout on célèbre le nom de Noé soit sous le nom de

Saturne le mystérieux (24), car ce nom lui était donné aussi bien qu'à Nemrod, parce qu'il fut caché dans l'arche, au jour de la terrible colère du Seigneur, soit sous celui d'Oannes ou Janus, l'homme de la mer ; et il est généralement dépeint de manière à non prouver qu'on le regardait comme Diphues, celui qui est né deux fois, ou le régénéré. Les Babyloniens nés deux fois, qui sont autant de dieux sur la terre, montrent bien par le titre qu'ils se décernent à eux-mêmes, que le dieu qu'ils représentent et dont ils réclament les prérogatives avait été connu comme celui qui est né deux fois. Les rapports de la régénération avec l'histoire de Noé éclatent avec force dans les récits qui nous sont faits des mystères célébrés en Égypte. Les meilleurs savants versés dans les antiquités Égyptiennes, parmi lesquels nous citerons Sir Gardiner Wilkinson, admettent que l'histoire de Noé se mêlait à celle d'Osiris (25). Le vaisseau d'Isis et le cercueil d'Osiris flottant sur les eaux, se rapportent exclusivement à cet événement remarquable. On déplorait la mort d'Osiris à différentes époques, dans diverses parties de l'Égypte, et à l'une de ces époques on célébrait plus particulièrement la mémoire du puissant chasseur devant l'Éternel, et à une autre, la catastrophe terrible à laquelle Noé survécut. Dans la grande et solennelle fête appelée la disparition d'Osiris, il est évident que c'est Noé lui-même qui était censé s'être perdu. L'époque où Osiris fut enfermé dans son cercueil et où ce cercueil fut déposé à la surface de l'eau, d'après les déclarations de Plutarque, s'accorde exactement avec l'époque où Noé entra dans l'Arche. Ce fut le 17 du mois d'Athyr, alors que le Nil cesse de déborder, lorsque les nuits allongent et que les jours diminuent (26). Le mois Athyr était le second mois après l'équinoxe d'automne, époque à laquelle commençait l'année des juifs et des patriarches. D'après cette déclaration donc, Osiris fut enfermé dans son cercueil le 17e jour du second mois de l'année patriarcale. Comparez ce fait avec le récit scripturaire de l'entrée de Noé dans l'Arche, et vous verrez à quel point ils s'accordent : "l'an 600 de la vie de Noé, le deuxième mois, au 17e jour du mois, toutes les fontaines du grand abîme furent rompues,... ce jour-là Noé... entra dans l'Arche." (Genèse VII, 11, 12) ; L'époque à laquelle disait-on, Osiris (ou autrement Adonis) avait été renfermé dans son cercueil, était exactement la même que celle où Noé fut relégué dans l'Arche pendant une année (27). Or, les déclarations de Plutarque démontrent que comme Osiris à cette fête était régale comme mort et enseveli quand il fut renfermé dans son arche ou dans son cercueil et confié à l'abîme, ainsi lorsqu'il en sortit, son nouvel état fut regardé comme celui d'une nouvelle vie, ou comme une régénération (28).

Nous avons toute raison de croire que par l'arche et le déluge, Dieu donna aux 194

saints patriarches et principalement au juste Noé une représentation typique, vivante, du pouvoir du sang et de l'esprit de Christ, comme sauvant de son courroux et en même temps purifiant de tout péché, représentation qui était le sceau et la confirmation la plus réjouissante de la foi des véritables croyants. Pierre semble y faire distinctement allusion lorsqu'il dit, parlant de cet événement : "C'est à cela que répond maintenant comme une figure le baptême qui nous sauve." (I Pierre III, 21). Les prêtres Chaldéens ont entièrement corrompu et dénaturé toutes les vérités primitives. Ils fermèrent volontairement les yeux sur ce fait, que c'est la justice par la foi que Noé avait avant le déluge qui lui permit de traverser sain et sauf les eaux vengeresses de cette terrible catastrophe, et l'introduisit du sein de l'arche, par une nouvelle naissance, dans un monde nouveau, lorsqu'arrêté sur le mont Ararat, il sortit de sa longue réclusion. Ils firent croire à leurs sectateurs qu'en passant seulement par les eaux du baptême et les pénitences qui s'y rattachaient, cela suffisait pour faire d'eux, comme du second père de l'humanité, de Diphueis, nés deux fois ou régénérés, pour leur donner tous les privilèges du juste Noé et cette nouvelle naissance (palingenesia) (29) dont leur conscience leur faisait sentir le pressant besoin. La papauté agit d'après le même principe, et c'est de cette source qu'elle a tiré sa doctrine de la régénération par le baptême, à propos de laquelle on a tant écrit et engagé tant de controverses, que l'on discute tant que l'on voudra, c'est là et là seulement qu'on trouve la véritable origine de ce dogme anti-scripturaire (30).

Le lecteur a déjà vu combien Rome a fidèlement copié l'exorcisme usité dans le baptême. Toutes les autres particularités qui se rattachent au baptême Romain, comme l'emploi du sel, de la salive, du chrême ou l'onction avec l'huile, et la marque sur le front par le signe de la croix, sont également des usages païens. Quelques partisans de Rome sur le continent, ont convenu que certains de ces usages n'ont pas été empruntés à l'Écriture. Jodocus Tiletanus de Louvain, défendant la doctrine de la tradition non écrite, n'hésite pas à dire : "Nous ne sommes pas satisfaits de ce que l'Évangile ou les apôtres déclarent, mais nous disons avant comme après, qu'il y a plusieurs vérités graves et importantes qui sont acceptées et reçues par suite d'une doctrine qui n'est nulle part écrite. Car nous bénissons l'eau avec laquelle nous baptisons et l'huile dont nous oignons ; et même nous bénissons celui que nous baptisons. Et, je vous le demande, dans quelle doctrine l'avons-nous appris ? Ne le tenons-nous pas d'une ordonnance secrète et non écrite ? Et de plus, quelle écriture nous enseigne à oindre avec l'huile ? Oui, je vous le demande, d'où vient l'usage de plonger trois fois les enfants dans l'eau ? Cela ne vient-il pas de cette doctrine cachée et mystérieuse 195

que nos maîtres ont reçue en secret sans aucune autorité et qu'ils observent encore (31)." Ce savant théologien de Louvain maintient naturellement que cette doctrine secrète et cachée dont il parle, était la parole non écrite, transmise par le canal de l'infaillibilité, depuis les apôtres du Christ jusqu'à son propre temps. Mais d'après ce que nous avons déjà vu, le lecteur aura une opinion différente sur la source de cette doctrine secrète et cachée. Le Père Newman admet pour l'eau sacrée (c'est-à-dire l'eau imprégnée de sel puis consacrée) et plusieurs autres choses qui étaient, comme il le dit lui-même, les instruments et les accessoires du culte du démon, que tous ces usages avaient leur origine païenne et qu'ils avaient été sanctifiés par leur introduction dans l'Église (32). Quelle excuse, quel palliatif peut-il donc offrir pour une adoption si extraordinaire ? Le voici : c'est que l'Église avait confiance dans le pouvoir du christianisme pour résister à l'infection du mal, et pour faire servir cette doctrine à la cause de l'Évangile. Quel droit avait l'Église à entretenir une pareille confiance ? Quelle union pouvait-il y avoir entre la lumière et les ténèbres ? Quel accord entre Christ et Bélial ? Que l'histoire de l'Église témoigne de la vanité, que dis-je, de l'impiété d'une semblable espérance ! Que la suite de nos recherches verse sa lumière sur ce sujet !

196