Personne ne fut mêlé à la mort de Nemrod plus que sa femme Sémiramis qui, sortie d'une humble condition, s'éleva au point de partager avec lui le trône de Babylone. Que fera-t-elle en cette circonstance ? Résignera-t-elle tranquillement la pompe et le faste auxquels elle a été élevée ? Non. Bien que la mort de son mari ait donné un rude choc à sa puissance, son orgueil, son ambition effrénée ne se décourageront pas. Bien au contraire, cette ambition ne fit que s'accroître. Vivant, son mari fut honoré comme un héros ; mort, elle le fera adorer comme un dieu, bien plus, comme la semence promise à la femme, Zero-ashta (1), qui était destinée à écraser la tête du serpent, et qui dans cette victoire devait aussi avoir le talon écrasé.
Les patriarches de l'ancien monde en général connaissaient parfaitement la grande promesse faite autrefois en Éden, et ils savaient bien que l'écrasement du talon de la semence promise impliquait la mort du vainqueur, et que la malédiction ne pouvait être ôtée de dessus le monde que par la mort du grand libérateur. Si la promesse concernant l'écrasement de la tête du serpent raconté dans la Genèse fut réellement faite à nos premiers parents, et que toute l'humanité trouve en eux leur origine, il faut s'attendre à en trouver quelque trace chez tous les peuples. Or, c'est précisément ce qui a lieu. On trouverait à peine un seul peuple ou une seule tribu dont la mythologie n'y fasse allusion. Les Grecs représentaient leur grand dieu Apollon comme égorgeant le serpent Python, et Hercule comme étouffant des serpents alors qu'il était encore au berceau. En Égypte, dans l'Inde, en Scandinavie, au Mexique, nous trouvons des allusions évidentes à cette même vérité. Le mauvais génie des adversaires du dieu égyptien Horus, dit Wilkinson, est souvent représenté sous la forme d'un serpent dont il perce la tête avec une épée. On trouve la même fable dans l'Inde, où le mauvais serpent est écrasé par Vichnou, dans son avatar Crishna (2) (fig. 23).
Et le dieu Scandinave Thor écrasa, dit-on, avec sa massue la tête du grand serpent. L'origine de cette légende, dit-il, doit se rattacher à la Bible. Les Mexicains avaient aussi la même croyance ; ce qui le prouve, c'est que d'après Humboldt, le serpent écrasé par le grand esprit Teotl, alors qu'il prend la forme d'une des divinités subalternes, est le génie du mal, un véritable Cacodasmon (3). Or, dans presque tous les cas, si l'on examine soigneusement le sujet, on verra que le dieu qui détruit le serpent est représenté comme endurant des maux et des souffrances qui amènent sa mort. Ainsi le dieu Thor qui réussit enfin à détruire le grand serpent périt, dit-on, au moment même de la victoire, d'un souffle venimeux de son haleine (4). C'est ainsi, paraît-il, que les Babyloniens représentaient leur grand destructeur du serpent parmi les statues de leur ancienne sphère. Sa mystérieuse souffrance est ainsi décrite par le poète Grec Aratus, dont le langage montre que, lorsqu'il écrivait, on avait généralement perdu le sens de cette image, quoiqu'elle soit assez significative lorsqu'on la considère à la lumière de l'Écriture :
Fig. 23 — Crishna est du
Colonel Kennedy et la déesse égyptienne, de WILKINSON.
"On voit une figure humaine minée par la fatigue ; cependant on ne sait quel nom lui donner. On ignore quel travail cette créature accomplit. Mais comme elle semble tomber sur ses genoux les mortels ignorants l'appellent Engonasis, et tandis que ses deux mains s'élèvent vers les cieux, la tête horrible d'un dragon s'agite au-dessus d'elle, son pied droit semble demeurer immobile, fixé sur la crête brune du monstre qui se débat (5)." La constellation qui est ainsi représentée est ordinairement connue sous le nom de "celui qui s'agenouille", d'après la description du poète grec ; mais il est évident que comme Engonasis venait de chez les Babyloniens, il faut l'interpréter non dans un sens Grec, mais dans un sens Chaldéen ; ainsi interprété, comme l'implique l'action même du tableau, le nom du mystérieux martyr est "celui qui écrase le serpent (6)". Quelquefois, cependant, l'écrasement du serpent était représenté comme un acte beaucoup plus facile ; la mort néanmoins en était le résultat ultérieur ; et cette mort du destructeur du serpent est décrite de manière à ne laisser aucun doute sur l'origine de cette légende. C'est particulièrement le cas pour le dieu des Hindous, Crishna, dont parle Wilkinson dans l'extrait que nous avons déjà donné. La légende qui le concerne contient toute la promesse faite autrefois en Éden, et cela d'une manière frappante. Tout d'abord ce dieu est représenté sur des tableaux et dans des statues, comme ayant le pied sur la tête du grand serpent (7), et ensuite lorsqu'il l'a détruit, il meurt, dit la fable, frappé au pied d'une flèche ; et, de même que pour Tammuz, il y a chaque année de grandes lamentations sur sa mort (8). Même en Grèce, dans l'histoire classique de Paris et d'Achille, nous avons une allusion évidente à cette partie de la promesse antique concernant l'écrasement du talon du vainqueur. Achille, fils unique d'une déesse, était invulnérable partout, excepté au talon. Mais là, la blessure était mortelle. Son ennemi le visa en cet endroit et le tua.
Or, puisque nous avons la preuve que même les païens savaient que le Messie promis devait "par sa mort détruire la mort et celui qui a le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable", combien l'impression de l'humanité en général, à l'égard de cette vérité capitale, doit avoir été puissante aux jours de Sémiramis, alors qu'on était si près de la source de toute la tradition divine ! Quand donc le nom de Zoroastre, la semence de la femme, fut donné à celui qui périt au milieu d'une carrière prospère de culte idolâtre et d'apostasie, on ne peut douter du sens qui fut attaché à ce nom. La mort violente du héros qui dans l'estime de ses partisans avait tant fait pour l'humanité, afin de rendre l'homme heureux et de le délivrer de la crainte de la colère à venir, au lieu d'empêcher qu'on ne lui décernât ce titre, contribua à ce projet audacieux. Tout ce qu'il fallait pour appuyer ce dessein de la part de ceux qui voulaient une excuse pour se détourner du vrai Dieu et embrasser l'apostasie, c'était précisément d'annoncer que le grand patron de l'apostasie, tout en ayant succombé sous la malice des hommes, s'était offert volontairement pour le bien de l'humanité. Or c'est ce qui arriva. D'après la version Chaldéenne de l'histoire du grand Zoroastre, celui-ci supplia le Dieu suprême du ciel de lui prendre sa vie ; sa prière fut exaucée, et il expira en assurant à ses disciples que s'ils vénéraient convenablement sa mémoire, l'empire ne sortirait jamais de la main des Babyloniens (9). Ce que dit Berosus, l'historien de Babylone, sur la décapitation du grand dieu Belus, tend à là même conclusion. Belus, nous dit Berosus, ordonna à l'un des dieux de lui couper la tête, afin qu'avec le sang qui se répandrait ainsi par son ordre et avec son consentement on pût former de nouvelles créatures quand ce sang se mêlerait à la terre, la première création étant représentée comme une sorte d'échec (10). Ainsi la mort de Belus ou Nemrod, comme celle qu'on attribue à Zoroastre, était représentée comme entièrement volontaire, et comme subie pour le bien du monde.
Il semble que les Mystères secrets ne furent établis qu'à la déification du héros. La forme antérieure de l'apostasie pendant la vie de Nemrod paraît avoir été ouverte et publique. Or, on sentait que la publicité était hors de question. La mort du grand chef de l'apostasie n'était pas celle d'un guerrier mort dans la bataille, mais l'acte d'une rigueur judiciaire, solennellement infligée. C'est là un fait bien établi par la mort de Tammuz et d'Osiris.
Voici sur Tammuz un récit qui nous est fourni par le célèbre Maimonide, homme versé profondément dans toute la science des Chaldéens : "Le faux prophète nommé Tammuz ayant prêché à un certain roi, pour lui faire adorer les sept étoiles et les douze signes du Zodiaque, ce roi ordonna qu'il fût livré à une mort horrible. La nuit de sa mort, toutes les statues se réunirent des bouts de la terre dans le temple de Babylone devant la grande statue dorée du soleil qui était suspendue entre le ciel et la terre. Cette statue se prosterna elle-même au milieu du temple, et toutes celles qui l'entouraient en firent de même, tandis qu'elle leur racontait tout ce qui venait d'arriver à Tammuz. Les statues pleurèrent et se lamentèrent toute la nuit et le matin, s'enfuirent chacune dans son temple jusqu'aux extrémités du monde. De là vint la coutume de pleurer et de se lamenter sur Tammuz le premier jour du mois Tammuz (11)." Il y a là évidemment toute l'extravagance de l'idolâtrie, telle qu'on la trouve dans les livres sacrés des Chaldéens que Maimonide avait consultés ; mais il n'y a aucune raison de douter du fait établi, soit quant à la cause, soit quant à la manière dont Tammuz mourut. Dans cette légende Chaldéenne, il est dit que ce fut par l'ordre d'un certain roi que le chef de l'apostasie fut tué. Qui pouvait être ce roi qui s'opposait si catégoriquement au culte du Dieu des cieux ? D'après ce qu'on nous raconte du dieu Égyptien Hercule, nous avons beaucoup de lumière sur ce sujet. Wilkinson croit que le plus ancien Hercule, celui qui était vraiment l'Hercule primitif était celui qui passait en Égypte pour avoir par la puissance des dieux (12) (c'est à dire par l'Esprit) combattu et vaincu les géants. Or, sans doute, le titre et le caractère d'Hercule furent plus tard donnés par les païens à celui qu'ils adoraient comme le grand libérateur ou Messie, exactement comme les adversaires des divinités païennes furent stigmatisés comme les Géants qui se révoltèrent contre le ciel. Mais que le lecteur réfléchisse seulement sur ce qu'étaient ces vrais Géants qui luttaient contre le ciel. C'étaient Nemrod et ses partisans ; car les Géants étaient précisément ces hommes forts dont Nemrod était le chef. Qui donc devait maintenant résister à l'apostasie du culte primitif ? Si Sem était encore en vie, et il l'était certainement, qui le pouvait comme lui ? Aussi conformément à cette conclusion, nous voyons que l'un des noms de l'Hercule primitif en Égypte était Sem (13).
Si donc Sem était l'Hercule primitif qui vainquit les Géants et cela non point par la force physique, mais par la puissance de Dieu, ou l'influence de l'Esprit-Saint, cela s'accorde entièrement avec son caractère ; bien plus, cela s'accorde admirablement avec l'histoire égyptienne de la mort d'Osiris. Les Égyptiens disent que le grand ennemi de leur dieu le vainquit, non par la violence ouverte, mais ayant formé une conspiration avec soixante-douze des principaux Égyptiens, il s'empara de lui, le mit à mort et coupa son cadavre en morceaux, et en envoya les différents morceaux à autant de villes de la nation (14).
On comprendra le vrai sens de ce récit en jetant un coup d'oeil sur les institutions judiciaires de l'Égypte. C'était exactement soixante-douze juges civils et religieux qui devaient, suivant les lois égyptiennes, déterminer quel serait le châtiment d'une offense aussi grave que celle d'Osiris, en supposant que cela fût devenu l'objet d'une enquête judiciaire. Il y avait naturellement deux tribunaux chargés de trancher la question. D'abord les juges ordinaires, qui avaient pouvoir de vie et de mort, et qui étaient au nombre de trente (15), puis il y avait au-dessus un tribunal composé de quarante-deux juges qui avait à décider, dans le cas où Osiris serait condamné à mort, si son corps serait enterré ou non, car avant l'ensevelissement chacun devait, après la mort, passer par l'ordalie de ce tribunal (16). - Comme la sépulture lui fut refusée les deux tribunaux devaient
nécessairement être en cause ; ainsi il devait y avoir exactement soixante-douze personnes sous la présidence de Typhon pour condamner Osiris à mort et à être coupé en morceaux. Que signifie donc cette déclaration à propos de la
conspiration, si ce n'est que l'adversaire du système idolâtre introduit par Osiris avait si bien convaincu les juges de l'énormité de la faute qu'ils allaient commettre, qu'ils livrèrent le coupable à une mort horrible et ensuite à l'ignominie, afin d'effrayer tous ceux qui plus tard seraient tentés de l'imiter. Le déchirement du cadavre et la dispersion de ces débris dans les différentes cités trouvent leur parallèle et leur explication dans ce que la Bible raconte de la mort et du démembrement de la femme d'un Lévite (Juges XIX, 29) et de l'envoi de chacun de ces débris à chaque tribu d'Israël ; nous en voyons encore le pendant à propos de l'histoire de Saül coupant en morceau une paire de boeufs, et les envoyant dans toutes les villes du royaume (I Samuel XI, 7). Les commentateurs admettent que le Lévite et Saül agissaient d'après une coutume des patriarches, suivant laquelle il fallait qu'une vengeance sommaire punisse ceux qui manquaient de se rendre à l'assemblée où ils étaient solennellement convoqués. C'est ce que déclare si explicitement Saül, lorsqu'il envoie les débris des boeufs : "Quiconque ne suivra pas Saül et Samuel, sera traité comme ces boeufs." De même quand les soixante-douze conspirateurs envoyèrent dans les différentes villes les débris du corps d'Osiris, cela équivalait à déclarer solennellement ceci : "Quiconque fera comme Osiris aura le même sort, il sera comme lui mis en pièces."
Quand l'irréligion et l'apostasie se développèrent de nouveau, cette action à laquelle furent entraînées les autorités constituées qui avaient à faire avec le chef des apostats pour détruire le système combiné d'irréligion et de despotisme élevé par Osiris ou Nemrod, cette action causa naturellement une profonde horreur à tous ses amis ; et pour y avoir pris part, le principal acteur fut stigmatisé du nom de Typho, ou le Méchant (17). L'influence que Typho avait sur les esprits de ces soi-disant conspirateurs, si on considère la force physique de Nemrod, doit avoir été merveilleuse, et sert à montrer que tout en étant lui-même flétri d'un nom abhorré, et bien que son action vis-à-vis d'Osiris soit couverte d'un voile, il n'était autre néanmoins que cet Hercule antique qui vainquit les Géants par la puissance de Dieu, par le pouvoir persuasif de l'Esprit-Saint.
Le mythe qui fait périr Adonis, identifié à Osiris sous la dent d'un sanglier, s'explique aisément si on le rapproche de ce caractère de Sem (18). La défense du sanglier était un symbole. Dans l'Écriture, la défense est appelée une corne (19) ; beaucoup de Grecs classiques l'envisageaient ainsi (20). Si donc on se rappelle que la défense est regardée comme une corne suivant le symbolisme de l'idolâtrie, il ne faut pas chercher bien loin le sens de la défense du sanglier, cause de la mort d'Adonis. Les cornes de taureau que Nemrod portait, étaient le symbole de la force physique. Les dents du sanglier étaient le symbole de la puissance spirituelle. Comme une corne signifie puissance, ainsi une défense, une corne, dans la bouche, signifie la puissance dans la bouche, en d'autres termes, la puissance de persuasion, le pouvoir même dont Sem, l'Hercule primitif, était revêtu d'une manière si extraordinaire. Les anciennes traditions des Galls elles-mêmes, nous fournissent une nouvelle preuve qui met en relief cette idée de puissance dans la bouche et la met en rapport avec le fils célèbre de Noé sur lequel, dit l'Écriture, les bénédictions du Ires-Haut reposaient tout particulièrement. L'Hercule celtique était appelé Ogmius Hercules, ce qui en chaldéen veut dire Hercule qui se lamente (21). Aucun nom ne pouvait mieux lui convenir, aucun autre ne pouvait mieux indiquer l'histoire de Sem.
À part notre premier père, Adam, jamais aucun homme n'a vu autant de tristesse que lui. Non seulement il fut témoin d'une grande apostasie qui, avec ses sentiments de droiture, et témoin comme il l'avait été de la terrible catastrophe du déluge, doit l'avoir profondément affligé, mais encore il vécut assez pour ensevelir sept générations de ses descendants. Il vécut 502 ans après le déluge, et comme la vie de l'homme diminua beaucoup après cet événement, il ne vit pas moins de sept générations de sa postérité (Genèse XI, 10-32). Comme ce nom d'Ogmius, celui qui se lamente ou qui pleure, s'applique bien à quelqu'un qui a eu une histoire semblable ! Mais comment cet Hercule qui pleure est-il représenté comme renversant les iniquités et redressant les torts ? Ce n'est pas par la massue, comme l'Hercule grec, mais par la force de la persuasion. On nous montre les foules qui marchent après lui traînées par de belles chaînes d'or et d'ambre passées dans l'oreille, et ces chaînes sortaient de sa bouche (22). Il y a une grande différence entre les deux symboles : les défenses du sanglier et les chaînes dorées qui sortent de la bouche, et mènent par les oreilles des foules bien disposées, mais tous les deux illustrent d'une manière admirable la même idée, la puissance de cette force persuasive qui, pendant un temps, permit à Sem de résister au flot de corruption qui se répandait rapidement sur le monde.
Or, lorsque Serri eut si puissamment agi sur les esprits des hommes pour les amener à faire du grand apostat un terrible exemple, et que les membres dispersés de l'apostat furent envoyés aux principales villes où son système s'était établi, on le comprendra bien vite, dans ces circonstances, si l'idolâtrie devait durer, si par-dessus tout elle devait se développer, il était indispensable qu'elle agit en secret. La terreur d'une exécution capitale, infligée à quelqu'un d'aussi puissant que Nemrod, rendait nécessaire, au moins pour quelque temps, la plus extrême prudence. Ce fut dans ces circonstances, on ne peut en douter, que commença ce système de Mystère, qui ayant Babylone pour centre, s'est répandu dans le monde entier. Dans ces mystères, sous le sceau du secret et la sanction d'un serment, et au moyen de toutes les ressources fertiles de la magie, les hommes furent graduellement ramenés à toute l'idolâtrie qui avait été publiquement supprimée, tandis que l'on ajoutait à cette idolâtrie de nouveaux traits qui la rendaient encore plus blasphématoire que jamais. Nous avons des faits abondants qui établissent que la magie et l'idolâtrie étaient soeurs jumelles et qu'elles sont venues dans le monde en même temps. Zoroastre, dit l'historien Justin, inventa, dit-on, les arts magiques, et étudia avec beaucoup de soin les mouvements des corps célestes (23). Le Zoroastre dont parle Justin est le Bactrien Zoroastre ; mais on croit généralement que c'est une erreur. Stanley, dans son histoire de la philosophie orientale, conclut que cette erreur vient d'une similitude de noms, et que pour cette raison on avait attribué cette invention au Bactrien Zoroastre qui en réalité appartenait aux Chaldéens ; car on ne peut imaginer que le Bactrien fût l'inventeur de ces arts dans lesquels les Chaldéens, ses contemporains, étaient si habiles (24). Avant lui, Épiphane était évidemment arrivé, en substance, à la même conclusion. Il prétend, d'après les preuves certaines qu'il en avait alors, que ce fut Nemrod qui établit les sciences de la magie et de l'astronomie, dont l'invention fut plus tard attribuée au Bactrien Zoroastre (25).
Comme nous avons vu que Nemrod et le Chaldéen Zoroastre ne font qu'une seule personne, les conclusions de ceux qui ont fait ou qui font encore des recherches dans l'antiquité chaldéenne sont entièrement d'accord. Or le système secret des Mystères donnait de grandes facilités pour frapper les sens des initiés au moyen de tours d'adresse variés et d'artifices de magie. Malgré tout le soin et les précautions de ceux qui dirigeaient ces initiations, il en est assez venu jusqu'à nous pour nous donner une juste idée de leur véritable caractère. Tout était si bien combiné pour élever les esprits des novices au plus haut degré d'excitation, qu'après s'être livrés entièrement au prêtre ils étaient préparés à recevoir n'importe quoi. Après que les candidats à l'initiation étaient passés par le confessionnal et qu'ils avaient juré d'après les serments ordinaires, on leur présentait des objets étranges et effrayants. Quelquefois le lieu où ils étaient semblait trembler autour d'eux ; quelquefois il se montrait brillant et resplendissant de lumière, puis il se couvrait de profondes ténèbres ; quelquefois il y avait des éclairs et du tonnerre ; quelquefois des bruits épouvantables, des mugissements ; quelquefois des apparitions terribles étonnaient les spectateurs tout tremblants (26). Puis enfin, le grand dieu, l'objet central de leur culte, Osiris, Tammuz, Nemrod ou Adonis, leur était révélé de la manière la plus propre à adoucir leurs sentiments et à engager leurs affections inconscientes. Voici le récit que fait de cette manifestation un ancien païen. Il le fait, il est vrai, avec prudence, mais cependant de manière à montrer la nature du secret magique par lequel on accomplissait ce miracle apparent : "Dans une manifestation qu'il ne faut point révéler, on voit sur le mur du temple une masse de lumière qui, à première vue, semble très éloignée. Elle se transforme, en s'agrandissant, en un visage évidemment divin et surnaturel, d'un aspect sévère, mais ayant un air de douceur. Suivant les enseignements de la religion mystérieuse, les Alexandrins l'honorent comme Osiris ou Adonis (27)." D'après ce passage, on n'en peut douter, l'art magique ainsi employé n'était autre chose que celui dont on fait usage aujourd'hui dans la fantasmagorie moderne. Ces moyens-là, ou d'autres semblables, étaient employés aux époques les plus reculées, pour offrir à la vue des vivants dans les mystères secrets ceux qui étaient déjà morts. L'histoire ancienne contient des allusions à l'époque même de Sémiramis, qui impliquent que l'on pratiquait des rites magiques pour la même raison (28), et comme dans des temps plus modernes on se servait pour le même objet de la lanterne magique ou de quelque chose de semblable, il est permis de conclure que dans des temps fort reculés on employait les mêmes moyens ou quelque chose d'analogue pour produire les mêmes effets. Or, dans les mains des hommes rusés, entreprenants, c'était là un moyen puissant d'en imposer à ceux qui voulaient qu'on leur en imposât, qui étaient opposés à la sainte religion spirituelle du Dieu vivant et qui regrettaient encore le système qu'on avait renversé. Ceux qui contrôlaient les Mystères, ayant découvert des secrets alors inconnus à la masse de l'humanité et qu'ils conservaient soigneusement sous leur surveillance exclusive, pouvaient aisément leur donner ce qui paraissait une démonstration oculaire de ce fait que Tammuz, qui avait été mis à mort et pour lequel il y avait eu tant de lamentations, était encore vivant et environné d'une gloire divine. Venant des lèvres d'un homme si glorieusement révélé, ou ce qui dans la pratique était la même chose, des lèvres de quelque prêtre invisible qui parlait en son nom, que pouvait-il y avoir de trop merveilleux ou de trop incroyable pour être cru ? Aussi tout le système des Mystères secrets de Babylone tendait à glorifier un homme mort, et une fois le culte d'un mort établi, le culte de beaucoup d'autres devait naturellement suivre. Ceci jette de la lumière sur le langage du psaume 106 (Psaumes 106, 28), où le Seigneur reproche à Israël son apostasie : "Ils se sont attachés à Baalpeor, et ont mangé des sacrifices des morts."
C'est ainsi que s'est préparée la voie pour amener toutes les abominations et les crimes accomplis dans les mystères ; car pour ceux qui ne voulaient pas garder la connaissance de Dieu, qui préféraient quelque objet visible de culte, approprié aux sentiments matériels de leurs esprits charnels, aucune raison ne devait paraître plus péremptoire pour la foi et pour la pratique, que d'entendre de leurs propres oreilles un ordre donné au milieu d'une apparition si glorieuse par la divinité même qu'ils adoraient.
Préparé avec cette habileté, le projet réussit. Sémiramis accrut encore sa gloire, grâce à son mari mort et divinisé, et avec le temps tous les deux, sous le nom de Rhéa et Nin, ou la déesse-mère et le Fils, furent adorés avec un enthousiasme incroyable : leurs statues s'élevèrent partout et devinrent l'objet du culte (29). Partout où le visage noir de Nemrod semblait devoir être un obstacle à son culte on tourna très aisément la difficulté. Suivant la doctrine Chaldéenne de la transmigration des âmes, tout ce qui était nécessaire fut d'enseigner que Ninus était revenu sous la forme d'un fils posthume, au teint blanc, enfanté surnaturellement par sa veuve après l'entrée du père dans le séjour de gloire. Comme dans sa vie licencieuse et dissolue, Sémiramis eut beaucoup d'enfants dont on ne connaissait pas les pères, un pareil expédient justifierait son péché, et en même temps lui permettrait de satisfaire les désirs de ceux qui, tout en s'éloignant du culte de Jéhovah, n'auraient cependant pas aimé se prosterner devant une divinité noire. D'après la lumière que l'Égypte a jetée sur Babylone, autant que d'après la forme des statues qui existent encore de l'enfant Babylonien dans les bras de sa mère, nous avons toutes sortes de raisons de croire que c'est ce qui se fit alors.
En Égypte, le blond Horus fils du noir Osiris, qui était l'objet favori du culte et qui était porté dans les bras de la déesse Isis, naquit miraculeusement, dit-on, à la suite des relations de cette déesse avec Osiris après sa mort (30) et dans une nouvelle incarnation de ce dieu, pour venger sa mort sur ses meurtriers. Il est merveilleux de trouver tant de pays si éloignés l'un de l'autre, et tant de millions de membres de la race humaine aujourd'hui qui n'ont certainement jamais vu de nègres, et parmi lesquels cependant on adore un dieu noir. Mais, parmi les nations civilisées de l'antiquité, comme nous le verrons plus loin, Nemrod tomba dans le discrédit, et fut dépouillé de son ancien prestige, surtout à cause de sa difformité, ob deformitatem (31). - Même à Babylone, l'enfant posthume, identifié avec son père et cependant possédant plutôt les traits de sa mère, devint le type favori du divin fils de la Madone.
Ce fils ainsi adoré dans les bras de sa mère était considéré comme revêtu de presque tous les attributs, et appelé de presque tous les noms du Messie promis. De même que Christ dans l'hébreu de l'Ancien Testament, est appelé Adonaï, le Seigneur, de même.
Tammuz était appelé Adon ou Adonis. Sous le nom de Mithra, il était adoré comme Médiateur (32). Comme Médiateur et chef de l'alliance de grâce, il était appelé Baal-berith, le Seigneur de l'alliance (Juges VIII, 33). Sous ce caractère, on le représente (fig. 24) sur les monuments de Perse comme assis sur l'arc-en-ciel, le symbole bien connu de l'alliance (33). Dans l'Inde, sous le nom de Vichnou, le Gardien ou le Sauveur des hommes, quoiqu'étant un dieu, il était adoré comme l'Homme-Victime, qui, avant que le monde ne fût, parce qu'il n'y avait point autre chose à offrir, s'offrit lui-même en sacrifice (34). Les écrits sacrés des Hindous nous disent que cette mystérieuse offrande avant toute la création est le point de départ de tous les sacrifices qui ont été offerts depuis ce moment (35). Sera-t-on étonné de trouver cette déclaration dans les livres sacrés de la mythologie païenne ? Mais depuis que le péché est entré dans le monde, il n'y a jamais eu qu'un seul moyen de salut, savoir, le sang de l'alliance éternelle, moyen que toute l'humanité connaissait, depuis les jours du pieux Abel. Lorsqu'Abel, par la foi, offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn, c'était sa foi au sang de l'agneau égorgé dans le dessein de Dieu depuis la fondation du monde, et qui devait être au temps voulu immolé sur le calvaire, qui faisait toute l'excellence de cette offrande. Si Abel connaissait le sang de l'Agneau, pourquoi les Hindous ne l'auraient-ils pas connu ?
Il est un petit mot qui montre que même en Grèce la vertu du sang divin avait été autrefois connue, bien que cette vertu dépeinte par les poètes Grecs fut entièrement obscurcie et dégradée. Ce mot, c'est Ichor. Tous ceux qui ont lu les bardes de la Grèce classique, savent que Ichor est le terme spécialement approprié pour désigner le sang d'une divinité. Voici ce que dit Homère à ce sujet : "Sur la paume de la main, coule l'Ichor (le sang) incorruptible, liqueur subtile que laissent échapper les dieux bienheureux (36)."
Fig. 24
Or quel est le sens de ce mot Ichor ? En Grec, il n'a aucune signification étymologique, mais en Chaldéen, ce mot veut dire : la chose précieuse. Un tel mot, appliqué au sang d'une divinité, ne pouvait avoir qu'une origine. Il porte en lui-même la preuve de la source dont il est sorti : il vient de la grande tradition des patriarches qui amena Abel à regarder au précieux sang de Christ, le don le plus précieux que l'amour divin ait pu faire à un monde coupable, et qui en même temps que le sang de la vraie et seule victime humaine, est aussi en fait et en vérité le sang de Dieu (Actes XX, 28). Même en Grèce, quoique la doctrine fût complètement corrompue, elle ne s'était pas entièrement perdue. Elle était mêlée à des fables et à des faussetés, cachée à la multitude ; et néanmoins, elle occupait nécessairement dans le système mystique secret, une place importante. Servius nous apprend que le grand but des orgies Bacchiques était la purification des âmes.
Or comme dans ces orgies on immolait régulièrement un animal pour verser ensuite son sang, en souvenir de la grande divinité qui avait répandu son propre sang, cette aspersion symbolique du sang de la divinité pouvait-elle n'avoir aucun rapport avec cette purification des péchés que les rites mystiques étaient censés opérer ! Nous avons vu que les souffrances du Babylonien Zoroastre et de Belus étaient expressément représentées comme volontaires et comme subies dans l'intérêt de l'humanité, et cela, en conformité avec l'écrasement de la tête du serpent qui impliquait la destruction du péché et de la malédiction. Si le grec Bacchus était précisément une autre forme de la divinité Babylonienne, ses souffrances et l'aspersion du sang doivent donc avoir été représentés comme ayant été endurés pour le même but, savoir, la purification des âmes. Considérons de ce point de vue le nom bien connu de Bacchus en Grèce. Ce nom était Dionysus ou Dionusos. Que peut-il signifier ? Jusqu'ici, il a défié toutes les interprétations. Mais examinez-le comme appartenant au langage de ce pays d'où le dieu tire son origine, et vous en comprendrez aisément le sens. D'ion-nuso-s signifie celui qui porte le péché (37), nom entièrement approprié au caractère de celui dont les souffrances étaient représentées comme étant si mystérieuses, et qui était considéré comme le grand purificateur des âmes.
Or ce dieu Babylonien connu en Grèce sous le nom de Celui qui porte le péché, et dans l'Inde sous celui de l'Homme-Victime, était généralement invoqué, chez les Bouddhistes de l'Orient, dont le système contient des principes Babyloniens incontestables, comme le '"Sauveur du monde (38)". - On a toujours su que les Grecs adoraient quelquefois le Dieu suprême sous le nom de Jupiter Sauveur ; mais ce titre pensait-on, avait simplement rapport à la délivrance dans la bataille, ou à quelque délivrance semblable. Or, si on considère que Jupiter Sauveur n'était qu'un titre de Dionysus (39) le Bacchus qui porte le péché, son caractère de Sauveur apparaît sous une lumière entièrement différente. En Égypte, le dieu Chaldéen était un grand objet d'amour et d'adoration ; c'était le dieu par lequel la bonté et la vérité furent révélées à l'humanité (40). Il était regardé comme l'héritier prédestiné de toutes choses, et le jour de sa naissance, on avait entendu, disait-on, une voix qui proclamait la naissance du seigneur de toute la terre (41). Sous ce caractère on l'appelait le roi des rois, le seigneur des seigneurs et c'était parce qu'il représentait ce dieu héros que le fameux Sésostris fit donner ce titre à son nom sur les monuments qu'il éleva pour perpétuer le souvenir de ses victoires (42). Non seulement il était honoré comme le grand roi du monde, mais il était regardé comme le seigneur du monde invisible et le juge des morts ; et on enseignait que dans le monde des esprits tous doivent comparaître devant son tribunal pour subir le sort qui leur est destiné (43). Comme le vrai Messie était annoncé sous le titre de "l'homme dont le nom était la branche" et il était célèbre non seulement comme étant la branche de Cush, mais comme la branche de Dieu, libéralement donnée à la terre pour la guérison de toutes les maladies auxquelles notre chair est sujette (44).
On l'adorait à Babylone sous le nom de El-Bar, ou Dieu le fils. C'est sous ce nom-là qu'il est donné par Berosus, l'historien chaldéen, comme le second de la liste des souverains de Babylone (45). Layard l'a découvert sous ce nom dans les sculptures de Ninive, avec le signe qui indique El ou Dieu, placé devant le nom Bar le Fils, en forme de préfixe (46). Sous le même nom, Sir H. Rawlinson l'a aussi trouvé suivi immédiatement des noms Beltis et Bar le brillant (47). On l'adorait en Égypte sous le nom de Bar aux époques les plus reculées, quoique dans des temps plus récents le dieu Bar ait été détrôné dans le Panthéon populaire pour faire place à une autre divinité plus populaire encore (48). Dans la Rome païenne même, ainsi que le déclare Ovide, on l'adorait sous le nom de l'Enfant éternel (49). - C'est ainsi qu'un simple mortel a été audacieusement et ouvertement exalté à Babylone en opposition au Fils du Dieu béni éternellement !
1. Zéro, en Chaldéen, la semence. En Grèce il paraît parfois comme Zeira, devenu Zoro. Ainsi, Zerubbabel devient Zorobabel. De là Zero-ashta, la semence de la femme, devint Zoroaster, le chef des adorateurs du feu. On trouve dans Zeroastes le nom de Zoroastre (CLERICUS, tome II, De Chaldoeis, ch. 2, p. 194). En lisant le Dr. Wilson, on verra qu'un Zoroastre existait avant celui du règne de Darius Hystaspes (Religion Parsie). Dans l'histoire il y a plusieurs allusions au Zoroastre de Bactrie, mais la voix de l'antiquité déclare que le grand Zoroastre était en Assyrie ou Chaldée où il fonda le système idolâtre babylonien : c'était donc Nemrod. Il périt de mort violente, comme Nemrod, Tammuz ou Bacchus. L'identité avec Bacchus est montrée par l'épithète Pyrisporus dans les Hymnes orphiques. Ashta signifie feu et femme en chaldéen, et comme les rites de Bacchus ressemblaient au culte du feu, Zero-ashta signifia "par la semence du feu" : d'où l'épithète Pyrisporus ou Ignigena, enfanté par le feu, appliquée à Bacchus. De cette corruption du sens de Zero-ashta, vint l'histoire de Bacchus arraché aux flammes qui dévorèrent sa mère Sémélé. Zoroastre était aussi connu par Zar-adas, le seul rejeton. Les anciens païens confessaient un seul dieu sous le nom de Zéro ou Zer, caractérisé par une épithète signalant son unicité et reconnaissaient une seule semence, espérance du monde. On reconnaissait aussi une grande déesse sous le nom d'Ashta ou Isha la femme. Le nom Zarades ou Zaradus illustre la parole de Paul : "Il ne dit pas : et à sa postérité, comme s'il parlait de plusieurs, mais d'une seule qui est Christ." (Galates III, 16). Le Parsisme moderne rejeta le culte de la déesse mère et le nom de Zoroastre. En Zend, le grand réformateur est Zarathustra i.e. la semence qui délivre. La dernière partie vient du chaldéen, nthsh, lâcher ou laisser aller. Thusht est l'infinitif, et ra, en sanscrit, langue proche du Zend, l'agent d'une action, comme "er" en anglais. Zarathustra ressemble donc à Phoroneus, l'émancipateur.
2. WILKINSON, vol. IV, p. 395.
3. HUMBOLD, Recherches Mexicaines, vol. I, p. 228.
4. MALLET, Antiquités du Nord, Fab. IL p. 453.
5. LANSEER, Recherches Sabéiennes, p. 132, 134.
6. De E, la, nko écraser, et nahash, serpent "E-nko-nahash". Le nom arabe de la constellation, "celui qui s'agenouille", est Al-Gethi, soit aussi "celui qui écrase".
7. COLEMAN, Mythologie Indienne, fig. 12, p. 31. Voir p. 93.
8. POCOCKE, L'Inde en Grèce, p. 300.
9. SUIDAS, tome I, p. 1133-1134.
10. BEROSUS, d'après BUNSEN, vol. I, p. 709.
11. MORE NEVOCHIM, p. 426.
12. Le nom du vrai Dieu (Élohim) est un pluriel. Aussi le pouvoir des dieux et de Dieu est désigné par le même terme.
13. WILKINSON, vol. V, p. 17.
14. ibid. vol. IV, p. 330-33. - Ajout 2004par R.F.B. : soit 14 villes, selon les 14 morceaux du cadavre découpé d'Osiris ou de Nemrod que mensionne l'auteur à la page 267 (seule référence).
15. DIODORE, liv. I, p. 48.
16. DIODORE, liv. I, p. 58. Les paroles de Diodore, telles qu'elles sont imprimées dans les éditions ordinaires indiquent que le nombre des juges s'élevait simplement au-dessus de quarante, sans spécifier combien il y en avait au-delà. Dans le Codex Coislianus, il est dit qu'il y en avait deux au-dessus de quarante. Les juges terrestres qui jugèrent la question de l'enterrement correspondaient en nombre, d'après Wilkinson (vol. V, p. 75 et BUNSEN, vol. I, p. 27), aux juges des régions infernales. Or, ces juges, sans compter leur président, étaient (les monuments en font foi) exactement quarante-deux. Les juges terrestres des funérailles doivent donc avoir été au nombre de quarante-deux. En faisant allusion à ce nombre, comme s'appliquant également aux juges de ce monde et à ceux du monde des esprits, Bunsen, parlant du jugement d'un mort dans le monde invisible, s'exprime ainsi dans le passage cité plus haut : "Quarante-deux dieux (le nombre composant le tribunal terrestre des morts) occupent le siège du tribunal." Diodore lui-même soit qu'il écrive "deux au-dessus de quarante" ou tout simplement plus de quarante, donne des raisons de croire que c'était le nombre quarante-deux qui était présent à son esprit car, dit-il, toute la fable des ombres apportées de l'Égypte par Orphée, était copiée sur des cérémonies des funérailles égyptiennes dont il avait été le témoin au jugement avant l'ensevelissement des morts (DIODORE, liv. I, p. 58.) Si donc, il y avait exactement quarante-deux juges dans les régions inférieures, cela même prouve, d'après les paroles de Diodore, quelle que soit l'explication qu'on adopte, que le nombre des juges dans le jugement terrestre doit avoir été le même.
17. Wilkinson admet que différents individus ont à différentes époques porté le nom détesté en Égypte. L'un des noms les plus connus par lesquels on désigne Typho ou le Méchant était Seth (EPIPHANUS, adv. Hoeres., liv. III). Or Seth et Sem sont synonymes, tous les deux signifiant le prédestiné. Comme Shem était le plus jeune fils de Noé, étant le frère de Japhet l'aîné (Genèse X, 21), et comme la prééminence lui était divinement destinée, le nom de Shem, le prédestiné, lui avait été donné par un ordre divin, soit à sa naissance, soit après, pour le désigner à l'exemple de Seth, comme l'enfant de la promesse. Shem, cependant, semble avoir été connu en Égypte comme Typho, non seulement sous le nom de Seth, mais sous son propre nom, car Wilkinson nous dit que Typho était caractérisé par un nom qui signifiait détruire et rendre désert (Égyptiens, vol. IV, p. 434). Or, le nom de Shem aussi, dans l'un de ces sens veut dire détruire ou dévaster. Ainsi Shem le prédestiné était nommé par ses ennemis Shem le destructeur ou le ravageur, c'est-à-dire le diable.
18. Dans l'Inde un démon à figure de sanglier gagna, dit-on, une telle puissance par sa dévotion, qu'il opprima les dévots adorateurs des dieux et les força à se cacher (MOOR, Panthéon, p. 19). Même dans le Japon il semble y avoir un mythe semblable. Pour le sanglier japonais, voir Nouvelles illustrées, 15 déc. 1860.
19. Ézéchiel XXVII, 15. "Ils t'ont apporté, pour présents, des cornes d'ivoire."
20. Pausanias admet que de son temps on considérait les défenses de sangliers comme des dents, mais il donne des raisons fortes et concluantes, à mon avis, pour les faire considérer comme des cornes. Voir PAUSANIAS, liv. V, Eliaca, ch. 12, p. 401, VARRO, De Lingua Latina, liv. VI et d'après PARKHURST, sub voce Krn.
21. Les lettrés celtiques font venir le nom Ogmius du mot celtique Ogum, qui, dit-on, signifie le secret de l'écriture. Mais Ogum doit venir du nom du dieu, plutôt que le nom du dieu ne vient de ce nom.
22. Sir W. BETHAM, Gaulois et Cimbres, p. 90-93. Il importe de remarquer, à propos de cet Ogmius, l'un des noms de Sem, le grand Hercule Égyptien qui vainquit les Géants. Ce nom est Chon. Dans l'Etymologium Magnum, apud BRYANT, vol. II, p. 33, nous lisons : "Dans le dialecte égyptien Hercule est appelé Chon." Comparez ceci avec Wilkinson, vol. V, p. 17, où Chon est appelé Sem. Or, Khon en Chaldéen veut dire se lamenter, et comme Shem était Khon, c'est-à-dire prêtre du Dieu Très-Haut, son caractère de Khon, celui qui se lamente, et les circonstances où il se trouvait, fourniraient une nouvelle raison pour lui faire donner ce nom de l'Égyptien Hercule. Il faut remarquer aussi, que ceux qui s'efforcent de détourner les pécheurs de leur mauvaise voie ont dans leurs larmes une éloquence qui est très expressive. Les pleurs de Whitefield formaient une grande partie de sa puissance ; or, de même, les pleurs de Khon, Hercule qui se lamente, devaient l'aider puissamment dans sa victoire sur les Géants.
23. JUSTIN, Histoires, liv. I, ch. I, vol. II, p. 615.
24. STANLEY, p. 1031, c. I.
25. ÉPIPHANE, Adv. Hceres., liv. I, tome I, vol. I, p. 7, c.
26. WILKINSON, Moeurs et coutumes des Égyptiens, vol. V, p. 326.
27. DAMASCIUS, apud PHOTIUM, Bibliothèque, cod. 242, p. 343.
28. L'un des passages auxquels je fais allusion se trouve dans les paroles suivantes de Moses de Chorene dans son Histoire arménienne, à propos de la réponse de Sémiramis aux amis d'Arasus, qu'elle avait égorgés dans une bataille : "Diis, inquit, (Sémiramis) meis mandata dedi, ut Arasi vulnera lamberent, et ab inferis excitarent... Dii, inquit, Araeum lamberunt, et ad vitam revocarunt." J'ai, dit Sémiramis, donné l'ordre à mes dieux de lécher les blessures d'Araeus, et de lui rendre la vie. Mes dieux, dit-elle, ont léché Arasus, et l'ont rappelé à la vie. (MOSES CHORON, liv. I, ch. 14, p. 42). Si Sémiramis avait vraiment fait ce qu'elle disait, c'aurait été un miracle. Les effets de la magie étaient des miracles simulés, et Justin et Épiphane montrent que les miracles simulés apparaissent aux origines même de l'idolâtrie. Or, à moins que le miracle simulé de la résurrection des morts par les arts magiques ne fût déjà notoirement pratiqué à l'époque de Sémiramis, il n'est pas probable qu'elle eût donné une pareille réponse à ceux qu'elle désirait se rendre favorables : car d'un côté, comment aurait-elle jamais pensé à faire une pareille réponse, et de l'autre comment aurait-elle prévu qu'il obtiendrait l'effet désiré s'il n'y avait pas des croyances populaires aux pratiques de la nécromancie ? Nous lisons qu'en Égypte, vers la même époque, on pratiquait des arts semblables s'il faut en croire Manetho. Manetho dit, d'après Josèphe qu'il (Horus, l'aîné, dont il parlait évidemment comme d'un roi humain et mortel) était admis en présence des dieux, et qu'Aménophis désirait obtenir le même privilège (0::ojv v::v::gOxi Osarqv œonsQp, lisait-on dans les vieux manuscrits). JOSEPHUS contrâ Apion, liv. I, p. 932. Cette prétendue admission en présence des dieux implique évidemment l'usage de l'art magique dont parle le texte.
29. On ne se hasardait à aucune idolâtrie publique jusqu'au règne du petit-fils de Sémiramis, Arioch ou Arius. Cedreni Compendium, vol. I, p. 29-30.
30. Plutarchi Opera, vol. II, p. 366.
31. Mots du Gradus ad Parnassum sur la cause de la chute de Vulcain, dont on voit l'identité avec Nemrod (ch. 7, art. 1).
32. PLUTARQUE, De Iside, vol. II, p. 369.
33. THÉVENOT, Voyages, P. I, ch. VII, p. 514.
34. Col. KENNEDY, Mythol Hindoue, p. 221, 247, avec la note.
35. ibid. p. 200, 204, 205. Dans l'exercice de ses fonctions, comme dieu du remède, Vichnou, dit-on, arrache les épines des trois mondes. (MOOR, Panthéon, p. 12). Les épines étaient un symbole de malédiction comme il l'est exprimé dans Genèse III, 18.
36. HOMÈRE, Iliade, liv. V, v. 339-340.
37. L'expression (Exode XXVIII, 38) dans le sens sacerdotal est nsha eon. En chaldéen, la première lettre a devient i (iôn, iniquité). Et, nsha, porter, devient nusha au participe présent, soit nusa car les Grecs n'avaient pas de sh. De ou Da, est le pronom démonstratif pour ce ou le Grand. Dionnusa signifie donc le grand porteur des péchés. Les païens classiques avaient la même idée de l'imputation du péché comme le montre le langage d'Osiris à propos d'Olenos qui prit sur lui une faute injustifiée :
Quique in se crimen traxit, voluitque videri,
Olenos esso nocens.(OVIDE, Métam,, vol. II, p. 486)
Sous le poids du péché imputé, Olenos souffrit tant qu'il en mourut et fut pétrifié sur la sainte montagne d'Ida, ce qui montre son caractère sacré. Voir Appendice, note F.
38. MAHAWANSO, XXXI, apud POCOCKE, L'Inde en Grèce, p. 185.
39. ATHENAEUS, liv. XV, p. 675.
40. WILKINSON, Les Égyptiens, vol. IV, p. 189.
41. ibid. p. 310.
42. RUSSSELL, L'Égypte, p. 99.
43. WILKINSON, Les Égyptiens, vol. IV, p. 310, 314.
44. C'est le sens ésotérique du Rameau d'or de Virgile, et de la branche de gui des Druides. Il faut en chercher la preuve dans "l'Apocalypse du passé". Je puis cependant faire remarquer, en passant, la diffusion énorme du culte du rameau sacré. Non seulement les nègres d'Afrique, dans le culte du Fétiche, à certaines occasions, font usage de la branche sacrée (HURD, Rites et Cérémonies, p. 375), mais même dans l'Inde il y a des traces de la même coutume. Mon frère, S. Hislop, missionnaire de l'Église libre à Nagpore, m'écrit que le Rajah de Nagpore avait l'habitude tous les ans à un jour fixé, d'aller en grande pompe adorer le rameau d'une espèce d'arbre particulière appelée Apta, qui avait été planté pour la circonstance et qui, après avoir reçu les honneurs divins, était dépouillé, et ses feuilles distribuées aux nobles par le prince du pays. On vendait dans les rues de la ville des rameaux innombrables d'arbre de la même espèce, et les feuilles étaient offertes aux amis sous le nom de Sona ou or.
45. BEROSUS apud BUNSEN, L'Égypte, vol. I, p. 270, note 5. Le nom El-Bar est donné ci-dessus sous sa forme hébraïque, comme étant plus familier au lecteur ordinaire de la Bible. La forme chaldéenne du nom est Ala-Bar, qui dans le grec de Berosus est Ala-Par, avec la terminaison ordinaire en grec os. Le changement de Bar ou Par, repose sur le même principe que celui de Ah, père, en Appa, et de Bard, le tacheté, en Pardos. - Ce nom Ala-Bar fut sans doute donné par Berosus à Ninyas comme étant le fils légitime et le successeur de Nemrod. Ce qui prouve que Ala Paros devait réellement désigner le souverain dont nous parlons, comme Fils de Dieu ou Dieu le Fils, c'est une autre forme grecque du même nom (p. 712. BUNSEN, notes). Ce nom c'est Alasparos. Or, Pyrisporus, appliqué à Bacchus, veut dire Ignigena, ou la semence du feu, et Alasparos, la semence de Dieu, est précisément une expression semblable formée de la même manière, le nom étant grécisé. On sait que le Grec onsipœ vient du mot hébreu Zéro ; tous deux signifient semer. onsipœ est formé comme suit : le participe actif de Zéro est Zuro, qui devient, employé comme verbe, Zwero, Zvero, et Spero. Alasparos signifie donc naturellement : la semence de Dieu, simple variation de Ala-Paros, Dieu le Fils.
46. Ninive et Babylone, p. 629.
47. VAUX, Ninive, p. 451.
48. BUNSEN, vol. I, p. 426. Quoique Bunsen ne mentionne pas la dégradation du dieu Bar, cependant en le transformant en Python il indique cette dégradation. Voir ÉPIPHANE, Adv. Hoereses, liv. III, tome II, vol. 1, p. 1093.
49. Pour comprendre le vrai sens de l'expression ci-dessus, il faut se rappeler une forme remarquable de serment usitée chez les Romains. À Rome, la forme la plus sacrée du serment d'après AULU-GELLE, I, 21, p. 192 : Per Jovem lapidem. Ifel quel, c'est une absurdité. Mais traduisez "lapidem" dans la langue sacrée qui est le Chaldéen, et vous avez : par Jupiter le Fils, ou par le Fils de Jupiter. Ben, en Hébreu, fils, devient en Chaldéen Eben, qui signifie aussi une pierre, (exi-eben-eger). Or, les personnes versées dans l'antiquité (comme WILKINSON, Égypt., vol. IV, p. 186) admettent que le Jovis des Romains n'est qu'une forme de l'Hébreu Jéhovah ; il est donc évident qu'à l'origine ce serment était : "Par le fils de Jéhovah !" Ceci explique combien le serment sous cette forme était solennel ; cela montre aussi ce que l'on voulait dire quand on appelait Bacchus fils de Jupiter "l’Enfant étemel". - (OVIDE, Métamorphoses, liv. IV, 17, 18.)
Chapitre 2
Objets du culte
Article 3