L'Écriture ne nous dit rien de la mort de Nemrod. Une ancienne tradition dit qu'il mourut de mort violente. Cependant les circonstances de cette mort, telles que l'antiquité nous les retrace, sont entourées de légendes. On dit que les tempêtes envoyées par Dieu contre la tour de Babel la renversèrent, et que Nemrod fut écrasé sous ses ruines (1). C'est impossible, car nous avons des preuves suffisantes pour établir que la tour de Babel subsista longtemps après Nemrod (La tour de Babel est la tour de Cush ou Chaos en Chaldéen et Chéops en Égyptien. Cela nous indique en réalité que la pyramide de Chéops est nulle autre que la tour de Babel. En fait, dans l’antiquité, l’Égypte était reconnue spirituellement comme étant Babylone.). L'histoire profane parle aussi de la mort de Ninus d'une manière mystérieuse et confuse, bien qu'un récit nous dise qu'il mourut d'une mort violente semblable à celle de Penthée (2), Lycurgue (3) et Orphée (4), qui, dit-on, furent mis en pièces (5). L'identité de Nemrod et d'Osiris étant cependant établie, nous avons des renseignements sur la mort de Nemrod. Osiris mourut de mort violente et cette mort a été le thème central de toute l'idolâtrie Égyptienne. Si Osiris est le même que Nemrod, comme nous l'avons vu, cette mort violente que les Égyptiens déploraient d'une manière si pathétique était exactement celle de Nemrod. Les récits de la mort du dieu adoré dans plusieurs mystères de bien des pays différents tendent tous au même but. Un passage de Platon semble montrer qu'à son époque, l'égyptien Osiris était regardé comme identique à Tammuz (6), et Tammuz, on le sait bien, était le même qu'Adonis (7) le fameux chasseur, dont la mort fit pousser à Vénus de si amères lamentations. Comme les femmes d'Égypte pleurèrent Osiris, comme les Phéniciennes et les Assyriennes pleurèrent Tammuz, ainsi en Grèce et à Rome les femmes pleurèrent Bacchus, dont le nom, nous l'avons vu, signifie celui qu'on regrette, celui qu'on pleure.
Et maintenant, si on se rappelle les lamentations des Bacchantes, on verra l'importance des rapports qu'il y a entre Nebros, le faon tacheté, et Nebrod le puissant chasseur. Le Nebros, ou faon tacheté, était le symbole de Bacchus représentant Nebrod ou Nemrod lui-même. Or, à de certaines occasions dans les fêtes mystiques, le Nebros ou faon tacheté était mis en pièces, comme nous le voyons dans Photius, en souvenir de ce qui arriva à Bacchus (8), que ce faon représentait. Cette action de mettre en pièces Nebros le tacheté confirme cette conclusion que la mort de Bacchus, comme la mort d'Osiris, représentait celle de Nebrod que les Babyloniens adoraient sous le nom de "tacheté". Bien que nous ne trouvions aucun récit des mystères observés en Grèce en mémoire d'Orion, le gigantesque et puissant chasseur chanté par Homère, cependant il mourut de la même manière qu'Osiris et fut enlevé au ciel, s'il faut en croire les symboles qui le représentaient (9). Des récits persans nous assurent expressément que Nemrod fut après sa mort divinisé sous le nom d'Orion, et placé au rang des étoiles (10). Nous avons donc des preuves abondantes et concordantes tendant toutes à la même conclusion, savoir, que Nemrod, l'enfant adoré dans les bras de la déesse-mère de Babylone, mourut d'une mort violente. Or, ce héros puissant ayant été subitement enlevé par une mort violente au milieu d'une glorieuse carrière, grande fut l'émotion que produisit cette catastrophe. Lorsque la nouvelle se répandit au loin, les amis du plaisir sentirent que le meilleur bienfaiteur de l'humanité venait de mourir, et la gaieté disparut. Grandes furent les lamentations qui montèrent au ciel parmi les apostats de la foi primitive, pour une mort si cruelle. Alors commencèrent ces pleurs sur Tammuz, ces cérémonies coupables qu'adoptèrent même les filles d'Israël, et dont on voit des traces non seulement dans les annales de l'antiquité classique, mais encore dans la littérature du monde entier, depuis l'Ultima Thulé jusqu'au Japon. Voici ce que nous dit le Rev. W. Gillespie à propos de ces lamentations chez les Chinois : "La fête du bateau-dragon se célèbre au milieu de l'été, et c'est une époque de solennités très importantes. Il y a environ 2000 ans, vivait un jeune mandarin chinois, Wat-yune, fort respecté et aimé du peuple. Au désespoir général, il se noya subitement dans la rivière. Bien des bateaux coururent immédiatement à sa recherche, mais on ne put jamais retrouver son corps. Depuis cette époque, le même jour du mois, les bateaux-dragons vont à sa recherche. C'est, ajoute l'auteur, quelque chose comme les lamentations à propos d'Adonis, ou les pleurs sur Tammuz dont parle l'Écriture (11).” - Comme le grand dieu Buddh est d'ordinaire représenté en Chine sous les traits d'un nègre, cela peut servir à l'identifier au bien-aimé mandarin dont on déplore annuellement la perte. Le système religieux du Japon s'accorde avec celui de la Chine. En Islande et dans la Scandinavie, il y avait des lamentations semblables sur la perte du dieu Balder. Balder, par suite de la trahison du dieu Loki, l'esprit du mal, suivant ce qui avait été écrit au livre de la destinée, fut mis à mort, bien que l'empire du ciel dépendit de sa vie. Son père Odin avait appris le terrible secret du livre de la destinée, ayant du fond de la demeure infernale conjuré l'un des Volar. Tous les dieux tremblèrent à cette terrible nouvelle ; alors Frigga (la femme d'Odin) invoque toute espèce d'objet animé ou inanimé, pour lui faire jurer de ne pas détruire Balderon ni de fournir des armes contre lui. Le feu, l'eau, les rochers, les végétaux furent enchaînés par cette obligation solennelle. Une seule plante, le gui, fut oubliée : Loki s'en aperçût, et fit de cette plante méprisée l'arme fatale. Parmi les délassements belliqueux du Valhalla (l'assemblée des dieux), il en était un qui consistait à lancer des traits à la divinité invulnérable, qui éprouvait du plaisir à présenter à leurs coups sa poitrine enchantée. Tandis qu'on jouait ainsi, le génie du mal mit dans la main de l'aveugle Hoder une flèche en bois de gui, et la lança vers le but. La prédiction redoutée se trouva accomplie par un fratricide involontaire (12). Les spectateurs furent frappés d'une surprise indicible ; leur malheur était d'autant plus grand que personne, par respect pour la sainteté du lieu, n'osa venger cette mort.
Au milieu des pleurs et des lamentations on transporta sur le rivage le corps inanimé ; on le plaça sur un navire comme sur un bûcher funéraire, avec le corps de sa belle fiancée Nanna qui venait de mourir le coeur brisé. Son coursier et ses armes furent brûlés en même temps, conformément à l'usage dans les obsèques des anciens héros du nord. Alors sa mère Frigga fut anéantie par la douleur. "Inconsolable de la mort de son fils, dit le Dr. Crichton, elle envoya Hermod (le léger) à la demeure de Héla (la déesse de l'enfer ou des régions infernales), pour offrir une rançon afin de le délivrer. La sombre déesse promit de lui rendre la vie, à la condition que tout le monde sur la terre pleurerait sa mort. Alors des messagers furent envoyés par toute la terre, afin de veiller à l'exécution de cet ordre, et l'effet du chagrin général fut à peu près le même que lorsqu'il y a une fonte universelle des glaces (13)." Dans les deux légendes il y a des variations considérables de l'histoire primitive ; mais au fond la substance de ces histoires est la même, et il est facile de voir qu'elles ont dû dériver d'une source commune.
1. BRYAND, vol. IV, p. 61-62.
2. HYGINUS, Fab. 184, p. 138.
3. ibid. Fab. 132, p. 109. Lycurgue dont on a fait d'ordinaire l'ennemi de
Bacchus, était identifié, chez les Thraces et les Phrygiens, à Bacchus, qui on le sait, fut mis en pièces (voir STRABON, liv. X, p. 453).
4. APOLLODORE, Bibliothèque, liv. I, ch. 3 et 7, p. 17.
5. LUDOVICUS VIVES, Commentaire d'Augustin, liv. VI, ch. IX, notes p. 239. Ninus auquel Vives fait allusion est appelé roi des Indes. Le mot Indes dans les écrivains classiques, signifie d'ordinaire, mais pas toujours, l'Éthiopie ou le pays de Cush. Ainsi le Choaspes dans le pays des Cushites de l'Est est appelé une rivière Indienne. (DYONISSIUS AFER, Penergesis, v. 1073-4, p. 32) et le Nil, dit Virgile, vient des Indiens colorés (Georg. liv. IV, v. 293, p. 230) c'est-à-dire des Cushites ou des Éthiopiens d'Afrique. Osiris aussi est appelé par Diodore de Sicile, (Bibliotheca, liv. I, p. 16), l'Indien. On ne peut donc douter que Ninus, roi des Indes, ne soit le Cushite ou l'Éthiopien Ninus.
6. Voir WILKINSON, Les Égyptiens, vol. V, p. 3. Platon déclare que le fameux Thot était conseiller de Thamus, roi d'Égypte. Or, Thoth est universellement connu comme le conseiller d'Osiris. (WILKINSON, vol. V, ch. XIII, p. 10.) On peut donc conclure de là que Thamus et Osiris sont le même.
7. KITTO, Commentaire illustré, vol. IV. p. 141.
8. PHOTIUS, Lexicon, P. I, p. 291. Photius sous le titre de "Nebridzon", cite Démosthène : "D'après lui, dit-il, les faons tachetés (ou nebroi) étaient mis en pièces pour une certaine raison mystique ou mystérieuse." Photius lui-même nous déclare que la mise en pièces des nebroi (ce qui signifie donc faons tachetés) se faisait en référence et à l'imitation de la souffrance de Dionysius ou de Bacchus.
9. Voir OVIDE, Fastes, liv. V, v. 510-514. Ovide représente Orion comme étant tellement fier de sa grande force qu'il défie continuellement toute créature sur terre de lutter avec lui. Là-dessus apparaît un scorpion et, dit le poète : "il fut ajouté aux étoiles". - Le nom d'un scorpion en Chaldéen est Akrab, mais Akrab signifie aussi le grand oppresseur, et c'est là le sens secret du scorpion que l'on peut voir représenté dans le Zodiaque. Ce signe symbolise celui qui renversa le dieu Babylonien et supprima le système qu'il avait élevé. C'est pendant que le soleil était dans le Scorpion qu'Osiris en Égypte disparaissait (voir WILKINSON, vol. IV, p. 331), et que l'on faisait de grandes lamentations sur sa disparition. Un autre sujet se mêlait à la mort du dieu Égyptien, mais il faut remarquer que comme c'était à la suite d'une lutte avec un scorpion que Orion avait été ajouté aux étoiles, ainsi c'est uniquement lorsque le Scorpion montait qu'Osiris pouvait disparaître.
10. Voir Chronique Paschale, tome I, p. 64.
11. GILLESPIE, Pays de Sinim, p. 71.
12. Dans THÉOCRITE. Aussi le sanglier qui tua Adonis est représenté comme l'ayant tué par accident. Voir la section suivante.
13. Scandinavie, vol. I, p. 93-94.
Chapitre 2
Objets du culte
Article 2
La Mère et l'Enfant, et l'original de l'Enfant
Section 5
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