L'Enfant en Égypte

Si nous passons en Égypte, nous y trouvons aussi des preuves du même fait. Justin, nous l'avons déjà vu, dit que Ninus soumit toutes les nations jusqu'à la Lybie, et par conséquent l'Égypte. Une déclaration de Diodore de Sicile tend à la même conclusion : l'Égypte est, d'après lui, l'une des contrées que Nemrod subjugua (1). Ces affirmations se trouvent encore confirmées par ce fait que le nom de la troisième personne de la triade primitive des Égyptiens était Khons. Mais Khons en Égyptien, vient d'un mot qui veut dire chasser (2). Le nom de Khons, fils de Maut, la déesse mère de Chaldée (3), signifie proprement le chasseur, ou le dieu de la chasse. Comme Khons est dans le même rapport avec l'Égyptienne Maut que Ninus l'est avec Rhéa, on voit combien ce titre de chasseur identifie le dieu Égyptien avec Nemrod ! Or ce même nom de Khons, si on le rapproche de la mythologie païenne, non seulement explique le sens d'un nom du Panthéon romain, qui jusqu'ici a eu grandement besoin d'une explication, mais jette une grande lumière sur cette divinité païenne, et confirme la conclusion à laquelle je suis déjà arrivé. Le nom dont je veux parler est celui du dieu latin Consus, qui à certains égards, était identifié à Neptune (4), mais qui était aussi regardé comme le dieu des conseils cachés, ou le receleur des secrets, qu'on considérait comme le patron de l'équitation, et qui, dit-on, était le père du cheval (5).

Qui pourrait être ce dieu des conseils cachés, ou le receleur des secrets, sinon Saturne, le dieu des mystères dont le nom tel qu'on l'employait à Rome signifiait le dieu caché (6) ?

Le père de Khons, ou Konso, comme on l'appelait aussi, c'est-à-dire Amoun était, dit Plutarque, connu comme Dieu caché (7), et comme le père et le fils ont ordinairement dans la même triade un caractère correspondant, cela montre que Khons aussi doit avoir été connu sous le même caractère que Saturne, le dieu caché. Si le latin Consus s'accorde avec l'Égyptien Khons, comme étant le dieu des mystères ou des conseils secrets, peut-on douter que Khons le chasseur, ne s'accordât aussi avec la même divinité Romaine, le père supposé du cheval ? À qui aurait-on pu attribuer la paternité du cheval, sinon au grand chasseur de Babel qui le lança dans les fatigues de la chasse, et doit ainsi avoir été puissamment aidé dans ses luttes avec les bêtes sauvages de la forêt ? Que le lecteur se rappelle aussi dans le même ordre d'idées cette créature, le Centaure, moitié homme, moitié cheval, qui occupe une si grande place dans la mythologie grecque. Cette création imaginaire avait pour but, comme on l'admet généralement, de rappeler le souvenir de l'homme qui le premier enseigna l'art de monter à cheval (8).

Mais cette création ne fut pas le fruit de l'imagination Grecque. Ici, comme en beaucoup d'autres choses, les Grecs n'ont fait que puiser à une source plus ancienne. On trouve le Centaure sur des pièces de monnaie frappées à Babylone (fig. 16), ce qui montre que cette idée doit venir de là. Le Centaure se trouve dans le Zodiaque (fig. 17) qui remonte à une période fort reculée, et qui a son origine à Babylone.

On le représentait, nous dit Berosus, l'historien Babylonien, dans le temple de Babylone (9), et son langage semblerait montrer qu'il en avait été ainsi dans les temps primitifs. Les Grecs eux-mêmes admettaient cette antiquité et cette origine du Centaure ; en effet, tout en représentant Ixion comme le père des Centaures, ils reconnaissaient aussi que le Centaure primitif était le même que Kronos ou Saturne, le père des dieux (10).

Fig. 16 — Layard, Ninive et Babylone.


Fig. 17 - Layard, Ninive et ses ruines. La figure représente le Sagittaire du Zodiaque de l'Inde. Le nom inscrit au-dessus du centaure est Sagittarius.


Mais nous avons vu que Kronos était le premier roi de Babylone ou Nemrod ; par conséquent le Centaure avait le même titre. Or, la manière dont on représentait le Centaure sur les pièces Babyloniennes, et dans le Zodiaque, est très caractéristique si on la considère à cette lumière. Le Centaure était le même que le signe du Sagittaire ou l'Archer (11). Si le fondateur de la gloire de Babylone était le puissant chasseur dont le nom, même à l'époque de Moïse, était passé en proverbe (Genèse X, 9 ; c'est pour cela qu'on dit comme Nemrod, le puissant chasseur devant l'Éternel), - quand nous voyons l'Archer avec ses flèches et son arc, dans le symbole de la divinité suprême des Babyloniens (12), quand cet Archer nous apparaît parmi les signes du Zodiaque qui prirent naissance à Babylone, je crois que nous pourrons conclure avec assurance que cet Archer, homme-cheval ou cheval-homme, se rapportait primitivement à Nemrod, et était destiné à perpétuer à la fois le souvenir de sa renommée comme chasseur et de son adresse comme cavalier.

Or, si nous comparons ainsi l'Égyptien Khons, le chasseur, avec le latin Consus, le dieu des courses de chevaux, qui donna le jour au cheval, et le Centaure de Babylone, auquel on attribuait l'honneur d'être l'inventeur de l'équitation, nous verrons comment toutes ces lignes convergent sur Babylone, et nous verrons clairement aussi, il me semble, d'où venait Khons, le dieu primitif des Égyptiens.

Fig. 18


Khons fils de la grande déesse Mère, parait avoir été généralement représenté comme un dieu dans toute sa croissance (13). La divinité Babylonienne était aussi très souvent représentée en Égypte de la même manière que dans le pays où elle prit naissance, c'est-à-dire comme un enfant dans les bras de sa mère (14). C'est ainsi qu'Osiris, le fils, le mari de sa mère, était souvent représenté, et ce que nous savons de ce dieu, toujours dans le cas de Khonso, montre que dans l'origine il n'était autre que Nemrod. Il est reconnu que le système secret de la Franc-Maçonnerie reposait à l'origine sur les Mystères de la déesse Égyptienne Isis, ou la femme d'Osiris. Mais qui aurait pu provoquer le lien de la Franc-Maçonnerie avec ces Mystères, s'ils n'avaient pas eu un rapport spécial à l'architecture, et si le dieu qu'on adorait en eux n'avait pas été célèbre pour ses succès dans l'art de la fortification et de la construction ? Or s'il en était ainsi, et si nous considérons les rapports de l'Égypte et de Babylone, tels que nous les avons établis, qui pourrait-on considérer dans ce pays comme étant naturellement le grand patron de l'art maçonnique ? Il y a de fortes présomptions de croire que c'était Nemrod. C'est le premier qui se soit rendu célèbre à cet égard. Comme enfant de la déesse Mère, on l'adorait, nous l'avons vu, sous le caractère de Ala Mahozim, le dieu des fortifications. Osiris, l'enfant de la madone Égyptienne, était également célébré de la même manière, comme le chef puissant des constructions (15). Ce chef puissant des constructions était à l'origine adoré en Égypte sous le même caractère physique que Nemrod. J'ai déjà relevé ce fait que Nemrod, fils de Cush, était un nègre. Or, il y avait en Égypte une tradition, rapportée par Plutarque et d'après laquelle Osiris était noir (16), ce qui dans un pays où le teint général était brun, devait signifier quelque chose d'extraordinaire. Plutarque nous dit aussi que Horus, le fils d'Osiris, avait un teint clair (17), et c'est de cette manière qu'on représentait ordinairement Osiris. Mais nous avons des preuves incontestables qui établissent qu'Osiris, le fils et le mari de la grande déesse reine d'Égypte, était aussi représenté comme un véritable nègre. Wilkinson (18) nous en donne un portrait (fig. 18) qui révèle en lui un véritable Cushite ou nègre.

Fig. 19


Bunsen prétend que c'est simplement une importation faite par hasard de quelque tribu barbare, mais le vêtement que porte le dieu nègre trahit une origine différente. Ce vêtement le rapproche directement de Nemrod. Cet Osiris aux traits de nègre est enveloppé des pieds à la tête d'un vêtement tacheté, dont la partie supérieure est une peau de léopard, et la partie inférieure tachetée aussi pour faire le pendant de l'autre. Or le nom de Nemrod signifie : celui qui a vaincu le léopard (19). Ce nom semble indiquer que comme Nemrod devint célèbre en domptant le cheval et en l'employant pour la chasse, sa renommée de chasseur reposait surtout sur ce fait qu'il trouva moyen de se servir du léopard pour chasser les autres bêtes sauvages. On emploie dans l'Inde aujourd'hui pour la chasse une espèce particulière de léopard apprivoisé ; et on raconte de Bagajet Ier, l'empereur Mogol de l'Inde, que dans ses domaines de chasse, il avait non seulement des chiens de différentes races, mais aussi des léopards, dont le cou était orné de bijoux (20). À propos des paroles du prophète Habacuc : "plus rapides que les léopards" (Habacuc I, 8), Kitto fait la remarque suivante : la rapidité du léopard est proverbiale dans tous les pays où cet animal existe. Cette qualité jointe à d'autres, a donné l'idée aux peuples de l'Orient de le dompter suffisamment afin de l'employer pour la chasse. Aujourd'hui il est rare qu'on garde les léopards pour chasser dans l'Asie occidentale, excepté chez les rois et les gouverneurs ; mais ils sont plus communs dans les parties Orientales de l'Asie. Orosius raconte qu'un léopard fut envoyé au pape par le roi de Portugal. Le pape fut très étonné de la manière dont cet animal saisissait les daims et les sangliers, et de la facilité avec laquelle il les tuait. Le Bruyn parle d'un léopard gardé par le pacha qui gouvernait Gaza, et les autres territoires des anciens Philistins, et dont on se servait pour chasser le chacal. Mais c'est dans l'Inde que le cheetah ou le léopard chasseur est le plus souvent employé, et c'est là qu'on le trouve dans toute sa puissance (21). Cette coutume de dompter le léopard et de le mettre ainsi au service de l'homme remonte aux temps les plus reculés de l'humanité. Dans les ouvrages de Sir William Jones, nous lisons cette citation extraite des légendes persanes, "que Hoshang père des Tahmurs, qui bâtit Babylone, fut le premier qui éleva pour la chasse des chiens et des léopards (22)". - Comme Tahmurs qui bâtit Babylone ne peut être autre que Nemrod, cette légende attribue à son père ce que lui-même eut la gloire de faire, ainsi que son nom l'indique. Or comme la peau du lion nous fait reconnaître le dieu classique Hercule qui tua le lion de Némée, de même la peau du léopard nous aide à conclure que ce dieu était Nemrod le dieu "qui dompte le léopard". Nous avons les faits les plus certains pour établir que cette peau de léopard appartenant au dieu Égyptien, n'était pas un vêtement accidentel. Wilkinson nous dit que dans toutes les grandes occasions où le grand-prêtre égyptien devait officier, il était indispensable qu'il se revêtit d'une peau de léopard (23) (fig. 19), c'était la robe de cérémonie.

Comme c'est un principe dans toutes les idolâtries que le grand-prêtre porte les insignes du dieu qu'il sert, ceci montre l'importance que la peau tachetée devait avoir : c'était un symbole du dieu lui-même. Osiris, le dieu favori des Égyptiens, était mystiquement représenté d'ordinaire sous la forme d'un jeune taureau ou d'un veau, le veau Apis. C'est à lui que les Israélites avaient emprunté leur veau d'or. Ce n'était pas sans raison que le veau ne paraissait pas d'ordinaire dans les symboles du dieu qu'il représentait ; il représentait en effet la divinité sous le caractère de Saturne, le Caché, Apis étant tout simplement un autre nom de Saturne (24). La vache d'Athor, cependant, la divinité femelle, correspondant à Apis, est bien connue comme étant une vache tachetée (25) et il est curieux que les Druides de la Grande-Bretagne aient aussi adoré une vache tachetée (26).

Bien qu'il soit rare, cependant, de trouver un exemple de déification d'un veau ou d'un jeune taureau représenté avec des taches, nous avons néanmoins la preuve qu'il en était quelquefois ainsi. La figure ci-dessous (fig. 20) représente cette divinité, copiée par le célèbre Hamilton Smith dans la collection originale faite par des artistes de l'Institut français du Caire (27). Quand nous voyons qu'Osiris, le grand dieu de l'Égypte sous différentes formes, était ainsi vêtu de la peau d'un léopard ou d'un vêtement tacheté, et que ce vêtement en peau de léopard était une partie indispensable des robes sacrées du grand-prêtre, nous pouvons être certains qu'un pareil costume avait une profonde signification. Que pouvait-il vouloir dire, sinon qu'il identifiait Osiris avec le dieu Babylonien célébré comme le dompteur des léopards et qui était adoré sous ce caractère, sous le nom de Ninus, l'enfant dans les bras de sa mère ?

Fig. 20


Chapitre 2

Objets du culte

Article 2

La Mère et l'Enfant, et l'original de l'Enfant

Section 3

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