Introduction
Expérimentation par l’homme de tout ce qui peut procurer de la joie
Le livre de l’Ecclésiaste est, jusqu’à un certain point, l’inverse de celui des
Proverbes1. Il nous montre l’expérience de l’homme qui, gardant la sagesse afin
de pouvoir en juger, fait l’essai de tout ce qu’il peut supposer propre à le
rendre heureux par la jouissance de toutes les choses que la capacité humaine
peut se procurer comme moyen de joie. Cette tentative a eu pour effet la
découverte que tout est vanité et rongement d’esprit, et que tout effort pour
être heureux par la possession de la terre, de quelque manière que ce soit,
n’aboutit à rien. Il y a un ver rongeur à la racine. Plus la capacité de
jouissance est grande, plus l’expérience que tout est désappointement et
rongement d’esprit, est étendue et profonde. Le plaisir ne satisfait pas ; et
vouloir s’assurer le bonheur dans ce monde, en étant extraordinairement juste,
c’est une idée qui ne se réalise pas. Le mal est là, et le gouvernement de Dieu
dans le monde, tel qu’il est, ne s’excuse pas pour assurer à l’homme le bonheur
ici-bas, bonheur qui est toujours tiré des choses de la terre et qui s’appuie
sur leur fermeté ; quoique en règle générale ce gouvernement protège ceux qui
marchent avec Dieu : « Et qui est-ce qui vous fera du mal, si vous êtes devenus
les imitateurs de celui qui est bon ? » [(1 Pier. 3:13)]2. Il n’est pas fait
allusion à la vérité que nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés.
C’est, dans l’esprit de l’écrivain, le résultat de l’expérience qu’il a faite et
qu’il place devant nous : [5:18] quant à ce qui nous entoure, il n’y a rien de
meilleur que de jouir des choses que Dieu nous a données ; [12:13] et enfin, la
crainte de l’Éternel est le tout de l’homme, comme règle de sa marche ici-bas.
Sa capacité, à lui, ne peut le rendre heureux, non plus que la satisfaction de
sa propre volonté, même quand il dispose de tout. « Car que fera l’homme qui
viendra après le roi ? » [(2:12)]. L’homme ne peut s’assurer la joie ; et une
joie permanente n’existe pas pour l’homme. Par conséquent, s’il y a de la joie,
c’est avec le sentiment qu’on ne peut la garder.
1 Voyez la note sur les Proverbes, 3e paragraphe.
2 Les épîtres de Pierre, après avoir posé le fondement de la rédemption et la nouvelle naissance, s’occupent de savoir à quel degré est applicable maintenant ce qui était immédiat (en promesse) au milieu des Juifs. Dans la première épître, il y a l’application de cela aux saints ; dans la seconde, au monde et aux méchants ici-bas ; ensuite, il est question des nouveaux cieux et de la nouvelle terre.
Chapitres 1 à 3
Conséquences des expériences de l’homme dans ce monde
La morale de ce livre va plus loin même que celle des Proverbes — d’un côté du
moins ; car souvenons-nous qu’il s’agit de ce monde (sous le soleil). La sagesse
ne vaut pas plus que la folie. [2:13] Entre elles la différence est aussi grande
que de la lumière aux ténèbres ; [2:14] mais la même chose arrive à tous, [2:17]
et beaucoup de réflexions ont pour effet de nous faire haïr la vie. [2:22-23] Le
cœur se fatigue à force de sonder et après tout, on meurt comme un autre. Le
monde, comme système, est ruiné, [2:20-21] et la mort coupe le fil des pensées
et des projets, et anéantit tout rapport entre le plus habile ouvrier et le
fruit de son travail. [2:22] Qu’y a-t-il gagné ? [3:1] Il y a un temps pour tout
; il faut faire chaque chose en sa saison, [3:13] et jouir, en passant, de ce
que Dieu donne. [3:14] Mais Dieu est le même en tout ce qu’il fait, afin qu’on
le craigne. [3:17] Dieu jugera le juste et l’injuste, [3:19] mais, quant à ce
qu’il sait, l’homme finira comme la bête ; [3:21] et qui peut dire ce qu’il
devient ensuite ? Il ne s’agit pas ici de la révélation du monde à venir, mais
des conséquences tirées des expériences de ce qui se fait dans ce monde. La
connaissance de Dieu enseigne qu’il y a un jugement ; pour l’homme, tout est
ténèbres au-delà de la vie présente.
Chapitre 4
Injustices dans le monde, travail et paresse
[4:1] Le chap. 4 exprime le profond chagrin que causent les injustices criantes
d’un monde de péché, ces torts jamais redressés dont est remplie l’histoire de
notre race, et qui, pour l’âme douée d’un sentiment de justice naturelle,
rendent en effet l’histoire de l’homme insupportable et produisent le désir
qu’il n’y en ait plus. [4:4-5] Le travail et la paresse apportent également leur
quote-part de misère. Cependant, du milieu de ce sable mouvant où l’homme
s’enfonce, on voit le sentiment de Dieu s’élever et donner un appui solide au
cœur et aux pensées.
Chapitres 5 à 7
Folie du cœur de l’homme, et vanité de son travail
Au commencement du chap. 5, [5:1-3] Dieu réclame de l’homme le respect. La folie
du cœur est vraiment de la folie devant Lui. Dès lors nous voyons que ce qui ôte
au cœur l’espérance insensée du bonheur terrestre, donne plus de vraie joie au
cœur qui devient sage, et par conséquent joyeux, en se séparant du monde. Il y a
donc aussi la grâce de la patience. [7:16] L’effort prétentieux d’être juste
n’aboutit qu’à la honte ; [7:17] se remuer pour le mal n’aboutit qu’à la mort.
[7:23-24] Enfin, c’est travailler en vain que de s’efforcer d’acquérir la
sagesse par la connaissance des choses d’ici-bas. L’Ecclésiaste a trouvé deux
choses : [7:26] ayant jugé la femme d’après l’expérience de ce monde, [7:28] il
n’en a point rencontré de bonne, tandis qu’il a trouvé un homme entre mille ;
[7:29] en un mot, Dieu a fait l’homme droit, mais il a cherché beaucoup de
raisonnements loin de Lui.
Chapitres 8 à 12
Dieu juge tout à la fin, et l’homme doit Le craindre
[8:2] Il faut respecter Dieu et celui à qui il a donné l’autorité, le roi. On
voit encore aux chap. 9 et 10, combien peu les choses répondent à la capacité
apparente de l’homme ; et même, si cette capacité est réelle, combien peu elle
est estimée. Cependant la sagesse du juste et la folie du fou portent chacune
leurs conséquences, [11:9] et Dieu juge après tout. [12:1] En résumé, il faut se
souvenir de Dieu, et cela avant que la faiblesse et la vieillesse nous
atteignent ; [12:13] car la conclusion évidente de tout ce qui a été dit, c’est
: « Crains Dieu, et garde ses commandements ; car c’est là le tout de l’homme ».
Sujet principal du
livre : Folie des efforts de l’homme, même sage
Inutilité de toute l’expérience de l’homme sage, et soumission à Dieu comme
principe de la vraie sagesse
Le principal sujet de ce livre, c’est donc la folie de tous les efforts de
l’homme dans la recherche du bonheur ici-bas. Il montre aussi que la sagesse,
qui juge tout cela, ne fait que rendre l’homme encore plus malheureux. [12:13]
Puis, toute cette expérience de l’homme de la plus haute capacité est mise en
contraste avec le simple principe de toute vraie sagesse, savoir la soumission
et l’obéissance à Celui qui sait tout et qui gouverne tout, [12:14] parce que :
« Dieu amènera toute œuvre en jugement ».
La solution de tout est
dans la vie selon Dieu, et non dans ce qui vient de l’homme
Si l’on se souvient que c’est là l’expérience de l’homme, que ce sont les
raisonnements de l’homme sur ce qui se passe sous le soleil, on ne verra aucune
difficulté dans les passages qui ont l’apparence de l’incrédulité. L’expérience
de l’homme est nécessairement incrédule. Il confesse son ignorance ; car au-delà
de ce qu’on peut voir, elle ne peut rien savoir. Or la solution de tous les
problèmes moraux est au-dessus et au-delà de ce qu’on voit. Le livre de l’Écclésiaste
rend cela manifeste. [12:13] La seule règle de vie donc, c’est de craindre Dieu
qui dispose de la vie, et qui juge tout ce que l’homme fait tous les jours de la
vie de sa vanité. Il ne s’agit ici ni de grâce, ni de rachat, mais de
l’expérience de la vie prescrite et de ce que Dieu a dit à cet égard,
c’est-à-dire de sa loi, de ses commandements, et du jugement qui suivra — ce qui
est ordonné aux hommes.
Expérience d’un Juif
sous la loi, devant les dons de Dieu et Son jugement
C’est ce qu’un Juif sous la loi pouvait dire, après avoir fait l’expérience de
tout ce que Dieu pouvait donner à l’homme pour le favoriser dans cette position,
et en vue du jugement de Dieu qui en dépendait.
Résultat des efforts de
l’homme naturel, ayant conscience de Dieu
Dans les Proverbes, nous avons une direction pratique et morale à travers le
monde ; l’Ecclésiaste donne le résultat de tous les efforts de la volonté de
l’homme pour trouver le bonheur par tous les moyens dont il dispose. Mais, dans
toutes les recherches auxquelles se livre l’Ecclésiaste, il n’y a ni relation
d’alliance, ni révélation. C’est l’homme avec ses facultés naturelles, tel qu’il
est, ayant sans doute la conscience de ce qu’il a à dire à Dieu, mais cherchant,
par ses propres pensées, où il peut trouver le bonheur. Seulement il faut
admettre que la conscience a sa part dans la question et que la crainte de Dieu
est reconnue à la fin [(12:13)]. Dieu est réellement reconnu, mais on trouve ici
l’homme dans le monde avec la pleine expérience qu’il a de tout ce qui s’y
trouve.
Commentaire entier
John Nelson Darby