LE CHRISTIANISME CELTIQUE

Par Jean leDuc

Avril 2019

 

L'ÉVANGILE PÉNÈTRE TRÈS TÔT EN EUROPE

 

LE PASSÉ MYSTÉRIEUX DES CELTES ET DES DRUIDES

Sources et Etymologie

La classe sacerdotale - Structure de la société celtique

Le rôle du druide dans la société

Les pratiques

Les fêtes

Le Druidisme

 

UNE RELIGION SPIRITUALISTE ÉVOLUÉE

Le sens donné à l'information

La richesse de la poésie celtique

Les Celtes considérés comme des Barbares

La représentation des menhirs

La crainte et les superstitions

Le monothéisme latent du druidisme

L’hérésie pélagienne

Le désir de renouveau spirituel

 

SAINT PATRICK ET LA COLOMBE DE L'ÉGLISE CELTIQUE

L'île mystique d'Iona

Le zèle missionnaire de Columba

Columbanus remplace Columba après sa mort

Columbanus en France

Colomban dans les Alpes et l’Italie

 


 

 

L'ÉVANGILE PÉNÈTRE TRÈS TÔT EN EUROPE

La pénétration du christianisme en Europe a débutée très tôt. Nous savons qu'il y avait déjà une communauté chrétienne à Rome avant même que l'apôtre Paul y parvienne. À ce temps, l'Italie se nommait Rome du nom de sa ville capitale, le nom de Italie décrivait à cette période un territoire au nord-ouest du pays qui se nommait Itala ou Italique situé dans la région du Piémont non loin de Turin qui était habité par le peuple des anciens vaudois. La Bible et l'Histoire confirment qu'il s'y trouvait, au temps des apôtres (Paul étant un apôtre tardif), une communauté chrétienne qui devint connue comme «l'Église Italique», c'est à dire «Église du district d'Itala».

 

Or puisque cette église existait avant l'arrivé de Paul à Rome, cela nous indique que l'Église Italique a été la source principale pour établir l'Église dans la ville de Rome. Lorsque Paul arrive, il est plus qu'évident que l'Église Italique envoya des délégués vers lui, pour discuter possiblement de ces plans pour se rendre en Espagne par une ancienne voie romaine qui traversait les Alpes. Il fit ce voyage accompagné de guides de l'Église Italique et se rendit en Espagne pour se rendre par après en Grande Bretagne où il y avait déjà une communauté chrétienne celtique, pour revenir à Rome où il fut capturé de nouveau et mis à mort.

 

L'Église Italique est donc la mère de l'Église de Rome, mais ne pas confondre avec la Grande Prostituée, l'église catholique romaine, il s'agissait d'églises de maison à cette époque. En plus, dans le Grec original de l'Épître aux Hébreux, nous voyons à la fin que cette épître a été rédigé dans le district d'Itala et portée par Timothée aux églises de la Judée (Hébreux 13:24). Or le livre des Actes des Apôtres nous indique même qui sont les fondateurs de l'Église Italique. Il s'agit de nul autre que du centurion romain, Corneille, de sa maison ou famille et de quelques-uns de ses amis qui furent convertis à Christ par l'apôtre Pierre. Il est mentionné dans Actes 10:1: «Il y avait à Césarée un homme, nommé Corneille, centurion de la cohorte appelée Italique». Corneille et ceux de sa maison furent les fondateurs de «l'Église Italique» dite aussi «Église Vaudoise» qui était située au nord de l’Italie dans le territoire nommé Itala, lorsqu'ils retournèrent à leur domicile après leur conversion en Judée. L'Église Italique est même reconnue pour avoir traduit, en l'an 157, les Textes Originaux de la Bible en vieux Latin dans la version qui se nomme «la Vestus Itala» nommée aussi «la Vestus Latina» qu'ils gardèrent fidèlement pour de nombreuses générations. Cette traduction fut faite à partir des Autographes qui étaient préservés à l'Église d'Antioche de l'ancien empire Byzantin et d'où nous avons la grande majorité des copies qui furent utilisées pour compiler le Texte Reçu Grec.

 

En ce qui concerne l'Église Celtique qui se trouvait en Grande Bretagne lors de la visite de Paul, cette église trouve la base de son existence dans une ancienne tradition qui nous dit qu'en l'an 35 de notre ère, il y eut une grande persécution à Jérusalem (Actes 8:1) qui avait été lancée par Saul, celui qui devint l'apôtre Paul après sa conversion. A ce temps de grandes persécutions, il est dit que Joseph d'Arimathé, Lazare et ses deux sœurs, Marthe et Marie, et un disciple du nom de Maxime, furent placés dans une barque sans rames et sans voile et laissés à la dérive sur la mer Méditerranée. Après de nombreux dangers, ils accostèrent miraculeusement à Marseille sur la côte ouest de la France, proclamant l'Évangile du sang Royal de Christ et formant des communautés, puis se rendirent, sous invitation de quelques druides, jusqu'en Grande-Bretagne parmi les Celtes. L'Évangile pénétra ainsi dans l'île druidique des celtes, en Écosse et en Irlande, avant même que l'apôtre Paul s'y rende pour les affermir dans la foi. Ces choses sont mentionnées, examinées et confirmées comme étant véridique par le Rev. R.W. Morgan, 1860, dans son livre «Saint Paul in Great Britain» (Saint Paul en Grande Bretagne) dans lequel il cite à l'appui  «Les Annales Ecclésiastiques» de Baronius, 1654 et plusieurs autres documents généralement inconnus du peuple français moderne.

 

Le Christianisme Celtique était la forme primitive du christianisme qui pénétra en Europe dans les quatre premiers siècles avant la fondation de l'église catholique et le règne des papes à partir du Concile de Nicée en l'an 325. Elle ne fut donc pas encore terni, du moins au début, par les hérésies et des idolâtries du christianisme romain. Il faudra attendre pour cela la visite du moine Augustin en Grande-Bretagne pour que ces perversions pénètrent la foi chrétienne qui s'y trouvait déjà avant son arrivé.

 

Augustin est un moine bénédictin mort entre 604 et 609. Chef de la mission envoyée par le pape de cette période pour convertir les Anglo-Saxons au catholicisme, il devient le premier archevêque de Cantorbéry en 597. Prieur dans une abbaye de Rome, Augustin est choisi par le pape Grégoire le Grand, qui avait été déclaré «Dieu sur la terre», pour prendre la tête de la mission grégorienne. Après son arrivée en Angleterre, en 597, il reçoit du roi Æthelberht de Kent l'autorisation de s'installer à Cantorbéry et de prêcher dans le royaume de Kent. Æthelberht lui-même finit par recevoir le baptême. Augustin établit des évêchés à Londres et Rochester en 604, et il est probable qu'il fonde également des écoles pour la formation d'un clergé local, ce qui lui faciliterait la tache d'entreprendre des conversions forcées et de salir la conscience des innocents avec les adultérations romaines. Lorsque le catholicisme parle de conversion, c'est toujours de conversions forcées au point d'éradiquer des peuples au complet pour atteindre ses objectifs d'une domination mondiale. C'était le cas à ce temps et ce l'est encore de nos jours. L'Antichrist qui siège à Rome n'arrêtera devant rien, mais la colère de Dieu va finir par l'atteindre dans un feu flamboyant car on ne se moque pas du Dieu vivant sans subir des conséquences désastreuses.

 

Lorsque les légions romaines quittent la Grande-Bretagne en 410, l'île est déjà convertie au christianisme: elle envoie trois évêques au concile d'Arles en 314, et l'on sait qu'un évêque de Gaule y est envoyé en 396 pour régler des affaires disciplinaires. Elle est également la patrie de l'hérésiarque Pélage. Les preuves matérielles témoignent de la présence croissante des chrétiens au moins jusqu'aux alentours de l'an 360. Des tribus germaniques païennes s'installent en Grande-Bretagne à partir du Ve siècle, faisant disparaître les structures économiques et religieuses héritées de la période romaine. En occupant le sud de l'île, elles isolent les communautés chrétiennes de l'ouest, et une Église celtique s'y développe dès lors loin de l'influence papale, sous l'égide de missionnaires irlandais. Cette église, organisée autour de monastères plutôt que d'évêchés, diverge de beaucoup de la tradition romaine avec ses hérésies et ses idolatries. Bien que le christianisme ne disparaisse pas totalement des régions conquises par les Anglo-Saxons, comme en témoigne la survivance du culte d'Alban et la présence de l'affixe eccles (du latin ecclesia «église») dans plusieurs toponymes, les chrétiens de ces régions ne semblent pas avoir cherché à convertir les Anglo-Saxons.

 

 


 

LE PASSÉ MYSTÉRIEUX DES CELTES ET DES DRUIDES

Les Celtes désignent un ensemble de peuples de langues et de cultures s’étageant sur trois millénaires. En fait le druidisme des celtes se retrace jusqu'au temps de la Tour de Babel. Quelle commune identité peut-il y avoir entre tant d’époques et de civilisations différentes ? Aujourd’hui les Celtes aiment à se reconnaître dans un passé héroïque et mystérieux. Comment quelque chose de cette origine - la première «civilisation celte» connue qui remonte à la préhistoire - peut-elle avoir encore une influence et une signification ?

 

La lointaine période dite de «La Tène» dans la préhistoire a livré des objets d’art dans de nombreux cimetières au premier millénaire Av. J C depuis la vallée du Danube jusqu’à la Grande Bretagne. L’extension des Celtes atteint l’Asie Mineure (les fameux Galates ou plus précisément Galatiens), l’Espagne, l’Ecosse et l’Irlande.

 

Envahisseurs, conquérants ? Tout est possible, peu de choses sont certaines, et les thèses divergent, mais enfin, ils étaient là. Ils affrontent les Grecs et pillent Olympie, menacent Rome depuis la «Gaule Cisalpine», sont asservis par elle ou repoussés au delà des Alpes. Puis la Gaule devient «Gallo-Romaine», la Grande Bretagne subit une influence moins forte de Rome après laquelle repoussera une nouvelle culture Celte. Les Grands-Bretons sont repoussés dans l’ouest, au Pays de Galles et en Cornouailles. De là ils passent en Armorique où ils établissent la Bretagne. Le reste de l’Europe continentale est romanisée, puis subit les diverses invasions germaniques, slaves, hongroises et danoises.

 

Dès le VIe siècle l’originalité celte caractérisée par ses langues ne subsiste guère que dans l’extrême ouest mais s’est maintenue jusqu’au XIXe siècle. Mais ces rameaux de langues celtes que sont le Gaélique Irlandais, le Gaélique Scot(Ecosse), le Cornique (Cornouailles Anglaise ou Cornwall), le Gallois (Pays de Galles), le Manx (Ile de Man) et les Quatre Bretons (Léon, Trégor, Cornouailles et Vannes) sont aujourd’hui presque réduits au volontarisme.

 

Les Celtes finiront-ils ultimement chassés des terres européennes dissous dans les brouillards de l’Atlantique Nord où l’horizon se confond avec l’Au-delà de leurs légendes et de leur mystique ? Si aucune civilisation n’est immortelle, aucune culture non plus n’a jamais été et ne sera une culture pure propre à une population et identique à son génie. La «Celtitude» aujourd’hui, est revendiquée beaucoup plus par des Irlandais qui parlent Anglais que par ceux qui encore parlent le Gaélique, des Américains qui n’ont jamais mis le pied dans l’extrême ouest européen, des Bretons qui écrivent en français. Car il demeure pourtant une source permanente héroïque et mystique, aventureuse et imaginative d’inspiration celtique. On peut considérer que cette source s’est mêlée de façon créative d’abord à l’ancien monde; puis après la disparition de la civilisation romaine à l’essor de la nouvelle civilisation européenne au Moyen Age.

 

Nous arrivons ainsi à la classe mystique des Celtes, à savoir le Druide, gardien de la connaissance des dieux et instructeur du peuple.

 

Le druide était un personnage omnipotent et omniscient de la société, chez les Celtes de l’Antiquité, au point qu’il était à la fois ministre du culte, philosophe, gardien du Savoir et de la Sagesse, historien, juriste et aussi conseiller militaire du roi et de la classe guerrière. Il est en premier lieu l’intermédiaire entre les dieux et les hommes.
Selon le récit de L’Ivresse des Ulates «Nul ne parle avant le roi, mais le roi ne parle pas avant son druide». Il était chargé de la célébration des cérémonies sacrées et lui seul avait le droit de pratiquer les sacrifices. Ce qui fait du druidisme, non seulement la religion des peuples celtes, mais aussi le fondement de toute leur civilisation. Un seul nom de druide historique nous est connu, c’est Diviciacos dont Jules César nous apprend qu’il gouvernait le peuple des Eduens. Les autres, dont il est question dans les textes, relèvent de la mythologie celtique; mention particulière au très célèbre Panoramix, un druide de fiction imaginé par René Goscinny dans la bande dessinée Astérix.

 

Il est ici question des druides et du druidisme de l’Antiquité et non du mouvement néo-druidique contemporain.

 

Sources et Etymologie

Comme pour tout ce qui concerne la civilisation celtique, nous ne disposons d’aucun texte d’origine interne. Les druides eux-mêmes sont à l’origine de cette lacune: considérant que la parole écrite est morte, ils ont privilégié l’oralité et la mémoire pour la transmission du Savoir. Néanmoins, les Celtes connaissaient l’écriture et l’ont utilisée de façon marginale. De plus, ils ont inventé les ogam ou écriture oghamique dont 300 inscriptions à vocation funéraire nous sont parvenues gravées dans la pierre.

 

Deux types de sources nous permettent d’appréhender le sujet: les témoignages antiques et la consignation par des clercs, de traditions orales au moyen âge en Irlande. Pour la première catégorie, il faut citer notamment Diodore de Sicile (Histoires), Strabon (Géographie), Pomponius Mela (De Chorographia), Lucain (La Pharsale), Pline l’Ancien (Histoire naturelle), et surtout César qui, avec ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, nous apporte de nombreuses et importantes informations sur la société gauloise ainsi que sur la religion et ceux qui en ont la conduite. Une deuxième source vient corroborer la première et l’enrichir d’une origine différente, il s’agit d’un ensemble de textes irlandais, pour l’essentiel, écrits du VIIIe siècle au XVe siècle. Ils retranscrivent les mythes et épopées de l’Irlande celtique qui se sont transmis oralement de générations en générations. Les collecteurs transcripteurs les ont affublé d’un vernis chrétien, sous lequel l’étude découvre l’original. De cette littérature, on peut citer: le Cath Maighe Tuireadh (Bataille de Mag Tured), le Tochmarc Etaine (Courtise d’Etain), le Tain Bo Cualnge (Razzia des Vaches de Cooley), le Lebor Gabála Érenn (Livre des Conquêtes) et les Mabinogion gallois.

 

On a longtemps pensé (depuis Pline) que le mot druide était associé au chêne, à cause des rites associés à cet arbre. Les linguistes et philologues ont maintenant établi que ce terme spécifiquement celtique, présent tant dans le texte de césar que ceux du moyen âge, provenait de «dru-wid-es» qui signifie «très savants».

 

La classe sacerdotale - Structure de la société celtique

César, relatant ses opérations militaires, avait noté que les Gaulois (la plèbe) étaient dirigés par deux classes d’hommes, les druides et les chevaliers (equites). On retrouve cette hiérarchie dans la structure de la société divine des Tuatha De Danann, les dieux de l’Irlande, qui reproduit le schéma de l’idéologie tripartite des Indo-européens, telle qu’elle a été exposée par Georges Dumézil.

 

- La classe sacerdotale qui possède le Savoir et fait la Loi; elle administre le sacré et le religieux

- La classe guerrière qui gère les affaires militaires sous le commandement du roi

- La classe des producteurs (artisans, agriculteurs, éleveurs, etc.) qui doit subvenir aux besoins de l’ensemble de la société et en priorité ceux des deux autres classes

 

 

Hiérarchie et structure de la classe sacerdotale

La classe sacerdotale est elle-même hiérarchisée, et ses membres possèdent des «spécialités». Le mot druide est un terme générique qui s’applique à tous les membres de la classe sacerdotale, dont les domaines d’attribution sont la religion, le sacrifice, la justice, l’enseignement, la poésie, la divination, etc. Le barde est spécialisé dans la poésie orale et chantée, son rôle est de faire la louange, la satire ou le blâme. Le vate est un devin, il s’occupe plus particulièrement du culte, de la divination et de la médecine. Les femmes participent à cette fonction de prophétie (telles les Gallisenae de l’île de Sein).

 

Dans la tradition irlandaise le file (pl. filid) est un devin, il a remplacé le barde dont il possédait aussi les attributions. En fonction de leurs spécialité, les filid sont sencha (historien, professeur), brithem (juge et juriste), scelaige (conteur), cainte (satiriste), liaig (médecin), dorsaide (portier), cruitire (harpiste), deogbaire (échanson). Le devin est le faith, la prophétesse est banfaith ou banfile. Ollamh est le titre le plus élevé (le sens du mot est docteur, savant) devant l’anruth (brillant), l'oblaire étant l'étudiant (voir Hiérarchie des filid dans l'article Barde).

 

 

Le rôle du druide dans la société

En tant que ministre de la religion, le druide procède à tous les rites cultuels, et en particulier aux sacrifices. Si les sacrifices humains de prisonniers de guerre sont attestés, il semble cependant qu’ils étaient réservés à des circonstances exceptionnelles, les sacrifices animaux (chevaux, taureaux) ou symboliques était plus courants.
L’enseignement, c’est-à-dire la transmission orale du savoir, fait aussi parti de ses responsabilités. C’est encore César qui nous apprend «qu’un grand nombre de jeunes gens viennent s’instruire chez eux» et que les études peuvent durer 20 ans; on cite le chiffre de 150 élèves pour le druide mythique Cathbad, dans la tradition irlandaise.

 

Dans le contexte celtique, le domaine juridique fait parti de la théologie et relève donc de la religion. C’est donc tout naturellement que les druides sont à la fois juristes et juges. Le non-respect d’un contrat est sanctionné par des peines qui sont codifiées selon la nature de la faute et le rang des parties dans la hiérarchie sociales. Si c’est le roi qui prononce la sanction, c’est le druide qui conseille. Compte tenu de la primauté de son statut, du prestige attaché à sa fonction, et aussi de sa qualité de juriste, il a aussi la charge des relations diplomatiques pour prévenir la guerre ou régler les compensations après l’agression. Notons au passage qu’un druide peut participer à la guerre, il n’y a pas d’interdit ni d’obligation, le druide-guerrier est un personnage assez courant. Ainsi, à titre d’exemple, le druide Cathbad, dont le nom signifie «Tueur au combat».

 

En tant que Savant et garant du savoir, il est logique que les domaines de l’histoire, de la généalogie, de la toponymie soient de son ressort, étant entendu que ce que nous appelons mythologie avait une réalité à cette époque. Pour des raisons de légitimité et de souveraineté, ces disciplines se devaient d’être les plus précises possible.
Les Tuatha De Danann (Gens de la déesse Dana – les dieux de l’Irlande) ont un dieu-médecin, Diancecht qui est un expert dans la magie et la médecine, il soigne et rétablit les blessés, il ressuscite les morts en les immergeant dans la Fontaine de Santé, il fabrique une prothèse au roi Nuada qui a eu le bras arraché. Les épopées sont pleines de ces guérisons, où les plantes, les incantations et les breuvages magiques sont utilisées.

 

Leur grande connaissance de astronomie leur aura permit de conceptualiser le temps, dont nous avons une idée grâce au calendrier de Coligny, qui date de l’époque gallo-romaine.

 

Le roi ne prend pas la parole avant le druide, mais ils forment une sorte de binôme indispensable et antagoniste. Si le roi exerce la Souveraineté, il le fait sous l’inspiration du druide qui lui doit le conseil, il y a dépendance du pouvoir politique au spirituel.

 

Les pratiques

Certains textes irlandais font état de l’intervention des druides au moment de la naissance, pour donner un nom à l’enfant et pratiquer une lustration, que l’on assimile à une forme de baptême.

 

L’attention portée aux présages est générale, car ils sont l’expression des volontés divines et donc les présages et la divination ne peuvent relever que du religieux dans la mesure où le druide est l’intermédiaire et sa parole sacrée. C’est donc un domaine illimité dés l’instant qu’il est question de l’avenir.

 

Le mot irlandais geis (pluriel geasa) désigne un interdit qui peut être négatif, sens d’interdiction, ou positif, sens d’obligation; la geis a force de loi. Elle s’adresse principalement au roi et aux membres de la classe guerrière et recouvre l’ensemble des activités de la vie quotidienne.

 

La magie, dont la médecine est un prolongement, fait appel à des techniques rituelles. Les plantes médicinales en sont un élément important, il faut aussi noter l’élixir d’oubli qui affecte la mémoire, la musique, la Fontaine de Santé qui guérit les blessés dans les batailles et ressuscite les morts, la pomme, symbole celtique par excellence de l’immortalité et du savoir, la cueillette du gui accompagné du sacrifie de taureaux, et bien d’autres.

 

Les éléments aussi participent à cette religion: l’eau par son pouvoir de lustration, le feu qui sert aux sacrifices ou à la purification des troupeaux, le vent qui a le pouvoir d’égarer ou d’anéantir, le brouillard qui permet de se déplacer de manière invisible.

 

Les incantations sont aussi une pratique très usitée. La littérature irlandaise parle notamment du glam dicinn qui est une malédiction suprême qui entraine la mort, de l'imbas forosnai qui a le sens d’illumination, le dichetal do chennaib cnâime dont la signification nous est inconnue, mais semble être une improvisation. La louange est de la responsabilité du barde, c'est une forme de poésie qui consiste à mettre en valeur les qualité d’un personnage. Le blâme est de même nature avec l’objectif contraire, à ne pas confondre avec la satire qui est une incantation religieuse et légale qui entraîne généralement la mort.

 

Les fêtes

L’année celtique comporte quatre grandes fêtes au caractère obligatoire, l’absence étant punie de mort.

Samain dont le sens est «réunion» a lieu le 1er novembre. Plus que le nouvel an, c’est le passage d’une année à l’autre, sa célébration dure une semaine qui est hors du temps, ce qui favorise les contacts avec l'Autre Monde. Elle se caractérise par des festins et des beuveries rituelles.

Imbolc qui signifie « lustration » est le 1er février. C’est la purification qui marque la fin de la période hivernale.

Beltaine les «feux de Bel» au 1er mai est une fête sacerdotale en rapport avec Belenos et de sa parèdre Belisama, qui marque le passage de la saison sombre à la saison claire avec le changement d’activités que cela implique. Les druides allument de grands feux pour protéger le bétail, essence même de la richesse.

Lugnasad est l' «assemblée de Lug» le 1er août. Cette fête est consacrée au roi dans son rôle de redistributeur des richesses et de protecteur. C’est l’occasion de conclure des contrats de toutes sortes (commerciaux, matrimoniaux, juridiques) et de se mesurer dans des compétitions (joutes littéraires, sports).

 

Le Druidisme

Selon le Lebor Gabala (Livre des Conquêtes), le druidisme a été inventé par les Partholoniens, arrivés en Irlande 312 ans après le déluge et qui vont l’occuper pendant 5000 ans. César aussi pense qu’il est originaire de l’île de Bretagne, puis s’est répandu en Gaule; d’ailleurs il affirme que nombre d’étudiants vont se perfectionner là-bas. Tout ce que l’on peut dire à ce propos ne peut être qu’une émanation de ce que nous savons de ses ministres. Plus qu’une religion, au sens où nous le comprenons aujourd’hui, le druidisme est le fondement même de la civilisation celtique, et le règlement de l’ensemble de la société. Toute la vie des Celtes est sous le contrôle des druides.

 

Les Celtes étaient convaincus de l’immortalité de l’âme, c’est la raison pour laquelle les guerriers n’éprouvaient aucune peur de la mort lors des batailles. Des confusions dans la lecture des textes ont suggéré la notion de réincarnation, mais celle-ci est inexistante.

 

Le Sidh est le nom gaélique qui désigne l'Autre Monde celtique, il se situe à l’ouest, au-delà de l’horizon de la mer, dans des îles magnifiques; sous la mer, dans les lacs et les rivières où se situent de somptueux palais de cristal aux entrées mystérieuses; sous les collines et les tertres. C’est le séjour des dieux.

 

Le culte se pratiquait dans des aires sacrées appelées Nemeton en langue gauloise (et nemed en gaélique) dont on trouve la trace, par exemple, dans le toponyme de la forêt de Nevet près de Locronan (Finistère), dont la Troménie, procession chrétienne, perpétue le souvenir d’une cérémonie druidique. Il est fort probable que des monuments mégalithiques, tels Carnac ou Stonehenge, aient été récupérés par les druides. Si à l’origine le Nemeton fut probablement un endroit ouvert, il a considérablement évolué pour devenir un enclos, de forme généralement quadrangulaire, comprenant des édifices en bois et un puit à offrandes.

 

Les filid irlandais ont élaboré un système de notation, les ogam (parfois appelée écriture oghamique), qui n’a jamais servi à la rédaction de textes, mais à des inscriptions funéraires (dont 300 nous sont parvenues) ou incantatoires gravées dans la pierre ou le bois. Attribué par la tradition à Ogme le dieu de la magie et de l’éloquence, cet alphabet composé d’encoches et dérivé de l’alphabet latin en association avec des noms d’arbres, resta cantonné à l’Irlande, l’Écosse et le Pays de Galles. La thèse d’une origine chamanique préhistorique fut avancée, mais elle ne résista pas à l’analyse, et fut rapidement abandonnée. Par ailleurs, si le sanglier est l’animal emblématique de la classe sacerdotale, la notion de totémisme est totalement à exclure, ne correspondant pas dans sa définition aux conceptions celtiques.

 


 

UNE RELIGION SPIRITUALISTE ÉVOLUÉE

Si l’on en croit non seulement les manuels d’Histoire, mais l’avis des historiens les plus conformistes, toute civilisation serait venue d’orient en occident. Pauvre occident qui, avant le miracle grec revu et corrigé par le juridisme romain, n’était que grossière barbarité juste capable d’inspirer des actes de courage inconscients ! A ce compte-là, il aurait fallu attendre les premiers missionnaires chrétiens pour que les hommes et les femmes de l’Europe occidentale apprissent qu’ils avaient une âme immortelle. Rien n’est plus faux cependant, à la lumière des témoignages les plus anciens: les mystérieux mégalithes, qui datent de 4000 à 2000 avant notre ère, prouvent l’existence, dès cette époque lointaine, d’une religion spiritualiste de type évolué. Quant au druidisme, c’est-à-dire la religion des Celtes (Gaulois, Bretons et Irlandais), il suffit de lire les écrivains grecs ou latins pour se convaincre de sa haute spiritualité et de la valeur des spéculations intellectuelles qui y afféraient.

 

Cicéron, qui avait eu le grand avantage de bien connaître le druide gaulois Diviciacos, affirmait la puissance intellectuelle et spirituelle de celui-ci, comparant même, un peu hâtivement, sa doctrine avec celle de Pythagore. Le poète latin Lucain, entre autres précieux renseignements, indique nettement que pour les druides, «la mort n’est que le milieu d’une longue vie», ce qui n’était guère conforme aux croyances orthodoxes des Grecs et des Latins pour qui l’Autre Monde n’était que le séjour d’ombres inconsistantes, mais bien plus proche du culte isiaque, de l’orphisme et des religions à mystères qui pullulaient alors en Méditerranée orientale. Et Jules César, type parfait de l’intellectuel latin athée du 1er siècle avant notre ère — ce qui ne l’empêchait pas de sacrifier aux dieux romains par tactique patriotique —, précise que le point essentiel de l’enseignement druidique est «que les âmes ne périssent pas». Mais le proconsul semble n’avoir pas très bien compris cette doctrine, car il ajoute que ces âmes, «après la mort, passent d’un corps dans un autre». Il est le seul, parmi les témoins contemporains, à tirer une telle conclusion, mais il n’en fallait pas plus pour que de nombreux exégètes et commentateurs n’en déduisent que les Gaulois croyaient à une métempsychose de type brahmanique.

 

Le sens donné à l'information

C’est pourtant une contre-vérité démentie par tous les textes et documents fiables concernant ce sujet. Dans ces conditions, on ne peut que prendre à la lettre l’affirmation de César: les druides enseignent qu’après la mort, l’âme d’un individu se réincarne, mais dans un autre monde, cet Autre Monde tant de fois décrit dans les légendes celtiques, qui ressemble à cet univers-ci, mais qui est de l’autre côté. C’est le sens qu’il convient de donner à l’information de Diodore de Sicile: «Les âmes sont immortelles et revivent un certain nombre d’années dans un autre corps.» Mais pomponius Méta est plus explicite: «Les âmes sont immortelles et il y a une autre vie chez les morts.» Cela est d’une extrême importance, car c’est l’explication du passage du druidisme au christianisme chez les peuples celtes, passage qui s’est fait sans heurt et sans problème, surtout chez les Irlandais qui, n’ayant jamais été conquis par les Romains, n’étaient point obligés de se convertir à la religion dominante. Et comment pourrait-on admettre cette facilité de conversion si la doctrine druidique avait comporté la croyance en la métempsychose ? Au contraire, l’affirmation selon laquelle une âme immortelle se réincarne dans un autre monde était conforme à la doctrine chrétienne du temps.

 

Cela dit, il importe de savoir ce qu’était exactement le druidisme et à quelle expérience spirituelle il pouvait correspondre. Le terme de druidisme est assez récent: il ne fait que recouvrir d’un nom l’organisation, le rituel et le dogme d’une religion qui était celle de tous les peuples celtes, au premier siècle avant notre ère, sur l’ensemble des territoires qu’ils occupaient, Gaule, île de Bretagne, Irlande, nord-ouest de l’Espagne, différents points de l’Europe centrale et royaume des Galates dans la Turquie actuelle, c’est-à-dire partout où l’on parlait une langue celtique. L’organisation druidique est nettement indo-européenne. Le rituel et le dogme, pour ce qu’on peut en savoir, le sont beaucoup moins: tout se passe comme si le druidisme avait, selon des modes de pensée indo-européens, opéré une synthèse entre les différentes religions des peuples autochtones soumis par les Celtes et codifié celles-ci jusqu’à parvenir à une doctrine cohérente et à un culte sinon unique, du moins de type universaliste.

 

Les druides constituaient une classe sacerdotale bien nette, qui jouait un rôle considérable dans la vie sociale et politique des Celtes. Mais à la différence des Brahmanes, lesquels formaient une caste définie par la naissance, à la différence des Flamines romains qui formaient un collège auquel on accédait par cooptation, la classe des druides était accessible à tout individu, guerrier, artisan, commerçant, pourvu qu’il fît de longues études (parfois vingt ans), sans aucune discrimination quant à la classe d’origine. Les druides, divisés en trois catégories, druides proprement dits, bardes, c’est-à-dire poètes, et devins, avaient des activités complexes. Ils étaient prêtres, présidant ainsi au culte et aux sacrifices, professeurs, médecins, juges et arbitres, bien entendu philosophes, probablement magiciens, et ils «coiffaient» littéralement la vie politique. Au fond, c’étaient eux qui faisaient et défaisaient les rois, qui, dans les assemblées, parlaient toujours avant le roi, conduisaient les affaires par leurs conseils et décidaient de la paix et de la guerre. Cela tient au système celtique selon lequel le monde doit être organisé selon le plan prévu par les dieux dont les druides sont évidemment les interprètes. On voit que là encore, les analogies avec le christianisme médiéval ne sont pas une illusion.

 

La richesse de la poésie celtique

Le nom des druides a été souvent mis en rapport avec le nom du chêne, à cause de la ressemblance bien sûr, et en rapport avec la fameuse cérémonie de la cueillette du gui décrite par Pline l’Ancien, et qui est devenue en quelque sorte l’image-clé de la religion druidique. En réalité, cette cérémonie du gui n’en était une que parmi beaucoup d’autres, et vraisemblablement la moins importante, et le nom des druides n’a rien à voir avec celui du chêne, même si cet arbre a une signification symbolique très marquée dans la tradition celtique — comme dans bien d’autres, d’ailleurs… Le mot druide provient en effet de deux termes celtiques d’origine indo-européenne, dru, préfixe superlatif, et ides, apparenté au grec idein et au latin videre, signifiant «voir». Les druides sont donc les «très voyants», ce qui met en relief, à n’en pas douter, leur caractère de médiateurs entre les dieux et les hommes: ils sont ceux qui, en reprenant la phrase d’Alfred de Vigny, dans Chatterton, à propos des poètes, lisent «dans les astres la route que nous montre le doigt du Seigneur». Les druides sont comme le poète si cher à Hugo, ils voient ce que les autres sont incapables de voir, ou ce qu’ils ne voient pas encore. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de constater que la richesse de la poésie celtique est liée intimement à la fonction sacerdotale des poètes. Poésie et religion sont deux aspects complémentaires d’une même réalité. Et cette réalité consiste à transcender l’humain afin que plus aucune contradiction ne vienne troubler la «profonde et mystérieuse unité» entre le monde divin et le monde humain.

 

Précisément, c’est sur cette notion d’Autre Monde que le druidisme paraît le plus intéressant et aussi le plus convaincant. Car si nous ne possédons aucun texte théorique, aucun exposé doctrinal authentique concernant la religion druidique, le légendaire celtique, qui en est l’interprétation symbolique et imagée, est particulièrement abondant en descriptions de l’Autre Monde. A la différence de ce qui se passe chez les Méditerranéens, cet Autre Monde n’est localisé ni en haut, ni en bas: il est à côté. Chacun peut, dans certaines conditions, y pénétrer vivant, et en revenir. De la même façon, les êtres de l’Autre Monde ont la possibilité de «passer la frontière», de se mêler aux humains et de retourner chez eux. A lire, ou à écouter les grandes légendes mythologiques des Celtes, on a l’impression d’être en présence de récits de Science-Fiction où la célèbre «quatrième dimension» joue un rôle essentiel. Il y a même, dans le calendrier religieux des Celtes, un moment privilégié où tout échange est possible entre les deux mondes, le nouvel an celtique, c’est-à-dire le 1er novembre, fête de Samain en Irlande, de Samonios ( fin de l’été) dans la Gaule indépendante. Or, et ce n’est pas un hasard, la fête chrétienne catholique de la Toussaint, qui prend place à cette date, célèbre et magnifie la «communion des Saints», autrement dit établit des rapports privilégiés entre les Chrétiens vivants et ceux qui sont morts. Si on a trop souvent vu dans les rites de la Toussaint et du jour des Morts, un reste du culte préhistorique des Défunts, on se trompe: la signification est tout autre, prenant racine sur une véritable théologie. Dans les pays anglo-saxons, héritiers directs de la mentalité celtique primitive, la nuit du 31 octobre au 1er novembre (c’est-à-dire exactement le moment de l’ancienne fête de Samain), qu’on nomme Halloween, est l’occasion de rituels populaires qui sont inexplicables si l’on ne se réfère pas à la tradition païenne. Mais là aussi, il y a continuité entre le druidisme et le faux christianisme du catholicisme romain.

 

Les Celtes considérés comme des Barbares

Longtemps méprisé par les historiens, comme tout ce qui touchait les Celtes considérés comme des Barbares courageux mais grossiers et irrationnels, le druidisme a fait l’objet, depuis le XIXe siècle, de nombreuses recherches et d’études passionnées. Hélas ! ces études, inspirées par une délirante celtomanie d’origine romantique et nourries par le mystère qui continue d’entourer cette religion, relèvent pour la plupart du roman feuilleton. Il faut dire que la tâche n’est pas aisée: nous disposons certes d’une masse d’informations sur le sujet, mais dispersées un peu partout et de façon anachronique, presque toujours de seconde main, et surtout parfaitement contradictoires si on n’en fait pas le tri et si on ne les soumet pas à une critique historique rigoureuse. Ces informations se trouvent chez les auteurs grecs et latins de l’Antiquité, chez les Pères de l’église chrétienne catholique (notamment lorsqu’ils réfutent la religion païenne et les hérésies), dans les récits épiques en langue gaélique d’Irlande et en langue galloise (breton insulaire) mis par écrit au cours du Moyen Age, sans oublier les célèbres Romans de la Table Ronde, tous inspirés de modèles celtiques et les contes populaires de l’Europe occidentale qui renferment un important fonds traditionnel. Tout cela doit bien entendu être comparé aux documents archéologiques, statues, monnaies gravées, objets divers, qui témoignent de la vision qu’avaient les Celtes de leurs dieux.

 

C’est précisément sur ce point que le problème apparaît le plus délicat. A première vue, les dieux des Celtes sont innombrables, et de plus, ils ne portent pas toujours le même nom dans les différents pays celtiques, d’après les textes comme d’après les inscriptions parfois gravées sur la pierre. Et comme on est parti du principe que les Celtes étaient des Indo-Européens, on n’a pas manqué de comparer les dieux gaulois aux dieux grecs et latins et de les identifier. Après tout, Jules César fut le premier à avoir fait cette tentative d’assimilation. Il faut bien dire que le résultat est plutôt décevant et qu’il contribue davantage à brouiller les cartes qu’à obtenir des lumières sur la question. On a seulement oublié que, si le druidisme était indo-européen dans ses structures, la part des peuples autochtones «colonisés» par les Celtes est au moins aussi importante dans la constitution de cette religion. Il est donc vain de rechercher à tout prix une concordance entre les dieux celtes et leurs soi-disant modèles grecs et latins. S’il y a entre eux des rapprochements possibles — et même certains —, c’est dû avant tout à une tradition universelle dont les différentes religions ne sont que des aspects transitoires et spécifiques à une région ou à un mode de vie.

 

La représentation des menhirs

Prenons l’exemple du dieu Lug, le dieu panceltique par excellence parce qu’il est attesté dans tous les pays occupés par les Celtes sous ce même nom et qu’il a servi à nommer de nombreuses villes, Lyon, Laon, Loudun, Leyde et Leipzig notamment, qui sont toutes des Lug-Dunum (forteresse de Lug). D’après la statuaire gallo-romaine, il a été assimilé à Mercure, dieu du commerce (et des voleurs). Mais d’après César, c’est le dieu le plus honoré en Gaule, et l’on trouve partout ses simulacres : or, si on interprète le latin simulacrum correctement, il faut inclure dans ces représentations gauloises de Mercure les menhirs (de plus de deux mille ans antérieurs aux Gaulois) qui sont encore fort nombreux de nos jours. Il est très vraisemblable que les Celtes ont récupéré les croyances et le culte concernant les menhirs (croyances qui se sont perpétuées dans l’Europe chrétienne), mais si un menhir est la représentation de Lug-Mercure chez les Gaulois — et il n’y a pas de raison d’en douter —, voilà notre dieu du commerce affublé d’une fonction complémentaire, son symbolisme phallique étant évident, ce qui nous amène à le considérer comme un dieu de la fécondité, voire de l’agressivité virile, autrement dit de la guerre. Et dans les textes irlandais, très loquaces sur le personnage, Lug est surnommé Salmidanach, le «Multiple Artisan». Le voici maintenant dieu des techniques les plus diverses, le véritable démiurge de cet insaisissable panthéon.

 

Ajoutons que dans ces mêmes textes, son caractère solaire est non moins évident, et qu’il pourrait être assimilé à Apollon. Il est d’ailleurs probable qu’il est aussi honoré sous le nom, ou plutôt le surnom, de Belenos, ce qui signifie «Brillant», comme en témoignent diverses inscriptions gallo-romaines. Et comme par hasard, tous les lieux consacrés à Lug-Belenos, généralement sur des hauteurs, sont devenus, depuis le christianisme, des monts Saint-Michel, en hommage à l’archange le plus «brillant», vainqueur du dragon des ténèbres comme Apollon le fut du serpent Python. Et que dire du dieu Cernunnos, divinité aux cornes de cervidé, non indo-européen mais hérité des chasseurs de la préhistoire, devenu, par la grâce des chrétiens catholiques le «saint» Kornely de Carnac, protecteur des bêtes à cornes ? Mais Cernunnos, le dieu à cornes a plutôt été assimilé à Satan par les chrétiens superstitieux qui ont l'imagination fertile. Dans la mythologie des peuples, les cornes représentent le pouvoir d'un souverain qui se réclame la divinité. Or Cernunnos représente Nemrod, le géant rebel contre Dieu qui fut déifié comme le dieu Soleil de l'ancien empire babylonien, et qui construisit la Tout de Babel. Dans sa prétendu divinité il est donné le nom de Lucifer, le Brillant, le porteur de lumière, celui qui donne la connaissance des mystères de la vie. Telle est la source et la signification de cette symbologie qui s'est répandue chez tous les peuples et nations qui l'interprètent à leurs façons et sous différents noms.

 

La crainte et les superstitions

En fait, une analyse en profondeur de tous les documents concernant les dieux des Celtes conduit à une constatation qui ne peut manquer d’être surprenante: le druidisme était un faux polythéisme. Les «dieux», ces fameux deivos indo-européens, porteurs de noms qui sont des surnoms symboliques ou des épithètes, ne sont pas autre chose que des aspects ou des fonctions attribués à une divinité unique, incommunicable dans sa totalité, et bien entendu innommable. Car qui définit une divinité la néantise, étant donné que par essence elle est infinie, et qui nomme une divinité la réduit à un simple objet puisque le nom est une prison dans laquelle on peut enfermer un être ou une chose. Néanmoins il ne faut pas oublier que les divinités païennes sont des hommes, des héros qui ont été déifiés au courant de l'histoire. Cette analyse s’appuie sur l’étude des grandes légendes épiques, tant irlandaises que bretonnes, et qui sont toutes des récits littéraires gardant le souvenir de rituels, de jeux dramatiques dans lesquels les acteurs, c’est-à-dire les fidèles, incarnaient certaines fonctions divines complémentaires ou contradictoires pour mieux les conjurer ou pour mieux les utiliser. Il s’est produit le même phénomène dans la plupart des autres religions, y compris dans la religion chrétienne dite catholique et protestante, où le théâtre est né du culte à l’intérieur de la prétendue église avant de devenir profane, c’est-à-dire mis en œuvre devant le temple des mystères chaldéens avec ses enseignements occultes réservés aux initiés pour controller les masses aveugles par la crainte et les superstitions.

 

Il est donc infiniment probable que le druidisme, dans sa doctrine, comportait, outre une cosmogonie, une théologie qui constituait l’ossature du système. Ce sont donc les vestiges de cette théologie que nous découvrons dans les mythes actualisés et localisés dans les légendes épiques sous forme d’images et d’aventures, de conflits et de réconciliations, de faits événementiels qui traduisent la permanence du drame cosmique qui se joue en nous, au-delà de nous, contre nous et avec nous dans l’espace-temps qui est celui de l’existence dans ce monde-ci. Et la divinité, innommable et ineffable, n’existe que par le déchirement intérieur à son être, par lequel se produit le mouvement, donc la vie.

 

Sans prétendre que tous les adeptes du druidisme aient eu la notion d’un dieu unique dont les manifestations constituent l’existence des êtres et des choses, on peut cependant croire avec quelque raison que les druides eux-mêmes, considérés par les Grecs et les Latins comme de remarquables philosophes détenteurs d’une doctrine non révélée à tout le monde (ésotérisme), habiles aux spéculations métaphysiques, soient parvenus à ce haut degré de spiritualité. Comment expliquer autrement que par cette spiritualité le passage sans obstacles de la religion druidique au christianisme ?

 

On a dit que les druides ont été pourchassés par les Romains. Cela est en partie faux. On leur a seulement interdit d’enseigner, parce que leur doctrine, dans son essence et par l’idéal socioculturel qu’elle proposait, était contraire au système romain et risquait de le mettre en danger. D’ailleurs, en Irlande, les Romains ne sont jamais venus, ce qui n’a pas empêché les Irlandais de se convertir très tôt et de se montrer les plus zélés propagateurs de la nouvelle religion. Ils l’ont même ré-infusée sur le continent à l’époque mérovingienne, quand le continent était sur le point de revenir à des néo-paganismes.

 

Le monothéisme latent du druidisme

Ce monothéisme latent du druidisme a facilité la conversion de ses fidèles au sein du christianisme. Le sacrilège du sacrifice de la Messe, sacrifice non sanglant s’il en fût, a recouvert le sacrifice sanglant des païens. La croyance en la réincarnation de l’âme dans un Autre Monde s’est perpétuée dans celle de la résurrection de la chair, activée par l’expérience du Christ sortant vivant de son tombeau qui est exploitée à son maximum par le catholicisme. Et puis, sur le plan social, le christianisme romain, religion des humbles hypocrites et qui réhabilitait le travail manuel, n’était en rien contradictoire avec les usages celtiques qui ont toujours mis en valeur le travail de la terre et l’artisanat, ce dernier magnifié remarquablement par l’image du dieu Lug. Au fond, la seule innovation consistait dans le passage d’une civilisation de type oral à une civilisation nouvelle qui se caractérisait par une confiance absolue dans l’écriture, mais non dans les Saintes-Écritures. Encore faut-il préciser qu’au début de l’ère chrétienne, les druides et leurs successeurs immédiats les fili avaient commencé d’utiliser dans certains cas l’écriture ogamique, du moins en Irlande.

 

Tout cela ne veut pas dire que le druidisme s’est inséré en bloc dans le christianisme. Mais le premier christianisme apostat, celui des origines du catholicisme infernal, tenait compte des particularismes. Ce n’était pas une doctrine romaine imposée à tous, mais seulement un message subtil que chacun était libre d’interpréter à sa guise. Cela ne pouvait que satisfaire les Celtes, toujours très attachés à la notion de liberté. Et c’est pourquoi le christianisme celtique prit une forme particulière et se développa selon des normes purement celtiques jusqu’au jour où la papauté, héritière insidieuse du centralisme romain, décida de la faire rentrer dans sa mouvance absolutiste et universaliste par la manipulation et l'intimidation. Toutefois, certains des celtes qui avaient connus le christianisme authentique lors de la visite de vrais disciples en provenance de la Judée et plus tard de l'apôtre Paul, refusèrent et se réfugièrent dans les forêts ainsi qu'en Écosse et en Irlande.

 

L’hérésie pélagienne

Sur le plan des usages, on sait que l’Église celtique, en Irlande, en Grande-Bretagne et en Bretagne armoricaine, eut de nombreuses particularités: cycle pascal différent, tonsure spéciale, rituels spécifiques, association des femmes au culte, cela à la grande fureur des évêques «romains», système complexe de l’abbaye-évêché. Mais sur le plan de la doctrine, de nombreuses conceptions druidiques passèrent dans le christianisme. La preuve la plus éclatante de cela se trouve dans ce qu’on a appelé l’hérésie pélagienne qui en nos temps modernes se nomme l'arminianisme, hérésie du libre-arbitre ou doctrine philosophique du libre-choix si populaire de nos jours dans le christianisme contrefait moderne.

 

Au IVe siècle, le moine Pélage, qui était breton, professa que le péché originel n’avait aucune importance puisqu’il ne concernait qu’Adam et Eve. En conséquence, il n’était pas nécessaire de baptiser les jeunes enfants: il fallait attendre que, parvenu à l’état adulte, chacun pût choisir sa voie, notion qui fut adoptée parles sectes baptistes. Cette opinion déclencha une querelle dont l’Eglise Catholique et Protestante ne s’est jamais remise, et saint Augustin la réfuta, affirmant que l’homme, faible par nature, à cause du péché originel, avait besoin de la grâce divine, ce qui fut interprété comme signifiant le baptême, pour être sauvé, remplaçant ainsi une hérésie par une autre, pratique commune dans le catholicisme depuis sa fondation au Concile de Nicée en l'an 425 sous l'empereur Constantin. Pélage répliqua par l’affirmation erronée que l’homme était entièrement libre de se sauver ou de se perdre, et que c’était à lui de décider, notion populaire de nos jours parmi les sectes évangélique. Ainsi se trouva engagée la querelle de la grâce et du libre-arbitre, dont les retombées furent immenses, notamment dans le Calvinisme, le Molinisme et le Jansénisme, au cours des siècles jusqu'à nos jours.

 

C’est un élément essentiel dans la compréhension du christianisme celtique, et aussi dans la connaissance du druidisme. Les Celtes, en effet, étaient des monistes, croyant à l’unité dans la diversité, au contraire des Méditerranéens dualistes et aristotéliciens. Pour les Celtes, vie et mort, jour et nuit, bien et mal ne sont que deux aspects complémentaires d’une même réalité. D’où une absence complète de la notion de péché chez les Celtes païens. Cette conception se retrouve intégralement dans la doctrine de Pélage, laquelle eut beaucoup de succès dans l’Eglise celtique et dut être âprement combattue par des augustiniens du type saint Germain d’Auxerre. En fait, le druidisme paraît avoir été la religion qui a fait le plus confiance à l’être humain, reconnaissant faussement à celui-ci un libre-arbitre absolu, ce qui élève l'homme à la stature de Dieu, le seul Créateur de toutes choses et même des hérétiques comme Pélage et compagnie qui recevrons le salaire qui leur est du dans des souffrances sans fin d'un enfer réel.

 

On sait qu’à travers les divers courants du pseudp-christianisme, au XXe siècle, le souvenir de Pélage continue à rôder et à faire ses ravages. Le druidisme aussi, par voie de conséquence. Et c’est peut-être à l’intérieur d’un tel christianisme illégitime qui se remet en question, cherchant à définir les grandes lignes d’une nouvelle spiritualité, que se trouvent les druides les plus authentiques de notre époque dans l'apostasie générale des peuples.

 

Le désir de renouveau spirituel

Car, depuis le XVIIIe siècle, on a vu surgir des druides de partout. Un érudit gallois de génie, Iolo Morgannwc, à l’aide de traditions orales ou écrites, de rituels de la Maçonnerie écossaise, d’emprunts à un orientalisme mal digéré, fabriqua de toutes pièces un néo-druidisme. C’est ce néo-druidisme qui s’installa au Pays de Galles: on vit alors des assemblées (Gorsedd) de druides, de bardes et d’ovates (devins), habillés pour la circonstance dans des vêtements dignes des costumiers de théâtre. En 1901, ce gorsedd franchit la Manche et donna naissance au Gorsedd des Druides de Petite Bretagne, lequel perdure, même s’il est secoué de temps à autre par des dissensions internes et altéré par des scissions. D’autres gorsedd se sont créés, presque par l’opération d'un esprit de duplicité. On a même vu se lever des druides isolés, habillés de somptueuses robes blanches, affirmant être inspirés par le Ciel et profitant largement du réel désir de renouveau spirituel qui dévore un Occident déçu par un christianisme contrefait essoufflé. Sans mettre en cause systématiquement ceux qui s’intitulent druides, sans mettre en doute leur quête personnelle ou leur démarche spirituelle, il faut bien dire que cela tient davantage au rêve et au fantasme plutôt qu’à la réalité historique.

 

Car le druidisme s’est dilué, à partir du IVe siècle, dans un faux christianisme triomphant. Le druidisme a disparu en tant que tel, ce qui ne veut pas dire qu’il n’en reste point de traces. Et c’est à nous tous, y compris à ceux qui s’intitulent un peu hâtivement druides, d’essayer de retrouver ces traces dispersées à travers une Europe occidentale sans identité qui se cherche dans le délire d'une existence chimérique  inatteignable.

 

Cela est loin d’être une démarche archéologique. C’est une quête essentielle pour connaître nos racines et les nourrir d’énergies nouvelles, ce qui ne se produira jamais à moins d'une conversion réelle à Jésus-Christ par la puissance de son Esprit, et cela au dépens de toutes religions. Mais la grande épopée celtique n’a jamais disparu tout à fait de nos mémoires, le souvenir en demeure dans un obscur brouillard où nous voyons surgir les fantômes druidiques cueillir encore le gui sous les chênes majestueux des forêts mystiques peuplées de créatures légendaires.

 

Dans cette société du XXIe siècle où toutes les valeurs, spirituelles, morales, scientifiques, sont constamment remises en question, deux attitudes sont possibles pour l’homme: laisser faire, se laisser engloutir, ou bien redécouvrir le sens de la vie à travers les données qui sont les nôtres. D’où cet appétit spirituel qui se développe derrière le doute créateur. La fausse église elle-même est à la recherche de nouvelles normes pour justifier son existence. Et là encore, l’héritage celtique se manifeste: on baptise de plus en plus tard si pas du tout, manipulant le prétendu libre-arbitre de chacun, la notion classique du péché s’estompe dans les crimes d'une société sans valeurs, le diable, dans sa conception médiévale et manichéenne, est relégué aux magasins des accessoires des comptes de fées, ce qu'ils sont en réalité. Et surtout, après tant de siècles passés à définir Dieu, ce qui est le comble de l’absurdité, on en revient à une théologie de l’Etre sans identité, perdu dans l'immensité d'extravagances sans fin.

 

Par cette recherche quotidienne entreprise à la fois par les scientifiques dans leur domaine propre, et par les nostalgiques du druidisme, quels qu’ils soient, une grande idée s’impose comme le but suprême de la «quête» : réveiller la sagesse endormie, celle qui dort dans notre inconscient depuis que les druides ont cessé d’enseigner dans leur nemeton, cette clairière sacrée, il n'y a point de rencontre entre le Ciel et la Terre, où soufflait, avec le vent de la forêt, l’Esprit, le seul, celui qui donne la vie.

 

 


SAINT PATRICK ET LA COLOMBE DE L'ÉGLISE CELTIQUE

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Dans les 5èmes et 6èmes siècles (et même au-delà !) L’église celtique a été l’une des églises les plus spirituellement dynamique dans le monde.

 

Les chrétiens irlandais sont tous les enfants et petits-enfants spirituels de Patrick, l’homme qui a apporté le christianisme en Irlande. S’il n’était pas venu en Irlande, ils seraient encore tous perdus dans leur culte des idoles. Les Irlandais ne l’ont jamais oublié. Seize cents ans après sa mort, Patrick est toujours de leur héros national.

 

Cependant, le reste du monde avait déjà oublié Patrick au moment où il est mort. En fait, en dehors de l’Irlande, peu de gens avaient même entendu parler de lui. Et ceux qui avaient entendu parler de lui, avaient sans doute entendu des choses essentiellement négatives. Si quelqu’un leur avait dit qu’un jour, Patrick serait la personne la plus célèbre de leur époque, ils auraient ri de dérision. Aujourd’hui, leurs noms ont tous été oublié, mais son nom vit toujours. La raison pour laquelle dont on se souvient si bien de lui est qu’il a édifié son travail sur « l’or, l’argent et les pierres précieuses » (1 Cor. 03:12). Son nom a perduré parce que son travail a duré. L’église qu’il a laissée derrière lui était une église dynamique désireuse de diffuser l’Évangile dans le monde entier, quel qu’en soit le prix.

 

Un des plus remarquables “petits-fils” spirituels de Patrick est Columba (connu en Irlande par son nom celtique, Colum Cille) qui signifie en gaélique irlandais «Colombe de l’Église». Il était né dans le Donegal, Irlande du Nord, environ soixante ans après la mort de Patrick. Descendant des rois irlandais, il a apparemment appartenu au même clan que Milchu, ancien maître de Patrick. Néanmoins, il choisit de renoncer à son rang, à sa puissance et à sa richesse pour vivre dans la pauvreté comme un eunuque pour le Christ (Matthieu 19:12). Il travailla parmi ses collègues Irlandais pendant dix-neuf ans, prêchant l’Évangile et fondateur de nombreuses communautés religieuses. En fait, pendant beaucoup d’années, il fut à la tête de l’une des communautés spirituelles fondées par Patrick.

 

En 563, lorsque Columba avait quarante-deux ans, lui et douze autres hommes ont embarqué dans une petite “currach” (barque couverte pour se cacher) pour porter l’Évangile à l’Écosse. Quitter l’Irlande était un sacrifice difficile pour Colum- ba, comme il aimait profondément son pays natal. Comment lui manquerait les vallées vert émeraude, les collines velouteuses couvertes de moutons, les tourbières spongieuses, et la beauté étrange du Burren. Néanmoins, toute l’Irlande avait maintenant été soigneusement évangélisée du vrai Évangile de la grâce souveraine. L’Évangile devait être porté sur les terres non-atteintes.

*Le “curragh”, est un bateau souple fait de lattes enveloppées de cuir. Un currach (aussi écrit curragh ou curach) est un bateau léger des côtes ouest de l’Irlande. Actuellement, il est généralement fabri- qué de lattes de bois, recouvertes de toiles enduites de coaltar. Sa longueur varie de 4 à 7 mètres et sa largeur entre 1 mètre et 1 mètre 50. Très marin, il se manœuvre aux avirons, par deux ou trois rameurs. Ses ancêtres étaient recouverts de peaux de bœuf graissées. Plus grands, ils devaient supporter un ou deux mâts et des voiles. Ils servaient notamment, lestés d’une grosse pierre, à transporter les moines évangélisateurs irlandais vers l’Europe aux Ve et VIe siècles, en particulier vers l’Armorique, devenue depuis lors la Bretagne, d’où les légendes des saints bretons venus d’Irlande et de Grande-Bretagne sur leurs vaisseaux de pierre.

 

L’Écosse était le choix évident comme champ de mission pour plusieurs raisons. Pour commencer, c’était le pays païen le plus proche à l’Irlande. Deuxièmement, Columba pourrait parler la langue des Écossais, car ils étaient des émigrants en provenance d’Irlande. Le terme “Scot” était à l’origine le nom que les Romains avaient donné aux irlandais. Toutefois, dans le cinquième siècle, un certain nombre de clans du nord de l’Irlande ont migré vers ce qui est aujourd’hui connu comme l’Écosse. À l’époque de Patrick, ce pays était appelé Calédonie. Mais après que les Écossais (“Scot”) de l’Irlande, s’y sont établis, le pays fini par être appelé Écosse.

 

Durant la vie de Columba, l’Écosse a été habitée à la fois par les Écossais (“Scot”) païens de l’Irlande et les Pictes idolâtres. Au cinquième siècle, un missionnaire britannique nommé Ninian avait converti la plupart des Pictes. Cependant, la plupart de ses églises avaient finalement apostasiées, et les gens étaient retournés à leurs idoles païennes. Columba réalisa que ce serait un vrai défi que de porter l’Évangile à ces deux races belliqueuses. Cependant, avec une foi semblable à Patrick, Columba savait que tout était possible à Dieu.

 

L'île mystique d'Iona

Comme base de mission, Columba choisi l’île sauvagement cruelle et mystique de Iona, au large de la côte ouest de l’Écosse. Il n’avait pas pu choisir un endroit plus désolé et aride que cette bande déboisée de sable et de rochers. L’île était inhabitée, car même les robustes Scots et Pictes n’avaient eu aucune désir de s’installer dans ce lieu solitaire attaqué par le vent et les vagues. Pourtant, elle s’est avéré être un site stratégique pour un centre de mission.

 

Bien sûr, la première tâche de Columba fut d’établir une base là avant le début des tempêtes de l’Atlantique féroces en l’hiver. Bien que de sang royal, Columba a donné l’exemple en mettant sa force dans le lourd travail manuel nécessaire pour construire une communauté sur Iona. Lui et  ses hommes construisirent des huttes brutes individuelles de bois flotté et de gazon de tourbe pour leur donner une protection contre le vent violent. Ils ont également construit un bâtiment en bois plus grand pour le culte communal. Le sol sablonneux était si pauvre qu’il fallait mélanger des algues en décomposition avec les cultures pour tout cultiver.

 

La vie à Iona était ardue, primitive, et austère. Les hommes ont survécu en pêchant dans les eaux et travaillant dans leurs maigres jardins. Se souvenant de l’exemple de Patrick, ils ont passé des heures chaque jour dans la prière individuelle et communautaire. Ils savaient bien que l’Écosse ne pourrait être gagnée que par la prière. Quand ils ne priaient pas ou ne travaillaient à l’extérieur, les hommes lisaient les Saintes Écritures et des manuscrits de la Bible copiés. Une fois que leur communauté fut bien établie, ils ont commencé à se rendre dans les îles voisines des Hébrides, pour apporter l’Évangile aux Écossais habitants là. Dieu bénit la prédication de Columba, comme il l’avait fait à Patrick, et ces résidents de l’île reçurent l’Évangile avec impatience. Certains de ces nouveaux convertis rejoignirent la communauté à Iona. D’autres formèrent de nouvelles communautés sur certaines des Hébrides, sous la direction de Columba.

 

Après avoir remporté ces îles pour le Christ, Columba et ses hommes se mirent à gagner l’Écosse continentale pour le Christ. En fait, les Scots du continent avaient contemplé la communauté sur Iona pendant un certain temps avec un grand intérêt. Ils ne pouvaient à peine imaginer pourquoi quelqu’un voudrait choisir de vivre dans un tel endroit — sans parler de quelqu’un de sang royal. Quelle quête ferait déplacer des hommes pour faire un tel sacrifice ? Lorsque les Scots ap prirent comment Columba et ses hommes enduraient la vie par amour pour eux, ils ouvrirent leur cœur à l’Évangile. Plus de trente ans, Columba parcourut à pied les montagnes de bruyères d’Écosse, fondateur de plus de cinquante églises et communautés religieuses.

 

Le zèle missionnaire de Columba

Le courage, la sainteté et le zèle missionnaire de Columba ont impressionné tous ceux qu’il rencontrait. À sa prédication, des milliers de Scots détruisirent leurs idoles et abandonnèrent leurs vies païennes. Malgré le risque considérable pour sa propre vie, Columba se rendit même à Inverness en Écosse du Nord pour rencontrer le roi Brude des Pictes sauvages. Dieu a ouvert le cœur de Brude, et bientôt l’Évangile fut répandu dans tout le pays des Pictes. Lorsque les jambes de Columba ne purent plus le porter pour prêcher l’Évangile, il se retira dans la communauté d’Iona, qui alors était connu des Scots comme la “Holy Island” (L’île Sainte). Il passa ses derniers jours là, en priant et en conseillant les autres missionnaires. Quand il sentit que la mort était proche, il s’est fait porter par ses hommes à l’église, où il rompit le pain de communion avec eux. Trop faible pour se déplacer plus loin, il se coucha finalement sur le sol froid et humide de l’église pour accueillir la mort. Comme ses frères se pressaient autour de lui, il essaya de lever sa main droite pour les bénir, mais sa force était parti. Donc, l’un des frères a soulevé la main de Columba pour lui, et avec beaucoup d’effort, Columba bénit les autres hommes. Ensuite, il ferma les yeux et rejoint Patrick au paradis.

 

Columbanus remplace Columba après sa mort

Un autre “petit-fils” spirituel remarquable de Patrick fut le missionnaire irlandais, Columbanus (Columbán en Irlandais). Un grand homme chaleureux à la chevelure flamboyante et des taches de rousseur, il était un jeune contemporain de Columba. Pendant des années, il avait travaillé dur en Irlande, fondateur de différentes communautés religieuses et prêchant un Évangile sans compromis. À cette époque, les chrétiens de tout l’Empire romain visitaient l’Irlande en raison de sa réputation de sainteté. Ces visiteurs révélèrent à Colomban les tribus germaniques païennes de l’Europe qui n’avaient pas encore entendu l’Évangile. Bien qu’il fût maintenant dans la quarantaine, Colombanus pria longuement pour ces personnes perdues. Discernant la main de Dieu, lui et douze autres hommes résolurent de leur apporter le christianisme authentique.

 

Pour commencer leur mission, ils firent tout d’abord un bateau simple permettant de naviguer vers l’Europe. La coque du bateau était faite de chêne, puis couvertes de peau de bœuf tannée, tendue sur l’écorce de chêne. Enfin, ils ont scellé toutes les coutures avec de la graisse pour rendre le bateau étanche. Chargés avec un approvisionnement suffisant, ils partirent dans la foi pour l’Europe continentale, en sachant qu’ils ne reviendraient sans doute jamais dans leur patrie bien-aimée. Une fois qu’ils ont atteint l’Europe continentale, Colombanus et ses collègues missionnaires irlandais se sont d’abord installés en Bourgogne, dans ce qui est aujourd’hui l’est de la France.

 

Columbanus en France

Colomban de Luxeuil, du nom de Columbanus, était le plus célèbre des saints Colomban est un moine irlandais qui a évangélisé les populations campagnardes de Gaule, d’Allemagne, d’Helvétie, et d’Italie. Il est fêté le 23 novembre selon le martyrologe romain, car il est mort le jour de la présentation de Marie au Temple, le 21 novembre.

 

Colomban, après avoir quitté l’Irlande, sillonne les Cornouailles anglaises. Il débarque en Bretagne, à Saint-Coulomb près de Saint-Malo, dans les années 580 ou 590, puis, jusqu’en 615, évangélise la France, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et l’Italie. Après les troubles apportés par les invasions germaniques, son œuvre évangélique en Europe occidentale fut capitale pour la conversion des populations germaniques et la rechristianisation des campagnes.

 

Ces missionnaires irlandais ont parcouru à pied toute la Bourgogne pendant plusieurs années, prêchant le Christ à tous ceux qu’ils rencontraient. Voyageant avec foi, parfois ils vivaient pendant des semaines avec rien d’autre que des herbes et des baies sauvages. Dieu les bénit pour leur courage et leur foi. Finalement Colomban et ses hommes ont converti des milliers de païens d’une foi vivante en Jésus-Christ. Ils ont également fondé plusieurs communautés religieuses en Bourgogne, qui sont devenues des centres d’évangélisation et de l’éducation chrétienne. Comme Patrick, Colomban a refusé de mélanger le christianisme avec le paganisme, et surtout avec le catholicisme. Il a exigé à ses convertis de brûler leurs idoles de bois avant qu’il les baptiserait. Comme c’était typique du Christianisme Celtique irlandais de cette époque, des centaines des convertis de Columbanus ont pris la vie missionnaire ascétique eux-mêmes, en étendant l’Évangile même davantage.

 

Cependant, pour plusieurs raisons, Colomban et ses missionnaires se sont opposés au clergé catholique romain en Gaule. Tout d’abord, ils ont refusé de se soumettre aux évêques catholiques. Deuxièmement, ils ont tenu à maintenir les coutumes de l’église celtique irlandaise, au lieu de celles de Rome. Enfin, ils ont souvent réprimandé le clergé catholique pour leur laxisme spirituel. À cause de ces choses, le clergé catholique romain a finalement convoqué Colomban à un synode à répondre de ses "erreurs". Il a refusé d’y participer, étant conscient qu'il s'agissait d'un piège subtil, mais se défendit avec éloquence dans une lettre courageuse qu’il a adressée au clergé. Dans ce document, il a cité les Saintes Écritures abondamment et réprimandé le clergé pour leurs péchés.

 

Malheureusement, ce n’était pas seulement le clergé qui était fâché contre Colomban et ses moines. Les souverains de Bourgogne étaient également furieux. Parce que, comme Patrick, Colomban n’hésitait pas à réprimander sévèrement les gouvernants qui prétendait être chrétiens, mais vivaient pourtant toujours vécu dans l’impiété. Finalement, la Reine Brunehilde (Brunehaut ou Brunehilde, en latin Brunichildis) et son fils Théodoric arrêtèrent Colomban et le jetèrent dans un cachot sombre et sale. Bien que la reine et son fils aient fini par libérer Colomban de prison, ils l’ont ensuite, lui et ses hommes, expulsés de force de Bourgogne. Heureusement, l’excellent travail de Columbanus et de ses hommes accompli pendant leurs vingt ans en Bourgogne n’a pas été perdu. Leurs convertis germaniques sont restés pour continuer le travail.

 

Maintenant, dans la soixantaine, Colomban avait le droit de retourner en Irlande pour passer ses années restantes. C’est ce que nous ferions tous dans sa situation. Mais pas Colomban. Lui et ses hommes trouveraient un nouveau champ de la mission ! Laissant la Bourgogne, ils ont voyagé à l’est à travers les Alpes escarpées du lac de Zurich (en Suisse à notre époque moderne).

 

Colomban dans les Alpes et l’Italie

Ici, ces missionnaires irlandais hardis mirent en place une nouvelle base de missions et commencèrent à prêcher l'Évangile de nouveau aux peuples de la Suisse. Une fois de plus, Dieu bénit leur travail, car ils prêchaient au long de ce beau pays alpin de montagnes enneigées et de belles vallées majestueuses. Des multitudes de leurs auditeurs ont reçu avec passion l’Évangile, beaucoup d’entre eux devenant des moines ou des missionnaires eux-mêmes. Né du rhizome (porte-greffe) vigoureux du Christianisme celtique irlandais, il n’est pas étonnant — bien que malheureux — que des siècles plus tard des chrétiens Suisses comme Ulrich Zwingli et Conrad Grebel aient donné naissance aux mouvements Réformés et Anabaptistes.

 

Maintenant septuagénaire, les cheveux blancs, Colomban devait achever l’œuvre de sa vie en Suisse. Cependant, la puissance bourguignonne finira par s’étendre à la Suisse, et les dirigeants bourguignons expulsèrent Colomban et ses hommes, une fois de plus. Ces évangélistes irlandais infatigables étaient tous avancés en âge, et pourtant ils ont marché à travers le terrain accidenté des montagnes de Lombardie dans le nord de l’Italie actuel. Le voyage fût ardu, et beaucoup d’hommes sont morts en chemin. Cependant, par la grâce de Dieu, Colomban et une poignée de ses hommes ont atteint l’Italie du Nord et ont commencé à prêcher aux païens Lombards qui s’étaient installé là.

 

Malgré son âge, l’énergique Colomban a personnellement aidé à la construction physique d’un nouveau monastère à un endroit appelé Bobbio, territoire des vaudois et de l'Église Italique. Il est plus que probable que l'Église Celtique et l'Église Italique ont entretenues des liens dans la proclamation de l'Évangile et qu'ils avaient un ennemi commun, la papauté. Ce monastère devint bientôt un centre célèbre de la spiritualité et de l’érudition chrétienne celtique. Comme Patrick, Colomban était avant tout un homme d’action, pas un homme de livres. Néanmoins, contrairement à Patrick, il était très savant pour son époque. Il pouvait non seulement écrire en prose latine avec beaucoup d’éloquence, mais il savait aussi un peu de grec et d’hébreu. Bien que critiqué par le clergé catholique, Columbanus et ses hommes ne se sont pas calmés dans ce qu’ils prêchaient. En fait, l’âgé Columbanus a même envoyé une lettre de réprimande au Pape !

 

Par le biais de missionnaires celtiques irlandais comme Columba et Colomban, le message du Christ a atteint des dizaines de milliers de personnes dans des pays lointains. Longtemps après que Patrick a été enterré dans sa tombe, son travail a continué à porter ses fruits merveilleux.

 

A Christ seul soit la Gloire