CHAPITRE I
La jeunesse de Jésus
jusqu'à la tentation.
1. Les vérités admises.
De ce qui vient d'être dit, il ressort que ces
pages supposent l'acceptation de certaines vérités
religieuses non démontrées et comptent sur des
cœurs bien disposés
(comprennons qu'un «cœur
bien disposé» n'est pas un cœur crédule qui accepte
toutes sortes d'aberrations doctrinales, mais un
cœur affermit par la grâce dans l'amour de la
vérité.).
Lorsque nous prenons à tâche d'étudier la
Vie de Jésus, le scepticisme nous demande de nous
dépouiller de toutes nos convictions religieuses. Il
veut que nous oubliions qu'il existe un Dieu
personnel qui a créé les cieux et la terre, et qui
exauce les prières de ses enfants. Il nous demande
d'oublier que nous avons un Dieu qui vient à notre
aide et qui, étant le Seigneur des seigneurs, nous
délivre de la mort (Ps.
LXVIII, 21). Il veut que nous regardions comme
impossible que Dieu ait créé des esprits purs, et se
soit manifesté à nous par ses paroles et par ses
œuvres, Il veut que nous admettions comme une chose
convenue, que la Bible est un livre semblable à tous
les autres, écrit par des hommes, et que nous
rejetions absolument l'affirmation de saint Pierre (2
Pierre I, 21): Les
saints hommes de Dieu, étant poussés par le Saint-esprit, ont parlé. Il veut que nous
regardions comme une impossibilité que Dieu fasse
des miracles; qu'enfin nous admettions comme une
chose qui se comprend d'elle-même, que Jésus-Christ
était à la vérité un homme très bon, très doux, un
sage et pieux Docteur du peuple, mais qu'il n'était
rien de plus. Nous devons nous ôter de l'esprit
qu'il est véritablement Dieu, engendré du Père de
toute éternité et en même temps véritablement homme
né de la vierge Marie
( Cette expression ne se
trouve nulle part dans la
Bible, elle est une pure invention des Conciles de
Nicée/Constantinople dans leurs formulations païenes
et hautement spéculatives qui fait dire à la Bible
ce qu'elle ne dit pas, à savoir qu'il y aurait trois
personnes distinctes et substantielles en Dieu. Que
Jésus soit engendré du Père de toute éternité et
qu'il soit né de la vierge Marie, indique qu'il
serait né deux fois, et cela est la pire des
hérésies, sans compter les nombreuses autres
déviations par rapport à la vérité que cette fausse
doctrine apporte avec elle. Lorsqu'on a l'audace de
dire que nous croyons dans la Parole de Dieu, n'y
croyons pas en paroles seulement, mais croyons
réellement à ce qu'elle dit et non aux conjectures
sophistiquées des hommes qui lui font dire ce
qu'elle ne dit pas, que ces hommes soient des
théologiens, des exégètes, des pasteurs, ou des
simples chrétiens.). En un mot, à chaque
témoignage de l'Écriture, nous devons répéter la
question de l'ancien Serpent:
Dieu aurait-il dit cela ? (Gen.
III, 1) et croire à l'esprit qui répond:
certainement non ! et d'après lequel la vérité est
précisément le contraire de ce qu'enseigne
l'Écriture sainte. Nous devons oublier tout ce que,
dès notre jeunesse, nous avons regardé comme saint.
À ces conditions, l'incrédulité nous prouvera
qu'elle a raison.
Mais si nous abandonnons tout ce qui a
fait jusqu'ici notre consolation dans la vie et
notre espérance dans nos combats, ce serait peine
perdue que de chercher à nous rendre incrédules,
puisque nous le serions déjà.
Aussi ne nous laisserons-nous pas
troubler dans notre foi par l'incrédulité; au
contraire, nous méditerons pleins de foi, la vie de
Celui qui, étant en forme
de Dieu (Philip.
II, 6) a été poussé par son miséricordieux amour
à revêtir notre pauvre nature humaine, afin de faire
de nous d'heureux enfants de Dieu (2
Cor. VIII, 9). Nous admettons par conséquent,
comme véritable et parfaitement fondée, cette
confession de Pierre: Tu
es le Christ, le Fils dit Dieu vivant (Matth.
XVI, 16). Ainsi, nous ne jugeons pas nécessaire
de démontrer que Jésus est venu en chair (2
Jean, 7), et que ce même Jésus est le vrai Dieu
et la vie éternelle (1
Jean V, 20) mais nous croyons au témoignage de
l'Écriture sainte, et nous espérons que les lecteurs
qui, sans être encore unis à Christ par une foi
vivante, reconnaîtront, dès qu'ils s'approcheront de
sa sainte personne avec des cœurs altérés, que
l'eau que Jésus offre, apaise éternellement toutes
les soifs, et qu'ils feront avec nous la
bienheureuse expérience qu'avait faite saint Jean,
lorsqu'il disait: Nous
avons vu sa gloire, une gloire telle qu'est celle du
Fils unique venu du Père, pleine de grâce et de
vérité (Jean
I, 14). Soyez certains que Celui qui a promis de
ne pas éteindre le lumignon qui fume encore, est
fidèle. Il ranimera ce lumignon par le souffle de sa
bouche, afin que vous puissiez vous écrier avec les
disciples d'Emmaüs: Notre
coeur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'Il nous
parlait en chemin et qu'Il nous expliquait les
Écritures ? (Luc
XXIV, 32).
Lorsque nous parlons de Dieu, nous avons
en vue le Dieu personnel et, vivant, qui a créé les
cieux et la terre, le Père
en notre Seigneur
Jésus-Christ. Nous avons en vue, conformément à la
simple foi biblique, le Dieu qui fait des miracles,
le Seigneur des Seigneurs, qui, d'après nos
conceptions, est infiniment élevé au-dessus de nous,
mais que nous nous représentons cependant comme un
Moi personnel, auquel nous pouvons nous adresser,
avec une confiance filiale, lors même que
notre Dieu,
Jésus, se
révèle, dans les saintes Écritures et dans ses oeuvres,
de trois façons: comme Père, comme Fils
et comme Saint-Esprit, il demeure cependant une
seule et unique essence divine, ainsi qu'Il le dit à
son peuple: Écoute,
Israël, l'Éternel toit Dieu est le seul Éternel (Deut.
VI, 4).
Nous ne songeons pas
non plus à prouver
que non seulement l'Écriture sainte contient la
Parole de Dieu, mais qu'elle est elle-même cette
Parole; nous en sommes convaincus et nous nous
inclinons humblement et avec foi devant elle
(Que de beaux sentiments
vides de tous sens lorsque nous ne croyons pas
réellement dans les Saintes-Écritures. Il est
excellent d'affirmer que l'Écriture Sainte est la
Parole de Dieu, mais il faut dire aussi dans quelle
traduction et version, car tous ne sont pas fidèles
aux Textes Originaux: le Texte Massorétique Hébreu
et le Texte Reçu Grec. A moins que vous soyez des
réprouvés et que vous utilisez des versions
polluées, à cause que cette question est sans
importance pour vous et que vous considérez toutes
les versions de la Bible pareilles. Ou peut-être
avez-vous pliez le genoux au Culte de l'Intelligence
qui affirme que seulement les écrits de la main des
prophètes et des apôtres, qui n'existent plus et
sont donc non-vérifiable, sont inspirés et libre
d'erreurs, ce qui ne serait pas le cas pour la Bible
que vous avez entre vos mains. Ainsi on se permet de
dire que l'Écriture-Sainte est la Parole de Dieu
tout en disant que celle-ci n'existe plus et que
nous en avons seulement qu'une approximation. Qui
allez-vous écouter, les savants qui vous disent quoi
croire ou l'Esprit de Dieu qui témoigne de la vérité
?). D'où
savons-nous cela ? - Celui
qui est de Dieu écoute les Paroles de Dieu(Jean
VIII, 47). Mes brebis
entendent ma voix (Jean
X, 27). Quiconque est
pour la vérité, écoute, ma voix (Jean
XVIII, 37). L'Écriture se prouve elle-même comme
Parole de Dieu à tout homme
dans l'esprit duquel il n'y a
point de fraude (Ps.
XXXII, 2), par le témoignage immédiat du
Saint-Esprit. Nous croyons à la sainte Écriture,
parce qu'en elle nous entendons la voix d'un Père
qui est notre Sauveur.
Nous croyons à la sainte Écriture, parce que la
conscience intime que nous avons de Dieu lui rend
témoignage, parce qu'elle nous donne la clef de
l'histoire de l'humanité et de l'antagonisme que
nous trouvons en nous-mêmes, et qu'elle nous fournit le
mot de l'énigme de notre existence et satisfait
pleinement les aspirations et les espérances de nos
âmes.
Nous ne prouverons pas non plus que les
miracles rapportés dans les Évangiles ont été opérés
réellement, car nous
marchons par la foi et non par les signes. Nous ne nous laisserons pas ébranler
dans notre foi à ces actes de puissance, par les
assertions d'une incrédulité subtile, d'après
laquelle les miracles seraient impossibles et
répugneraient aux lois de la nature, établies par le
Créateur. Nous savons que rien
n'est impossible à Dieu (Luc
I, 37), que la main du
Seigneur n'est pas raccourcie pour ne plus pouvoir
délivrer (Esaïe
LIX, 1), que notre Dieu
est dans les cieux et qu'il fait tout ce qu'il lui
plaît (Ps.
CXV, 3). Nous savons que notre Dieu ne ressemble
pas à un homme qui, après avoir construit une
machine et l'avoir mise en mouvement, s'en va et
abandonne à lui-même l'ouvrage de ses mains; mais
qu'après avoir créé le monde par sa Parole
puissante, Dieu le conserve et le soutient par celle
même Parole (Héb.
I, 3). Si Dieu l'abandonnait, son oeuvre serait
bientôt anéantie. C'est uniquement à la vertu
toute-puissante de la Parole divine que l'univers
doit sa création.
La nature, avec ses lois organiques,
n'est pas une machine morte qui s'arrête dès que les
rouages n'engrènent pas continuellement les uns dans
les autres. Au jour de la création, l'Esprit de Dieu
se mouvait sur les eaux. Cette incubation du
Saint-Esprit ne consiste pas dans une proximité
matérielle, mais dans une force qui domine, vivifie
et féconde la matière; cette force divine, qui agit
dans la nature, est la source vivante des puissances
et des lois naturelles. La nature n'est pas quelque
chose d'isolé en soi, un tout indépendant de Dieu;
elle est soumise toute entière à sa puissance, qui
trace leur route à l'air, aux nuages et aux vents et
les fait concourir à la sécurité et au bien de ses
créatures sur la terre.
On pourrait se demander si Dieu ne peut
pas envoyer son secours à ses enfants par les lois
naturelles qu'il a établies. Si Dieu recourt à des
moyens extraordinaires, n'est-ce pas une preuve
qu'il y a des lacunes dans l'ordre de choses qu'il a
créé ? Les miracles eux-mêmes, ces moyens
extraordinaires que Dieu emploie, ne semblent-ils
pas indiquer une imperfection dans les lois de la
nature ?
Ces questions seraient parfaitement
fondées, si la création était restée telle qu'elle
est sortie des mains toutes-puissantes de Dieu,
c'est-à-dire très bonne.
L'homme n'aurait pas connu la souffrance, parce
qu'il n'aurait pas péché, et, dans une sainte
communion avec son Père céleste, il aurait dominé la
nature, selon la volonté de son Créateur (Gen.
I, 28). Il n'y aurait eu aucun désaccord ni
entre Dieu et l'homme, ni entre l'homme et la
nature. Mais la pureté et l'harmonie primitives ont
été troublées par la puissance du mal,
et cela avait été déterminé
par Dieu dans son décret éternel car rien n'échappe
à sa volonté souveraine. À cause du péché de l'homme, la malédiction de Dieu repose sur
la terre (Gen.
III, 17), et la créature est assujettie à la vanité (Rom.
VIII, 20, 21). Depuis sa révolte contre Dieu, la
puissance sur la création a été retirée à l'homme,
afin qu'il sentît sa faiblesse et sa misère. Toute
la nature qui l'entoure le contraint à se livrer à
un travail pénible en vue de sa subsistance, afin
que cette fatigue l'humilie, lui fasse connaître son
péché et le dispose à rechercher volontairement la
sainteté intérieure qui
s'obtient uniquement en Christ. Tout cela n'est pas seulement
la suite du péché, mais encore un châtiment et une
sainte discipline ordonnés de Dieu.
Ce nouvel ordre de choses n'est pas
destiné à durer toujours; il doit être détruit avec
le péché. Dieu a envoyé son Fils unique dans ce
monde, afin qu'il fit disparaître les conséquences
du péché et la funeste puissance de la mort.
Dieu manifesté en chair
(1
Tim III, 16) ! Devant ce mystère, mon esprit
s'incline et adore. Vrai Dieu et cependant vrai
homme ! c'est le miracle des miracles, celui pour
lequel tous les autres ont eu lieu. Quiconque
regarde les autres miracles comme impossibles, doit
d'abord nier l'incarnation du Fils de Dieu
comme étant l'enveloppe
visible du Père invisible, mais que
celui qui déclare qu'il est impossible que Dieu se
soit fait homme, nous indique une autre voie pour
parvenir à la délivrance du péché et de la mort; ou
bien, qu'il ait le courage de nous dire ouvertement: Désespérez, périssez dans vos péchés et devenez la
proie de la mort corporelle et éternelle !
Mais avec Christ est descendue dans notre
misérable vie terrestre la plénitude des puissances
célestes, par lesquelles il oppose sa vertu
salutaire à l'action dévastatrice que le péché
exerce sur la terre. Par ses souffrances et par sa
mort, il a vaincu la puissance du péché et de la
mort pour ses élus; par ses miracles, il s'oppose à leurs
conséquences. Chaque miracle est une preuve, que
Dieu ne veut pas laisser
ceux qu'il a choisi de toute éternité sous l'empire du
péché et de la mort.
Dans sa communion personnelle avec
Christ, le croyant expérimente continuellement cette
merveilleuse communication des puissances de la vie
céleste, car Il nous donne son Esprit et nous attire
à Lui par sa Parole. Par sa
grâce souveraine, Il verse en
nous la vie de son corps glorifié. Par cette action
merveilleuse et surnaturelle, exercée sur notre vie
personnelle et naturelle, Il veut glorifier notre
corps infirme pour le rendre conforme à son corps
glorieux (Philip.
III, 21). Celui dont le nom est
l'admirable (Esaïe
IX, 6) créera aussi, à la fin des jours, de
nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice
habite (2
Pierre III, 13). Et lorsqu'Il aura détruit tous
ses ennemis, y compris la mort, Dieu sera tout en
tous (I
Cor. XV, 24).
Comme nous lisons dans les Écritures, que
Jésus et les apôtres enseignent l'existence des
anges, nous ne voyons aucun motif raisonnable d'en
douter. Les anges sont des esprits purs et bien heureux, destinés à servir
ceux qui doivent avoir l'héritage du salut (Héb.
1, 4). Il est même extrêmement consolant pour
nous de savoir qu'en dehors et au-dessus de ce monde
visible, il existe un royaume invisible des esprits,
dans lequel la volonté de Dieu est observée avec
joie, comme elle devrait l'être sur la terre. Les
anges sont envoyés par Dieu auprès des hommes pour
leur porter ses messages et pour exécuter ses
desseins (Matth.
I, 20). Ils prennent la part la plus vive à
l'établissement du règne de Dieu sur la terre
en son peuple choisi. Ce
sont eux qui ont annoncé la naissance du Seigneur (Luc.
II, 9. 15) ; ce sont eux qui vinrent le servir
après la tentation (Matth.
IV. 11); c'est un ange qui vint le fortifier en Gethsémané (Luc
XXII, 43); ce sont les anges qui annoncèrent sa
résurrection (Luc
XXIV, 4-7) et son retour lors de son ascension (Act.
I, 10). Ils prendront part au jugement du monde (Matth.
XIII, 41; XXIV,
31). Ils protègent et gardent les hommes pieux
et se réjouissent pour chaque pêcheur qui se
convertit (Luc
XV, 10). Un des plus puissants de celte armée
d'esprits célestes n'a pas persévéré dans la vérité
(Jean
VIII, 44) (Ce passage
ne parle aucunement d'un ange, l'auteur en tord le
sens pour prouver son point. Et dire qu'il affirme
croire en la Parole de Dieu et la respecter. Cela
est lamentable au plus haut niveau.). Abusant de sa liberté, il s'est
séparé de Dieu et, en compagnie d'autres anges qu'il
a entraînés dans sa chute, il a fondé un royaume sur
lequel il règne comme prince des ténèbres et ennemi
déclaré de Dieu et des hommes
(Nous voila maintenant dans des mythes dits
chrétiens qui n'ont aucun support biblique, sauf en
sortant des textes hors contexte pour prouver des
prétextes.).
Ainsi, lorsque l'incrédulité déclare
péremptoirement qu'il n'existe pas de Dieu
personnel, qu'il n'y a ni anges, ni démons, ni
miracles; que la Bible est un livre qui renferme
des erreurs comme tous les autres
(Tel le disent les savants
de la Critique Textuelle et les pasteurs hypocrites
qui prétendent autrement.); que Christ est
bien véritablement homme, mais non véritablement
Dieu, nous confessons non moins péremptoirement que nous croyons toutes les propositions
contraires à ces négations. Nous n'envions nullement
la prétendue sagesse de l'incrédulité, et nous
savons que c'est une folie de dire qu'il n'y a point de Dieu (Ps.
XIV, 1), et de même que
la Parole de Dieu n'existe plus puisque les
autographes écrits de la main des prophètes et des
apôtres n'existent plus. Mais lorsque lés incrédules
commenceront une fois à concevoir des doutes sur la
valeur de leur incrédulité, alors nous souhaitons
que le temps de la grâce ne soit pas passé pour eux.
- En face de la mort, et en général dans les heures
d'angoisse, la conscience se réveille, et dans les
profondeurs du cœur luit d'en haut un brillant
éclair, à la lumière duquel tous les fondements de
l'incrédulité sont renversés
(et cela nous l'espérons grandement, quoique nous
sommes loin de le voir dans l'auteur et dans la
majorité des gens qui se disent chrétiens.).
Dans le nord de l'Amérique vivait un
colonel incrédule qui avait une femme pieuse. Une
fille unique, qu'ils aimaient tendrement, fut
conduite au Seigneur par sa mère. L'incrédulité de
son père lui causait un profond chagrin. Le Seigneur
la coucha sur un lit de douleur. L'enfant fut
entourée de soins. Mais bientôt les hommes de l'art
désespérèrent de la sauver, et les parents eux-mêmes
virent que la fin approchait rapidement. Alors la
jeune fille appela près de son lit son père désolé
et lui dit: Père, je meurs. Dans quels principes
veux-tu que je meure, dans les tiens ou dans ceux de
ma mère ? Le père se détourna et se retira en
sanglotant dans la chambre voisine. La jeune
mourante le rappela et lui adressa de nouveau la
même question. Cela brisa le coeur du père, mais il
ne répondit rien. Il murmurait contre Dieu, auquel
il n'avait pas cru jusqu'alors, et l'accusait de
cruauté. L'enfant se mourait. Elle fit encore signe
à son père de s'approcher et, d'une voix éteinte,
elle répéta la même question. Alors le père, abîmé
dans sa douleur, tomba à genoux devant ce lit de
souffrance, couvrit de baisers le pâle visage de sa
fille et s'écria: « Pour l'amour de Dieu, meurs
fidèle aux principes dans lesquels ta mère t'a
élevée ! ». L'enfant mourut, - mais l'incrédulité du
père fut vaincue pour toujours. À l'heure de la
séparation, cet homme sentit très bien que tout ce
qu'il avait jusqu'alors nié et raillé était la
vérité.
Mais la foi donne-t-elle une certitude
élevée au-dessus de tout doute ?- Assurément.
La foi est une vive
représentation des choses qu'on espère et une
démonstration de celles qu'on ne voit point (Héb.
XI, 1). L'incrédulité tient un langage tout à
fait contraire; elle regarde la foi comme une
croyance à des choses qui n'ont aucune certitude,
tandis qu'elle tient pour parfaitement sûr ce que le
témoignage des sens lui présente comme tel. Aussi
l'incrédulité se glorifie-t-elle de son savoir et
regarde-t-elle orgueilleusement la foi, qu'elle
considère comme une manière de voir dépourvue de
toute espèce de fondement. Mais ils sont dans une
profonde erreur, ceux qui regardent le savoir humain
comme une connaissance parfaite et raisonnée, et la
foi comme une acceptation aveugle de ce qui nous a
été dit. Toutes deux ressortissent à des domaines
complètement différents. Si l'intelligence humaine
se livre à l'étude du monde visible et de ses lois,
elle peut, dans cette sphère qui lui appartient,
parvenir à une connaissance approximative des
choses. Mais en dehors et au dessus de ce monde
visible, il est un monde des esprits dans lequel
l'intelligence humaine, privée de la lumière divine,
ne pourra jamais pénétrer, obscurcie comme elle
l'est par le péché. L'homme
naturel ne comprend point les choses qui sont de
l'Esprit de Dieu, car elles lui paraissent une
folie, et il ne peut les comprendre, parce que c'est
spirituellement qu'on en juge (1
Cor II, 14).
Mais le pressentiment de ce monde
invisible et l'aspiration après le Dieu vivant,
sommeillent dans le cœur de l'homme. Ce sont les
restes de l'image de Dieu qui a été formée en nous.
Même les païens ont exprimé ce pressentiment
lorsqu'ils ont dit: « Nous sommes de la race de
Dieu » (Act.
XVII, 28). Il y a dans notre âme une
indestructible certitude que nous sommes destinés à
vivre en communion avec Dieu. Mais la conscience de
tout homme droit lui rend ce témoignage, que le
péché a creusé un abîme entre lui et Dieu. Ce
témoignage fait naître en nous le sentiment que nous
avons contracté une dette envers Lui, et que nous
sommes sous le coup de sa colère, et malgré cela, le coeur humain ne peut pas abandonner l'espoir que
cette colère sera une fois apaisée et que cette
dette de l'homme sera payée. Les sacrifices
sanglants, offerts par tous les peuples païens,
témoignent chez eux d'un vague sentiment que le
péché, auteur de la mort, peut être expié par
l'immolation d'une victime, et qu'ainsi l'accès de
la divinité pourra lui être rouvert. Ainsi naît,
dans les profondeurs du cœur humain, l'ardente
aspiration à rentrer dans la communion de Dieu dont
il s'est éloigné. C'est cette aspiration impuissante
que Dieu, dans son miséricordieux amour, vient
pleinement satisfaire par le sang de son Fils,
répandu en Golgotha. Et lorsque la nouvelle de ce
sacrifice divin pénètre le cœur de l'homme, alors
il s'écrie avec transport: « Voilà ce qu'il me faut
! » Alors aussi il accepte
(on doit plutôt dire: il reçoit, car accepter
implique le libre-choix, ce qui est impossible à
l'homme spirituellement mort.) l'Évangile avec joie, et
se donne avec un reconnaissant amour
(ici le mot amour signifie
renoncement) au divin
Crucifié. C'est là la foi dont parle saint Jean
lorsqu'il dit: Celui qui
croit au Fils de Dieu, a le témoignage de Dieu en
soi-même (I
Jean V, 10).
Mais quiconque a comprimé ou a peut-être
complètement détruit cette foi par quelque interdit
ou par l'orgueil, ou la sensualité, a perdu toute
aspiration pour les choses invisibles et éternelles. Car
tous n'ont pas la foi (2
Thess. III, 2) (et cela
est évident dans la majorité des gens qui se disent
chrétiens). Dieu nous préserve d'un pareil
malheur ! Amen !
2. L'accomplissement des temps.
Après l'emprisonnement de Jean-Baptiste, le
Sauveur débuta dans son activité publique, en disant: Le temps est accompli, le
règne de Dieu approche (Marc
I, 15). Et saint Paul écrit:
Lorsque les temps furent
accomplis, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, et
assujetti à la loi, afin qu'il rachetât ceux qui
sont sous la loi et que nous reçussions l'adoption
des enfants (Gal.
IV, 4-5).
Le salut qui est en Christ n'est pas
apparu inopinément; le sol lui avait été préparé
des siècles à l'avance, aussi bien au sein du peuple
élu qu'au milieu des païens. Immédiatement après la
chute, Dieu annonçait que la postérité de la femme
écraserait la tête du serpent (Gen.
III, 15), et plus tard il promettait à Abraham
que toutes les familles de la terre seraient bénies
en lui (XII,
3). Cette postérité d'Abraham devait être
préparée, par l'amour paternel de Dieu, à recevoir
le salut de Dieu qui se révèle à ce peuple comme le
Créateur du ciel et de la terre, comme le
Tout-Puissant qui, revêtu de sa divine majesté,
parle et la chose arrive; Il
ordonne et la chose existe(Ps.
XXXIII, 9) et devant lequel toute la création
n'est que cendre et poussière. Il se révèle comme le
Dieu saint qui ne prend
point plaisir à la méchanceté et avec lequel le
méchant ne saurait habiter (Ps.
V, 5), comme celui qui
est séparé des hommes pécheurs par un
infranchissable abîme (Esaïe
LIX, 2), et qui dit: Soyez saints, car je suis
saint (Lév.
XI, 44). Mais ce Dieu promet aussi de faire
grâce, afin qu'Israël soit préservé du désespoir de
Caïn qui disait: Ma peine
est plus grande que je ne puis la porter (Gen.
4, 13). Tandis que les païens tournent
tristement leurs regards vers l'âge d'or du passé,
Israël est le peuple de l'espérance, de l'attente
ardente, soutenue par une prophétie continuelle,
toujours plus précise et plus claire, et par des
sacrifices, surtout par des sacrifices sanglants.
Ces sacrifices devaient rappeler sans cesse au
peuple, d'un côté, que l'homme a mérité la mort par
ses péchés, et, de l'autre côté, que Dieu ne veut
pas la mort du pécheur, mais qu'il sacrifie la
victime, afin que le pécheur puisse trouver grâce.
Seulement, le sang des animaux en pouvait pas
purifier la conscience, ni réconcilier l'homme avec
Dieu; mais ces immolations devaient, par leur
constante répétition, diriger les regards et les
espérances sur l'avenir, sur le sacrifice expiatoire
dont parle Esaïe (LIII,
4-6); sur la seule oblation parfaite,
qui a amené pour toujours à la
perfection ceux qui sont sanctifiés (Héb.
X, 14).
La loi devait donner la connaissance du
péché et de la culpabilité, le sacrifice et la
promesse devaient faire naître l'espérance de la
grâce. La circoncision, comme signe de l'alliance,
était destinée à élever un mur de séparation entre
le peuple de Dieu et le monde, et à annoncer que l'on ne pouvait pas appartenir à ce peuple en vertu
de la seule naissance naturelle. Après la délivrance
de la servitude d'Égypte, Dieu institua la Pâque.
Cette cérémonie n'était pas seulement une fête
commémorative de ce que Dieu avait fait autrefois.
Car pour le Dieu éternel, il n'y a point de passé.
Jéhovah est le même hier, aujourd'hui et
éternellement. Il est immuable et fait toutes choses
nouvelles. Mais la Pâque était un signe
anticipatoire que
Dieu veut faire grâce à son peuple par le sang de la
réconciliation, une prédiction certaine de la Pâque
parfaite de Christ immolé
pour nous (I
Cor. V, 4), et par lequel Dieu nous accorde en
effet et en vérité ce qui nous était promis par des
signes sous l'ancienne alliance.
Et lorsque ce peuple, dans les temps de
sommeil moral, courait le danger d'être séduit par
son voisinage païen, Jéhovah, dans sa miséricorde
paternelle, lui envoyait des prophètes qu'Il armait
de la puissance extraordinaire de son Esprit; afin
de châtier et si possible de ramener ceux qui
étaient tombés, de fortifier les
cœurs abattus, et
de consoler les fidèles affligés. Grâce à cette
discipline paternelle et à ce filial exercice de la
foi, l'attention du peuple élu était toujours de
nouveau ramenée sur le Sauveur qui devait venir,
jusqu'à ce qu'enfin la période des prophètes fut
close par l'avènement de Jean-Baptiste qui, dans
l'esprit et la vertu d'Elie, devait convertir les
cœurs des pères envers les enfants et le cœur des
enfants envers les pères; et alors devait se lever
le soleil de justice qui
porte la santé dans ses rayons (Mal.
IV, 2, 5).
Mais pendant quatre siècles, durant
lesquels Dieu cessa de parler à son peuple, Israël
devait dès lors s'habituer à vivre des révélations
qui lui avaient été abondamment accordées dans la
loi et les prophètes, par les sacrifices et la
circoncision, et se les approprier de la manière la
plus intime. Or, c'est ce qu'il ne fit pas.
L'immense majorité du peuple se nourrissait du
souvenir de sa grandeur passée. On ne vivait plus
comme auparavant dans une confiance filiale au Dieu
toujours présent. Autrefois, lorsque Dieu, irrité
contre son peuple, le frappait de sa verge, Israël
criait à l'Éternel; maintenant, comme les pensées
et les cœurs ne sont plus tournés vers Lui, on ne
comprend plus ses dispensations. Dieu ne répond plus
à son peuple parce que son peuple ne l'invoque plus.
On espère bien encore un glorieux et brillant,
avenir, mais cette espérance n'a plus ses racines
dans une communion personnelle avec le Dieu de
l'alliance, Jéhovah. On cherche à le satisfaire par
des œuvres de piété, par une conduite extérieurement
honnête, en obéissant à la lettre de la loi
(tout comme le font les
Évangéliques de nos jours.). On se
courbe sous l'oppression d'un présent misérable,
parce que le peuple de Dieu est tombé, à cause de
son incrédulité, sous la domination de puissances
étrangères. Mais on espère pour l'avenir un brillant
dédommagement, dans l'orgueilleuse persuasion
d'avoir largement satisfait aux obligations qu'on a
contractées envers Dieu. On n'a plus aucune idée de
la félicité qui fait battre le cœur, lorsqu'on peut
s'écrier avec David: Éternel,
qui es ma force, je t'aimerai d'une affection
cordiale (Ps.
XVIII, 2). On ne comprend plus qu'un cœur qui
possède le Seigneur comme son souverain bieni, soit
indifférent à toutes les gloires du ciel et de la
terre. On ne se doute plus qu'on puisse être élevé
au-dessus de toutes les souffrances du corps et de
tous les tourments de l'âme, lorsqu'on peut dire:
Dieu est le rocher de mon cœur et mon partage à
toujours (Ps.
LXXIII, 26).
Cependant, il y avait encore des âmes qui
louaient Dieu en silence dans Sion et qui
méditaient jour et nuit la loi
de l'Éternel (Ps.
1, 2), tâchant de
découvrir pour quels temps et pour quelles
conjonctures l'Esprit de Christ, qui avait été dans
les prophètes (1
Pierre I, 10-11) avait annoncé l'ère de
prospérité qu'on espérait, attendant avec un ardent
désir la consolation d'Israël. Quelques-unes de ces
personnalités excellentes nous sont bien connues.
C'étaient Zacharie et Élisabeth, les bergers de
Bethléem, Siméon et Anne, et avant tous les autres,
Joseph et celle qui est bénie entre les femmes, la
vierge Marie. Que ceux-là ne fussent pas les seuls
qui eussent soif du Dieu fort et vivant, c'est ce
que nous apprend saint Luc, lorsqu'il dit qu'Anne
parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la
délivrance d'Israël (Luc
II, 38).
Quoique dans les temps passés, Dieu
ait laissé marcher toutes les nations
(les païens)
dans leurs propres voies (Act.
XIV, 16), afin qu'ils
cherchent le Seigneur et puissent comme le toucher
de la main (Act.
XVII, 27), Il n'a
pourtant pas cessé de leur donner des témoignages de
ce qu'il est. En agissant ainsi, Dieu n'a
pas rejeté les païens; Il a seulement voulu les
préparer, par une autre voie, pour le salut qui est
en Christ. De même qu'Il a voulu conduire les Juifs
à ce but par l'abondance, Il a voulu y amener les
païens par la disette; et cela afin qu'il fût
évident que l'homme ne peut pas venir à Dieu par ses
propres forces, si Dieu, par une paternelle
condescendance, ne s'approche de son enfant. Le
besoin de se rattacher à un être supérieur, élevé
au-dessus de la faiblesse humaine, est profondément
enraciné dans le cœur de l'homme. Mais, ne pouvant
trouver Dieu au-dessus de la nature, il l'a cherché
dans la nature. Dans le sentiment de son péché, et
refusant de se laisser châtier par le Saint-Esprit,
l'homme avait peur du Dieu saint. Et c'est ainsi que
les forces de la nature, attirant son attention par
leur beauté ou par les avantages qu'elles lui
procuraient, obtinrent de lui des hommages divins.
D'où vient donc, demandait quelqu'un, que
les païens adorent les créatures au lieu du Créateur
? Il en est des hommes, lui répondit-on, comme de ce
jeune garçon qui alla pour la première fois à la cour
du roi. Dès qu'il rencontrait un homme richement
vêtu, portant des décorations, une épée et une
écharpe, il le prenait pour le roi. C'est ainsi que
l'homme borné, privé de la lumière de la vérité,
prend tantôt le soleil, la lune, les étoiles, tantôt
quelque créature excellente pour Dieu lui-même.
Sachant qu'il y a un Dieu, et ne l'ayant pas
glorifié comme Dieu et ne lui ayant pas rendu
grâces, les hommes se sont
égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur
destitué d'intelligence a été rempli de ténèbres.
Ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en
des images de l'homme corruptible (Rom.
1, 21. 23).
Chercher Dieu, telle est l'origine de
toutes les religions, et c'est aussi la portion de
vérité que renferment les religions païennes. C'est
cette recherche de Dieu qui distingue des animaux,
l'homme créé à l'image de Dieu. Si même les dieux
des païens sont incapables d'étancher leur soif, le
culte qu'ils leur rendent témoigne cependant de
l'existence de cette soif. Si le cœur altéré refuse
de se laisser remplir de Dieu, il cherche son
bonheur et sa jouissance dans les choses de la
terre. « Mangeons et buvons, demain nous mourrons ! »
Cette sentence, éminemment païenne, était le mot
d'ordre de la grande majorité des peuples. Les
nobles âmes cherchaient à embellir leur vie et à la
rendre de plus eu plus agréable par les arts et
toute espèce de connaissances. À travers les siècles
du paganisme, on remarque un puissant effort des
esprits pour parvenir à la connaissance de la
vérité, mais, privé de la lumière d'En haut, cet
effort devait nécessairement aboutir à ce désolant
aveu « Il est certain qu'il n'y a rien de certain ».
Lorsque Christ apparut, la croyance aux
dieux, qui régnait dans le peuple, était raillée et
tournée en ridicule par les classes élevées. La
question pleine de mépris, que Pilate adresse au
Sauveur, qui lui avait dit: « Je suis roi, je suis
né et je suis venu dans le monde pour rendre
témoignage à la vérité, cette question: Qu'est-ce
que la vérité ? » montre combien le sens des choses
spirituelles était étouffé chez les hommes cultivés
et haut placés. C'est comme s'il avait dit au
Seigneur: « Es-tu aussi de ces insensés qui
s'inquiètent de la vérité ? La vérité ne rapporte
rien. » Le soupir secret des pauvres âmes qui
aspiraient à une consolation durable et à une vérité
certaine, était comprimé, et le vide intérieur était
rempli par ce qu'on pouvait voir et toucher.
L'incrédulité et la superstition se
disputaient l'empire des esprits. Les guerres
sanglantes, sans cesse renouvelées, les horribles
exactions des Romains, qui avaient subjugué presque
tout le monde connu, avaient détruit le bien-être
des peuples. Le niveau moral était tombé si bas
qu'il approchait de l'animalité. Voici comment
Sénèque, écrivain romain, s'exprime sur les mœurs
de son temps: « Tout est
rempli de crimes et de vices. Ils sont si nombreux
et si graves que le pouvoir est impuissant à les
réprimer. Une monstrueuse émulation d'infamie règne
partout. Chaque jour voit croître l'attrait du mal;
chaque jour la pudeur diminue. Le vice ne se cache
plus; il s'étale effrontément à tous les yeux. La
corruption est devenue tellement publique et elle
enflamme tellement toutes les âmes, que l'honnêteté
n'est plus même une exception, elle a complètement
disparu. »
Il est vrai que pour embellir cette vie,
l'esprit humain avait fait de grandes et magnifiques
choses dans les arts et dans les sciences. Mais
toute cette grandeur était tombée en ruines et toute
cette magnificence avait pâli. La fin de toutes les
recherches du paganisme est celle-ci: « L'issue est
ouverte ». La suprême consolation du païen était le
suicide.
Toute cette désolation est traversée par
un obscur pressentiment, on peut même dire un ardent
désir d'une aide, d'un libérateur. Les Perses, les
Indiens, les Chinois attendaient l'apparition de
quelque personnage saint qui descendrait du ciel et
apporterait un remède aux misères de la terre.
L'orient dirigeait vers l'occident les regards de
son espérance, et dans l'empire romain on attendait
en Judée l'avènement d'une royauté universelle.
Les cœurs étaient préparés, mais les
circonstances extérieures aussi avaient frayé la
voie au Sauveur qui devait venir. Il est très
remarquable que le Seigneur soit né sous l'empereur
Auguste qui avait élevé l'ancienne Rome païenne à
son plus haut degré de puissance et de gloire. Tout
le pouvoir politique était dans ses seules mains.
Tous les peuples vaincus, dans toutes les provinces
de cet immense empire, tremblaient devant ce seul
maître. Les trésors de l'art et des richesses
immenses affluaient de toutes les extrémités de la
terre vers la grande Rome, qui était le centre du
monde alors connu. De magnifiques routes,
artistement construites, sillonnaient les différents
pays qui composaient l'empire romain. Ici, des
messagers portaient avec une rapidité prodigieuse
les ordres de l'empereur jusqu'aux extrémités les
plus reculées de ses vastes États. Là, les légions
marchaient avec la plus grande facilité pour tenir
dans l'obéissance les peuples soumis. Ailleurs,
c'était un commerce actif entre les provinces et la
capitale, ou bien c'étaient des Romains de haut rang
qui voyageaient pour accroître leurs connaissances.
Mais aussi ces belles routes furent
parcourues plus tard par les messagers de paix, qui
portaient la Bonne Nouvelle du salut, de ville en
ville, de contrée en contrée. C'est ainsi
qu'aujourd'hui les chemins de fer servent à
l'avancement du règne de Dieu. Construits
originairement dans un intérêt purement terrestre,
ils hâtent puissamment le travail qui s'accomplit en
vue des intérêts spirituels des âmes.
De ce centre unique partait un courant
intellectuel de pensées et un courant matériel de
marchandises qui aboutissaient aux provinces, et
vice-versa, des provinces à la capitale. Déjà la
seule existence de cet empire, qui dominait le monde
presque tout entier, préparait les cœurs à
l'établissement de l'Évangile qui devait embrasser
toutes les langues et toutes les nations.
La capitale installait ses dieux dans les
provinces, et celles-ci, à leur tour, envoyaient les
leurs à Rome, qui devenait ainsi le rendez-vous des
idées de toute la terre. Cet échange et ce mélange
de dieux étaient un signe qu'ils avaient perdu la
confiance de leurs adorateurs. On cherchait sans
cesse de nouveaux dieux, dans l'espoir qu'ils
seraient plus puissants que les anciens. Plus
l'adoration d'une nouvelle divinité paraissait aux
peuples ancienne et mystérieuse, plus on espérait
trouver auprès d'elle ce qu'on avait cherché en vain
auprès des siens propres. Depuis que la Judée était
réduite en province romaine, la connaissance du vrai
Dieu était aussi parvenue à Rome.
Israël avait reçu de Dieu un double
appel. D'abord il devait être le berceau de l'Église
chrétienne, et ensuite il devait lui préparer
l'accès du monde païen. Pour faire de ce peuple le
berceau de l'Église chrétienne, Dieu l'avait
strictement séparé de tous les autres peuples et lui
avait confié ses oracles, par lesquels Israël avait
seul la connaissance du vrai Dieu et de sa volonté.
Pour être rendu capable de frayer les voies au
christianisme chez toutes les nations de la terre,
il fallait qu'il demeurât parmi les païens et fût en
rapport avec eux. Or, Israël était doué de manière à
répondre à ce double appel. Aucun peuple n'a
conservé sa nationalité d'une manière aussi tenace,
et ne s'est tenu séparé des autres peuples avec
autant de raideur que celui-là. Et cependant il a su
s'introduire partout et s'adapter à toutes les
situations. Alors comme aujourd'hui et aujourd'hui
comme alors, le Juif sait s'acclimater et se faire
sa place partout, et il reste cependant toujours
Juif.
Lorsque Israël fut emmené en captivité,
la conscience de sa nationalité était déjà tellement
développée qu'elle ne perdit rien de sa force par la
dispersion de ce peuple parmi les étrangers. Lors du
retour de la captivité, tous ne revinrent pas dans
leur patrie. Un grand nombre de Juifs demeurèrent à
Babylone et dans les contrées voisines. Ils
fondèrent partout dans les villes des maisons de
prières et des synagogues. Ces établissements
étaient les centres de la vie juive et servaient
aussi à familiariser les païens avec les Écritures
de l'Ancien Testament. Mais le Temple de Jérusalem
était le point central du Judaïsme dispersé sur
toute la surface de la terre; et grâce à cette
dispersion, la connaissance et l'adoration du seul
vrai Dieu étaient répandues parmi tous les peuples.
Même à Rome, sous le règne de l'empereur
Auguste, il y avait une colonie de 80,000 Juifs.
Tout le commerce se trouvait presque exclusivement
entre leurs mains. L'intérêt commun de leur
industrie, et plus encore la communauté de leur foi,
les liaient les uns aux autres en face des païens,
au milieu desquels ils habitaient. La foi de ce
peuple au Dieu unique et vivant, sa Parole révélée,
le culte symbolique qu'on lui rendait, la
supériorité morale de sa loi, les sacrifices, quelle
attraction toutes ces choses ne devaient-elles pas
exercer sur les païens qui avaient reconnu le néant
de leurs anciens dieux et qui cherchaient quelque
chose de meilleur ! Aussi, sans s'astreindre à la
circoncision ni à l'observation de la loi
cérémonielle, beaucoup d'âmes altérées de salut se
joignaient à la synagogue pour servir le seul vrai
Dieu, garder le sabbat et prier avec les Juifs.
C'étaient là les hommes et les femmes « craignant
Dieu », si souvent mentionnés dans les Actes des
Apôtres. Tous ces cœurs, qui avaient abandonné les
idoles, dans lesquels le sentiment du péché avait
été réveillé par la loi, et le besoin de salut
excité par les prophètes, étaient ouverts à la
prédication de l'Évangile de Christ et disposés à le
recevoir. Les païens craignant Dieu, sont toujours
les premiers à ouvrir leur cœur à la prédication de
saint Paul à Philippes (Act.
XVI, 14) et à Thessalonique (XVII,
4).
C'est ainsi que les voies étaient
préparées à cet Évangile, qui devait commencer sa
course victorieuse parmi tous les peuples de la
terre. Les temps sont accomplis pour recevoir le
Christianisme. |