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8.1 Structure narrative
Un texte est ou représente une parole. Dans ce cas, bien que
présent sur le papier/190
comme un tout, on le lit naturellement par séquence. L'hébreu, dit on,
se lit de droite à gauche tandis que le français se lit de gauche à
droite. D'un autre point de vue donc, tout texte est en quelque sorte
une ’narration’. La rubrique dans un dictionnaire est moins narrative
qu'un récit; mais elle est tout de même composée d'une séquence
d'éléments.
Une analyse fonctionnelle:
Pour débuter notre étude de la structuration narrative, nous
examinerons en premier lieu une approche empirique. Depuis les études
du sociolinguiste William Labov on distingue six éléments dans la
structure narrative./191
Ce sont:
- Résumé: Un ou quelques phrases
au début qui résument le récit.
- Mis en scène (orientation):
Les phrases qui indiquent le lieu, le temps et les acteurs qui
indiquent la situation de l'action du récit.
- Action: L'essentiel du
narratif, les phrases qui décrivent ce qui est arrivé.
- Evaluation: la justification
du récit, l'explication de pourquoi ce récit vaut d'être raconté les
phrases qui soulignent ce qui est anormal ou étonnant dans le récit.
- La résolution: termine
l'action et résout le problématique du récit mais parfois, même
normalement le discours continue.
- Le coda: le ou les phrase(s)
qui indiquent la terminaison du récit, souvent ils ramènent le
lecteur/auditeur du temps du récit au présent.
Fig. 58 Cavalier assyrien
Cette classification nous permet une première approche de la
structure narrative, au niveau quasi linguistique, elle étudie cette
structure sur le plan fonctionnel. Cette première approche empirique
montre son utilité quand on l'applique au seul récit du livre d'Amos,
Am 7.10-17.
- Dans ce petit récit le résumé est
absent, en fait il semble assez rare dans la poétique biblique du récit./192
Voici peut-être une différence entre la poétique biblique et celle des
rues américaines, ce qui est plus étonnant est combien souvent les
éléments trouvés par Labov dans la parole aux Etats Unis actuelles sont
applicables aux écrits d'une culture totalement autre./193
- Mis en scène (orientation):
est présente au v.10a. Le personnage d'Amaçya y est introduit, le lieu
y est suggéré "le prêtre de Béthel", suggestion confirmée au v.13. NB.
le personnage d'Amos et le temps ont déjà été introduits au 1.1 dans le
titre du livre.
- Action: dans ce récit l'action
est vue surtout dans les paroles. Amaçya envoit un message, il parle à
Amos, Amos réponds voici l'action du récit ce qui est approprié au
thème, qui est la mission prophétique (le fait que le prophète doit
transmettre un message).
- Evaluation: est aussi absente
dans ce récit, au moins dans ce sens technique, car évidemment le
jugement de l'oracle (v.17) contient une évaluation négative d'Amaçya,
ce qui est absent est une évaluation du récit une indication explicite
de pourquoi il vaut d'être raconté, ceci est laissé à chaque lecteur.
Cette tendance est aussi une différence entre la poétique biblique et
américaine, car ce n'est pas souvent que les récits bibliques doivent
s'accorder une évaluation positive. (Peut être ce manque de besoin
d'évaluation interne positive est le résultat de leur statut canonique
- ou en voie de l'être - car même assez tôt dans le processus de leur
transmission les narratifs bibliques semblent avoir eu de l'autorité.)
- La résolution: n'est pas
exprimée, nous ne sommes pas informés si Amos est parti, si les soldats
du roi sont venus le chercher, tout en est silence! Evidemment dans ce
cas le récit n'est pas sa propre justification, on ne l'a pas raconté
pour le raconter mais pour une autre raison cf. l'absence d'évaluation
aussi.
- Le coda: pour la même raison
le coda est également absent.
Fig.
59 Plan du temple de Yahvé à Lakish. Le temple du Seigneur à
Bethel est-il la scène de la rencontre entre Amos et Amaçya?
Tenant compte de cette analyse on voit que ce récit ne montre
que deux des six éléments. Une comparaison avec d'autres récits
bibliques démontre que ceci n'est pas normatif chez eux. L'encadrement
narratif du livre de Job p.ex. contient:
- une mis en scène (orientation)
dans 1.1-3;
- une évaluation: p.ex. par
répétition, quantification 1.3 "le plus grand", et comparaison 42.7
"vous ne l'avez pas... comme l'a fait Job";
- une résolution est présente
car Job reçoit le double 42.10-15, mais les ’amis’ doivent s'humilier
devant lui 42.7-9
- et un coda, 42.16-17, qui
amène le lecteur à la quatrième génération et Job à sa mort./194
La question se pose donc s'il y a une raison poétique ou
rhétorique pour l'absence de ces éléments dans Am 7.10-17. Au
niveau rhétorique
la réponse est simple, ce récit ne sert pas comme récit, mais sert au
contraire comme parole de dispute pour
appuyer la commission et la mission du prophète, donc pour renforcer
son autorité à être écouté. Une évaluation, une résolution et un coda
aurait soustrait à cet effet en le transformant en un vrai récit./195
Prochaine section: L'analyse
séquentielle ou syntagmatique
Ce manuel a été rédigé
par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de
théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme
électronique hypertexte par lui en 2003-4.
Toute partie de cet ouvrage peut être
copiée par quelque moyen que ce soit, à la seule condition de retenir
cette mention intacte sur chaque page.
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