L'idole comme Dieu lui-même

Pour expliquer le sujet plus en détails, comprenons que l'idolâtrie est un culte rendu à l'idole d'un dieu au même titre que si elle était Dieu lui-même. Dans un sens figuratif elle est «un amour excessif ou admiration exagérée» poussée jusqu'au culte ou vénération de caractère religieux accordée à un être, à un objet privilégié quelconque. Ainsi l'idolâtrie est  l'adoration d'une image ou représentation d'une personne, d'un animal, d'un astre, d'une idée ou d'un objet, la notion «d'idée» détenant un sens très varié dans ses applications anciennes comme modernes. Elle est couramment pratiquée chez les animistes et chez les polythéistes chez qui la représentation des divinités est généralisée. Elle consiste à rendre des cultes et des sacrifices, à offrir des offrandes et à adresser des prières à la chose sacralisée, impliquant même des sacrifices humains pour pacifier la colère d'un dieu ou obtenir sa faveur. Ainsi les druides sacrifiaient des vierges à Cernunos, le dieu à cornes. On sacrifiait même des enfants sur l'autel de l'idole du dieu Moloch, tout comme de nos jours on sacrifie des enfants par avortement sur l'autel de l'idole du «libre-arbitre» et sur l'autel de l'idole de «l'image de soi». L'idolâtrie est pour les religions abrahamiques une corruption, une impiété à combattre. Le terme est donc devenu péjoratif ou synonyme d'égarement, souvent confondu avec le paganisme des paysans. Le monothéisme solaire, comme celui du dieu Aton de l'Égypte antique ou celui du dieu Ahura Mazda et de son fils Mithra du mazdéisme des anciens perses, est considéré comme idolâtre par le monothéisme judéo-chrétien ainsi que par le christianisme en général.

 

La vénération ou respect craintif

 Par extension, on qualifie d’idolâtrie toute attitude ou rituel de vénération ou respect craintif envers une représentation ou une personne à laquelle on attribue des caractéristiques d'une divinité dans un sens symbolique. Elle ne doit pas être confondue avec la vénération envers ce qui est représenté par le symbole. Le nom idolâtrie vient (par haplologie) du mot grec «eidololatria», formé de «eidolon» image » ou représentation, et «latreia», adoration. Bien que le terme grec semble être un emprunt à l'expression hébraïque «avodat elilim», qui apparaît dans la littérature rabbinique, le terme grec lui-même ne se trouve pas dans la Septante, Philon d'Alexandrie, Flavius Josèphe ou autres écrits juifs hellénistiques. Il n'apparaît pas non plus dans la littérature païenne grecque. Dans le Nouveau Testament, le mot grec ne se trouve que dans les Épîtres de Paul, la Première épître de Pierre et l'Apocalypse, où il a un sens péjoratif. Les termes hébreux pour l'idolâtrie sont, parmi d'autres, «avodah zarah» (adoration étrangère) et «Javodat kochavim umazalot» (adoration de planètes et de constellations). Selon la Bible hébraïque, l'idolâtrie trouve son origine à l'époque d'Eber, bien que certaines interprétations désignent plutôt l'époque de Seroug; la vénération de «teraphim» (statuettes existait au temps de Jacob, d'après le récit de Rachel emportant des «teraphim» avec elle en quittant la maison de son père, comme il est rapporté dans le livre de la Genèse. Le père d'Abraham, Terah, était à la fois sculpteur et adorateur d'idoles. Quand Abraham découvrit le vrai Dieu, il détruisit les idoles de son père (cf. Terah pour cette histoire) et son aniconisme fit souche.

 

Les commandements de la Bible hébraïque opposés à l'idolâtrie interdisaient les croyances et pratiques des païens qui vivaient parmi les israélites à cette époque, en particulier les religions de l'antique Akkad, de Mésopotamie, et d'Égypte. Certaines de ces religions, selon la Bible, prônaient des pratiques bannies par la loi juive, telles que des rites sexuels, la prostitution masculine et féminine rituelle, le don d'enfant au travers d'un bûcher à Moloch, et le sacrifice d'enfants. Il n'y a pas de passage qui définisse clairement l'idolâtrie; on trouve plutôt un nombre de commandements sur le sujet, dispersés dans les différents livres de la Bible hébraïque, certains d'entre eux ayant été écrit à différentes époques historiques, en réaction à différents problèmes. Si l'on regroupe ces versets, l'idolâtrie dans la Bible hébraïque peut être définie selon l'une des manières suivantes: L'adoration d'idoles (ou d'images); L'adoration polythéiste de dieux au travers d'idoles (ou d'images); L'adoration d'animaux ou de personnes; L'utilisation d'idoles pour adorer le vrai Dieu.

 

Dieu n'a pas de forme

La dernière catégorie, l'usage d'idoles pour adorer Dieu, est la base du strict monothéisme judaïste. À différentes reprises la Bible hébraïque spécifie que Dieu n'a pas de forme; ainsi aucune idole ou image ne peut rendre l'essence de Dieu. Par exemple, quand les Israélites assistent à une apparition de Dieu dans le Deut. 4:25, ils ne perçoivent aucune forme visible. Bien des versets de la Bible font appel à des anthropomorphismes pour décrire Dieu (par ex. la main de Dieu, le doigt de Dieu, etc.), mais ces versets ont toujours été compris comme des allégories poétiques plutôt que des descriptions littérales. Ces choses sont évidentes puisque Dieu est un pur Esprit dont l'essence de son existence ne peut être comprise par les hommes, sauf s'il en accorde la révélation.

 

La Bible rend compte du conflit entre le prophète et sa tentative de répandre le pur monothéisme d'une part, et la tendance de certains personnages, en particulier des dirigeants comme Achab, à accepter ou même encourager les croyances polythéistes ou idolâtres. Le patriarche Abraham fut appelé à répandre la vraie connaissance de Dieu, mais les Livres des prophètes reflètent toujours une continuelle lutte contre l'idolâtrie à cause de la nature humaine entièrement corrompue et de l'endurcissement du cœur rebelle et tortueux de l'homme. Par exemple, le prophète biblique Jérémie se lamente: «Car tu as autant de dieux que de villes, ô Judah» (Jer. 2:28).

 

Les idoles païennes

La Bible contient de nombreux termes se rapportant à l'idolâtrie, et leur usage reflète l'horreur dont elle remplissait les auteurs de la Bible. (Les adhérents de la foi juive considèrent que la Torah est la parole littérale et éternelle de Dieu.) Ainsi les idoles sont qualifiées de « pas Dieu », « dieux de fonte », « vaines », « coupable », « un vain souffle », « morts », « cadavres », « du mensonge », et d'autres épithètes similaires. Les idoles païennes sont décrites comme étant faites d'or, d'argent, de bois et de pierre. Elles sont précisées être le fruit du travail de la seule main de l'homme, incapables de parler, voir, entendre, sentir, manger, saisir ou ressentir, et sans pouvoir de nuire ou de favoriser quiconque. Les idoles étaient désignées en hébreu par un terme de sens général ou alors étaient nommées en fonction du matériau utilisé ou de la technique de conception. Il est dit qu'elles étaient placées sur des piédestaux, et maintenues par des chaînes d'argent ou des clous en fer pour éviter qu'elles ne tombent ou soient dérobées (Esa. 40:19, 41:7; Jer. 10:14), et elles étaient également vêtues et peintes (Jer. 10:9; Ezek. 16:18).

 

Au début les dieux et leurs images étaient perçus comme un tout; mais par la suite une distinction fut faite entre le dieu et son image. Néanmoins la coutume d'emporter les dieux des vaincus subsista (Isa. 10:10-11, 36:19, 46:1 ; Jer. 48:7, 49:3 ; Hosea 10:5 ; Dan. 11:8), et une pratique similaire est fréquemment mentionnée dans les textes cunéiformes. Les idolâtres des temps bibliques croyaient-ils que les idoles qu'ils vénéraient étaient de véritables dieux ou esprits, ou les considéraient-ils comme des représentations de ces dieux ou esprits ? La Bible n'éclaircit pas ce point et bannit apparemment de telles croyances et pratiques sous les deux formes. Toutefois, on affirme que dans certains passages, certains auteurs bibliques avaient compris que les idolâtres vénéraient non pas les idoles elles-mêmes mais des dieux et esprits dont l'existence était indépendante des idoles. Par exemple, dans un passage de 1 Rois 18:27, le prophète hébreu Elie défie les prêtres de Baal au sommet du Mont Carmel d'amener leur dieu à accomplir un miracle, après qu'ils ont tenté de convaincre les juifs de s'adonner à l'idolâtrie. Les prêtres païens implorèrent leur dieu sans avoir recours à une idole, ce qui indique que Baal n'était pas une idole mais plutôt une des divinités polythéistes qui pouvaient être adorées par l'intermédiaire d'une idole. Mais on affirme aussi que les païens de la Bible hébraïque n'adoraient pas littéralement les objets eux-mêmes et donc que le sujet de l'idolâtrie consiste véritablement à croire en un faux dieu ou au vrai Dieu avec un faux raisonnement.

 

Les opinions chrétiennes

Les chrétiens du Ier siècle suivaient ce conseil divinement inspiré: “Fuyez l’idolâtrie” (1Cor. 10:14). D’ailleurs, les fabricants d’images voyaient dans le christianisme une menace pour leur commerce lucratif (Ac. 19:23-27). Dans «The Encyclopædia Britannica», tome XII, page 750 (édition de 1907), il est dit: «Les premiers chrétiens étaient absolument unanimes à condamner entièrement tout culte païen des images et les diverses coutumes, dont un grand nombre étaient manifestement immorales, auxquelles il était associé; il est inutile de multiplier les citations des pères pour prouver un fait aussi indiscutable.»... «En vérité, c’était une accusation courante portée contre les chrétiens par leurs ennemis qu’ils n’avaient ni autels, ni temples, ni images connues; et qu'ils n’élevaient aucune image ou forme d’un dieu quelconque, et cette accusation ne fut jamais démentie.»; ...«Les images étaient absentes du culte des premiers chrétiens. [...] L’Église des IVe et Ve siècles justifia l’introduction des images au motif que, mieux que livres et sermons, elles permettaient aux gens sans instruction d’apprendre l’histoire du christianisme.» — (Cyclopedia of Biblical, Theological, and Ecclesiastical Literature, volume 4, pages 503, 504).

 

Les opinions chrétiennes sur l'idolâtrie peuvent se ranger en deux catégories principales. La perspective catholique et orthodoxe (pas forcément limitée aux communions orthodoxes d'Europe de l'Est ou de l'Orient, et qui peut se compliquer passablement si l'on ajoute les anglicans et les méthodistes dans la discussion) et la perspective fondamentaliste. Les groupements puritains et protestants ont adopté une optique similaire à celle de l'islam, dénonçant toute forme de représentation religieuse, fût-elle en deux ou trois dimensions. L'origine du problème est une différence d'interprétation du Décalogue plus connu sous le nom des Dix Commandements (Ex. 20:1-17):

1 Alors L’ESPRIT DES VIVANTS prononça toutes ces paroles, en disant:

2 JE SUIS L’ADMIRABLE ton ESPRIT DES VIVANTS, qui t'ai retiré du pays d'Égypte, de la maison de servitude. Ex. 13. 3; De. 5. 6; Ps. 81. 10;

 

3 Tu n'auras point d'autres représentations divines devant ma face.

4 Tu ne te feras point d'image taillée, ni aucune ressemblance des choses qui sont là-haut dans les cieux, ni ici-bas sur la terre, ni dans les eaux sous la terre; Lé. 26. 1; Ps. 97. 7;

5 Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point; car JE SUIS L’ADMIRABLE ton ESPRIT DES VIVANTS, un ESPRIT DES VIVANTS jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants, jusqu'à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent,

6 Et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements.

7 Tu ne prendras point le nom de L’ADMIRABLE ton ESPRIT DES VIVANTS en vain; car L’ADMIRABLE ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en vain. Lé. 9. 12; Mt. 5. 33;

8 Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier; Éz. 20. 12;

9 Tu travailleras six jours, et tu feras toute ton œuvre; Ex. 23. 12; Ex. 34. 21; Lu. 13. 14;

10 Mais le septième jour est le repos de L’ADMIRABLE ton ESPRIT DES VIVANTS; tu ne feras aucune œuvre en ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes;

11 Car L’ADMIRABLE a fait en six jours les cieux et la terre, la mer et tout ce qui est en eux, et il s'est reposé le septième jour; c'est pourquoi L’ADMIRABLE a béni le jour du repos et l'a sanctifié. Ge. 2. 2;

12 Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés sur la terre que L’ADMIRABLE ton ESPRIT DES VIVANTS te donne. Mt. 15. 4; Ép. 6. 2;

13 Tu ne tueras point. Mt. 5. 21;

14 Tu ne commettras point adultère. Mt. 5. 27;

15 Tu ne déroberas point.

16 Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain.

17 Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit à ton prochain. Ro. 7. 7;

 

La controverse iconoclaste

Il n'est onc pas surprenant que les catholiques romains et les églises orthodoxes idolâtres citent l'œuvre de saint Jean de Damas, «Discours sur les images», pour justifier l'usage d'icônes, plutôt que la Bible elle-même. Il écrivait en réaction à la controverse iconoclaste qui commença au VIIIe siècle sous le règne de l'empereur byzantin Léon III et continua sous son successeur Constantin V. St Jean de Damas admet que la représentation du Dieu invisible est une faute mais que lors de l'incarnation où «le Verbe s'est fait chair» (Jean 1:14), le Dieu invisible est devenu visible et que, par conséquent, il est permis de représenter Jésus Christ. Il argumente: «Lorsque Lui qui est sans corps et sans forme… existant sous la forme de Dieu, S'incarne et prend la forme d'un serviteur en substance comme en stature et se retrouve dans un corps de chair, alors on peut dessiner Son image...». Il remarque également que dans l'Ancien Testament, les images et statues n'étaient pas systématiquement condamnées; on peut citer pour exemples les images gravées de chérubins sur l'Arche d'alliance ou le serpent de bronze mentionné dans le livre des Nombres. Il justifie également les marques extérieures de respect envers des icônes sur la base qu'il y a «différentes formes d'adoration» et que le respect montré à une icône diffère totalement de l'adoration de Dieu. Il poursuit en citant des exemples tirés de l'Ancien Testament: «Jacob s'agenouilla jusqu'au sol devant Ésaü, son frère, et aussi devant la pointe du bâton de son fils Joseph» (Genèse 33:3). «Il s'agenouilla, mais il n'adora pas. Joshua, le fils de Nun, et Daniel s'agenouillèrent en vénération devant un ange de Dieu (Joshua 5:14) mais ils ne l'adorèrent pas. Car l'adoration est une chose et ce qui est offert en marque de respect pour honorer quelque chose de grande valeur en est une autre». Il cite St Blaise qui affirme que « le respect donné à une image est transmis à son modèle». Saint Jean de Damas argumente alors que la vénération portée à une image du Christ ne s'y arrête pas - la substance de l'image n'est pas le sujet de la vénération - mais va au-delà de l'image à son modèle.

 

Au premier regards les arguments de Jean de Damas semblent logiques, mais il néglige certains éléments crucials à savoir que la nature humaine est déchue et complètement corrompue, que sa volonté est esclave de la chair et du péché (Rom. 7:18-24), et que le cœur de l'homme est tortueux par dessus toutes choses et désespérément malin (Jer. 17:9). Il y a donc en l'homme un penchant naturel qui le pousse à l'idolâtrie, puisqu'il est lui-même l'image de Dieu corrompue qui cherche à constamment à s'attribuer les caractéristiques de la divinité. Il est tout à fait naturel qu'il se fasse des fausses représentations de Dieu par des images et des statues qu'il adore comme Dieu dans son cœur rebelle. Autrement l'interdiction à l'idolâtrie n'aurait aucun sens. Jean de Damas fait donc de Dieu un menteur par son raisonnement subtil, pour lui Dieu serait donc dans l'erreur à propos de l'idolâtrie et le paganisme était donc dans la bonne voie en se formant des idoles comme des représentations de la divinité. Le raisonnement serpentin de l'homme devient donc évident dans les arguments de Jean de Damas ainsi que dans le catholicisme et l'orthodoxie idolâtre. L'idolâtrie ne peut être justifiée en aucune façon et doit être condamnée sévèrement dans tous ses aspects ou expressions, car Dieu est Esprit et toutes représentations de Lui sont fausses puisque personne ne peut voir un esprit. Pour les images de Jésus du temps de son séjour terrestre, elles ne sont généralement pas offensives et ne sont pas conçues pour porter les gens à les adorer mais pour transmettre un message. Vrai qu'il y a de l'abus en toutes choses, comme nous voyons chez les catholiques, mais cela n'en fait pas des idoles pour les gens sains d'esprit. Il y a toutefois certaines images qu'il faut condamner: toutes images ou représentations de la trinité; toutes images ou représentations de la vierge Marie comme la Madone ou mère de Dieu; toutes images ou représentations de personnes ou animal avec un nimbe ou cercle de lumière autour de la tête; toutes images, représentations ou figures d'un cœur sanglant avec une couronne d'épines; toutes images ou représentations d'un prêtre disant la Messe ou offrant le dieu galette en sacrifice; toutes images ou représentations du dieu galette ou hostie placée dans l'ostensoire ou dieu soleil; bref toutes images ou représentations religieuses qui proviennent du catholicisme doivent être évitées et condamnées comme des idoles. Grégoire le Grand précisait que l'évêque devait enseigner que les images ne sauraient être adorées, et sa parole était loi.

 

Manipulation des Saintes-Écritures

Auparavant, en 599 et 600, à la suite de la destruction des images dans les églises par l'évêque de Marseille Serenus, le pape Grégoire le Grand qui se disait «Dieu sur la terre» avait condamné cette attitude et, après Basile le Grand (329-379), Grégoire de Nazianze (330-390), Grégoire de Nysse (335-394) et Paulin de Nole (353-431), avait repris dans ses lettres à Serenus de Marseille que les images étaient utiles pour ceux qui ne savaient pas lire les livres. Cette excuse était comme jeter du sable dans les yeux des ignorants, car il aurait été beaucoup plus faciles de montrer aux gens comment lire et écrire et de les instruire dans les Saintes-Écritures, mais Rome craignait la lumière de la vérité et ne voulut surtout pas qu'elle pénètre dans l'esprit des peuples communs. Elle réussit cette astuce jusqu'à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg qui mit fin à son contrôle sur les peuples ignorants. Depuis, n'ayant pas le choix, elle apprit à contrôler ce que la Bible dit en manipulant et falsifiant ses textes, car elle ne pouvait plus l'interdire à ses fidèles. Elle utilisa les Dominicains et les Jésuites comme ses instruments d'amputation. Au niveau du protestantisme, la secte Baptiste est celle qui détient la couronne pour la manipulation des consciences et des textes de la Bible. Nous pouvons donc dire avec assurance: Telle mère telle fille, car puisque la mère est une prostituée sa fille va suivre inévitablement dans ses voies pernicieuses.

 

Le culte du dieu Soleil

La théologie prétendument chrétienne du catholicisme demande le prosélytisme, la transmission de la foi par la conversion à l'aide de missionnaires. Mais  ne vous trompez pas, il s'agit toujours de conversions forcées jusqu'à l'extermination d'un peuple si cela est nécessaire. Cela provoqua souvent des conflits avec les religions païennes et d'autres groupes chrétiens qui utilisaient des images d'une façon ou d'une autre dans leur pratiques religieuses. Les fondamentalistes protestants accusent souvent les pseudo-chrétiens catholiques et orthodoxes de traditionalisme, d'idolâtrie, de paganisme et d'iconolâtrie pour n'avoir pas «purgé leur croyance particulière» de l'utilisation d'images comme nous trouvons chez les luthériens. Toutefois la majorité du protestantisme n'utilise pas d'images dans leur culte religieux. Les pseudo-chrétiens catholiques et orthodoxes utilisent divers objets religieux tels que des icônes, de l'encens, l'Évangile, la Bible ou plus souvent un Missel, des bougies et des vêtements religieux, tous issus de la religion solaire du Mithraïsme, le fils du dieu Soleil. Les icônes sont principalement en deux et plus rarement en trois dimensions. selon la théorie dogmatique, ces objets sont vénérés comme emplis par la grâce et le pouvoir divins – (par conséquent les orthodoxes d'Europe de l'Est considèrent qu'ils ne sont pas des « formes creuses » et donc ne sont pas des idoles. On peut, selon eux, trouver des preuves de l'usage de tels objets dans l'Ancien Testament et chez les premiers chrétiens en forçant l'interprétation des textes. Mais les objets mentionnés dans l'Ancien Testament servaient au Culte du vrai Dieu, et non du faux dieu à trois têtes des catholiques, des orthodoxes et des protestants.

 

Les marques de vénération de la forme latreía, la vénération due au Dieu de leur imagination, sont interdites par la doctrine orthodoxe mais non par la doctrine catholique; toutefois la vénération d'images religieuses ou d'icônes sous la forme douleía n'est pas seulement permise mais obligatoire. La profondeur de leur perversion ne connait aucune borne. La distinction entre ces différents niveaux d'adoration, qui est très technique et peu discernable du point de vue des pratiques effectives, est généralement obscure pour l'observateur moyen. Cette distinction est préservée et enseignée par les fidèles au moyen des hymnes et prières qui sont chantées tout au long de l'année liturgique mithriaque du culte du Soleil.

 

Dans l'apologie orthodoxe des icônes, un parallèle est fait entre les icônes et le façonnage du serpent d'airain par Moïse (sous le commandement de Dieu), serpent qui était dépositaire de la grâce et du pouvoir divin de guérir ceux qui avaient été mordus par de vrais serpents: «Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.» (Nombres 21:9). D'autres parallèles sont faits avec l'arche d'alliance décrite comme un objet rituel au-dessus duquel Yahweh était présent (Nombres 10:33-36); ou le buisson ardent qui, selon l'Exode, permettait à Dieu de parler à Moïse; ou les Dix Commandements qui étaient la Parole de Dieu «Dabar Elohim» sous la forme de tablettes. Ces objets inanimés devinrent des médiums au travers desquels Dieu enseignait, parlait aux fidèles, les encourageait et les guérissait. Mais si ces choses n'existent plus, c'est que le cœur tortueux de l'homme en aurait fait des idoles, et c'est exactement cela que fait l'église catholique et l'église orthodoxe pour justifier leur culte solaire au dieu Mithra sous couverture chrétienne, en faisant des parallèles avec les Saintes-Écritures qu'ils pervertissent à leur perte.

 

Le culte d'adoration des images

La vénération ou plus précisément l'adoration d'icônes sous la forme latreía fut codifiée lors du deuxième concile de Nicée durant la controverse iconoclaste byzantine. La vénération d'icône est aussi pratiquée par l'église catholique qui adhère aux déclarations du septième concile œcuménique, mais elle est moins pratiquée, les catholiques modernes ne pratiquant généralement pas la prostration ou le baiser d'icônes, et de plus le Concile du Vatican II a recommandé la modération dans l'utilisation d'images. Les catholiques de rite oriental, toutefois, usent encore d'icônes dans leur liturgie. Mais sans utilisé de subtilité, la vénération des icones est nulle autre qu'un culte d'adoration livré à des images qui sont en réalité des idoles du dieu Soleil.

 

L'image chez les protestants

La plupart des groupes protestants évitent l'emploi d'images dans tout contexte proche de la vénération. Le protestantisme a considéré depuis ses débuts les images comme sujets d'imagination et d'éducation plutôt que vénération et adoration. Des icônes peuvent occasionnellement être aperçues dans certaines communautés religieuses hiérarchisées comme les anglicans, mais elles ne sont pas considérées ou utilisées de manière comparable à ce que l'on rencontre chez les catholiques et les orthodoxes, et leur présence est parfois sujette à controverse. Certains groupements protestants très conservateurs évitent tout usage d'images religieuses même pour l'imagination et l'éducation afin de ne pas donner la fausse impression qu'ils supporteraient l'idolâtrie. Dans le protestantisme l'idolâtrie est beaucoup plus subtile, elle ne se laisse pas voir si aisément que cela car elle touche plutôt les caractéristiques du cœur et de la conduite des fidèles par rapport au monde dans lequel nous vivons. Orgueil, arrogance, pédanterie, hypocrisie en sont tous des traits. Le culte de l'argent, du sexe, du sport, d'une personnalité mondaine (chanteur, artiste, sportif, etc.), du travail, de la position sociale, font tous parties de ce vaste domaine imprécis. Il faut trouver le juste milieu mais là est la difficulté pour la majorité des gens, car le cœur tortueux de l'homme nous porte naturellement à ambitionner sur des choses parfaitement légitimes.

 

L'idolâtrie ne se résume donc pas à l'adoration de statues païennes comme l'imagerie traditionnelle pourrait le faire croire. Idolâtrer quelque chose, c'est s'en occuper de façon immodérée jusqu'à en négliger Dieu et les principes essentiels de la foi chrétienne et biblique. Par exemple, une personne qui passe son temps à penser à l'argent, à gagner de l'argent et néglige Dieu sera considérée comme idolâtre. Ce principe est le même pour différentes choses. À l'heure actuelle, le christianisme moderne condamne fortement de telles idolâtries (argent, sport, loisir, télévision, ordinateur, théâtre, drogue, tabac, auto, moto, maison...), il y a beaucoup d'exagérations dans ce domaine, et à les écouter il faudrait sortir de cette planète. L'évaluation qu'en fait le christianisme moderne n'est donc pas nécessairement juste ou impartiale. Aujourd’hui l'idolâtrie consiste plutôt à un culte d'adoration de soi-même ou culte de l'estime de soi, et cette idolâtrie peut prendre diverses formes.

 


 

L'IDOLÂTRIE DE L'ÉGOCENTRISME

L'égocentrisme est cette tendance de ceux qui sont strictement centré sur eux-mêmes au détriment des autres. Il s'agit d'une forme d'individualisme ou tendance à s'affranchir de toute obligation de solidarité, à ne vivre que pour soi. Le narcissisme ou culte de la personnalité est son trait distinctif. Une personne égocentrique peut être bienfaisante envers une autre mais seulement si cela lui rapporte quelque chose en retour. Elle n'envisage le point de vue ou l'intérêt des autres qu'à partir du sien propre. Elle est caractérisée en particulier par l'ignorance de sa vie intérieure et donc par une confusion entre son moi et le monde. Bref, l'égocentrisme est «le culte d'adoration de soi-même» qui se nomme aussi «le culte de l'estime de soi». Figurativement on peut dire que son dieu est le miroir devant lequel elle estime sa réfection comme étant favorable, agréable et bénéfique à son existence afin d'attirer l'attention sur elle-même. Un égocentrique est généralement orgueilleux, égoïste, hypocrite et menteur. Ce sont des gens superficiels pour qui l'apparence est tout. On peut qualifier l'égocentrisme comme étant la maladie du siècle présent. En fait c'est la caractéristique prédominante des sectes dites évangéliques avec leurs nombreuses prétentions à la vérité.

 

Commençons cette réflexion en revenant brièvement à l’Ancien Testament, et plus précisément sur le roi de Tyr et son idolâtrie de lui-même (Éz. 28:2-19):

2 Fils de l'homme, dis au prince de Tyr: Ainsi a dit le Souverain, L’ADMIRABLE: Parce que ton cœur s'est élevé et que tu as dit: Je suis L’ESPRIT DES VIVANTS; je suis assis sur le trône de L’ESPRIT DES VIVANTS au sein des mers, quoique tu ne sois qu'un homme et non pas L’ESPRIT DES VIVANTS; parce que tu as élevé ton cœur comme si tu étais un être divin, És. 31. 3;

3 Certes, tu es plus sage que Daniel, aucun mystère n'est obscur pour toi;

4 Tu t'es acquis de la puissance par ta sagesse et par ton intelligence; tu as amassé de l'or et de l'argent dans tes trésors;

5 Tu as accru ta puissance par la grandeur de ta sagesse dans ton commerce, et à cause de ta puissance ton cœur s'est élevé;

6 À cause de cela, ainsi a dit le Souverain, L’ADMIRABLE:

7 Parce que tu penses être un être divin, à cause de cela, voici, je vais faire venir contre toi des étrangers, les plus violents d'entre les peuples, qui tireront leurs épées contre ton éclatante sagesse, et souilleront ta beauté. Jé. 6. 23;

8 Ils te précipiteront dans la fosse, et tu mourras, comme meurent les blessés à mort, au milieu des mers.

9 En face de ton meurtrier, diras-tu: "Je suis un être divin!" tandis que tu n'es qu'un homme et non L’ESPRIT DES VIVANTS, entre les mains de celui qui t'égorgera?

10 Tu mourras de la mort des incirconcis, par la main des étrangers; car moi j'ai parlé, dit le Souverain, L’ADMIRABLE.

11 De plus, la Parole de L’ADMIRABLE me fut adressée en ces termes:

12 Fils de l'homme, prononce une complainte sur le roi de Tyr, et dis-lui: Ainsi a dit le Souverain, L’ADMIRABLE: Tu étais le couronnement de l'édifice, plein de sagesse, parfait en beauté; Éz. 27. 3;

13 Tu te trouvais comme dans le contentement qui accompagne L’ESPRIT DES VIVANTS; tu étais couvert de pierres précieuses de toutes sortes, la sardoine, la topaze, la calcédoine, le chrysolithe, l'onyx, le jaspe, le saphir, l'escarboucle, l'émeraude et l'or. Les tambours et les flûtes étaient à ton service, préparés pour le jour où tu fus créé.

14 Je t'avais choisi comme protecteur perceptif* qui entour tout; tu étais sur la sainte montagne de L’ESPRIT DES VIVANTS; tu marchais au milieu des pierres de feu. *du mot Chérubin: un Voyant, un Vigilant, un Protecteur.

15 Tu fus intègre dans tes voies depuis le jour où tu fus établit, jusqu'à ce que l'iniquité ait été trouvée en toi.

16 Au milieu de ton riche commerce, ton cœur s'est rempli de violence, et tu devins coupable; je te précipiterai de la montagne de L’ESPRIT DES VIVANTS; je te détruirai, ô protecteur perceptif, du milieu des pierres de feu!

17 Ton cœur s'est élevé à cause de ta beauté, et tu as corrompu ta sagesse par ton éclat; je te jetterai par terre, je te donnerai en spectacle aux rois, pour qu'ils te regardent.

18 Tu as profané tes sanctuaires par la multitude de tes iniquités, par l'injustice de ton trafic; j'ai fait sortir du milieu de toi un feu qui t'a consumé, et je t'ai réduit en cendre sur la terre, en la présence de tous ceux qui te regardent.

19 Tous ceux qui te connaissent parmi les peuples ont été frappés de stupeur à ton sujet; tu seras un sujet d'épouvante, et tu ne seras plus jamais!

 

L'égocentrisme du roi de Tyr

Nous trouvons ici une imitation de l’adoration de soi que l’on trouve chez la race adamique initiale dans Genèse 3:4-7 qui est à la base de la chute de l'homme dans le Jardin d'Éden. Le chapitre d'Ézéchiel 28 dresse le portrait du péché et du jugement du roi de Tyr, et non d'un Satan imaginaire issu de la mythologie dite chrétienne. À la lumière du péché et du jugement d’Adam, le péché du roi de Tyr étant considéré comme une sorte de reproduction du péché primordial d’Adam. Par conséquent, selon Ézéchiel 28 et son interprétation de Genèse 3, le péché est la réorganisation de l’existence humaine autour de soi, l’être humain entrant ainsi dans une relation idolâtre à lui-même, dans laquelle il est celui qui crée, guérit et soutient. Friedrich Nietzsche aurait pu parler d’Adam, du roi de Tyr ou de tout individu égocentrique – y compris l’individu moderne, qui glorifie le moi par-dessus tout – lorsqu’il décrit ce qu’il appelle sa «morale des maîtres»: «L’homme noble sent que c’est lui qui fixe les valeurs, il n’a pas besoin d’approbation, il juge: «ce qui m’est nuisible est nuisible en soi», il sait que c’est lui qui confère de l’honneur aux choses, qui crée les valeurs. Tout ce qu’il trouve en lui, il l’honore: une telle morale est une glorification de soi-même (on y voit un lien d’idolâtrie entre Rom. 1:21 et 8:20; cette idolâtrie a conduit à ce que la création soit soumise au pouvoir de la fragilité ou futilité). On ressemble à ce qu’on adore. Il ne s’agit pas en fait d’autre chose que de la description d’une espèce idolâtre, qui fait d’elle-même sa propre idole.

 

David Wells décrit bien l’asservissement de l’Église moderne au culte du «moi», ainsi que la manière dont bon nombre de prédicateurs évangéliques «psychologisent» l’Écriture dans leur prédication afin d’être plus pratiques et de coller davantage au ressenti des auditoires modernes. En conséquence, ces prédicateurs parlent souvent du péché comme de failles ou de faiblesses personnelles, sans connotation morale. Comme l’écrit Wells, il s’agit d’une «transformation de la foi chrétienne», qui est extrêmement attrayante pour l’individu moderne, qui se préoccupe le plus souvent de son monde intérieur et qui veut sa “dose” d'estime de soi». Trop d’Églises sont aujourd’hui régies par la demande et cherchent à répondre aux aspirations des consommateurs à l’épanouissement individuel idolâtre. Wells décrit remarquablement ce syndrome du culte de soi: «Le plus important, de leur point de vue, n’est pas la structure morale de l’existence mais la manière de gérer leur personnalité changeante, leurs doutes, les étapes de leur vie, leurs tensions conjugales, ainsi que des calamités comme la perte d’un emploi et l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Telles sont les choses qui leur sont les plus réelles et qui épuisent leur énergie psychologique. Cependant, même si ce ne sont évidemment pas des questions sans importance, les questions morales brûlantes dont se préoccupe la Bible sont tout autres. Pour la Bible, ce qui est essentiel est ce qui est vrai et juste, le péché et la grâce, la colère de Dieu et la mort du Christ; mais ce qui est essentiel pour bon nombre de gens d’aujourd’hui, c’est tout simplement ce qui leur procure un soulagement intérieur. Une grande partie de l’Église d’aujourd’hui, en particulier évangélique, est captive de cette idolâtrie du « moi». Il s’agit d’une forme de corruption bien plus profonde que la liste des infractions qui viennent à l’esprit lorsque l’on entend le mot «péché».

 

L'Église moderne se prostitue

Nous tentons d’éliminer les moucherons des petits péchés tout en avalant le chameau du «moi». Cette idolâtrie est aussi envahissante et spirituellement anémiante que l’étaient un bon nombre des compromissions avec les religions païennes dont nous parle l’Ancien Testament. Cet attachement au «moi» paraît si différent de l’attachement d’autrefois aux dieux païens que l’Église ne voit pas son infidélité. Pourtant, la conséquence n’en est pas moins catastrophique, car le «moi» n’est pas moins exigeant. Il possède tout autant de capacité que n’importe quel autre dieu ou déesse sur le marché. L’Église moderne se prostitue avec ce dieu aussi assidûment que les Israélites des périodes sombres. Elle donne le nom de foi à l’orgueil qui nous conduit à penser beaucoup à nous-mêmes et à avoir une haute estime de nous-mêmes. Nous pensons trop souvent que cette vie est notre vie, que nous découvrons nos dons, pour notre carrière, pour notre famille, et ainsi de suite.

 

Même les communautés chrétiennes dont les membres se préoccupent beaucoup de ce qu’ils font pour Dieu sont imprégnées de cette logique. Eugene Peterson décrit bien cette mentalité: Est-ce que nous avons conscience que la culture de l’Église américaine reproduit quasiment à l’identique la culture cananéenne de Baal? La religion de Baal concerne ce qui vous fait vous sentir bien. Le culte de Baal consiste en une immersion totale dans ce que je peux obtenir pour moi. Et bien sûr, elle connaissait un incroyable succès. Les prêtres de Baal pouvaient rassembler des foules vingt fois plus nombreuses que celles des fidèles de Yahvé. Il y avait du sexe, de l’animation, de la musique, de l’extase, de la danse. « Ici, les amis, nous avons des filles. Nous avons des statues et des fêtes. C’était génial. Qu’avaient les Hébreux à offrir en échange? La Parole. Mais qu’est-ce que la Parole? Disons que les Hébreux avaient au moins des fêtes, à défaut d’autre chose… C’est le mot le plus intéressant que nous ayons: salut, être sauvé. Nous sommes sauvés d’un mode de vie dans lequel il n’y a pas de résurrection. Et nous sommes sauvés de nous-mêmes.

 

Définir la vie spirituelle

On peut définir la vie spirituelle de la manière suivante: être tellement lassé et écœuré de soi que l’on cherche quelque chose de mieux, et c’est suivre Jésus. On ressemble à ce qu’on adore. Mais dès le moment où l’on commence à promouvoir la foi sur la base des avantages qu’elle apporte, on ne fait qu’exacerber le problème du «moi». «Avec le Christ, vous vous sentirez mieux, vous serez plus fort, plus apprécié, vous connaîtrez une certaine extase.» Mais ce n’est rien d’autre que davantage de «moi». La démarche chrétienne, au contraire, consiste à se lasser tellement de soi que l’on peut commencer à regarder à Jésus. Nous avons tous déjà rencontré ce genre de personne spirituelle. Le genre merveilleux, qui aime le Seigneur, qui prie et lit la Bible sans arrêt. Mais qui ne pense en fait qu’à elle-même. Non qu’elle soit une personne égoïste. Mais elle est au centre de tout ce qu’elle fait. «Comment puis-je mieux témoigner? Comment puis-je mieux faire? Comment puis-je mieux venir en aide à cette personne?» C’est moi, moi et moi; un moi si bien déguisé qu’il est difficile à reconnaître tant son discours spirituel est désarmant.

 

Il est intéressant que Peterson propose la même analyse que David Wells de la culture évangélique, identifiant l’idolâtrie à une excessive concentration sur soi, qu’il perçoit comme un problème de la culture ecclésiale et pas seulement une caractéristique pécheresse de la culture non chrétienne. De même, l’idolâtrie du temps de l’Ancien Testament n’était pas seulement le problème des peuples païens. Israël était tout aussi concerné. Adam était le modèle de l’individu égoïste et égocentrique, et le prototype du reste de l’humanité déchue, comme nous l’avons vu par exemple dans l’exemple du roi de Tyr. Ce culte du «moi» s’exprime aussi dans l’usage que fait la culture occidentale des expressions «image de soi» et «estime de soi». On peut définir ainsi l’estime de soi: «confiance en soi [seulement] et satisfaction de soi». On utilise parfois ce langage dans le contexte de la psychologie et de la relation d’aide, lorsque les problèmes de la personne sont liés à une mauvaise image de soi. On considère que si les gens peuvent se sentir bien avec eux-mêmes, alors leur motivation en sera changée et ils cesseront d’agir selon les mauvaises habitudes qu’ils ont adoptées. S’il est vrai qu’une image de soi trop mauvaise peut causer des problèmes, une mauvaise compréhension de ce que sont l’estime de soi et l’image de soi peut tout autant conduire à de graves problèmes.

 

Trop souvent, on définit une bonne image de soi comme un amour de soi, au sens où « nous devrions aimer ce que nous sommes par nature, indépendamment de la grâce de Dieu [en Christ]. Ce genre d’amour ouvre la voie à l’orgueil; il est même la première étape de l’orgueil. Selon Paul Brownback, l’amour de soi peut même conduire au culte de soi: «Le plus grand risque de l’amour de soi est le culte de soi. C’est l’idolâtrie de soi, devenir sa propre idole, l’antithèse de la bénédiction légitime qui est offerte à ceux qui sont pauvres en esprit. C’est la porte ouverte à l’orgueil devant Dieu et à l’égoïsme.»

 

Être son propre dieu

Il faut cependant se demander comment l’idolâtrie de soi se rapporte à l’aspect particulier du culte des idoles que nous avons étudié. Il serait en effet étrange de dire que l’on finit par se ressembler si l’on fait de soi son idole. Mais à bien y réfléchir, ce n’est peut-être pas aussi étrange qu’il y paraît. Il n’est pas rare, dans notre monde occidental, que les gens refusent l’idée d’un Dieu surnaturel, comme le Dieu de la Bible; en conséquence, ils affirment parfois avec conviction qu’ils sont leur propre dieu. Rappelons-nous que le roi de Tyr était ainsi accusé: «ton cœur s’est élevé» (Éz 28:2, 5); et : «tu as proclamé: “voici, je suis dieu”» (Éz 28:2); «tu t’es cru aussi sage que Dieu» (Éz 28:6). On peut assurément y voir une indication de l’orgueil du roi. Mais il y a plus. La condamnation semble comprendre l’idée d’un roi qui «s’élève» d’une manière qui est pécheresse pour les humains. Il tente d’élever son ego. Il s’enfle d’orgueil en augmentant ses biens et ses richesses pour son bon plaisir et sa propre satisfaction. L’image extraordinaire qu’il projette n’est en réalité qu’un fragile ballon d’air chaud, qui éclatera inévitablement dès que la main du juge divin en décidera (Éz 28:7-10). Au lieu de participer à l’expansion de la sphère de la gloire de Dieu, il fait artificiellement gonfler sa propre gloire. Paradoxalement, en faisant grandir son ego, c’est son péché qu’il accroît (Éz 28.18). Le roi de Tyr, qui reproduit le comportement d’Adam et qui est donc le représentant de tout humain orgueilleux, fait l’objet d’une critique qui montre que lorsque l’être humain se place lui-même au centre de toutes choses, il reflète une image agrandie de lui-même en s’enflant artificiellement d’orgueil.

 

Lorsque l’on accroît ses biens pour son propre intérêt, on reflète, comme le roi de Tyr, son propre ego, le grossissant par des choses matérielles qui sont inextricablement liées à soi. Lorsque l’on se consacre au développement de son ego, alors cet ego enfle. On devient alors de plus en plus l’ego égoïste que l’on adore, car il occupe de plus en plus de place. Cependant, cette expansion est artificielle; elle ne peut en fin de compte apporter aucun sens ni satisfaction, et elle finira par se dégonfler. On ressemble à ce que l’on révère, et si l’on se révère soi-même, on cherche à grandir sa propre image de façon égotiste, ce qui conduit à la destruction si rien ne vient interrompre le processus. Par conséquent, si l’on essaie de se grandir, alors on ne fait que refléter son propre ego de façon croissante. Cette réflexion est conforme à l’idée d’idolâtrie que nous avons étudiée au fil de ce livre: on devient comme l’objet terrestre auquel on se consacre, ce qui conduit à la destruction. Si l’on veut refléter une idole de soi et se grandir, on doit faire face à un jugement qui nous rend au contraire petit. Si l’on désire accroître la gloire du vrai Dieu et en devenir le reflet, on a part à la grandeur et à la gloire divines. C’est ainsi que Dieu est perçu comme le grand Dieu unique qui se tient au centre de l’ensemble de l’ordre créé.

 

Devenir ce que Dieu veut

Il existe cependant un amour de soi qui est bon et qui rend véritablement heureux; il consiste à désirer devenir ce que Dieu veut que l’on devienne. Plus précisément, nous aimons Dieu, et cet amour nous conduit à devenir ce que Dieu veut que nous soyons. Aimer Dieu, paradoxalement, est la meilleure expression possible de l’amour de soi, car c’est en aimant Dieu qu’on trouve le bonheur. Cet amour est en premier lieu amour de Dieu, expression d’un désir de refléter de plus en plus son image, d’accroître ce que l’on peut voir de lui et de faire diminuer l’ego humain. À cet égard, on aurait tort de définir l’expression «image de soi » comme le fait de se sentir bien avec soi-même et sûr de ses propres capacités ou de son propre comportement, indépendamment de toute autre réalité. À strictement parler, l’image de soi ne peut être définie que comme «la conception que l’on a de soi et de son rôle». Avoir une bonne image de soi, d’un point de vue biblique, c’est avoir une juste perception de sa condition de pécheur pardonné, créé tout à nouveau par la grâce en Christ. C’est donc aussi commencer à ressembler à l’image de Dieu en Christ et vouloir refléter sa gloire dans tous les aspects de notre vie. S’il est vrai que le péché demeure bien présent même dans la vie d’une telle personne, la grâce de Dieu y est encore plus présente, arrachant le croyant à la conformité pécheresse au monde pour le transformer à l’image de Dieu, selon un processus qui ne s’achèvera qu’à la fin de l’histoire. À ces façons de refléter le monde plutôt que Dieu s’ajoute une autre manière subtile dont les chrétiens se laissent conformer au monde plutôt qu’au Christ. C’est par l’idole des médias. Selon un sociologue chrétien: «Aimer son prochain comme soi-même» (Lc 10:27) n’est pas une injonction à s’aimer soi-même; le verset présuppose que tout être humain s’aime lui-même (c.- à-d. veut le meilleur pour sa vie) et que ce schéma peut servir de base à l’amour du prochain: vouloir le meilleur pour les autres, comme on veut le meilleur pour soi. Le verset n’est autre qu’une reformulation de la règle d’or: «faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous.» On ne peut y voir un appui aux idées modernes d’estime de soi et d’image de soi.